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L'observation visuelle des météores Faites un voeu ! (I) Quel amoureux de la nature n'a pas un jour observé une "étoile filante" traverser silencieusement la voûte céleste. Le spectacle reste excitant que l'on soit un observateur occasionnel ou un vieux routard des sentiers de randonnées et noctambule. Si la plupart du temps l'évènement n'occasionne pas beaucoup d'émoi, lors d'une période à essaim on peut observer des heures durant un véritable spectacle cosmique et occasionnellement assister à l'explosion d'un bolide ou à la fragmentation d'un météoroïde à quelques kilomètres au-dessus du sol. Levez la tête Les astronomes se sont désintéressés de l'étude des météores durant des siècles, les assimilant à un phénomène atmosphérique analogue à la foudre. C'est seulement à la fin du XVIIIe siècle que l'on calcula leur vitesse et leur hauteur par triangulation, en les observant simultanément depuis plusieurs stations distantes de quelques kilomètres. Ce n'est qu'en 1893 que l'astronome estonien Ernst Öpik décrivit pour la première fois le processus par lequel les météores se consumment dans l'atmosphère. La fréquence des météores et leur distribution dans le ciel n'est pas régulière. Ainsi observe-t-on des essaims de météores qui, au cours d'un certain intervalle de temps (quelques jours) apparaissent à peu près dans la même région du ciel. De nombreux averses ou "pluies d'étoiles filantes" sont périodiques dont la plus connue du public est certainement celle qui nous arrive entre le 25 juillet et le 18 août, l'essaim des Perséides, qui donne l'occasion aux chaînes de télévision d'organiser une émission publique sur l'astronomie (par exemple "La nuit des Perséides" sur TF1 à la mi-août).
Certaines années, on peut dénombrer plus de 170 Perséides par heure au zénith (ZHR, voir plus bas). L'activité maximale des Perséides se manifeste généralement entre le 11 et le 12 août entre 15 et 2h TU mais la date et l'heure exactes varient d'une année à l'autre. En Europe, le pic survient donc généralement la nuit du 11 au 12 août vers 3 ou 4h locale du matin. L'IMO compte parmi les meilleurs sites pour obtenir des prévisions actualisées. Certaines années, selon le lieu et l'heure d'observation l'essaim peut-être très faible avec à peine un ou deux météores par heure à 50°N. L'éclat de la pleine Lune (et d'une super Lune) ou un léger voile nuageux peut aussi réduire non seulement la brillance des étoiles de 2-3 magnitudes, mais également les chances d'observer les météores. Pour la photographie, utilisez un appareil photo ou une caméra équipée d'un objectif grand angle équivalent à une optique 24x36 de 10 à 35 mm de focale, offrant respectivement un champ de 130 à 63° pour être certain de cadrer plusieurs constellations et quelques météores. Un grand angle offrant un champ de 114° (focale de 14 mm en 24x36) ou de 75° (focale de 28 mm en 24x36) est un bon compromis. Vous pouvez aussi utiliser un fish-eye (180°) ou placer votre APN au-dessus d'un miroir convexe orienté vers le ciel (cf. les caméras All-Sky). Notons que l'utilisation d'une optique zoom ou d'un petit télébjectif pour capturer en gros-plan un météore qui traverserait par hasard votre champ offre peu d'intérêt, sauf si vous parvenez à capturer toute la trace d'un petit météore coloré et brillant (le champ d'un téléobjectif de 135 mm ne fait que 18° en 24x36). De plus, vu le grossissement, un suivi est recommandé sinon les traînées se mêleront à la trace du météore Notons que les APN compacts utilisent généralement un photocapteur beaucoup plus petit que le "full frame" de 24 x 36 mm d'un APN reflex. Ainsi l'APN compact Sony ZV-1 par exemple utilise un photocapteur de 1" (13.2 x 8.8 mm). D'autres modèles, y compris beaucoup d'APN hybrides utilisent un photocapteur au format APS-C (15.7 x 23.7 mm). Précisons que si le "crop factor" ou facteur de grossissement est en théorie de 1.5x pour les photocapteurs au format APS-C, chez Canon le format APS-C mesure 14.9 x 22.3 mm; le "crop factor" est de 1.6x, allongeant encore un peu la focale. Un objectif de 9.4 mm de focale (114°) en format APS-C est équivalent à une focale de 14 mm (114°) en 24x36. Calculette : Lens Focal Length and Field of View Fixez l'APN sur un trépied, une mini-monture équatoriale, en parallèle sur votre lunette ou télescope ou posez-le simplement sur un support stable à l'abri du vent. Si vous disposez d'un super grand angle, vous pouvez orienter l'objectif vers le radiant (le point du ciel d'où semblent provenir les météores). Si le champ de votre objectif est plus étroit (63° pour un 35 mm en 24x36), choisissez une région à 45° du radiant ou orientez l'objectif vers l'horizon en ayant au moins les trois quarts du champ orientés vers le ciel, si possible sous le radiant ou vers la Voie Lactée. Une petite silhouette ou une stucture naturelle à l'avant-plan (arbre, lac, mer, montagnes, etc) peut aussi rendre la photo plus esthétique. Désactivez l'autofocus (beaucoup d'APN ne parviennent pas à focaliser à l'infini la nuit dans le ciel) et faites la mise au point à l'infini (ou si l'autofocus fonctionne, désactivez-le après la mise au point sur le ciel). Faites une première photo du ciel exposée 30 secondes et vérifiez la mise au point avec la fonction zoom de votre APN. Rectifiez-la si nécessaire jusqu'à ce que les étoiles soient ponctuelles (le masque de Bathinov d'aide à la mise au point ne fonctionne pas ou pas bien avec les grand angles sauf s'il y a une étoile ou une planète très brillante dans le champ). Limitez-vous à des expositions suivies ou non de 10 à 30 s (en pose B ou par programme) à 400 ou 800 ISO et répétez l'opération pendant une heure ou plus. Notons que les APN de dernière génération et les haut de gamme gèrent beaucoup mieux les sensibilités élevées (1600 à 6400 ISO) tout en préservant les couleurs et les détails. Lors d'une période à essaim, l'expérience démontre que si vous regardez le ciel environ 45° au-dessus de l'horizon et dans un rayon de 45 à 90° autour du radiant, si vous patientez un quart d'heure, vous avez une chance de voir quelques météores et pourquoi pas même un bolide. Alors si l'envie vous prend, prenez un siège, quelques friandises et observez le spectacle ! Si cela se déroule en hiver, pensez à bien vous couvrir. A lire sur le blog : Les Perséides arrivent (2010) - 2012 - 2014
Bien que le tableau des différents essaims dénombre de nombreuses apparitions, il n'est pas toujours facile de les repérer pour des raisons à la fois météorologiques, géographiques et physiques. Le nombre total de météores apparaissant en moyenne en l'espace d'une heure est pris au zénith, c'est le fameux ZHR ou "Zenith Hour Rate". Ce nombre est calculé à la verticale de l'observateur et influence les résultats : ainsi à 60° au-dessus de l'horizon il n'en reste que les trois-quart, la moitié à 27° d'élévation, tandis que le nombre de météores visibles à 2.6° au-dessus de l'horizon n'est plus que de 10%. Il faut aussi trouver un compromis avec l'élévation des météores sur l'horizon. Sachant qu'ils subissent les premiers effets de la friction atmosphérique au niveau de la couche d'ozone, à plus de 100 km d'altitude, la probabilité de les observer à hauteur de l'horizon reste en théorie élevée. En effet, votre ligne de visée permet de voir le ciel au-dessus de l'horizon jusqu'à des distances de plusieurs centaines de kilomètres, et d'autant plus loin si vous êtes en altitude. Seul désavantage, l'horizon peut être bouché par la nature, ou rendu lumineux en raison de la brume, des poussières dans les basses couches ou de l'éclairage urbain. Mais le facteur le plus pénalisant est le fait que la traînée lumineuse produite par le météore devient plus pâle à mesurer que la distance à l'observateur augmente. Sa magnitude tombe rapidement dans les limites de notre sensibilité visuelle et sa trace se perd dans le ciel. L'activité des essaims est très variable suivant les années et même les professionnels éprouvent des difficultés à prédire la date exacte des maxima et le taux horaire avec précision puisqu'on ne connait pas la densité réelle, la taille et la trajectoire précises des particules constituant ces nuages de poussière. Les dernières grandes pluies datent respectivement de 1961 (Perséides), 1966 et 1999 (Léonides) auxquels s'ajoutent quelques beaux météores très brillants et même des bolides comme on le voit sur les photos ci-jointes. Formulaire en ligne : Signaler l'observation d'un bolide à l'IMO
Les amateurs peuvent être surpris par la quantité de météores apparaissant lors d'une pluie comme celle des Léonides. Ainsi, le 18 novembre 1999 les observateurs espagnols relevèrent plus de 1800 météores par heure alors que les professionnels s'attendaient à en observer entre 500 et 1000 ! Imaginez-vous que par moment les observateurs d'Israël observèrent 70 météores par minute et ce durant plus d'une demi-heure ! Mais toutes les régions ne sont pas frappées de la même façon. Au même moment les observateurs américains n'observèrent que 40 à 50 météores par heure, la plupart étant rapides et peu lumineux. En fait, les pays du Moyen-Orient étaient situés aux avant-postes et faisaient face à l'essaim des Léonides alors que le continent américain devait se contenter des quelques météores qui rattrapaient la Terre dans sa course comme l'explique le film suivant. A voir : Bolide au-dessus de Geigersau en Bavière (16 oct 2017), vimeo
Rappelons que suite à l'impact de la sonde spatiale DART sur le petit astéroïde Dimorphos en 2022, la collision engendra un nuage de débris qui s'échappa dans l'espace. Des simulations indiquent que ces poussières pourraient atteindre la Terre, en faisant la première pluie de météores artificielle, c'est-à-dire créée par l'homme. Les chercheurs estiment que cette pluie de météores pourrait être visible en mai 2029 mais principalement dans l'hémisphère sud. On reviendra sur ces simulations à propos des histoires d'impacts. Pour information, la plupart des météores apparaissent entre 80 et 120 km d'altitude. Leur vitesse dépend des essaims et sera plus rapide pour les bolides. En théorie quand les météores pénètrent dans l'atmosphère leur vitesse varie entre 11 km/s (39600 km/h) et 72 km/s (259200 km/h). Voici la vitesse des principaux essaims :
Venons-en à présent à la pratique avec le dépouillement et l'analyse des observations de météores. Travaux pratiques Comment dépouiller les observations ? L'expérience démontre que l'appareil photographique apporte une aide non négligeable comme nous allons le découvrir. Lors de la sélection et du dépouillement des observations, il faut tenir compte des trois points suivants : - Les circonstances atmosphériques : les observations effectuées par une précision de la magnitude de plus de 0.5 magnitude ne sont généralement pas traitées. - La durée d'observation : compte tenu de la couverture nuageuse et d'une magnitude limite de +5.0 environ, il faut compter au minimum sur une séance d'observation de 2h à 2h30 pour obtenir des résultats exploitables. - L'expérience de l'observateur : elle ressort des rapports d'observation envoyés. Il faut noter que si la magnitude limite est très élevée et que l'observateur a vu très peu de météores, cela signifie qu'il était fatigué ou manquait de concentration. De telles observations ne sont pas non plus retenues par les associations. Il faut ajouter que toutes les trajectoires des météores retenus sont classées selon le catalogue de la British Meteor Society. La numérotation des essaims est maintenue ainsi que la répartition des magnitudes. Un diagramme est ensuite établi pour chaque observateur qui a observé au moins 30% des étoiles filantes attendues en une nuit. Cette méthode permet aux observateurs de confronter leurs résultats. A
voir : Meteor
(Sar2667) lights up night sky over England, France,
Global News, 13 fév 2023 Asteroid explodes over English Channel after rare early detection, The Telegraph
Les corrections individuelles Comme toute mesure subjective et compte tenu parfois du grand nombre d'observateurs inexpérimentés qui envoient des rapports d'observations à l'organisme centralisateur, il est nécessaire de dessiner un diagramme de répartition des magnitudes propre à chaque observateur pour pouvoir faire des comparaisons et dépister les erreurs personnelles. L'estimation des magnitudes est souvent ressentie par les débutants comme une expérience difficile et les différences pour chaque observateur apparaissent clairement dans les graphiques de la Dutch Meteor Society. Un débutant éprouve des difficultés pour estimer la magnitude des météores les plus brillants qui ne sont pas évalués de façon uniforme. C'est un phénomène normal pour un observateur sans expérience que l'on retrouve dans l'évaluation des étoiles variables. Les erreurs deviennent de plus en plus grande à mesure que la luminosité des météores augmente et dépasse la magnitude 0 du fait qu'il y a moins d'étoiles de comparaison. A l'inverse, les observateurs débutants sous-estiment souvent les météores très faibles. C'est une erreur logique par un ciel très étoilé qui conduit à donner à l'indice de population "r" une valeur trop élevée (r=3).
Enfin, on peut observer des cassures entre certaines magnitudes (entre 2 et 4 par exemple) qui sont souvent produites par des évaluations trop optimistes d'observations effectuées dans de mauvaises conditions et des évaluations pessimistes faites dans de bonnes conditions. Ce modèle s'applique non seulement aux essaims mais également à l'observation des météores sporadiques. En règle générale on peut en déduire qu'au moins il y a de météores pour une magnitude donnée au plus forte est la ligne ascendante courant par les points trouvés. L'angle que cette droite forme avec l'axe des magnitudes représente la valeur moyenne de lumination pour cet essaim, conditionné par le facteur "r", l'indice de population. Au plus ce facteur est petit, au plus grande est la lumination moyenne. Il faut en tenir compte car au plus un observateur estime la luminosité intense, plus "r" sera petit. Les circonstances de l'observation jouent donc un rôle important. Il est important que les observateurs prennent connaissance de leur "équation personnelle" afin de déduire les principales différences entre leurs propres évaluations et la moyenne pour en tenir compte dans leurs prochaines observations. On peut également envisager à terme d'attribuer à chaque observateur assidu et confirmé un facteur de correction déterminé, à l'image de ce qui se fait pour l'étude des Phénomènes Lunaires Transitoires. Mais à partir de ce simple graphique nous ne pouvons pas encore déduire les facteurs de corrections individuels. Il faut pour cela que l'observateur ait noté un grand nombre de météores durant sa séance d'observation. De plus la magnitude limite par station d'observation joue probablement un rôle perturbateur. Une analyse des facteurs influençant l'estimation de la luminosité a été entreprise par la British Meteor Society voici quelques années (Robert Mackenzie).
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