|
La science du chaos L'obliquité de l'orbite terrestre (III) En 1984, Jacques Laskar du Bureau des Longitudes démontra que le système solaire obéissait à un régime chaotique, et pas seulement les orbites planétaires mais également les paramètres orbitaux des planètes prises individuellement. Il découvrit que ces instabilités pouvaient avoir des conséquences dramatiques. Un jour par exemple Mercure pourrait disparaître. Il démontra également que sans la Lune, la Terre oscillerait à ce point sur son axe que les variations climatiques qu’elle subirait entraveraient le développement de la vie. Il étudia l’évolution de l’axe de rotation de la Terre, l’obliquité de l’écliptique qui présente aujourd’hui un angle de 23°27 avec la verticale et une période de 26000 ans. Ce mouvement périodique engendre la précession des équinoxes. L’effet cumulé de toutes les planètes provoque également une modification de l’obliquité de l’orbite de la Terre, dont la période est de l’ordre de 100000 ans. Toutes ces phénomènes d’excitations quasi périodiques entraînent une modification de l’axe de rotation de la Terre avec des périodes bien distinctes qui provoquent une petite oscillation de 1.5° autour des 23°27’ d’obliquité. Ce mouvement est suffisant pour modifier la répartition de l’insolation à la surface de la Terre, en particulier dans les régions de hautes latitudes, limite des calottes polaires. L’insolation peut ainsi varier de 20% durant l’été. Quand l’été n’est pas très chaud dans les hautes latitudes, les glaces accumulées pendant l’hiver ne fondent pas et réfléchissent très bien le Soleil. Par conséquent, la planète se refroidit et par effet boule de neige, la glace s’accumulera plus facilement et on finira par assister à une nouvelle période glaciaire. Si l’insolation est suffisamment forte dans les hautes latitudes, les glaces accumulées pendant l’hiver fondreront en été et nous serons dans une période interglaciaire. En fait ce petit 1.5° peut déjà engendrer des variations climatiques importantes et l’on pense que c’est ce type de phénomène qui est à l’origine du déclenchement des périodes glaciaires. Ce mouvement de précession est dû à la force de marée engendrée par le Soleil et par la Lune. Cet effet de marée est pour 2/3 lié à la Lune, et 1/3 seulement dû au Soleil. Si on supprime la Lune, on supprime donc les deux tiers de l’effet mais il subsistera toujours une précession de l’orbite de la Terre dont la période sera trois fois plus longue, de l’ordre de 75000 ans. Cette quantité est fort proche des périodes d’excitations planétaires. Dans ces conditions il peut apparaître des effets de résonances à différentes fréquences d’excitation, dont l’enchevêtrement créera une zone chaotique très étendue, tellement grande qu’elle rendra l’orbite de la Terre très instable, son obliquité pouvant varier de 0 à 90°. Ce chaos est très important et se développe pratiquement sur la totalité de l’espace des phases. La perte angulaire vue précédemment et qui agissait sur l’angle de précession, dans le sens de rotation de la planète sur son orbite se présente maintenant sur l’angle de précession. Alors que la variable de type action engendre une diffusion plus longue, dans le cas présent elle agit sur l’obliquité. Le chaos est tellement fort que ces variations sont très importantes. On peut essayer de se représenter le climat de la Terre si son axe de rotation présentait une obliquité de 90°. Face au Soleil, tout l’hémisphère nord reçoit sa chaleur en permanence mais six mois plus tard notre hémisphère subirait les rigueurs de la nuit durant presque 6 mois, cumulé avec un climat hivernal. La théorie proposée de Laskar est cohérente et explique parfaitement la dynamique des systèmes complexes et du chaos, résolvant les problèmes que nous pose la stabilité du système solaire. Le théorème de KAM On peut alors se demander si la quantification du chaos résout tous les problèmes ? En 1954, Andréï Kolmogoroff[13] réexamina le problème des “trois corps” et démontra que dans un système Hamiltonien perturbé non dégénéré, il existait parmi les solutions non régulières décrites par Poincaré, quelques trajectoires quasi périodiques dans les tori isolés de l’espace des phases. Il semblait donc possible d’apprivoiser le comportement complexe du mouvement des corps célestes. Ce résultat fut complété par Vladimir Arnold[14], un élève de Kolmogoroff, qui démontra que pour une perturbation suffisamment petite, l’ensemble de tori invariant occupé par les trajectoires quasi périodiques avaient tendance à se réunir lorsque la perturbation tendait vers zéro. En fait, la convergence ou la non-convergence des séries dépendait des conditions initiales. Moser trouva le même résultat pour des conditions moins fortes qui ne nécessitaient pas l’approche analytique Hamiltonienne. Dans les cas les plus simples il existait donc un grand nombre de solutions régulières. Le théorème de KAM (Kolmogoroff-Arnold-Moser) est une description globale de tout ce qui peut se passer dans ce genre de système pour toute condition initiale. Si les perturbations sont petites le système présente un grand nombre de trajectoires régulières; si les perturbations augmentent des zones d’instabilités de plus en plus grandes apparaissent. la question est de savoir où se situe le système solaire dans ce modèle. Est-ce près du centre, où toutes les trajectoires sont presque régulières ou dans les zones d’instabilités plus fortes ? Il n’y a qu’un seul moyen de le savoir, c’est d’injecter dans les équations les constantes effectives du système solaire. Le théorème de KAM a été appliqué dans des domaines variés. Malheureusement il ne s’applique pas directement au problème planétaire qui présente ses propres dégénérescences. En fait le Hamiltonien non perturbé dépend seulement des demi-grands axes et non des autres variables en action. Lorsque le calcul est posé à "N corps" des résonances séculaires apparaissent suite à la variation de la précession des orbites des planètes. Elles génèrent des perturbations sur une échelle de temps beaucoup plus longue, de l'ordre du million d'années. La rotation de l'orbite sur son plan (précession du périhélie) s'ajoute au mouvement de rotation de ce plan dans l'espace (précession du noeud ascendant). Il se voit gratifié d'une variation de l'excentricité et de l'inclinaison de l'orbite. Ces perturbations orbitales se retrouvent dans l’orbite des astéroïdes, des satellites tel Hypérion[15] l’un des satellites de Saturne, dans celui de certaines comètes[16] et bien sûr dans les orbites de toutes les planètes et de la Lune. Les résultats de Arnold ont suscité beaucoup de discussions. En effet, étant donné que les tori quasi périodiques de KAM sont isolés, un changement infinitésimal des conditions initiales peut modifier une solution, une orbite stable devenant soudainement chaotique. En outre, puisque le système planétaire a plus de deux degrés de liberté, aucun des tori de KAM ne divise l’espace des phases, offrant une chance aux trajectoires chaotiques de parcourir de longues distances dans l’espace des phases. En fait des travaux menés depuis 1977 ont démontré[17] que pour les trajectoires situées très près d’un tori de KAM, la diffusion des solutions était très lente et peut être négligée sur une très longue période, peut-être aussi longue que l’âge de l’Univers.
Bien que la masse actuelle des planètes soit beaucoup trop importante pour que l’on puisse appliquer directement cette théorie au système solaire, on pensait en général que ces résultats mathématiques s’étendaient bien au-delà des limites démontrées, et encore au milieu du XXe siècle, les astronomes admettaient généralement que le système solaire était stable sur sa durée de vie, “dans n’importe quelle acceptation raisonnable de ce terme”. Mais depuis, le problème de la stabilité du système solaire a considérablement progressé, en particulier grâce à l’aide providentielle des ordinateurs qui permirent d’étendre les calculs analytiques et les intégrations numériques sur des échelles de temps approchant l’âge du système solaire, mais aussi grâce à une meilleure compréhension de la dynamique sous-jacente, résultant d’une expansion du champ complet de la théorie des système dynamiques. La diffusion chaotique des orbites planétaires La simulation des phénomènes dynamiques du système solaire impose les ordinateurs les plus rapides et les plus puissants, de la génération des CRAY. Les mouvements planétaires ont un statut privilégié. Ils représentent en effet l’un des problèmes les mieux modélisés de la physique, dont l’étude peut pratiquement se réduire à l’étude du comportement des solutions de ses équations gravitationnelles (l’équation de Newton complétée par les corrections relativistes pour la plupart des planètes inférieures), en négligeant toutes les “dissipations” et en traitant les planètes comme des masses ponctuelles, exception faite de la Terre pour laquelle, si l’on veut des résultats plus précis, il faut tenir compte de la perturbation introduite par la Lune. La complexité mathématique de ce problème est un défi pour les mathématiciens et les astronomes depuis sa formulation il y & trois siècles. Aujourd’hui encore, les résultats sont fonctions de la puissance de traitement et de la capacité mémoire des ordinateurs. Les premières études numériques à long terme englobaient les planètes extérieures, de Jupiter à Pluton et remontent aux travaux de C.Cohen, E.Hubbard et C.Oesterwinter en 1973. Il est en effet plus facile d’intégrer numériquement les déplacements des planètes extérieures car elles se déplacent plus lentement sur leur orbite. Pour intégrer l’orbite de Jupiter, un pas de 40 jours suffit, alors qu’un pas de 0.5 jour est requis pour intégrer le déplacement de tout le système solaire en utilisant un pas multiple d’intégration classique. Cela signifie que durant le même temps de calcul du processeur, celui-ci doit effectuer 80 fois plus d’opérations, devenant donc 80 fois plus lent. Seule solution, changer de technologie et travailler avec des ordinateurs massivement parallèles et vectoriels capables de traiter en parallèle plusieurs tâches.
Malgré la rapidité et la précision des ordinateurs, la diffusion des orbites planétaires demeure. Ainsi à l’Observatoire de Nice C.Froeschlé a vérifié numériquement les calculs d’éphémérides concernant l'apparition de la comète de Halley depuis 4 millénaires. Il est arrivé à la conclusion que son mouvement est également chaotique. Sa tarjectoire est exacte jusqu'en -164, au-delà les prédictions orbitales divergent de façon exponentielle ! En fait, il est excessif de dire que sa trajectoire est exacte pour des dates passées car elle dépend de la perte de masse de la comète qui reste indéterminée. Ainsi, même si vous essayez de superposer des photos du noyau de Halley prise en 1986 à celle de sa trajectoire calculée quelques années auparavant ou après, la position estimée de son centre de gravité n'est pas superposable à l'image (même un logiciel comme "Stellarium" peut facilement mettre ce décalage en évidence). F.Richard Stephenson[18] et ses collègues de l’Université de Durham ont rassemblé les éphémérides du passage au périhélie de Halley calculés par Y.Chang, W.Landgraf et J.Brady sur le même intervalle de temps et ils ont obtenu des déviations de plus en plus élevées à mesure qu’ils remontaient le temps. Entre 300 et 700 avant notre ère, les déviations augmentent graduellement passant d’une incertitude oscillant entre +100/-200 jours à +300/-1500 jours. Ces "diffusions chaotiques" de l'orbite peuvent être cernées dans la mesure où les astronomes analyseraient un grand nombre de trajectoires cométaires. Ils pourraient alors découvrir la source des perturbations, le nuage de Oort ou la Ceinture transneptunienne. Il fallut attendre 1987 et la disponibilité d’ordinateurs suffisamment puissants pour que G.Sussman et J.Wisdom[19] du MIT découvrent la réponse en laisser travailler le Digital Orrerey, un ordinateur vectoriel à traitement parallèle, durant 4 mois. Ils se limitèrent également aux planètes extérieures afin de réduire le pas d’intégration et calculèrent le mouvement de Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune et Pluton pendant 874 millions d’années. Ils découvrirent finalement que le mouvement de Pluton n’était pas régulier. Pour deux conditions initiales très voisines, les deux solutions divergeaient exponentiellement avec un temps caractéristique de l’ordre de 20 millions d’années. C’était le signe que Pluton subissait un mouvement chaotique : l'exposant de Lyapunov était de l'ordre de 1/20 millions d'années, c'est-à-dire qu'il est multiplié par 3 tous les 20 millions d'années.
Mais Pluton reste une petite planète dont la masse est dérisoire par rapport à celle du Soleil (1.3x10-7); il n'entraîne pratiquement pas d’instabilité macroscopique dans le reste du système solaire, qui apparaît relativement stable dans ces études. L'année suivante, le consortium européen du projet "Long-stop" confirma ces résultats sur un ordinateur CRAY[20]. J.Laskar[21]étudia le même problème en partant d’une idée tout à fait différente. Il essaya de tenir compte de tous les développements qui avaient été réalisés par Laplace, LeVerrier et Poincaré sur les séries de perturbations et de malgré tout les utiliser dans une nouvelle approche du problème. Bien sûr, si on n’utilise que les séries de perturbations on ne peut obtenir que des solutions régulières mais l’idée est d’utiliser ces séries afin de soustraire du problème toutes les séries régulières. Dans l’ensemble des mouvements planétaires, il y a les mouvements rapides des planètes autour du Soleil et les mouvements de précession de ces orbites qu’avait découvert Laplace. Les mouvements de précession des orbites sont des mouvements qui ont période de l’ordre de 100000 ans alors que les mouvements planétaires sont de l’ordre de l’année. L’idée de Laskar était donc d’utiliser ces séries pour supprimer tous les mouvements rapides des planètes et ne conserver ensuite que les mouvements lents de précession des orbites.
Pratiquement cela signifie que l’on prend les équations du mouvement de Newton, auxquelles on ajoute les correctifs relativistes que l’on développe ensuite en séries et que l’on somme. On obtient une expression finale de 150000 termes environ qui, partant d’une seule page d'équations rempli à présent quelque 800 pages de polynômes ! Ceci représente un système “simplifié” car à présent les périodes fondamentales de ce système d’équation sont de l’ordre de 100000 ans. Ce système est a priori instable et si l’on essaye de prolonger les séries de perturbations sur ce système, différents problèmes surgissent. Il faut donc s’arrêter à ce stade et étudier ce système de façon numérique. Mais au lieu d’utiliser un pas de 0.5 jour on peut utiliser un pas beaucoup plus long, de 500 ans pour toutes les planètes, ce qui nous donnera une position tous les 500 ans. Ainsi pour connaître le mouvement des planètes sur 200 millions d’années il suffira de faire tourner l’ordinateur vectoriel durant quelques heures. Cette méthode a permis de démontrer que le mouvement des planètes, et en particulier celui des planètes inférieures Mercure, Vénus, La Terre et Mars avait un temps caractéristique de l’ordre de 5 millions d’années. Cela signifie que si l’on a deux solutions initialement proches, leurs trajectoires vont s’éloigner, non pas linéairement, mais de façon exponentielle. Ainsi si nous avons une incertitude de 15 mètres sur la position actuelle de la Terre, au bout de 10 millions d’années nous auront une erreur de 150 mètres sur sa position. En soi cette valeur est dérisoire et aucune éphéméride ne pourrait jamais prétendre avoir une telle précision, qui est tout à fait suffisante. Mais si on prolonge les calculs sur 100 millions d’années on aura une incertitude de 150 millions de km, c’est-à-dire égale à la distance qui nous sépare du Soleil et on ne pourra plus situer la Terre sur son orbite. Nous voilà donc confronter à une limite pratique qui nous empêche de prédire précisément le mouvement des planètes. Tout se passera bien si nous nous limitons à une dizaine de millions d’années, mais sur 100 millions d’années nous sommes incapables de prédire son avenir. Nous sommes dans l’impossibilité de calculer cette position aujourd’hui, mais nous le saurons également dans 1000 ans ou dans 10 millions d’années. 15 mètres représente en fait la perturbation engendrée par le passage d’un astéroïde. Si nous désirons garder une telle précision à très long terme, il faudrait inclure dans notre modèle tous les objets engendrant des perturbations de l’ordre de 15 mètres, autant dire les centaines de milliers de corps qui peuplent le système solaire, astéroïdes, comètes, satellites gardiens, et fragments de toutes sortes. Si on veut aller encore plus loin, passer d’une précision de 15 mètres à 15 microns, au lieu d’avoir une erreur de 150 millions de km au bout de 100 millions d’années, on aura une erreur de 150 millions de km au bout de 160 millions d’années; on n’aura donc pas changé grand chose et cela représente donc vraiment une limite pratique de nos capacités à prévoir l’avenir des mouvements du système solaire. Cette erreur de 150 millions de km ne signifie pas pour autant que la Terre ne suit pas son orbite de façon régulière. Le mouvement de la Terre se caractérise par deux variables, l’une dite de distance, l’autre d’action et par une troisième variable angulaire qui caractérise la position de la Terre sur son orbite. Ce que l’on perd dans cette divergence exponentielle c’est en fait l’orientation de l’orbite dans l’espace. L’orbite ne se sera pas déformé mais on perd en premier lieu sa position angulaire, ce qui provoque cette incertitude de 150 millions de km au bout de 100 millions d’années. En intégrant ces variations sur plusieurs milliards d’années, on remarque que l’incertitude est régulière et ne bouge pas pour les grosses planètes, dont l’orbite ne subit presque aucune diffusion. Pour les planètes inférieures ce n’est pas du tout pareil. Pour la Terre et Vénus on observe que la diffusion est modérée. L’excentricité actuelle de la Terre est de l’ordre de 1.7% avec une valeur maximale dans un modèle régulier Laplacien qui peut atteindre 6%. Par diffusion l’orbite de la Terre peut atteindre une excentricité de quelque 8% sur une période d’environ 5 milliards d’années. Mars présente une excentricité beaucoup plus forte, qui peut atteindre 10% dans un modèle régulier Laplacien. Sur 5 milliards d’années son excentricité pourrait doubler, atteignant 20% et peut-être plus par l’effet de la diffusion. Dans le cas de Mercure, la diffusion est tellement forte qu’elle pourrait quitter son orbite. En fait, l’excentricité maximale de Mercure est d’environ 24% dans un modèle Laplacien et pourrait au bout de 5 milliards d’années atteindre l’unité. En s’allongeant énormément l’orbite de Mercure pourrait donc croiser celui de Vénus et suite à une rencontre rapprochée, on pourrait assister à l’éjection de la planète. Y aurait-il donc une limite dans la prédiction des mouvements planétaires ? Ne serait-il plus possible de déterminer la trajectoire de la Terre dans le futur où loin dans le passé ? J.Laskar confirme que toutes les planètes sont extrêmement sensibles aux conditions initiales et rendent impossible toute prédiction au-delà de 100 millions d'années environ. La planète la plus perturbée est Mercure, les effets de sa dynamique chaotique étant clairement visible au-delà de 400 millions d’années[22].
J.Wisdom de MIT mesura à son tour l’excentricité d’un astéroïde situé dans la lacune 3/1 de la Ceinture d’astéroïdes sur un intervalle de plus de 2 millions d’années. Alors que son excentricité moyenne égale 0.08, à intervalles réguliers, une dizaine de fois en 2 millions d'années, son excentricité dépasse 0.3. Des graphiques simulant la section de Poincaré correspondante indiquent que le tore qui contient les trajectoires a la forme d'une goutte et que des zones chaotiques de son orbite pourraient engendrer de telles fluctuations. On retrouve également ce comportement chaotique chez les satellites de forme irrégulière[23] et dans les lacunes de Kirkwood (1867) qui ne sont pas distribuées aléatoirement dans la ceinture des astéroïdes[24]. Un peu découragé par cette incertitude à long terme, J.Laskar[25] conclut : "nous sommes loin du centre stable, et plutôt dans la zone chaotique entourant une île [...]. Répondre à une telle question est cependant envisageable, mais nécessitera encore de nombreuses années de recherche". En 1994 eut lieu à Paris le XIe ICMP Colloquium qui rassembla pendant quatre jours les spécialistes mondiaux de la mécanique céleste et du chaos. J.Laskar[26] était présent et résuma en quelques mots quelle était son impression après avoir étudié pendant 10 ans la dynamique du système solaire : "Le chaos à grande échelle est présent partout dans le système solaire. Il joue un rôle majeur dans la construction de la ceinture des astéroïdes et dans la diffusion des comètes à partir des régions externes du système solaire. Toutes les planètes inférieures ont probablement connu un comportement chaotique de leur obliquité à grande échelle durant leur histoire.[...] L’organisation des planètes dans le système solaire semble être fortement en relation avec ce comportement chaotique, situé de tout temps dans un état de stabilité marginal [...]". Prochain chapitre Les autoroutes interplanétaires
|