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Les découvertes de Gaia

Gaia scrutant la Voie Lactée. Document T.Lombry.

État de la recherche en astrophysique (I)

Gaia est un satellite astrométrique de l'ESA du programme Horizon 2000+ qui fut lancé le 19 décembre 2013 pour une mission de 5 ans qui devait se terminer en 2020 mais sa mission est maintenue tant qu'il fonctionne.

Gaia travaille en optique entre 330 et 1050 nm et poursuit la tâche commencée par le satellite Hipparcos en 1989. Gaia a pour mission de mesurer la position et la luminosité de plus de 1.3 milliard d'étoiles soit ~1% du contenu stelllaire de la Voie Lactée, ainsi que les paramètres (distance, mouvement propre, parallaxe, magnitude et couleur) de près de 1.7 milliard d'étoiles jusqu'à la magnitude 20, y compris celles rassemblées en amas ouverts, amas globulaires et dans les galaxies proches telles que les deux Nuages de Magellan. Le catalogue de Gaia comprend également la vitesse radiale de plus de 7 millions d'étoiles, la température effective (de surface) de plus de 100 millions d'étoiles et la quantité de poussière sur la ligne de visée de 87 millions d'étoiles. Enfin, ces données comprennent plus 6.6 millions de candidats QSO, 4.8 millions de candidates galaxies, 10.5 millions de sources variables et la position de 158152 objets connus du système solaire, pour la plupart des astéroïdes.

L'analyse de ces données doit permettre de caractériser et cartographier en détails le système solaire, la Voie Lactée (dont le calcul de sa masse) et l'univers proche et d'améliorer nos connaissances concernant la structure et l'évolution de ces systèmes.

Gaia est placé sur le point L2 de Lagrange sur une orbite de Lissajous où rejoint le JWST et Euclid notamment (cf. ce schéma). Il est constitué de deux télescopes dont les images sont intégrées et de trois instruments. Il est équipé d'un télescope anastigmatique composé de trois miroirs offrant une superficie de 0.7 m2 (soit l'équivalent d'un miroir de 0.94 mètre de diamètre) et de 35 mètres de focale, offrant un champ de 1.7° x 0.6° soit l'équivalent de trois fois la taille apparente de la pleine Lune (0.5°). Il est également équipé d'un photomètre et d'un spectromètre. Le capteur photosensible est composé de 106 CCD de 8.8 Mpixels (4500 pixels x 1966 pixels) répartis entre les trois instruments. La résolution de Gaia atteint la valeur très honorable de 0.02" ou 20 mas (contre 0.04" pour le HST à 500 nm) car nous sommes dans l'espace, en dehors de la turbulence de l'atmosphère. C'est un angle équivalent au diamètre d'une pièce de 1 € vue à ~100000 km.

Le catalogue Gaia représente quelque 100 TB de données. Avant sa finalisation, plusieurs distributions ou releases intérimaires appelées data releases (DR) furent publiées dont un catalogue partiel en 2016 (DR1), en 2018 (DR2), en 2020 (EDR3) et en 2022 (DR3). On attend la DR4 vers fin 2025 et la version finale DR5 en 2030 qui ressemblera 1'ensemble des données enregistrées durant 120 mois. Vu qu'elle tiendra compte de différentes époques, sa précision sera au moins deux fois supérieure à la première release.

Certaines découvertes concernant notamment la Voie Lactée ont été intégrées dans les articles de ce site. Toutefois, les découvertes se succédant rapidement et étant très diverses, les résultats majeurs sont décrits ci-dessous.

A voir : How Gaia Changed Astronomy Forever, 2018

Conférence "Gaia et la masse de la Galaxie et la nature des galaxies naines de son halo", 2023

par François Hammer, GEPI/CNRS

A consulter : GAIA DR3 - GAIA at CDS Strasbourg

Carte chimique des bras spiraux proches

L'astronome Keith Hawkins de l'Université du Texas à Austin a réalisé une cartographie chimique des régions des bras spiraux de la Voie Lactée proches du Soleil qui n'avaient pas été réalisée auparavant. Ses travaux publiés dans les "MNRAS" en 2023 démontrent la valeur de cette technique pionnière dans la compréhension de la forme, de la structure et de l'évolution de notre Galaxie.

Les cartes chimiques de la Voie Lactée montrent comment les éléments du tableau périodique sont répartis dans la Galaxie. Ils permettent aux astronomes d'identifier l'emplacement des objets célestes en fonction de leur composition chimique plutôt que de la lumière qu'ils émettent. Bien que l'idée de la cartographie chimique existe depuis un certain temps, les astronomes n'ont pu obtenir que récemment des résultats significatifs grâce aux grands télescopes de la classe des VLT (8 m) et autres Keck (10 m).

Selon Hawkins, "Tout comme les premiers explorateurs qui ont créé des cartes de plus en plus précises de notre monde, nous créons maintenant des cartes de plus en plus précises de la Voie Lactée. Ces cartes révèlent des choses que nous pensions être vraies, mais que nous devons encore vérifier."

En haut à gauche, diagramme de densité bidimensionnel des positions spatiales X-Y de l'échantillon d'étoiles chaudes OBAF dans le sondage LAMOST. Pour référence, la position du Soleil est indiquée par une étoile orange. L'emplacement approximatif des bras spiraux dans la Galaxie (selon Reid et al, 2014) est représenté par des courbes noires épaisses et leur étendue est marquées par des lignes pointillées épaisses. Le code couleur représente le densité numérique des étoiles en log(N). En bas à gauche, diagramme de densité bidimensionnel des positions spatiales R-Z de l'échantillon complet. Le code couleur est le même que dans le grahique du haut.

En haut à droite, distribution spatiale X-Y de [Fe/H] pour le même échantillon du sondage LAMOST. Le code couleur représente la médiane [Fe/H]. Le fond de référence est le même que dans le graphique de gauche. En bas à droite, distribution spatiale R-Z de [Fe/H] à travers le Disque galactique. Le code couleur est le même que celui du graphique du haut. Il ressort clairement des graphiques du haut que la partie interne de la Voie Lactée est plus riche en métaux que la partie externe (c'est-à-dire ayant un gradient de métallicité radial négatif). Les deux graphiques du bas montrent que les étoiles dans le plan de la Galaxie sont plus métallisés que les étoiles situées à de plus grandes distances verticales (c'est-à-dire ayant un gradient de métallicité vertical négatif). Document K.Hawkins et al. (2023).

Une façon traditionnelle de cartographier la Voie Lactée consiste à identifier les concentrations de jeunes étoiles. Au fur et à mesure que la Voie Lactée tourne, la poussière et le gaz dans ses bras en spirale se compriment (cf. les ondes de densité), provoquant la naissance de nouvelles étoiles. Ainsi, là où il y a une abondance de jeunes étoiles, on prédit qu'il y a aussi un bras.

Les astronomes peuvent localiser les jeunes étoiles en détectant la lumière qu'elles émettent. Mais parfois, des nuages de poussière peuvent obscurcir les étoiles, ce qui rend difficile, même pour les meilleurs télescopes, d'observer leur lumière. En conséquence, certaines régions des bras de la Voie Lactée restent cachés et sont encore à découvrir.

Pour les débusquer, Hawkins s'est appuyé sur le concept de métallicité qui fait référence au rapport des métaux à l'hydrogène, [M/H], présent à la surface d'une étoile. Pour rappel, en astronomie, tout élément du tableau périodique qui n'est pas de l'hydrogène ou de l'hélium est appelé un "métal". Les jeunes étoiles possèdent plus de métaux que les étoiles plus âgées et ont donc une métallicité plus élevée. C'est parce qu'elles se sont formées plus tard dans l'histoire de l'univers, à une époque où les étoiles des anciennes générations arrivées en fin de de vie ont dispersé dans l'espace les métaux qu'elles avaient synthétisés dans leur noyau qui furent ensuite incorporés dans les nouvelles étoiles.

Au fur et à mesure que le cycle de naissance et de destruction stellaire se répète, chaque nouvelle génération d'étoiles s'enrichit en métaux plus complexes que la précédente, lui conférant une métallicité de plus en plus élevée. En théorie, les bras spiraux de la Voie Lactée, qui contiennent une abondance de jeunes étoiles, devraient avoir une métallicité plus élevée que les régions qui les séparent.

Pour créer sa carte, Hawkins a identifié la distribution de la métallicité dans la Voie Lactée. Il s'est concentré sur la zone autour du Soleil pour laquelle ces données existent et qui couvre un rayon allant jusqu'à 32600 années-lumière. Les zones présentant une abondance d'objets riches en métaux devaient s'aligner avec les bras en spirale et celles ayant peu d'objets riches en métaux devaient s'aligner avec les espaces ou lacunes entre les bras.

En comparant sa propre carte à d'autres de la même région de la Voie Lactée, les bras en spirale se sont alignés les uns avec les autres. De plus, comme la carte de Hawkins identifie les bras spiraux en fonction de la métallicité plutôt que de la lumière émise par les jeunes étoiles, de nouvelles régions sont apparues qui n'avaient pas été cartographiées auparavant.

Selon Hawkins, "Un gros point à retenir est que les bras spiraux sont en effet plus riches en métaux. Cela illustre la valeur de la cartographie chimique pour identifier la structure et la formation de la Voie Lactée. Elle a le potentiel de transformer complètement notre vision de la Galaxie."

Les extrémités du disque externe de la Voie Lactée vibrent

Dans une étude publiée dans les "MNRAS" en 2022, Paul McMillan de l'Observatoire de Lund et ses collègues ont découvert que les parties externes du disque galactique sont déséquilibrées. En utilisant les données de Gaia, les chercheurs ont découvert que de grandes parties du disque externe de la Voie Lactée sont perturbées et vibrent. Ces ondulations sont provoquées par la galaxie naine du Sagittaire (Sgr ou SagDEG, voir page 2) qui secoua la Voie Lactée lors de son passage il y a des centaines de millions d'années.

Selon McMillan, " Nous pouvons voir que ces étoiles oscillent et se déplacent de haut en bas à des vitesses différentes. Lorsque la galaxie naine du Sagittaire dépassa la Voie Lactée, elle créa des mouvements ondulatoires dans notre Galaxie, un peu comme lorsqu'une pierre tombe dans un étang."

A gauche, la gamme d'angles galactocentriques ɸ couverts par le sonde de l'équipe de McMillan varie en latitudes galactiques (ℓ). Les données de Gaia proviennent de 130° < ℓ < 230°. Les lignes noires sont des lignes de ℓ constant qui convergent vers la position du Soleil. Les lignes pointillées bleues sont des lignes à ɸ constant. Les lignes de rayon galactocentrique constant sont représentées par les lignes pointillées à R = 11, 12, 13 et 14 kpc, respectivement bleue clair, orange, verte et rouge. A droite, La distribution en Vz* des étoiles dans les données de Gaia en fonction de leur moment cinétique estimé Lz* ou, de manière équivalente, du rayon au centre galactique Rg*. Ceux-ci sont affichés par 10° en ℓ, entre 130° et 180° pour les panneaux supérieurs et entre 180° et 230° pour les panneaux inférieurs. Dans chaque cas, le graphe est divisé en distribution au-dessus et au-dessous du plan galactique. Les lignes pointillées verticales sont à nouveau tracées à Lz* = -2500 et -3000 km/s kpc. Le cercle vert dans le panneau infférieur gauche montre une structure qui apparaît dans d'autres panneaux. La "rupture" observée dans la région de l'anticentre à Lz* ≈ 2750 km/s kpc est bien visible dans de nombreux panneaux, avec des différences notables au-dessus et au-dessous du plan. Documents P.McMillan et al. (2022).

En mesurant la force des ondulations dans différentes parties du disque, les chercheurs ont commencé à reconstituer un puzzle complexe apportant des indices sur l'histoire et l'orbite de Sagittarius autour de la Voie Lactée. Selon McMillan, "En ce moment, Sagittarius se disloque lentement, mais il y a 1 à 2 milliards d'années, il était beaucoup plus gros, représentant probablement environ 20% de la masse du disque de la Voie Lactée."

Selon McMillan, "Avec cette nouvelle découverte, nous pouvons étudier la Voie Lactée de la même manière que les géologues tirent des conclusions sur la structure de la Terre à partir des ondes sismiques qui la traversent. Ce type de "sismologie galactique" nous en apprendra beaucoup sur notre Galaxie natale et son évolution."

Pontus, un nouveau mergeur

Dans un article publié dans "The Astrophysical Journal" en 2022, sur base des données de la 3e distribution intermédiaire de Gaia (EDR3) et des relevés SDSS, LAMOST et APOGEE parmi d'autres, une équipe européenne d'astronomes a analysé la dynamique des mergeurs de la Voie Lactée pour fixer des contraintes sur les orbites des objets du halo. Ils ont caractérisé 170 amas globulaires, 41 courants stellaires et 46 galaxies satellites afin de comprendre de quelle manière se forma la Galaxie.

A cette occasion, ils ont identifié 6 groupes stellaires connus (Sagittarius, Cetus, Gaia‒Sausage/Encelade, LMS-1/Wukong, Arjuna/Sequoia/I'itoi) sur lesquels nous reviendrons (voir page 2) qui représentent environ 25% des 257 objets analysés.

Ils ont également découvert un nouveau mergeur qu'ils ont nommé Pontus (signifiant "la mer" en grec et qui fait référence à l'un des premiers enfants de Gaia, la déesse grecque de la Terre). Il se situe près de l'association Gaia-Sausage/Encelade. Pontus présente une métallicité [Fe/H] = -1.7 dex. La masse de la galaxie progénitrice a été estimée à Mhalo ~ 5x1010 M et Mstellaire ~1.5x108 M. L'ensemble des mergeurs regroupe 62 objets.

Les chercheurs ont également proposé l'existence d'une septième fusion. L'amas globulaire M53, l'un des plus éloignés de la Voie Lactée situé à ~18 kpc soit 58000 années-lumière du Soleil, est très probablement le progéniteur d'une galaxie naine qui fut perturbée par la Voie Lactée.

A gauche, carte de la Voie Lactée révélant la distribution des 257 objets étudiés par les chercheurs (170 amas globulaires (indiqués par des marqueurs en étoile), 41 courants stellaires (indiqués par des marqueurs ponctuels) et 46 galaxies satellites (indiquées par des marqueurs carrés). Les objets sont colorés en fonction de leurs distances au Soleil (bleu=proche, rouge=éloigné). A droite, les paramètres orbitaux des objets du halo en fonction de leur métallicité [Fe/H]. Le tracé de gauche montre l'espace d'action Jϕ vs. l'énergie E, le tracé de droite montre la distance au périgée vs. la distance à l'apogée. Documents ESA, N.Martin/U.Strasbourg/CNRS adaptés par l'auteur et K.Malhan et al. (2022).

En étudiant les propriétés orbitales et les distributions de métallicité, les chercheurs ont constaté que les trois courants les plus pauvres en métaux de la Voie Lactée, à savoir "C-19" ([Fe/H] = -3.38 dex), "Sylgr" ([Fe/H] = -2.92 dex) et "Phoenix " ([Fe/H] = -2.7 dex), sont associés à LMS-1/Wukong (cf. Z.Yuang et al., 2020), ce dernier étant le courant présentant la plus faible métallicité avec [Fe/H] = -3.4. Cela correspond à une teneur en métaux inférieure à 0.1% de celle du Soleil (ou plus de 2500 fois plus pauvre en éléments lourds que le Soleil). Cela suggère que LMS-1/Wukong a dû se former assez tôt dans l'histoire de l'Univers, probablement quelque 3 milliards d'années après le Big Bang.

Selon Yuang et ses collègues, LMS-1/Wukong présente une orbite polaire et occupe une région située entre 10 et 20 kpc (32000-65000 années-lumière) du centre galactique.

Découverte de 12 courants stellaires

Dans le cadre du sondage "Southern Stellar Stream Spectroscopic Survey" (S5) épaulé par l'analyse des données astrométriques de la 3e distribution préliminaire de Gaia (EDR3), en 2022 une équipe internationale d'astronomes identifia 12 nouveaux courants stellaires dans la Voie Lactée (cf. T.Li et al., 2022).

Ces courants stellaires se situent entre ~10 et 50 kpc soit entre ~32600 et 65000 années-lumière du Soleil et sont les vestiges d'anciennes collisions entre la Voie Lactée et de plus petites amas stellaires qui furent disloqués par la force gravitationnelle de la Galaxie, éparpillant leurs gaz et leurs étoiles dans de fins filaments qui gravitent depuis dans le halo de la Galaxie sur des orbites excentriques.

A voir : 12 Stellar Streams Surrounding the Milky Way, 2022

A gauche, les 12 courants stellaires identifiés dans la Voie Lactée dans le cadre du sondage S5. Voici l'image sans légende. A droite, illustration artististique des courants stellaires. Documents Ting Li/Collaboration S5/ESA et T.Lombry adapté de Robert Hurt/ESO/NASA/JPL-Caltech.

Les 12 courants stellaires furent découverts grâce à des modèles informatiques qui ont permis de les isoler parmi les myriades d'étoiles alentour et de déterminer leur origine. Sur la base de la vitesse et de la métallicité des étoiles dans chaque courant, les chercheurs ont pu remonter leur trajectoire dans le temps et dans l'espace et découvrirent leurs progéniteurs. Six de ces courants proviennent de galaxies naines proches contenant jusqu'à plusieurs milliards d'étoiles situées entre la Carène et la Grande Ourse. Les six autres proviennent d'amas globulaires contenant jusqu'à quelques milliers d'étoiles dont quatre ont des métallicités moyennes [Fe/H] < -2, c'est-à-dire plus pauvres en métaux que les amas globulaires typiques de la Voie Lactée à des distances similaires. Fait intéressant, trois courants stellaires issus des amas globulaires ainsi que le courant 300S découvert antérieurement près de la galaxie naine Segue 1 (300S), évoluent sur des orbites rétrogrades (dans le sens inverse de la rotation galactique) comme c'est généralement le cas des astres capturés après la formation du corps principal.

En cartographiant les trajectoires orbitales de ces 12 courants stellaires, les chercheurs ont également découvert qu'ils se déplacent d'une manière que la seule gravité de la Voie Lactée ne peut pas expliquer. En effet, les orbites de ces courants semblent influencés par des amas invisibles de matière sombre dont nous savons qu'elle représente environ les trois quarts de l'Univers visible.

A ce jour, les astronomes ont détecté plus de 60 courants stellaires gravitant autour de la Voie Lactée, mais ils n'en ont jamais cartographié autant en même temps. En étudiant les mouvements de plusieurs courants en même temps, la distribution de la matière sombre dans la Voie Lactée devient plus facile à identifier. Indirectement, la découverte des courants stellaires va permettre de mieux cartographier la matière sombre dans la Galaxie.

Le courant stellaire C-19

Une équipe internationale de 26 astronomes a découvert un nouveau courant stellaire appelé C-19. Il fut découvert grâce à l'application de l'algorithme STREAMFINDER aux données astrométriques de la 3e distribution préliminaire de Gaia (EDR3) qui permit également de découvrir des queues de marée associées à plusieurs amas globulaires (cf. R.Ibata et al., 2021).

Localisation du courant stellaire C-19 dans le halo de la Voie Lactée et sa métallicité comparée à celle des amas globulaires et du Soleil. Document ESA/N.Martin et al. (2022) adapté par l'auteur.

Le courant stellaire C-19 présente une faible densité et s'étend sur environ 15° à travers le ciel. Il évolue dans le halo de la Voie Lactée sur une orbite excentrique entre ~20000 et 90000 années-lumière du centre galactique. Cette découverte fit l'objet d'un article publié dans la revue "Nature" en 2022 (en PDF sur arXiv).

Les 34 étoiles formant ce courant ont été identifiées dans le cadre du sondage "Pristine", une étude visant à identifier des étoiles de très faible métallicité dans et autour de la Voie Lactée à l'aide du télescope CFT de 3.85 m installé à Hawaï. Des analyses complémentaires furent réalisées au moyen du télescope Gemini North de 8.1 m d'Hawaï et notamment avec l'instrument GRACES qui combine la luminosité du Gemini North et la résolution spectrographique du spectrographe ESPaDOnS du CFHT (R~60k entre 0.4 et 1.0 micron).

Selon les rechercheurs, "En utilisant le télescope Gemini North et l'instrument GRACES, nous avons réalisé que C-19 est le vestige d'un amas globulaire. Les étoiles de ce courant stellaire possèdent une proportion particulièrement faible d'éléments lourds." Les chercheurs estiment que la masse stellaire du progéniteur de C-19 est d'au moins 8000 M et sa luminosité totale de 3500 L.

Jusqu'à présent on pensait que les amas globulaires avaient des métallicités [Fe/H] > -2.7 soit supérieure à environ 0.2% de la métallicité solaire mais C-19 affiche une métallicité record [Fe/H] = -3.38 ±0.06 (stat) ±0.020 (syst) soit 0.05% de la métallicité solaire, c'est-à-dire typique des étoiles extrêmement pauvres en métaux. Cette valeur est inférieure à la plus basse métallicité observée dans un système stellaire de la Voie Lactée ou de ses environs.

Selon Nicolas Martin, astrophysicien à l'Observatoire Astronomique de Strasbourg et auteur principal de cette étude,"On ne savait pas s'il existait des amas globulaires avec si peu d'éléments lourds - certaines théories ont même émis l'hypothèse qu'ils ne pourraient pas du tout se former. D'autres théories suggèrent qu'ils auraient tous disparu depuis longtemps, ce qui en fait une découverte clé pour notre compréhension de la formation des étoiles dans l'Univers primitif."

Cette découverte suggère que l'ancien amas globulaire se serait formé à partir de la première génération d'étoiles, celle de Population III qui offre la particularité d'avoir une métallicité nulle, faisant de C-19 une relique remarquable de l'époque où les tout premiers amas stellaires se sont formés.

A gauche, la trajectoire du courant stellaire C-19 (en pointillés, ancré à la distance de 18 kpc) en coordonnées galactiques. A droite, simulation des orbites du courant stellaire C-19 durant ~1 Ga projetées sur le plan galactique (gauche) et dans le plan R–z (droite). Les lignes rouges épaisses correspondent à la partie des orbites qui chevauchent les étoiles observées du courant C-19. Document N.Martin et al. (2022).

Selon Julio Navarro, professeur de physique et d'astronomie à l'Université de Victoria au Canada et coauteur de cette étude, dans ce contexte, "le courant C-19 ouvre une fenêtre directe et unique sur les premières époques de formation des étoiles dans l'Univers. Alors que les astronomes peuvent regarder les galaxies les plus éloignées pour étudier l'Univers primitif, nous savons maintenant qu'il est possible d'étudier les structures les plus anciennes de notre propre Galaxie en tant que fossiles de ces temps anciens."

Deuxième partie

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