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En hommage à Galilée

La tour de pise, document Webshots/Rugh.

La loi de la chute des corps (V)

Parallèlement à l'astronomie, Galilée s'intéressa de près aux questions de mécanique et de cinématique, aux concepts de poids, de masse et de vitesse.

En 1581, à 17 ans, après 4 années d'études dans un monastère Jésuite, et une brève inscription comme moine novice rapidement rayée, Galilée entre à l'université de Pise pour y poursuivre des études de médecine conformément aux souhaits de son père. Trois ans plus tard, en 1584, il observa une lanterne se balancer dans la cathédrale et se mis à mesurer sa période.

Par curiosité il refit l'expérience avec des pendules de différentes longueurs et de poids différents. Il constata que leur période est toujours identique, indépendante de l'amplitude et ne dépend que de la longueur du fil. Personne n'avait jamais observé ce phénomène, ce qui rendit le jeune élève immédiatement célèbre. Malheureusement il s'ennuyait aux cours et malgré des cours de rattrapage en mathématiques qui lui donna le mathématicien de la Cour du Grand-Duc de Toscane, il ne réussit pas à obtenir son diplôme et quitta l'Université de Pise.

Pour gagner sa vie, il donna des cours privés de mathématiques aux jeunes étudiants et continua à réaliser différentes expériences, s'intéressant à la flottaison des objets et au fonctionnement de la balance. C'est ainsi qu'il découvrit qu'à l'aide d'une balance il pouvait dire qu'une pièce d'or était 19.3 fois plus massive que le même volume d'eau (l'or présente une densité de 19.3).

Enfin, Galilée se décida à prendre son destin en main et visa une place de mathématicien auprès d'une université. En répondant à un concours que nous jugerions surréaliste sur l'Enfer de Dante, Galilée obtient un contrat de trois ans avec... l'Université de Pise, celle-là même qui lui refusa son diplôme !

La légende raconte que Galilée se décida à trancher la question de la chute des corps en profitant de la Tour de Pise haute de 54 mètres, pour y lancer différents poids du haut de la tour et en mesurant leur temps de chute. S'il n'a jamais réalisé cette expérience du haut de la Tour penchée mais probablement depuis une tour de Padoue, il découvrit que tous les poids arrivèrent au sol dans le même temps. La conclusion était définitive, Aristote s'était trompé quand il prétendit que "le gland tombe plus vite que la feuille de chêne".

Pendant que Galilée était à l'université, il s'interrogea sur certaines lois d'Aristote, reprenant notamment certaines expériences qu'il avait évoquées afin de vérifier si les corps lourds tombent réellement plus rapidement que les corps légers. En cette matière, ici aussi les paroles des Anciens étaient considérées jusqu'alors comme "parole d'évangile".

C'est à cette époque que Galilée découvrit que la vitesse d'un corps en chute est proportionnelle au temps (v=e/t) et, contrairement à notre intuition, indépendante de son poids. Dans son esprit, une plume ou une masse en plomb tombant à l'abri des frictions, donc dans le vide, subissent la même accélération et doivent donc toucher le sol en même temps.

Bien que l'expérience de Galilée était convaincante, encore aujourd'hui nous avons du mal à croire qu'un lingot de plomb et une plume puissent tombent avec la même accélération et arriver en même temps au sol ! Mais pourquoi deux masses de poids différent tombent-elles avec la même accélération dans le vide ? Galilée y réfléchit pendant des mois avant de trouver la réponse : c'est l'inertie qui s'oppose à la force de la gravité et non pas le poids du corps. Autrement dit, deux corps ayant la même quantité de matière tomberont en chute libre dans le vide avec la même accélération, ce qui n'est franchement pas intuitif et souligne tout le génie de Galilée.

Mais comme Aristote, tant qu'on ne fait pas l'expérience, on ne le saura jamais et, se fiant à notre intuition, notre conclusion posée a priori est une nouvelle fois totalement faussée par le bon sens : il faut le répéter, en l'absence de tout frottement un lingot de plomb et une plume lâchés ensemble du même niveau arrivent toujours en même temps au sol. Galilée a raison ! En voulez-vous une preuve ? En voici une très convaincante.

L'expérience de la plume et du marteau d'Apollo 15

L'explication de la chute des corps donnée par Galilée est si paradoxale qu'il fallut encore récemment la prouver expérimentalement aux incrédules au cours de la mission Apollo XV !

En effet, en 1971 les astronautes américains David Scott et James Irwin séjournèrent sur la Lune près des monts Hadley durant 64 heures, y roulèrent en 4x4 et firent diverses expériences tandis qu'Alfred Worden les attendait en orbite. Les commentaires durant l'EVA étaitent transmis à terre au CapCom Joseph P.Allen.

Juste avant la fin de la mission, devant les caméras, Scott prit en main une plume et un marteau, se demandant si la loi de Galilée sur la chute des corps serait vérifiée. Voici la transcription de cette expérience tout à la fois ordinaire et pourtant hors du commun enregistrée entre H+167:22:06 et H+167:22:58 :

- Scott : Bien, dans ma main gauche, j'ai une plume, dans ma main droite, un marteau. Et je parie que l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici aujourd'hui c'est parce qu'un gentleman appelé Galilée, il y a un longtemps, a fait une découverte plutôt significative au sujet de la chute des corps dans le champs de gravité. Et nous avons pensé qu'il n'y avait pas de meilleur endroit pour confirmer ses résultats que sur la Lune.

[la caméra effectue un zoom sur le marteau et la plume puis prend du recul pour filmer l'expérience]

- Scott : Et ainsi nous avons pensé que nous devions la tenter pour vous. La plume s'avère justement être, à propos, une plume de faucon pour notre Falcon [nom de leur module lunaire]. Et je vais les laisser tomber tous les deux et, je l'espère, ils toucheront le sol en même temps [Pause]

A voir : La plume et le marteau (Apollo XV)

L'expérience faite au Space Power Facility de la NASA

Galilée, la chute des corps

Extrait du film "Galilée ou l'amour de Dieu" de Jean-Daniel Verhaeghe (2005)

Avant, pendant et après la chute de la plume et du marteau. Voici le film correspondant (AVI de 2.1 MB ou MPEG de 6.4 MB) ainsi que la transcription originale de cette expérience. Documents NASA, assemblage de T.Lombry.

[Dave prend la plume entre le pouce et l'index de sa main gauche et prend le marteau dans sa main droite, et lève ses coudes vers le haut et l'extérieur. Il lâche le marteau et la plume simultanément et retire ses mains du champ. Le marteau et la plume tombent côte à côte et frappent le sol pratiquement au même instant. Et de fait, les deux objets subissant la même accélération, ils arrivèrent ensemble au sol 1.2 seconde plus tard. En analysant les images, on peut également estimer l'accélération de la force de pesanteur lunaire à hauteur d'épaule de Scott à environ 1.63 m/s2]

- Scott : Que dites-vous de ça !

- Allen : Que dites-vous ça ! [Applaudissement à Houston]

- Scott : Ce qui prouve que Mr. Galilée avait trouvé les bons résultats. [Pause]

- Allen : Superbe !

Des expériences au Discours

Si cette expérience est concluante Galilée aurait été bien en peine de la reproduire. Si vous dites quelque chose comme cela aujourd'hui en prouvant qu'un homme illustre s'est trompé, vous obtiendrez certainement un contrat à vie dans une université, à condition bien entendu de publier vos résultats, en démontrant à travers une théorie, une analyse mathématique, que cette personne s'est trompé.

Galilée n'avait pas encore d'explication à proposer et ne put donc pas publier ses résultats. A la place il injuriait les collègues qui s'opposaient à ses thèses, ce qui fut très mal apprécié par la direction de la Faculté. Elle décida de ne pas renouveler le contrat de Galilée.

Grâce à ses relations, Galilée finit par obtenir un contrat avec l'Université de Padoue. Il s'y plut bien jusqu'à la mort de son père en 1593. Galilée avait à présent charge de famille et avait payé la dot de l'une de ses soeurs, une somme dix fois supérieure à son humble salaire. Endetté, il savait que s'il rentrait à Florence il serait immédiatement mis en prison.

Pour s'en sortir il fabriqua divers instruments qu'il mit en vente : un thermomètre rudimentaire et une boussole militaire en 1596 qui eut beaucoup de succès, y compris sa version civile fabriquée l'année suivante. Cela lui permit d'avoir suffisamment d'argent et rentrer dans ses frais. Et il en avait encore plus besoin qu'avant car non seulement il devait faire vivre sa femme et ses trois enfants mais également entretenir une maîtresse de 21 ans aux moeurs légères.

Après avoir inventé la lunette astronomique en 1609, l'année suivante Galilée voulut trancher la question du mouvement des corps et reprit le problème à zéro. Rapidement il pose sa première loi : "En un même lieu et pour tous les corps, l'accroissement de la vitesse en fonction du temps est constant ", e = vt

Quelque temps plus tard, en laissant rouler des boules en bronze sur des plans différemment inclinés, il découvre le mouvement continu et uniformément accéléré : "les espaces parcourus sont proportionnels aux carrés des temps et les espaces parcourus en chute libre pendant des temps égaux sont comme les nombres impairs à partir de l'unité".

Mais sa théorie est incomplète et en 1615 il comprend que c’est à un instant donné de la chute que l’accélération est proportionnelle au temps écoulé depuis le début de celle-ci. Galilée venait de découvrir la Loi de la "chute des corps" dont Newton fera également usage avec le succès que l'on sait : e = 1/2 gt2.

Par la suite, Galilée étudia notamment les porte-à-faux, c'est-à-dire les structures dont une partie n'est pas soutenue au-dessus du vide, dont la théorie est toujours appliquée de nos jours (cf. le Skywalk du Grand Canyon).

Les années s'écoulèrent. Galilée continua à enseigner la géométrie et les mathématiques, à pratiquer l'astronomie et à s'intéresser à la mécanique.

Suite à ses expériences, dès la fin de son procès en "hérésie" et alors qu'il était en résidence surveillée à Arcetri, Galilée entama la rédaction d'un nouveau livre consacré à la mécanique, Discours concernant deux sciences nouvelles (à ne pas confondre avec le "Dialogue sur les deux grands systèmes du monde"). Il le publia à Leide aux Pays-Bas en 1638. Ce livre est considéré comme le premier recueil de physique moderne. Il est toutefois fondé sur la géométrie.

Un jour, un enfant passant sur le sentier qui longeait la villa de Galilée entendit un bruit infernal et inhabituel émaner de son habitation. Curieux, l'enfant monta sur la terrasse et s'approcha du maître en silence. Il vit l'astronome affairé autour d'une construction très bruyante faisant, semblait-il, rouler des boules sur un plan incliné. Le vacarme provenait des boules en cuivre qui roulaient sur la terrasse au bout de la pente. Galilée tentait de mesurer la force de gravité et la vitesse de chute des corps constitués de différentes matières ou de différentes masses. 

L'expérience était tellement bruyante que cela amusait l'enfant. Mais il comprit qu'il ne s'agissait pas d'un jeu et observa le maître un instant travailler sans oser le déranger. Après un moment d'hésitation, il tira sur la veste du professeur. "Scusa Maestro" dit l'enfant, "pourquoi la Terre n'est plus au centre du monde ?" Le vieux professeur s'émut et éprouva du mal à retenir ses larmes; la nouvelle génération cherchait à comprendre ses idées. C'était merveilleux. Galilée y vit un signe du destin. Comme un météore surgit de nulle part, cet enfant était le signe annonciateur d'un grand changement. Il savait à présent que bientôt le monde lui serait acquis et qu'il pourrait s'en aller le devoir acompli. Il ne se trompait pas..

Malade et aveugle depuis peu, Galilée s'éteignit à Florence le 8 janvier 1642 à l'âge de 78 ans. Malgré son handicap il nous quitta en ayant préservé toute sa force de conviction et profondément marqué son époque. Il fut enterré sans cérémonie par ordre du Pape Urbain VIII en l'église de Santa Croce à Florence et ne recevra une sépulture correcte qu'en 1726.

E pur si muove

La rumeur prétend que Galilée aurait dit à l'Inquisiteur durant son procès en 1633 : "E pur si muove" (Et pourtant elle tourne) à propos du mouvement de la Terre. En fait, cette phrase est affichée dans une peinture montrant Galilée dans un cachot réalisée vers 1643-1645 par le peintre Bartolomé Esteban Murillos. Une reproduction est présentée dans le livre de John J. Fahie consacré aux portraits, médailles et peintures de Galilée publié chez Courier Press en 1929 (planche 16). On prétend aussi que cette expression figure sur sa tombe. Son mausolée ne présente pas cette épitaphe.

L'héritage de Galilée

A travers son poème épique et audacieux, John Milton rendra hommage à Galilée et à ses découvertes, "le Verbe à travers le ciel, qui ouvrit dans toute leur grandeur ses portes éclatantes, suivit le chemin direct jusqu'à la maison éternelle de Dieu; un chemin large et ample dont la poussière est d'or et le pavé d'étoiles, comme les étoiles que tu vois dans Galaxie, cette voie lactée que tu découvres, la nuit, comme une zone poudrée d'étoiles" (VII, v.574).

Comme s'il fallait poursuivre son oeuvre sans délai, cette année-là, à Woolsthorpe, en Angleterre, le 25 décembre naquit Isaac Newton, tandis que 300 ans jour pour jour après la mort de Galilée naquit Stephen Hawking. L'occasion était trop belle, et Hawking en collaboration avec W.Israel ne purent s'empêcher d'écrire unc ouvrage intitulé "300 Years of Gravitation"...

Newton tira profit des expériences de Galilée sur l'inertie et les pendules ainsi que des Lois de Kepler pour asseoir sa théorie sur la gravitation universelle. Par la suite, plusieurs expériences confirmeront les hypothèses de Newton, dont la mesure du diamètre de la Terre par Picard en 1671 qui lui permit de confirmer sa loi en carré inverse ainsi que celle de Richer en 1672 qui constata qu'un pendule identique bâtait plus lentement à l'équateur qu'à Paris.

Nous sommes également redevable à Galilée des premières tentatives d'indépendance des sciences vis-à-vis de la religion et du dogmatisme ainsi que de la séparation progressive entre la philosophie et les sciences. Sans oublier bien entendu son support à la cause de Copernic, plaçant le Soleil au centre du monde. Ces découvertes nous paraissent anodines aujourd'hui et pourtant elles ont révolutionné le monde par leur audace et leur génie.

A gauche et au centre, l'Observatoire d'Astrophysique d'Arcetri comprend une tour solaire et une grande lunette de 36 cm. A droite, la bibliothèque de l'observatoire. Documents Osservatorio di Arcetri, Karl Gordon et OAA.

Tourisme en Toscane

Pour ceux qui souhaiteraient se rendre à Florence, capitale du Grand-Duc de Toscane, où se situe notamment la basilique Santa Maria del Fiore, la basilique de Santa Croce, le Ponte Vecchio, le palais Pitti, le Musée Galileo (ancien Musée d'Histoire des Sciences ou IMSS), l'Observatoire d'Astrophysique d'Arcetri (Osservatorio di Arcetri) se trouve à seulement 2.5 km au sud du Ponte Vecchio. L'observatoire se situe à 300 m de la maison de Galilée qui se trouve Via del Pian dei Giullari 42, Firenze (cf. cet article et cette carte), coordonnées GPS : 43° 44' 52.21" N, 11° 15' 26.39" E. Il y a également des hôtels et de nombreux restaurants dans la région qui est bien déservie par les transports en commun.

La maison de Galilée (Villa Il Gioiello) a été rénovée et est à nouveau ouverte au public mais avec certaines restrictions. C'est le Musée Galileo qui est chargé de la réservation des visites durant le weekend.

Concernant l'Observatoire d'Arcetri, il est ouvert au public pour des visites nocturnes et des observations chaque mois de la semaine du premier quartier de Lune. Pour plus d'information, contactez l'observatoire au +0039 (0)55 2752280 le matin de 10 à 12h du lundi au vendredi.

Panorama de Florence photographié depuis la Piazzale Michelangelo en direction du nord-ouest et des ponts de Ponto Vecchio et Ponte Santa Trinita. Documents Sigrid Frensen et anonyme (droits réservés).

Pour plus d'informations

Sur ce site

Le procès de Galilée

La théorie de la relativité

Les éphémérides de Vénus du 1 janvier 1610 au 31 décembre 1611

Sur Internet

Galilée: la lunette et le procès, Obs. Paris-Meudon

Galillée et le messager des étoiles, Francis Michel

Lunette de Galilée, Dino-Optic

Galilée ou l'Amour de Dieu, YouTube

Tourisme

Office du Tourisme de Florence (italien ou anglais)

Museo Galileo (Florence)

Commune de Florence (italien)

Osservatorio di Arcetri

Livres

Les bâtisseurs du ciel. L'Oeil de Galilée (tome 3), Jean-Pierre Luminet, JC Lattès, 2009; Le Livre de Poche, 2010

Galilée, Ludovico Geymonat, Seuil, 2009

Galilée, Claude Allègre, Plon, 2002/2005

La vie de Galilée, Bertolt Brecht, l'Arche, 1997

Galileo at Work: His Scientific Biography, Stillman Drake, Dover Publications, 2003

Discours concernant deux Sciences Nouvelles, Galilée, 1638; PUF-Epiméthée, 1995

Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, Galilée, 1632; Seuil, 1999; Points Sciences, 2000

L'Essayeur, Galilée, 1623; Les Belles Lettres, 1989

Sidereus Nuncius (le Messager Céleste), Galilée, 1610 (édition originale numérisée), U.Strasbourg

Sidereus Nuncius (le Messager Céleste), Galilée, 1610 (scanné par OCR, PDF en italien et latin), Liberliber

Le Messager des Etoiles (l'histoire de ce livre), Jean-Pierre Maury, Découvertes Gallimard, 2005

Le Messager des Etoiles, Galilée, 1610; Points Sciences, 2000

Le Messager Céleste, Galilée, 1610; s/dir. Isabelle Pantin, Les Belles Lettres, 1992

Le Paradis perdu, John Milton, 1667; trad. Chateaubriand (éd.bilingue), Belin, 1990; Gallimard-NRF, 1995; Jacques B. Salgues, Kessinger Publ., 2010.

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