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Mercure, le messager des dieux

Inbtroduction (I)

La première planète qui gravite autour du Soleil est une petite boule semblable à la Lune d'un diamètre évalué à 4878 km. Elle orbite sur une orbite légèrement excentrique (e=0.2056) l'éloignant entre 0.3075 et 0.4667 UA du Soleil, soit une distance moyenne de 58 millions de kilomètres du Soleil. Mercure boucle son orbite en 88 jours. Se déplaçant rapidement devant la sphère céleste, les Grecs l'ont baptisée "le messager des Dieux".

A la distance de Mercure, le Soleil est presque 3 fois plus grand que sur Terre ( 1°23' contre 32') et environ 5 fois plus brillant avec une magnitude de -28.1 contre -26.8 sur Terre. On comprendra que l'irradiance solaire soit intense tout comme la chaleur (voir plus bas).

Compositage en haute résolution de la surface de Mercure réalisé à partir de photographies prises par la sonde spatiale Messenger entre 2008 et 2009. L'image est centrée sur 0°N, O°E. Voici un autre planisphère centré sur 0°N, 180°E. La résolution est de 2.5 km/pixel. Documents NASA/JUAPL/Messenger et Messenger.

Les échos radars effectués grâce au radiotélescope d'Arecibo (cf. G.H. Pettengill et R.B. Dyce, 1965) confirment que Mercure tourne sur elle-même en 58.6 jours, ne présentant qu'une très faible inclinaison orbitale d'à peine 2'. Le jour solaire[1] dure 175.9 jours contre 24 heures sur Terre. Ces valeurs indiquent également que l'orbite de Mercure est en résonance 3:2 avec sa période orbitale : sa période de révolution vaut 1.5 fois sa période de rotation et la moitié du jour solaire. Paradoxe du langage, cela signifie que sur Mercure les journées sont interminables, et pour être précis elles durent deux fois plus longtemps que l'année ! Cette rotation excessivement lente semble avoir eu des conséquences sur la structure et la force de son champ magnétique sur lequel nous reviendrons.

L'astronome Giovanni Schiaparelli observa Mercure en 1882 au moyen d'une lunette Merz de 22 cm de diamètre d'au moins f/11.9 installée à l'Observatoire Astronomique de Brera, à Milan, en Italie. Voici trois dessins qu'il réalisa aux grossissements de 200 et 400X comparés à une simulation de Mercure à la même époque réalisée avec Stellarium par l'auteur. L'image est floutée de 7%, inversée de haut en bas et la luminance a été accentuée. La précision de ses dessins est remarquable, d'autant plus que Mercure était chaque fois très bas sur l'horizon. Notez la figure en "5" qui impressionna tant l'astronome mais dénote aussi son interprétation très subjective de ce qu'il voyait et qui sera encore plus évidente lorsqu'il dessinera Mars et ses fameux soi-disant canaux. De gauche à droite, le 6 février 1882 (CM=85.6°), le 16 mai 1882 (CM=237.4°) et le 12 août 1882 (CM=351.9°). Documents J.Boudreau et al. (2011) et T.Lombry (Stellarium).

A l'intention des astronomes amateurs, Mercure est visible à l'aube ou au crépuscule telle une étoile brillante d'une magnitude apparente variant entre environ +5.8 et -2.1 et un diamètre apparent variant respectivement entre environ 4.5" lors des conjonctions supérieures et 13" lors des conjonctions inférieures, époque à laquelle elle présente un beau croissant lumineux mais dont la taille demeure 5 fois plus petit que celui de Vénus et 4 fois inférieur au diamètre de Jupiter.

En théorie, Mercure brille presque autant que Jupiter mais à l'époque des conjonctions inférieures (cf. ce schéma), elle est quasiment impossible à observer et devient un défi à photographier car elle se situe alors à moins de 4° du Soleil et présente un croissant excessivement fin ( 10.07", 1% d'illumination comme ce fut le cas le 15 janvier 2016 à 19h24 TU). Même en temps normal, du fait qu'elle ne s'éloigne pas à plus de 18 à 28.3° du Soleil lors des élongations inférieures, son observation est difficile car elle est souvent noyée dans l'éclat du Soleil. Les photos reprises dans la galerie des chefs-d'oeuvre ont été prises en fin de matinée. Dans ces conditions, on ne sera pas étonné d'apprendre que seule une poignée d'amateurs sont parvenus à photographier la forme gibbeuse et plus rarement encore le premier ou dernier quartier de Mercure comme on le voit ci-dessous. Quant au croissant de Mercure, les seules photos que nous possédons ont été enregistrées par les sondes spatiales.

Images amateurs

A gauche, Mercure photographiée par Stefano Quaresima avec un télescope Meade LX200 ACF 16 de 400 mm de diamètre le 4 mars 2016 à 9h54 TU. Il s'agit de l'empilement de... 200000 images prises à 850 nm (IR) au moyen d'une caméra CCD i-Nova MagZero PLA-Mx. Le globe est à 90% illuminé et mesure 5.1" de diamètre. A droite, image obtenue par Roland Christen avec un télescope Astro-Physics Maksutov-Cassegrain de 250 mm f/29.2 équipé d'une caméra CCD Starlight Xpress HX-516. Empilement de 6 images en binning 2x2. Le globe mesure 6.8" de diamètre.

Mercure reste donc un objet difficile à photographier qui avantage les télescopes de plus de 200 mm de diamètre offrant une longue focale afin d'augmenter le grossissement et équipé d'un filtre à contraste orange, bleu ciel ou infrarouge (par ex. Schott de 850 nm).

Structure interne

Etant une planète tellurique, Mercure est totalement sphérique. Sa structure solide empêcha l'aplatissement des régions polaires. Toutefois dans une étude publiée dans "Nature Geoscience" en 2016,l'analyse des données transmises par la sonde spatiale Mariner 10[2] en 1974 et par Messenger qui photographia Mercure de 2008 à 2015 a permis à l'équipe de Tom Watters du Musée National de l'Air et de l'Espace de Washington de confirmer que la surface de Mercure se contracte, rejoignant ainsi la Terre parmi les planètes présentant une activité tectonique.

Grâce à de nouveaux calculs réalisés par le planétologue Michael Sori de l'Université d'Arizona dont les résultats furent publiés en 2018, sur base de la densité de Mercure (5.4) et des mesures de sa gravité calculée à partir de la trace radio de la sonde spatiale Messenger, les anciennes mesures ont été révisées.

Mercure révèle une grande abondance en fer qui représente 75% de sa masse. Le noyau occupe non pas entre 42 et 55% de son volume mais 60% (contre 15-17% pour la Terre), ce qui représente près de 90% du rayon de la planète. Il forme une boule de fer plus grande que la Lune encore partiellement liquide. Il est très difficile de déterminer l'origine de l'omniprésence de ce fer et la taille très importante de son noyau.

L'une des explications est qu'à l'époque de la formation du système solaire, les corps riches en silicate (les roches) et en fer se sont rassemblés près du Soleil. Ensuite, la couche rocheuse de Mercure se serait évaporée. Cela aurait conduit à un pourcentage plus faible d'éléments volatils comme l'uranium et le potassium en surface par rapport aux éléments plus difficiles à vaporiser, comme le thorium. Cependant, le spectromètre gamma de Messenger n'a pas révélé un tel épuisement, excluant cette hypothèse.

Certains modèles informatiques indiquent qu'une collision catastrophique avec un astéroïde aurait pu vaporiser le manteau rocheux de Mercure, laissant son coeur à nu. C'est la seule hypothèse qui puisse à ce jour expliquer sa structure particulière.

A voir : Modèle topographique de Mercure, NASA/USGS

A gauche, structure interne de Mercure. Au centre, modèle topographique de la surface de Mercure (voir l'animation ci-dessus). A droite, des graben (dépressions linéaires étroites) associés à de petits escarpements (les flèches inférieures) et de petites lignes de dépressions de quelques dizaines de mètres de largeur (les flèches supérieures et dans l'encadrement) révélant le soulèvement et la déformation de l'écorce sous l'effet de la pression interne. Documents T.Lombry, NASA/JHUAPL/Carnegie Inst./USGS/U.Az. et NASA/JHUAPL.

Le noyau est enveloppé d'un manteau ferreux pauvre en silicates d'environ 500 à 700 km d'épaisseur qui fait la jonction avec l'écorce. Selon les calculs de Sori, la croûte de Mercure est plus mince qu'on le pensait. Elle serait épaisse d'environ 26 km et non de 35 km. Cette nouvelle estimation résout un mystère concernant la proportion de roches contenue dans la croûte. Selon les estimations antérieures, on pensait que 11% du manteau original de Mercure avait été transformé en roches dans la croûte. Les nouveaux calculs portent la proportion à 7%, identique à celle de la croûte lunaire, alors que les deux astres se sont formés de manière très différente. En revanche, la densité de la croûte de Mercure serait plus élevée que prévu et plus dense que l'aluminium (densité 2.7) contre ~3.3 pour la croûte lunaire qui est pauvre en métaux et entre 2.7 et 3.0 pour la Terre selon la nature des roches.

Détection de chrome

Les mesures réalisées par la sonde spatiale Messenger (Mercury Surface, Space Environment, Geochemistry and Ranging) de classe Discovery de la NASA ont révélé que Mercure diffère non seulement géologiquement mais également chimiquement de la Terre. Mercure contient relativement moins d'oxygène, ce qui indique qu'elle s'est formée à partir d'éléments constitutifs différents de la nébuleuse protosolaire que la Terre. Cependant, il est difficile de déterminer avec précision l'état d'oxydation de Mercure à partir des données disponibles.

Dans un article publié dans le "Journal of Geophysical Research Planets" en 2023, l'équipe de Larry R. Nittler de l'Ecole d'Exploration de la Terre et de l'Espace (SESE) de l'Université d'Arizona et principal scientifique de la mission Messenger a cartographié l'abondance du chrome, un élément dit mineur (ou oligo-élément sur le plan biologique), à la surface de Mercure.

Carte d'abondance du chrome superposée sur une photo de la surface de Mercure prise par Messenger. Document L.Nittler/ASU (2023).

Le chrome est connu pour être extrêmement brillant et résistant à la corrosion et il donne de la couleur aux rubis (Al2O3:Cr) et aux émeraudes (Be3(Al,M)2(SiO3)6 avec M = Cr, Fe, V. Mais il peut également exister dans une large gamme d'états chimiques, de sorte que son abondance peut fournir des informations sur les conditions chimiques dans lesquelles il a été incorporé dans les roches.

Nittler et ses collègues ont découvert que la quantité de chrome varie à la surface de Mercure d'un facteur d'environ quatre. Pour obtenir ce résultat il ont compilé des données d'expériences en laboratoire et analysé le comportement du chrome sous différentes abondances d'oxygène dans le système. Ils ont ensuite développé des modèles de la planète à l'époque où elle était composée d'une croûte, d'un manteau et d'un noyau pour étudier la distribution du chrome entre les différentes couches de la planète. Enfin, ils ont calculé la quantité de chrome qui devrait être présente à la surface de Mercure.

En comparant ces modèles avec l'abondance de chrome mesurée, les chercheurs ont découvert que Mercure devait avoir du chrome dans son grand noyau métallique, ce qui permit de fixer des contraintes sur l'état d'oxydation global de la planète.

La géophysicienne Asmaa Boujibar de l'Université Western Washington et coautrice de cet article qui a effectué la modélisation précise : " Notre modèle, basé sur des expériences en laboratoire, confirme que la majorité du chrome de Mercure est concentrée dans son noyau. En raison de la composition unique et des conditions de formation de Mercure, nous ne pouvons pas comparer directement sa composition de surface avec les données obtenues à partir de roches terrestres. Par conséquent, il est essentiel de mener des expériences qui simulent l'environnement spécifique pauvre en oxygène dans lequel la planète s'est formée, distinct de la Terre ou de Mars."

Selon Nittler, "C'est la première fois que le chrome est directement détecté et cartographié sur une surface planétaire. En fonction de la quantité d'oxygène disponible, il aime se trouver dans des oxydes, des sulfures ou des minéraux métalliques, et en combinant les données avec une modélisation de pointe, nous pouvons glaner des informations uniques sur l'origine et l'histoire géologique de Mercure."

Les résultats démontrent que, comme pour le fer, une partie substantielle du chrome est en effet séquestrée dans le noyau. Les chercheurs ont également observé qu'à mesure que la planète devient de plus en plus pauvre en oxygène, une plus grande quantité de chrome percole à l'intérieur. Cette donnée va considérablement aider les scientifiques à compréhendre la composition élémentaire et les processus géologiques en jeu dans Mercure.

Conditions physiques en surface

Quelles sont les conditions de température et de pression à la surface de Mercure ? Trop peu massive, Mercure n'a pas su conserver son atmosphère. Elle présente une faible pression atmosphérique à peine mesurable de 2x10-9 mb, provoquée par le vent solaire et par un dégazage du sol, gaz composé d'argon et de néon. On a également détecté des traces de potassium et de sodium dont l'origine est probablement interplanétaire.

Sans atmosphère, Mercure subit d'importants écarts de température entre le jour et la nuit. A midi face au Soleil, le sol peut atteindre 430°C pour une température moyenne de 169°C, tandis qu'à quelques pas derrière le terminateur - la ligne qui délimite le jour de la nuit - la température plonge à -193°C, un écart de 600° deux fois plus important que sur la Lune ! Cette différence considérable avec la Lune vient du fait qu'à la distance de Mercure, le côté faisant face au Soleil reçoit dix fois plus d'énergie que la Lune et 6.6 fois plus que la Terre. Sur Mercure l'irradiance solaire est de 9126.6 W/m2.

A gauche, une illustration de 1958 évoquant le grand contraste de température qu'on trouve sur Mercure (pour rappel, sur Terre un oeuf cuit à partir de 65°C, notamment dans une poêle exposée au Soleil des Tropiques). Cette carte N°77 fait partie de l'ensemble "Topps Target Moon" composé de 88 cartes sur l'espace proposées avec des chewing-gums dans les années 1950. Elles furent imprimées aux Etats-Unis par T.C.G. A droite, les températures minimales et maximales relevées sur Mercure. Document T.C.G/coll.privée et T.Lombry.

Bien que la température moyenne sur Mercure soit très élevée, cela n'empêche pas qu'il puisse y avoir des températures glaciales dans les zones à l'abri du Soleil. En effet, comme on le voit ci-dessous, les relevés radars réalisés en 1991 et 1999 grâce radiotélescope d'Arecibo en bande UHF (70 cm de longueur d'onde ou 428.3 MHz) et bande S (12.6 cm de longueur d'onde ou 2.38 GHz) de la région du pôle Nord de Mercure montrent que certains cratères (en jaune) réfléchissent fortement le rayonnement, la principale raison étant la présence probable de glace. Cette donnée fut confirmée entre 2011 et 2015 grâce aux mesures du spectromère à neutrons de la sonde spatiale Messenger qui releva des émissions neutroniques produites par le dégagement de neutrons de la surface de Mercure suite à l'impact des rayons cosmiques. Bien que l'analyse de ces données soit complexe, la vitesse de ces neutrons varie en présence d'hydrogène, et c'est justement ce phénomène qu'ont observé les planétologues dans la région du pôle Nord de Mercure (en rouge).

On a ainsi pu montrer que les dépressions et les cratères les plus profonds de Mercure, abrités en permanence du rayonnement solaire contiennent de la glace d'eau. Cette glace est enfouie à quelques dizaines de centimètres sous la surface et la couche glacée pourrait présenter une épaisseur de 20 mètres. Selon une étude publiée en 2017 dans la revue "Icarus" par David J. Lawrence de l'Université Johns Hopkins (JHUAPL) et son équipe, elle représentrait une masse comprise entre 100 milliards et 1000 milliards de tonnes de glace (maximum de 3x1015 kg).

Cette découverte a soulevé de nouvelles questions parmi lesquelles d'où provient cette glace d'eau. Elle apparaît dans des cratères intrinsèquement sombres mais d'autres sont clairs. Sur base de simulations, on suppose que la surface est localement recouverte de matière carbonée, la même que celle qu'on retrouve sur les comètes (et certains astéroïdes) qui par ailleurs contiennent également de l'eau glacée. Des études préliminaires suggèrent que cette glace pourrrait être remontée en surface à travers des fissures dans le sol de la planète. Mais cette hypothèse n'a pas encore été confirmée.

A gauche, relevé radar du pôle Nord de Mercure réalisé depuis Arecibo en bande S (2.38 GHz) en 1999. La résolution est de 1.5 km. Les zones brillantes réfléchissant fortement les ondes correspondent à des cratères contenant de la glace. A droite, la combinaison des relevés radars d'Arecibo (jaune) et des relevés neutroniques de la sonde Messenger (rouge) superposés à la carte du pôle Nord de Mercure revèlent les endroits abrité du Soleil et contenant de la glace d'eau. Documents J.Harmon et al./AIC/JPL et NASA/JHUAPL.

Ceci dit, comme le montre la photographie ci-dessus à droite, cette activité interne est bien visible au niveau des petits graben, c'est-à-dire des petites dépressions linéaires associées à de petits escarpements et dans les dépressions de quelques dizaines de mètres qui se forment sous l'effet du soulèvement de l'écorce et restent apparentes malgré le bombardement météoritique permanent. Cette activité est compatible avec l'existence d'un champ magnétique global et le lent refroissement de son noyau. Par conséquent, il est possible qu'il existe une activité sismique sur Mercure mais elle n'a pas encore été détectée.

La surface de Mercure

Ce qui surprend les chercheurs qui ont analysé les photographies de Mercure, c'est la couleur très sombre de sa surface. En effet, Mercure reflète très peu la lumière du Soleil et présente un albedo de 0.06 soit deux fois inférieur à celui de la Lune, ce qui en fait la planète la plus sombre du système solaire (seuls le noyau des comètes, quelques astéroïdes et certains anneaux de Saturne sont encore plus sombres). Cette noirceur s'explique par la présente de carbone. Mais on s'est longtemps demandé comment s'est formée cette matière organique. Comme la glace, à partir de simulations, les chercheurs ont d'abord imaginé que ce carbone provenait des comètes. Mais cette hypothèse n'a jamais été confirmée.

A gauche, l'aspect du Soleil vu de Mercure imaginé par Joe Bergeron. A droite, la sonde spatiale Messenger en orbite autour de Mercure. Document T.Lombry.

Selon une étude publiée en 2017 dans la revue "Nature" par Patrick Peplowski du JUHAPL et ses collègues, les données du spectromètre à neutrons de Messenger montrèrent qu'il y avait des pics d'une signature compatible avec celle du carbone chaque fois que l'orbiter survola les surfaces couvertes de matière sombre. Les chercheurs ont constaté que la surface de Mercure était recouverte d'une quantité de graphite largement supérieure à celle des autres planètes telluriques. Cette découverte a permis à Peplowski et ses collègues de formuler une hypothèse plus réaliste que les supposés impacts cométaires. Ils pensent que ce graphite provient des profondeurs de Mercure. A l'origine, Mercure présentait un "océan" de magma fondu. Avec le temps, ce magma s'est refroidi et les minéraux denses ont coulé dans les profondeurs de la planète. En revanche, le graphite plus léger aurait flotté en surface et formé la croûte originelle de Mercure. La surface de Mercure serait donc aujourd'hui le résultat du mélange d'une relative abondance de carbone réminiscente de l'ancienne croûte mêlée à des roches volcaniques et des éjecta d'impacts.

Mercure photographiée sous différentes phases entre 2008 et 2009 par la sonde spatiale Messenger. Les couleurs naturelles correspondent à la combinaison des canaux monochromes proche IR (1000 nm), rouge profond (700 nm) et bleu-violet (430 nm). Les couleurs de la dernière image ont été légèrement accentuées pour faire ressortir la nature des différents terrains. La résolution est d'environ 450 m/pixel. Documents NASA/Messenger et NASA/JUAPL/Messenger.

Quant aux photographies de Mercure, on peut remercier la sonde spatiale Messenger. En effet, en septembre 1974, les premières photographies de Mercure réalisés par la sonde spatiale Mariner 10 avaient une résolution de 50 mètres mais l'orbiter n'avait eu le temps de photographier que 45% de sa surface et de transmettre 750 photographies. En revanche, à partir de 2008, la sonde Messenger cartographia la planète dans différents rayonnements avec une résolution de 10 mètres et transmit au total plus de 200000 photos. Messenger se crasha finalement sur la surface de Mercure le 28 avril 2015 à la vitesse de 3890 km/h, créant elle-même un cratère.

Comme on le voit ci-dessous (les tonalités des deux photos en couleurs accentuées sont artificielles pour faire ressortir les différentes compositions chimiques et minéralogiques), la surface de Mercure ressemble étonnamment à celle la Lune. On distingue des cratères de toutes tailles, des collines et des vallées, des fractures, des bassins peu accidentés et des régions très bouleversées. On retrouve sur Mercure les mêmes formations que sur la Lune, les mêmes cratères "à rayons" composés de chaînes de débris ou ayant un pic central, des cratères jeunes et d'autres érodés par les impacts météoritiques.

La surface de Mercure photographiée par la sonde spatiale Messenger entre 2008 et 2015. A gauche, le cratère Kuiper de 62 km de diamètre. Il ressemble en de nombreux points (pics, remparts) aux cratères lunaires Copernic ou Tycho. Au centre, une plaine volcanique située dans l'hémisphère nord en couleurs accentées (images RGB à 430 et 1000 nm). Dans la partie inférieure droite se trouve le cratère d'impact Mendelssohn de 291 km de diamètre qui fut vraisemblablement comblé par de la lave. Dans la partie inférieure gauche, on distingue également des crêtes formées lors du refroidissement de la lave. A droite, la surface de Mercure également reproduite en couleurs accentuées. La résolution atteint 500 mètres par pixel. Ci-dessous à gauche, une triple chaîne de cratelets dans un cratère d'impact. Au centre, un étonnant double bassin d'impact (l'image s'étend sur 160 km) qui s'est visiblement rempli de lave. Il semble avoir la même origine que le cratère Rachmaninoff. A droite, le bassin de Caloris photographié par Mariner 10. Il mesure 1300 km de diamètre et est entouré de montagnes concentriques qui s'élèvent jusqu'à 2000 m d'altitude. Documents NASA/Mariner 10, NASA/Messenger et NASA/JHUAPL/CIW.

La montagne la plus élevée culmine à 4480 m au dessus du niveau moyen et se situe juste au sud de l'équateur dans l'un des bassins les plus anciens de Mercure. La région la plus basse se situe à 5380 m sous le niveau moyen; il s'agit du bassin de Rachmaninoff, une structure d'impact présentant un curieux double anneau abritant vraisemblablement les dépôts volcaniques les plus récents de la planète. A côté de ces extrêmes, on trouve également des failles qui peuvent s'étendre sur 550 km.

Alors que la surface lunaire compte au moins cinq bassins mesurant plus de 500 km de diamètre, la surface de Mercure ne contient que deux grandes formations : le cratère Rembrandt qui mesure 700 km de diamètre et le bassin de Caloris qui s'étend sur 1300 km. Sinon, la taille moyenne des cratères est inférieure à 20 km.

Mosaïque de photographies obliques de la formation rocheuse au centre du cratère Abedin sur Mercure dont voici une vue générale prise à 22800 km d'altitude. Le fond de ce cratère de 116 km de diamètre situé à 61.7° N et 349.3° E présente une structure complexe d'éjecta solidifiés de roches ayant été liquifées suite à un impact. L'agrandissement montre également de grandes fissures au fond du cratère qui se sont formées au cours du refroidissement. La légère dépression située entre les pics au centre du cratère pourrait être d'origine volcanique. En effet, des images colorisées montrent que cette dépression est entourée de matière rougeâtre qu'on retrouve dans d'autres sites de Mercure présentant un volcanisme explosif. Document NASA/JHUAPL.

Enfin, le 21 décembre 2013, alors que la sonde spatiale Messenger survolait la face diurne de Mercure, son spectromètre à plasma FIPS (Fast Imaging Plasma Spectrometer) enregistra un pic dans la composition du vent solaire qui présenta une quantité anormalement élevée d'ions de sodium et de silicium animés de vitesses et de direction très similaires comme s'ils avaient été émis par un jet de matière. En analysant ces données, les chercheurs ont découvert que ce flux d'ions provenait d'un panache de matière éjecté jusqu'à 5300 km d'altitude au-dessus de la surface de Mercure, en dehors de l'arc de choc de sa magnétosphère. Voici une illustration de ce panache réalisée par Jacek Zmarz pour le JHUAPL. Les chercheurs en ont déduit que le panache fut formé par l'impact d'un météoroïde d'environ 1 mètre diamètre (cf. J.M. Jasinki et al., 2020; JHUAPL, 2021).

Notons que les chercheurs s'attendaient à détecter un impact de météoroïde chaque année sur Mercure. Il fallut patienter 2.5 ans pour détecter ce premier et seul impact.

Nous verrons dans le prochain chapitre le champ magnétique de Mercure, les prochaines missions spatiales vers la planète la plus proche du Soleil et dirons quelques mots sur les transits de Mercure, un phénomène assez rare pour être mentionné.

Deuxième partie

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[1] Le jour solaire est l'intervalle le temps qui sépare deux passages du Soleil au méridien en un point donné d'une planète.

[2]Concernant les résultats de la mission Mariner 10 vers Vénus et Mercure, lire National Geographic, 147, Jun.1975, p858. Concernant Messenger, le JHUAPL a décrit les "TOP 10 Science Results" de la mission sous forme vidéo.


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