|
Le système GPS
GALILEO (VII) Du point de vue civil et européen, l’inconvénient du système GPS est d’être un système américain contrôlé par l’armée. Où est le problème me direz-vous ? Concrètement cela signifie que pour n’importe quel motif, politique (stratégique) ou même économique, le président des Etats-Unis a le pouvoir de dégrader ou de couper le signal GPS destinés aux civils avec tous les problèmes de localisation que cela peut entraîner. Dans les faits, il est impensable que le Président prenne une telle décision car cela déclencherait des conséquences politiques et économiques incommensurables. Mais en théorie, le risque existe. Nous connaissons déjà un problème similaire en informatique où les principaux serveurs DNS (Domain Name Server) qui permettent de traduire les nom de domaines - par exemple astrosurf.com - en adresses IP sont situés aux Etats-Unis. Leur non réponse empêche tous les ordinateurs européens de communiquer par Internet, même si ceux sont situés en Europe ne parlent qu'entre eux car ils se réfèrent et interrogent malgré tout des bases de données installées sur des serveurs situés aux Etats-Unis. Nous avons déjà subit de telles interruptions de service et de temps en temps des serveurs DNS de grandes entreprises du web tombent en panne (Tom's Hardware, Godaddy, Globenet, etc) ou font l'objet d'une attaque DDoS (Distributed Denial of Service). Généralement ces pannes durent entre quelques heures et une semaine dans les cas les plus sévères. Durant cette période de "severe outage" il est impossible de naviguer sur les sites concernés et lors d'une panne majeure la plupart des sites Internet désservis par ce ou ces serveurs DNS sont inaccessibles, impactant le grand public ainsi que les opérateurs. Les autorités européennes ont donc considéré avec raison que cette hégémonie américaine du GPS représentait un risque inacceptable pour les Européens qu'il fallait absolument écarter. Comme on ne peut pas supprimer ce risque puisque nous avons encore besoin du réseau GPS, les instances européennes peuvent le contourner en développant une solution alternative. C'est le principal argument qui conduisit la Commission européenne et l’ESA à développer le système GALILEO, le premier système de navigation et de positionnement par satellites spécifiquement conçu à des fins civiles. Plus moderne que le système GPS, il est également plus performant, plus avancé et plus sûr que le système américain. Selon les experts de la Commission européenne, GALILEO est complémentaire du système GPS tout en étant son concurrent dans toutes les applications civiles. Selon les mêmes experts, GALILEO couvrira tous les besoins futurs en matière de navigation et l’exigence d’une couverture mondiale qui ne peuvent être satisfaits par un système unique.
Source : GPS World, “The Almanac”, December 2017. Dans leur brochure publicitaire, la Commission européenne et l’ESA reconnaissent malgré tout que GALILEO est un système à la fois complémentaire et concurrent du GPS américain : “Le GPS comme le système Glonass russe ont été conçus dans une optique militaire. Le système russe n’ayant pas suscité de véritables applications civiles, GALILEO constitue la véritable alternative au monopole de fait du GPS et de l’industrie américaine”. Et de poursuivre, “GALILEO présente plusieurs avantages par rapport au GPS. Il est conçu et élaboré sur une base civile tout en intégrant dûment les protections nécessaires en matière de sécurité. A la différence du GPS à vocation essentiellement militaire, GALILEO offre ainsi, pour certains des services proposés, les garanties juridiques de fonctionnement exigées par les sociétés modernes, en particulier en matière de responsabilité contractuelle. Il est basé sur la même technologie que le GPS et offre un degré de précision similaire, voire supérieur en raison de la structure de la constellation de satellites et des systèmes terrestres de contrôle et de gestion prévus. Il possède une fiabilité supérieure car il comprend un « message d’intégrité » informant immédiatement l’utilisateur des erreurs qui apparaissent. De plus, à la différence du GPS, GALILEO sera reçu sans aléas dans les villes et dans les régions situées à des latitudes extrêmes.” GALILEO : un enjeu européen majeur GALILEO repose sur une constellation de trente satellites et de stations terrestres permettant de fournir des informations concernant leur positionnement à des usagers de nombreux secteurs tels que le transport (localisation de véhicules, recherche d’itinéraire, contrôle de la vitesse, systèmes de guidage, etc.), les services sociaux (par exemple aide aux handicapés ou aux personnes âgées), la justice et les douanes (contrôles frontaliers), les travaux publics (systèmes d'information géographique), le sauvetage de personnes en détresse ou les loisirs (orientation en mer et en montagne, etc.). Il va de soi que ces activités peuvent déjà être prises en charge par le GPS mais GALILEO offre la garantie que le système sera opérationnel quels que soit les tensions politiques. La Commission européenne considère que le système “GALILEO représente une avancée technologique et une révolution sociétale équivalentes à celles engendrées par le téléphone mobile”. C’est dire combien elle compte sur ce système pour accroître son influence. A ce titre, GALILEO représente un enjeu majeur sur les plans technologique, économique et politique. On peut espérer qu’il incitera le développement d’une nouvelle génération de services universels. En effet, la place des systèmes de positionnement globaux par satellites va probablement s’accroître dans l’avenir et affecter notre vie quotidienne. Ainsi, pour certains analystes, la radionavigation par satellites représente une invention aussi importante que celle de la montre : de même qu’aujourd’hui personne ne peut ignorer l’heure, personne à l’avenir ne pourra se passer de connaître l’endroit exact où il se trouve. Si cela nous paraît encore étonnant, dans quelques années nous comprendrons mieux les enjeux de cette révolution en découvrant ses retombées dans notre vie de tous les jours (par exemple dans l'aide à la localisation d'une place libre de parking, l'évitement des collisions, la gestion de la fluidité du trafic, la localisation d'une personne, la localisation d'un objet volé, etc). Contrairement au GPS, le voeu pieux de la Commission européenne est de faire de GALILEO un véritable service public, offrant à ce titre une garantie de continuité de services pour certaines applications. En effet au cours des dernières années, le GPS a montré plusieurs exemples d’indisponibilité involontaire ou intentionnelle, parfois sans préavis. Toutefois, GALILEO reste complémentaire du GPS dans la mesure où l’utilisation harmonieuse des deux infrastructures apporte un réel avantage en termes de précision et en termes de sécurité en cas de défaillance de l’un des deux systèmes. Ensuite, l’existence de deux systèmes indépendants est bénéfique pour tous les utilisateurs qui pourront recevoir les signaux GPS et GALILEO sur un seul et même récepteur. Les coûts et les bénéfices de GALILEO La Commission européenne estime le prix du programme GALILEO à 3.2 milliards d'euros mais ne tient pas compte des risques. Selon les estimations de PriceWaterhouseCooper (PWC) le prix du projet reviendrait à 3.4 milliards d'euros, comprenant la fabrication et le lancement de 30 satellites, la mise en place d'une composante terrestre, une provision substantielle pour risques et la construction de satellites de réserve. Plus du milliard d'euros ont déjà été engagés. Se fondant sur des projections actualisées sur vingt ans et tenant compte des retombées dans les seuls secteurs aériens et maritimes (mais il y en aura d'autres), PWC estime que le rapport bénéfices/coûts serait de 4.6. Aucun autre projet d'infrastructure européenne n'a atteint un tel ratio. Enfin, selon d'autres études, GALILEO devrait créer quelque 150000 emplois tandis que le marché de services et d'équipement qui en découlera est estimé à environ 9 milliards d'euros par an. On peut donc espérer que l'investissement sera très rentable mais nous sommes encore loin de pouvoir profiter de cette "manne céleste". En guise de conclusion, l’Union européenne nous rappelle qu’elle ne peut rester absente de ce qui apparaît d’ores et déjà comme l’un des principaux secteurs industriels du XXIe siècle et dépendre de systèmes ou de technologies élaborées hors d’Europe pour certaines applications vitales au fonctionnement de la société de demain. Si ce principe est acquis, encore faut-il que le projet démarre et nous sommes loin du compte. Effets des éruptions solaires sur les réseaux satellitaires Comme tous les satellites orbitaux, le segment spatial du système GPS est sensible aux perturbations électromagnétiques et corpusculaires induites par l'activité solaire dans l'environnement terrestre. Suite à une éjection de matière coronale (CME) ou d'une éruption chromosphérique (flare) par exemple essentiellement constituée de protons rapides (et d'électrons, de neutrons et de plasma), les circuits intégrés et les mémoires des ordinateurs embarqués (de même que les caméras CCD des télescopes) peuvent être temporairement ou irrémédiablement endommagés par l'impact de particules de forte énergie et accuser des malfonctions suite aux perturbations électromagnétiques. De même, le comportement du champ magnétique terrestre et notamment les perturbations géomagnétiques jouent un rôle significatif dans le fonctionnement du système GPS. Afin d'aider les utilisateurs et les prévenir de tout dysfonctionnement éventuel du réseau GPS, en 2005 le gouvernement américain a converti le département spatial du centre de recherche du National Weather Service (NWS) qui dépend de la NOAA en Space Weather Prediction Center (SWPC, anciennement SEC) tandis que le NWS est devenu le centre national de reporting météorologique opérationnel. A l'époque, au cours de cette veille permanente de l'environnement solaire et terrestre, le NWS avait prédit une éruption solaire pour le 6 décembre 2006 mais d'une intensité très faible (flare de classe C) et invisible en lumière blanche. Or, ce jour là les satellites du réseau GPS ont été perturbés par une éruption solaire chromosphérique (cf. ces données) d'une intensité en lumière X de classe X1, une énergie équivalente à la libération de 1 GeV/nucléon ou 10-4 Watts/m2. Elle fut visible en lumière blanche. Durant quelques heures, tous les satellites GPS situés au-dessus de l'hémisphère éclairée de la Terre ont été brouillés, incapables de retransmettre les signaux et de déterminer la position des utilisateurs. Cette perturbation plus importante que prévue a conduit les programmeurs du SWPC et des observatoires solaires (NASA/MSFC, NSO, etc) a réviser leurs modèles numériques solaires et celui de ses interactions dans l'environnement terrestre. Selon David L. Johnson, alors directeur du NWS, "le monde dépend trop d'un système GPS qui devient de plus en plus vulnérable à la météo spatiale". Selon Paul M. Kintner Jr., ingénieur en électricité à l'Université de Cornell, les effets de cette perturbation furent plus intenses et plus étendus que prévus et il ne sera pas facile de protéger les satellites contre ces manifestations. Selon Dale E. Gary, président du Département de physique de l'Institut de Technologie du New Jersey (NJIT), cette éruption a produit 10 fois plus de bruits radio que les éruptions antérieures (indice K=7, flux radio de 103 SFU à 10.7 cm alors que la moyenne du mois fut d'environ 80 SFU avec un faible indice K), ce qui explique la perte des signaux GPS dans le bruit de fond devenu très intense. Morale de cette histoire, si on ne trouve pas rapidement une parade pour protéger les satellites du réseau GPS, on peut s'attendre à de nouvelles pertes de signaux et de nouveaux problèmes de localisation par GPS d'ici quelques années... Derniers échos de GALILEO Le programme GALILEO est très en retard sur les prévisions. En 2007 (avant la signature du contrat de cession des activités de la Commission européenne et de l'ESA aux concessionnaires EADS, Inmarsat, Thales, Alcatel, Hispasat, Aena, Finmeccanica et Teleop) on estimait qu'il ne serait pas opérationnel avant 2012. Aujourd'hui, on parle de... 2030, soit 18 ans de retard ! La principale raison de ce retard n'est pas tant d'ordre organisationnel que du fait que les concessionnaires doivent s'endetter à raison de 2.1 milliards d'euros pour financer 65% du programme ! Du coup ils sont déjà moins emballés par le projet et la Commission européenne a même envisagé de recourir à un emprunt public à concurrence de 5 milliards d'euros. GALILEO est entré en service mi-décembre 2016. En 2019, sur les 26 satellites en orbite, 22 sont opérationnels (et donc les GSM et GPS et autre compteurs de dernière génération peuvent les utiliser). Fin 2016, cela représentait 100 millions d'utilisateurs dans le monde. Pour plus d’informations Livres GPS, Galileo et autres systèmes de radionavigation : Historique, concept et enjeux, W.arnaud, Presses Ponts et Chaussées, 2015 GPS et GALILEO : Systèmes de navigation par satellites, J.-M. Piéplu/O.Salvatori, Eyrolles, 2006 Guide pratique du GPS, P.Correia, Eyrolles, 2006 Bien utiliser le GPS à bord (en mer), C.Dixon, A.Dequidt et C.Roelens, 2003 S’orienter avec un GPS, Radu Horaud, Edisud, 1999 GPS Laboratory, Cornell University Actualité et comparatifs Comparatifs des GPS embarqués (sur le blog) Best of Micro (Noël 2007) Galileo Satellite Navigation System, P.E. Institutions GALILEO (European GSA) US Coast Guard Navigation Center (NAVCEN) GALILEO (Commission Européenne) Galileo Joint Undertaking (GJU) Positioning, Navigation, and Timing (PNT) GLONASS (RU)
|