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Les appareils photos numériques en astrophotographie

La Voie Lactée photographiée en Nouvelle Zélande par Mark Gee. Panorama à 180° constitué de 20 images exposées chacune 30 secondes à 3200 ISO prises avec un APN Canon EOS 5D Mark III équipé d'un objectif grand angle EF 24 mm f/2.8.

Introduction (I)

Avec les progrès continus réalisés dans les domaines de la microélectronique, de l'informatique et de l'imagerie, un appareil photo argentique ne peut plus rivaliser avec les performances d'un appareil numérique tant le second apporte de la souplesse lors la prise de vue et du traitement d'image sur ordinateur.

Cela ne veut pas dire que les appareils argentiques n'ont pas eu de succès car ils ont fait le bonheur de nombreux photographes pendant des décennies, notamment le Nikon F2 (1971-1980), l'Olympus OM-1 (1973-1987) et le Miranda Laborec III (1975) qui offraient l'avantage sur leurs concurrents d'être adaptés à la photographie derrière une optique, que ce soit un instrument d'astronomie ou un microscope.

Mais progrès oblige, comparée aux performances d'un film argentique, une caméra CCD ou le photocapteur d'un appareil photo numérique (APN) est 100 fois plus sensible aux faibles lumières sans présenter les inconvénients du film (instabilité des couleurs, échec à la loi de réciprocité lors des longues poses, zones rapidement surexposées, développement en laboratoire, etc).

Ajouté à la facilité d'utilisation, il allait de soi que tous les photographes allaient un jour passer à la photographie numérique.

Les contraintes de l'astrophotographie numérique

Le domaine de l'astrophotographie reste toutefois très particulier car les conditions de prises de vues et notamment la luminosité des sujets n'a rien à voir avec celle des sujets traditionnels. De plus d'ordinaire l'astrophotographe amateur doit disposer d'un d'une lunette ou d'un télescope s'il souhaite photographier les corps célestes en haute résolution.

L'astrophotographe travaille dans des conditions très difficiles : hauts contrastes dans le cas du Soleil et des objets planétaires ou au contraire très faibles contrastes et pratiquement aucune lumière, de l'ordre de 10-6 lux ou un million de fois moins que la pleine Lune quand il s'agit d'étoiles de magnitude 5. Quant à la photographie des petites galaxies pâles, les conditions sont encore plus sévères.

Cette technique de prise de vue requiert des photocapteurs très sensibles, réagissant rapidement, si possible de grande taille pour couvrir un champ étendu, offrant une haute résolution et des photosites de petites tailles pour une bonne définition.

Le système doit générer le moins possible de bruit thermique ou d'effets de bord (blooming, lueur, etc) et ne réaliser aucun traitement d'image pour préserver l'information et pouvoir la traiter ultérieurement.

Le système de prise de vue doit supporter des temps d'expositions variant de l'instantané à plusieurs heures selon le sujet. 

La mise au point doit être très précise et le système doit pouvoir soit exploiter un système de filtres colorés ou réaliser des photographies en couleurs.

En option le système doit disposer d'un système de refroidissement du capteur et être piloté depuis un ordinateur (par un câble USB, série ou même Wi-Fi). Il doit évidemment se raccorder à un télescope, en tenant éventuellement compte d'une projection oculaire ou d'une Barlow.

A lire : Le Nikon D810A au format FX, 2015

"Pour les passionnés d’astronomie qui souhaitent photographier le ciel profond", Nikon

A gauche, M57 photographiée par Lionel Blanc au foyer d'un télescope Sky-Watcher de 254 mm f/4.7 équipé d'un APN Canon EOS 350D sans filtre IR bloquant. Il s'agit de l'empilement de 40 images exposées 3 minutes chacune. L'agrandissement est un crop à 100%. Au centre, M42 et M43 photographiés par Philippe Durville avec un télescope Takahashi CN212 de 210 mm f/4 équipé d'un APN Nikon D70. 25x 5 minutes, images RAW, balance des blancs sur Auto. A droite, NGC891 photographiée par Bernard au foyer d'un C8 à f/8 équipé d'un APN Canon EOS 350D d'usine. Il s'agit de l'empilement de 63 images exposées 3 minutes chacune à 800 ISO.

Aujourd'hui seules les caméras CCD dédiées à l'astrophotographie répondent à ce cahier des charges; elles ont été fabriquées dans ce but. Par conséquent, a priori les APN reflex et compacts n'ayant pas été fabriqués dans cette perspective, on doit s'attendre à rencontrer leurs limites en astrophotographie.

Or les APN utilisent également des capteurs CCD ou CMOS très sensibles et atteignent aujourd'hui une très haute résolution et une définition équivalente aux grains d'AgBr de la photographie argentique.

Les APN de dernière génération génèrent également peu de bruit thermique jusque 800 ISO tandis que sur la plupart des modèles reflex les automatismes sont débrayables et ils supportent le format RAW.

Enfin, l'avantage de l'APN sur la caméra CCD est d'enregistrer des images en couleurs et il est polyvalent, l'amateur pouvant utiliser son APN pour la photographie traditionnelle.

Voyons tout d'abord les performances des APN reflex de dernière génération et voyons s'ils satisfont au cahier des charges de l'astrophotographie.

Les APN reflex

Au début des années 2000 il était difficile d'utiliser un APN reflex en astrophotographie. Non seulement ils étaient chers (plus de 1000 € sans optique) mais pour des raisons techniques ils n'étaient pas adaptés à la photographie des objets célestes à faible contraste comme les galaxies et les nébuleuses.

Progrès technologique oblige et suivant les effets de la loi de Moore, tout changea en 2003 et 2004 avec la sortie des premiers reflex Canon et Nikon à moins de 1000 € objectif compris. A ce prix, l'astrophotographie en haute résolution s'offrait aux amateurs moins fortunés.

Canon EOS-350D

Mais il faudra attendre 2005 et la sortie du Canon EOS 350D (8 Mpixels) pour que les amateurs se lancent pour de bon dans l'aventure de l'astrophotographie au moyen d'un APN reflex.

En effet, devant l'intérêt du public, des bricoleurs ont découvert que moyennant une petite modification au niveau du capteur, ce reflex équipé d'un écran LCD en mode "Live View" au dos de l'appareil (comme tous les autres en fait) devenait sensible jusqu'au proche infrarouge (1200 nm) et s'adaptait donc à la photographie des nébuleuses brillantes rayonnant en hydrogène alpha notamment. C'est la raison pour laquelle encore aujourd'hui, plus d'un astrophotographe ont conservé leur Canon 350D défiltré.

Un APN destiné à l'astrophotographie en haute résolution doit réunir les spécifications techniques suivantes :

- un capteur photosensible de haute résolution (10 Mpixels minimum) afin de pouvoir isoler (crop) ou agrandir certains portions de l'image sans atteindre la pixelisation

- des automatismes débrayables (autofocus, optionnellement la mesure d'exposition)

- un mode d'exposition manuel

- la pose B (bulb)

- une choix de sensibilité étendu (ISO)

- un réducteur de bruit thermique

Optionnellement :

- une sensibilité spectrale étendue, notamment au-delà de 656.28 nm (raie de l'hydrogène alpha)

- supporter le format RAW pour préserver la qualité de l'image et avoir plus de souplesse lors du traitement

- un stabilisateur d'image pour les photos instantanées

- un mécanisme permettant de relever le miroir reflex sans vibration

- un moyen de verrouiller le miroir en position haute pour les longues expositions

- la soustraction d'une image noire ("dark frame") pour supprimer le bruit thermique des images brutes

Si la plupart des APN de dernière génération satisfont à ces exigences et même plus (mode Live View, HD vidéo, espace de couleurs RGB, etc), la création d'une "dark frame" n'est pas disponible sur beaucoup de modèles (on peut facilement la réaliser manuellement), leur sensibilité spectrale est limitée au spectre visible par un filtre IR bloquant et leurs performances en astrophotographie varient tout de même d'un constructeur à l'autre.

Nous allons passer en revue certains de ces critères, expliquer pour quelles raisons ils sont nécessaires et déterminer leurs limites.

La calibration ou prétraitement d'image

Nous verrons à propos des caméras CCD que pour la photographie du ciel profond, il est important d'enregistrement des images de calibration (images noire, de champ plat et d'offset) pour éliminer tous les défauts imputables au système optique, y compris au capteur CCD. Si l'amateur peut s'en passer si le défaut ou la présence de poussière sur le capteur ne le dérange pas ou passe inaperçue, cette procédure permet néanmoins d'améliorer la qualité des images brutes en vue de leur traitement. Avec la technique de l'empilement (stacking) c'est même une étape recommandée après avoir photographié les objets du ciel (planètes, comètes, Voie Lactée, ciel profond) si vous voulez obtenir autre chose qu'une image granuleuse, pâle et sans intérêt.

Sensibilité à l'Hα et au proche IR

Le principal problème qu'on rencontre avec un APN est sa sensibilité spectrale limitée, mal adaptée au rayonnement des nébuleuses d'émission qui présentent un pic à 656.28 nm, dans la fameuse raie de l'hydrogène alpha (cf. le spectre de l'hydrogène de la série de Balmer).

Encore aujourd'hui, les APN reflex Canon ont la faveur des astrophotographes amateurs. En effet, c'est actuellement le seul constructeur qui a spécialement élaboré un APN en tenant compte des contraintes techniques de ce domaine d'application.

Ce fut notamment le cas du Canon EOS 20D sorti en 2005 qui présente une sensibilité spectrale jusque 700 nm et est capable de visualiser l'image au dos de l'appareil lorsque le miroir reflex est relevé. Preuve de l'intérêt des astronomes amteurs pour ce type d'APN, plusieurs modèles lui ont succédé : le Canon EOS 20Da, le Canon EOS 60Da, le Canon EOS R et le Canon EOS Ra de 30.3 Mpixels sorti en 2019 (2100-2800 € pour le boîtier nu).

A voir : Astrophotography with the Canon EOS Ra, Tony Hallas, 2020

A lire : Shooting with Canon's EOS Ra Camera, 2019

A gauche, deux images de la nébuleuse d'Orion photographiée avec une optique ouverte à f/2.8, exposition suivie de 61 s à 3200 ISO. A gauche, avec un Canon EOS Ra, à sa droite avec un Canon EOS R. Le champ couvre environ 2°. L'image de gauche est très proche de ce qu'un amateur averti peut réaliser avec un APN modifié pour l'infrarouge ou une caméra CCD et un empilement LRGB (cf. M42). A droite, comparaison du rendu de la nébuleuse NGC 7000 obtenu par différents APN Canon. Documents Canon et A.Dyer/AAS Sky Publishing LLC.

Le seul reproche qu'on peut faire au Canon EOS Ra est qu'il est "presque" dédié à l'astrophotographie. Mais on peut sans problème l'utiliser pour la photographie de jour. En effet, du fait qu'il présente un spectre de sensibilité étendu vers le rouge, en mode "Auto" la balance des blancs est fixée sur 5200 K. Si on utilise le format RAW, lors du traitement d'image, si on fixe la température de couleur à 5200 K, toutes les photos présenteront une dominante magenta. Pour retrouver une balance des couleurs naturelle, il faut choisir la balance des couleurs "As Shot" qui permet de descendre la température de couleur à 3000 K et d'obtenir des couleurs sans dominante.

Comme l'a précisé l'astrophotographe Alan Dyer dans un article publié dans "Sky and Telescope" en  2019, "En raison de son étalonnage d'usine, le Canon EOS Ra produit des fichiers RAW présentant une température de couleur d'environ 2200 K plus bleue que celle que vous avez prise. Photographiez à la lumière du jour de 5200 K et vous obtenez un fichier RAW réglé sur 3000 K qui ressemble à l'image d'un APN normal. Mais si vous utilisez votre logiciel de traitement d'image RAW pour élever la température de couleur à 5200 K, vous obtiendrez une image rose, tout comme avec des APN modifiés par des tiers."

Il existe des solutions alternatives adaptées à toutes les marques. En effet, comme l'explique ce document d'Olympus, par nature le capteur d'un APN est sensible du spectre UV au proche IR, d'environ 250 nm à 1200 nm, spectre au-delà duquel il perd son rendement et toute efficacité.

A lire : Quantum efficiency, Olympus

Sensibilité et efficacité des capteurs photosensibles

Le capteur d'un APN est sensible de 390 à 1100 ou 1200 nm. Notez l'absorption des verres en UV.

 

Si un verre ordinaire est opaque au rayonnement UV en dessous de 390 nm, pour limiter la sensibilité du capteur au seul spectre visible les fabricants d'APN ont placé un filtre passe-bas "IR bloquant" ("hot mirror" ou "IR cut") devant le capteur photosensible.

Si cela améliore la netteté des images, ce filtre pose un gros soucis aux astrophotographes. En effet, dans la raie de l'hydrogène alpha la transmission du filtre tombe à 16 %, insuffisant pour enregistrer le rougeoiement des nébuleuses d'émission dans de bonnes conditions.

Jusqu'à présent l'alternative consistait à utiliser une caméra CCD mais ce système impose une connexion à un ordinateur et une certaine expertise technique.

On peut toutefois utiliser un APN mais à condition de retirer ce filtre IR bloquant et le remplacer par un verre transparent ou un filtre de même épaisseur (par exemple un Baader BCF transparent de 430 à 700 nm). Ces APN modifiés sont surnommés "APN Astromod" ou "H-alpha mod DSLR". On reviendra sur ce filtre IR bloquant dans l'article consacré à la photographie infrarouge pour plus de détails.

Notons qu'en général, en retirant le filtre IR bloquant on retire également le système de réduction des poussières et parfois même le filtre anti-aliasing.

A présent que la question de la sensibilité spectrale est résolue, un APN ainsi modifié est tout à fait adapté à l'astrophotographie du ciel profond. Voilà une excellente nouvelle même, il faut bien le dire, si elle s'accompagne d'une facture de quelques centaines d'euros pour effectuer cette modification !

A gauche, M20 photographiée par Xavier Ambs au foyer d'une lunette apochromatique William Optics FLT 132 sur monture Losmandy G11 équipée d'un APN Canon EOS 350D modifié et muni d'un filtre Baader BCF. Empilement de 75 images exposées 2 minutes chacune. A droite, deux photos de M27 prises par Tom Montemayor au foyer d'un Celestron C11 avec un APN classique (centre) et un APN modifié sensible jusqu'au rayonnement H-alpha (droite).

Ajoutons que les capteurs photosensibles récents présentent également des photosites suffisamment petits pour obtenir des images en haute définition sans laisser apparaître l'effet de la diffraction. L'effet de lueur diffuse ("amp glow") autour des objets brillants ou lié à des défauts du capteur est également réduit tandis que les micro-lentilles fixées sur les photosites améliorent également le rapport signal/bruit.

La mesure d'exposition

Selon le sujet à photographier, le mode d'exposition automatique de l'APN peut ou ne pas être utilisé. En photographie planétaire par exemple, qu'il s'agisse de photographier le Soleil, la Lune ou les planètes brillantes, l'exposition étant généralement instantanée, on peut se fier aux indications de l'APN. Au besoin on peut utiliser les compensations d'expositions (par ex. -1 à +1 EV) si l'appareil à tendance à surexposer ou sous-exposer l'image du sujet.

Le capteur de lumière devient inutile quand la durée d'exposition dépasse quelques secondes, notamment pour le ciel profond et les objets pâles comme les comètes. Dans ce cas il est conseillé de désactiver la mesure d'exposition automatique et de travailler en mode manuel.

Sensibilité et bruit thermique

L'astrophotographie à longue pose des objets pâles impose de trouver un compromis entre sensibilité et temps d'exposition ; si on veut préserver la finesse des images et donc utiliser une faible sensibilité (80-400 ISO), selon le sujet le temps d'exposition peut devenir très long et requérir un système d'entraînement très performant (les meilleurs systèmes limitent le filé à 1 ou 2 photosites au niveau du capteur).

Si en revanche on augmente la sensibilité (800-1600 ISO voir au-delà), sur les modèles d'entrée et milieu de gamme on risque de voir appaître le bruit thermique et des pixels colorées sur toutes les images à la place des plus fins détails. En effet, comme les caméras CCD, les APN présentent un bruit de lecture (readout noise) et un courant d'obscurité parmi d'autres bruits électroniques générés par les électrons durant les longs temps d'intégration. Ces électrons sont également enregistrés par le capteur photosensible et parasitent les images, même en l'absence totale de lumière. Le problème est accentué avec la technologie CMOS.

A gauche, l'APN Canon EOS 5D Mark III équipé d'un téléobjectif EF de 300 mm f/2.8 L IS USM (total ~7000 €) utilisé par Philip Smith. Eventuellement équipé d'un doubleur de focal, cela suffit pour réaliser des instantanés de la Lune, du Soleil, des transits des satellites artificiels et, moyennant une pose très courte, des conjonctions voire quelques objets stellaires s'il est fixé sur une monture équatoriale. A droite, réduction du niveau de bruit après exposition de 450 secondes à 1600 ISO en refroidissant le capteur CCD d'un APN Canon EOS 5D Mark IV jusque -18°C grâce au système actif de CentraIDS.

Si certains APN récents et haut de gamme (tel le Canon EOS 5D, le Nikon D3 et leurs successeurs) disposent d'un système d'imagerie performant capable de préserver la finesse des images même à très haute sensibilité (25800 ISO !), ils ne sont pas à l'abri du bruit thermique. Ce bruit thermique augmente avec la sensibilité mais également à mesure que le temps d'exposition augmente, d'où la nécessité de réaliser une image noire ou "dark frame" après chaque photographie du ciel. En soustrayant cette image noire de l'image brute et en répétant cette procédure sur des dizaines d'images, on diminue le "bruit de fond" thermique qui est aléatoire et on augmente le rapport signal/bruit du sujet.

Tous les APN récents disposent d'une fonction de réduction de bruit (NR) ajustable. Faut-il l'activer ? En théorie elle réduit le bruit thermique mais sa désactivation peut présenter un avantage. Si le bruit thermique du capteur CCD ou CMOS est plus apparent, l'image gagne paradoxalement en détails dans les faibles lumières. C'est surtout visible lorsque vous agrandissez les images.

Il y a donc un compromis à trouver entre le temps d'exposition et la définition en fonction de la luminosité du sujet. En fait, la solution consiste à réaliser plusieurs dizaines d'images du même sujet et les additionner ensuite sur ordinateur en prenant soin de leur soustraire les images noire, de champ plat et d'offset (cf. le prétraitement d'image). Dans le cas du ciel profond, les expositions peuvent se limiter à 1 ou 5 minutes par image, quitte à en réaliser 20 ou 100 en une séance pour s'assurer une bonne qualité d'image après traitement. Si ce travail de prise de vue est un peu fastidieux et requiert de la précision, c'est la meilleure façon de réduire voire d'éliminer les effets du bruit électronique.

Ceci dit, alors qu'il y a quelques années Canon était très en avance sur ses concurrents dans ce domaine, avec l'aide de Sony, aujourd'hui Nikon ainsi que les autres grands constucteurs proposent des systèmes d'imagerie (capteur, processeur et logiciel) offrant une qualité d'image pratiquement équivalente.

Mais il existe une meilleure solution, certes plus onéreuse. Depuis 2011, la société CentralDS propose un système de refroidissement actif jusque -18°C pour les APN de milieu et haut de gamme Canon EOS 6D (Astro6D), Nikon D810 (AstroD810), Sony Alpha A7s (AstroA7s) et quelques autres modèles. Comme on le voit ci-dessous, ce système comprend une partie passive qui se place entre le boîtier de l'APN et l'objectif et une partie active munie de deux ventilateurs qui se place sous l'APN. Cette solution réduit le niveau de bruit d'un facteur 5, rendant ces APN aussi performants que des caméras CCD refroidies.

Le kit de CentraIDS revient à environ 2900$ soit environ le double du modèle ordinaire, auxquels vous devrez ajouter ~30% de frais et taxes pour une importation d'outre-mer. CentraIDS vend également des solutions complètes APN + kit IDS

Notons que Canon proposait un système de refroidissement à 1643 € mais il était encombrant et son succès fut mitigé. Sa fabrication fut arrêtée.

A voir : Photographier la Voie Lactée, Tuto d'Arnaud Thiry

A lire : Best Star Trackers for Astrophotography in 2023, Capture the Atlas

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Choosing a Star Tracker for Astrophotography, AstroBackyard

A gauche, l'APN Canon EOS 6D équipé d'un système de refroidissement actif jusque -18°C Astro6D (2900$) de CentralDS. La partie passive du système est montée sur l'APN tandis que la partie active équipée de deux ventilateurs est démontée (elle se place sous l'APN) et présentée à droite de l'image. Au centre, la Voie Lactée photographiée par Derek Demeter depuis l'Observatoire de Cerra Mayu situé près de La Serena au Chili avec un APN Canon EOS 6D équipé du kit Astro6D de CentraIDS et d'un objectif de 24 mm à f/3. Temps d'intégration de 60 s à 4000 ISO. Un APN classique ne peut pas rivaliser. A droite, la région de NGC 7000 et NGC 6997, de la nébuleuse du Pélican et de Déneb du Cygne photographiée par Michael Leung au moyen d'un APN Canon EOS 600D équipé d'un téléobjectif Samyang de 135 mm à f/2.8 et d'un système de refroidissement actif CentraIDS. Temps d'intégration total de 92 minutes à 1600 ISO.

En terme de performance pure, le meilleur APN plein cadre (FX, 24x36 mm) pour l'astrophotographie est l'APN Sigma fp (24 Mpixels à 1499 € sans optique ou fp L de 60 Mpixels à 2299 € sans optique en 2022). Il s'agit d'un APN hybride (sans miroir) de ~12 x 7 x 4.5 cm pesant 422 g, équipé d'objectifs interchangeables, de capacités vidéos jusque 4K UHD et d'un mode Auto HDR. Il utilise le même photocapteur CMOS Sony IMX455 que le Sony Alpha 7R IV, la caméra ZWO ASI6200MM Pro, la QHY600M et l'hypercaméra AA61MFX d'Altaïr.

L'air de rien, ce petit APN affiche un bruit de lecture sous la barre de 1 électron dès 636 ISO et même inférieur à 0.8 électron à hauts ISO. C'est plus de deux fois inférieur aux valeurs des APN reflex Canon R/R3/R5/R6 et Ra précités.

Selon Thierry Legault, expert en astrophotographie, le Sigma fp est un maître-choix car il produit des fichiers RAW purs, sans perte d'information et sans utiliser de réducteur de bruit lors des processus d'acquisition d'image, contrairement aux Sony série α7 et aux Canon série R qui ont tendance "à supprimer des étoiles" et qui sont aussi beaucoup plus encombrants.

Le Sigma fp supporte le format RAW DNG d'Adobe qui rend le fichier lisible par tous les logiciels de traitement d'image dont PhotoShop et Capture One qui possèdent aujourd'hui des codecs pour pratiquement tous les formats d'images et modèles d'APN.

Notons que moyennant une bague d'adaptation F, K, L ou M parmi d'autres, on peut également équiper le boîtier Sigma d'optiques Canon, Pentax, Leica, Nikon, etc. Sigma propose également des optiques adaptées aux montures des APN reflex Canon et Nikon et à celles de nombreux APN hybrides.

A lire : Sigma fp L : Tout ce que vous devez savoir !, Le Blog Photo

Sigma fp L :  le test terrain et avis, Le blog photo Lumix, 2021

Test Sony Alpha 7R IV, Les Numériques, 2019

Input-referreds Read Noise vs. ISO Setting, Photons to Photos

Digital Camera Reviews and Sensor Performance Summary, ClarckVision, 2016

A gauche, l'APN hybride Sigma fp L équipé d'une optique Sigma de 45 mm. Moyennant une bague d'adaptation, il peut reconnaître les optiques concurrentes, dont le grand-angle Leica de 28 mm. Cet APN utilise un photocapteur CMOS IMX455 full frame. Au centre, un Sigma fp au foyer d'un astrographe Schmidt Rowe-Ackermann (RASA) Celestron 11" f/2.2 équipé d'un convertisseur 2x TC2001 et d'un porte-filtre UFC de Baader. Ce système peut se connecter par câble jack à une lunette guide et par câble HDMI à un ordinateur. Le faible facteur de forme de l'APN (113x70 mm) n'affecte pas beaucoup l'obstruction centrale. Documents constructeur/T.Lombry et Mark J. Ford/DPReview. A droite, une photo couleur de la nébuleuse de la Tête de cheval prise par Thierry Legault au foyer d'une lunette Takahashi FSQ-106ED f/5 munie d'un APN Sigma fp défiltré. Temps total d'intégration de 3 heures (360x 30 s).

L'avantage de cet APN hybride est qu'on peut le relier directement par câble équipé d'une prise jack au système d'autoguidage M-GEN de Lacerta. Il s'interface donc facilement avec une lunette guide et la monture d'une lunette ou d'un télescope. Comme tous les APN, on peut donc faire de l'astrophotographie sans devoir prendre son ordinateur (qui utilise alors une interface ASCOM ou HDMI et un logiciel d'acquisition d'image comme NINA ou APT par exemple).

Notons que depuis 2018, la part de marché des APN hybrides augmente au détriment de celui des APN reflex au point que les majors du secteur fabriquent à présent des APN hybrides haut de gamme.

Le format RAW

Les caméras CCD sauvegardent les images dans un format non compressé et non traité (TIFF) afin de préserver la qualité des plus petits détails. De manière similaire, un APN dédié à l'astrophotographie peut avantageusement tirer profit du format RAW

Un Canon EOS 5Ds R équipé d'un grand angle EF de 35 mm f/1.4 L II USM (~2000 € pour le boîtier nu).

Sachez toutefois qu'une image RAW occupe au moins 4 fois plus d'espace sur disque ou sur carte-flash qu'en format JPEG non compressé. De plus, ce format est propriétaire et chaque fabricant d'APN propose son format RAW (Nef, Cr2, Arw, etc) dont la version peut être différente au sein même d'une marque. Il est donc possible qu'un ancien logiciel de traitement d'image ne supporte pas le format RAW d'un APN de dernière génération.

Certains APN compressent d'office le format RAW et effectuent un léger prétraitement d'image, telle le Nikon D70. Pour éviter cette compression non désirée, nous verrons un peu plus bas que sur cet APN et d'autres modèles il n'y a pas d'autre solution que d'éteindre l'appareil juste avant que l'image soit sauvegardée sur la carte-flash.

Il est important d'utiliser un format RAW non compressé et non traité car lui seul permet ensuite d'avoir sur ordinateur toute liberté pour traiter l'image, notamment de modifier les paramètres de prise de vue et faire ressortir tous les détails qui pourraient être noyés en format JPEG.

Notons que les réglages effectués à la prise de vue peuvent toujours être modifiés ultérieurement sur les images RAW à condition d'utiliser le logiciel de traitement d'image RAW fourni par le fabricant (Capture NX-D pour Nikon, Digital Photo Professional pour Canon, etc) ou certains logiciels de dernière génération (Bibble, DxO, Photoshop CS ou CC, etc).

En revanche, ces réglages sont appliqués irréversiblement aux images JPEG (d'où l'activation de nombreusesfonctions à la prise de vue, telle que la balance des blancs, le contrôle d'exposition, etc).

Toutefois, un problème de couleurs peut se poser lorsque les fichiers RAW sont traités par un logiciel tiers (Aperture, Camera Raw, Lightroom, etc) où l'image subit généralement un traitement basé sur des réglages différents, propres à chaque application et parfois très éloignés des conditions réelles de prise de vue. C'est pour cette raison que certains logiciels de traitement d'image de dernière génération disposent d'une base de données d'APN et d'optiques afin d'exploiter au mieux les informations relatives à la prise de vue.

A voir : La Galerie des chefs-d'oeuvre

A gauche, la Rosette, NGC2244 photographiée par William J. Shaheen au foyer d'une lunette apochromatique TEC de 140 mm f/7 équipée d'un APN Nikon D50 sans filtre IR bloquant. 4h36m de pose au total. Au centre, M8 et M20 photographiées par Emmanuel Beaudoin au foyer d'une lunette apochromatique Astro-Physics EDT 105 f/4.5 équipée d'un APN Canon ESO 350D muni d'un filtre IR bloquant Hutech type I, spécial astro transparent de 375 à 700 nm. Compositage de deux images totalisant 18 minutes d'exposition à 800 ISO. A droite, NGC7000 photographiée par Jean-Yves Gruffat au foyer d'une lunette William Optics Zenithstar 66 SD équipée d'un APN Canon ESO 350D sans filtre IR bloquant mais muni d'un filtre Astronomik CLS (anti-pollution). Il s'agit de l'empilement de 20 images exposées de 5 minutes chacune à 400 ISO complétées par la soustraction de 11 images noires.

Enfin, pour éviter les défauts inhérents au format JPEG dont une perte de qualité et l'augmentation du bruit électronique, traitez sur ordinateur uniquement l'image en format RAW ou une copie convertie en format TIFF et ne la sauver en format JPEG qu'à la toute fin du processus de traitement d'image.

Si votre APN dispose d'un format RAW n'hésitez pas à l'utiliser dans toutes les conditions extrêmes où il y a par exemple une différence de contraste importante entre les zones claires et les zone sombres, un avant-plan lumineux et un ciel sombre, etc. Après la prise de vue, c'est la seule façon de pouvoir modifier les paramètres de l'image, en particulier l'exposition, les hautes et les basses lumières afin d'obtenir une image équilibrée sans recourir à un photomontage ou du traitement d'image qui laisse souvent quelques traces aux yeux d'un photographe averti.

Les deux photos présentées ci-dessous ont été réalisées en format RAW afin de préserver les détails à la fois dans les hautes et les basses lumières.

A consulter : The best cameras for astrophotography - 2020

A gauche, la comète Neowise photographiée au-dessus du Mont-Saint-Michel par Thierry Legault le 12 juillet 2020 vers 23h30 au moyen d'un APN Sony 7RIII équipé d'un téléobjectif de 135 mm. Il ne s'agit pas d'un photomontage ni d'un compositage, mais d'une seule prise de vue en format RAW. Les paramètres (exposition, haute et basse lumières, etc) ont été ajustés lors du traitement d'image pour préserver les détails dans la comète sans surexposer le Mont-Saint-Michel. A droite, la région du Cygne et de NGC 7000 photographiée par Roger N. Clark au moyen d'un APN Canon EOS 6D Mark II équipé d'un objectif Sigma de 105 mm f/1.4 DG HSM Art. Il s'agit d'un suivi stellaire réalisé avec une monture Fornax Lightrack II et sans guidage. Il n'y a pas eu de prétraitement d'image, juste un empilement de 28 images exposées chacune 30 secondes à 1600 ISO. Traitement d'image dans Rawtherapee et rnc-color-stretch.

La balance des blancs

Les APN réalisant des photographies en couleurs, les tonalités vont avant tout dépendre de la balance des blancs, plus que du temps d'exposition ou de la couleur du fond du ciel (pollution lumineuse, présence d'aurores, etc).

En effet, même si le capteur photosensible ne fait pas de différence entre les longueurs d'ondes qu'il enregistre, le processeur d'image a été programmé pour rendre les couleurs en fonction d'une certaine température de couleur définie par la balance des blancs.

Si vous laissez l'APN déterminer seul la balance des blancs (mode "Auto"), il faut savoir que le "blanc" servant de référence peut osciller entre 2500 K et 10000 K avec toutes les conséquences que cette variation de température de couleur peut avoir sur le rendu. Autrement dit, en fonction du choix effectué par le capteur, les images risquent de présenter une dominante jaune, cyan ou magenta si la sélection est mal adaptée au sujet.

Tempérons toutefois cet effet car de nos jours le logiciel des APN est suffisamment intelligent pour déterminer seul quelle est la température de couleur la plus adaptée en fonction des conditions de prise de vue. Tant pour la photographie planétaire que du ciel profond, il est souvent préférable d'utiliser une balance des blancs automatique que d'essayer l'une ou l'autre valeur préprogrammée (lumière du jour, tungstène, etc) comme en témoignent les tests présentés ci-dessous.

Toutefois, dans un lieu à l'écart de la pollution lumineuse, pour des photos générales du ciel (constellation, conjonction, étoiles filantes, comète, etc), une balance des blancs fixée sur "lumière du jour" conviendra parfaitement et donnera un ciel bleu. Malheureusement, la moindre pollution lumineuse altérera la couleur ciel.

A lire : Review of Imaging software

Trois images du même sujet prises avec un Nikon D2H muni d'un objectif de 400 mm f/4 fixé sur une table équatoriale. Exposition de 240 secondes à 200 ISO, réduction de bruit activée. De gauche à droite, avec une balance des blancs fixée sur 'Direct sunlight", "Incandescent" et "Auto". Documents T.Lombry.

Notons que pour les sujets brillants (Lune et planètes), il est parfois préférable d'effectuer une balance des blancs manuelle sur le limbe de l'astre afin d'obtenir des couleurs aussi proches que possible de la réalité.

Précisons que si par advertance on oublie de changer la balance des blancs, en format JPEG on peut parfois la rectifier par traitement d'image en modifiant notamment la tonalité et la saturation des couleurs, mais le résultat n'est jamais optimal. En revanche, une mauvaise balance des blancs n'a aucun effet contraignant en format RAW car on peut toujours la corriger lors du traitement du fichier RAW.

Mise au point

En fonction du couplage du boîtier au système optique, plusieurs facteurs peuvent influencer la mise au point des APN reflex.

1. Le registre ou distance au plan focal

N'importe quel APN reflex ne peut pas être fixé derrière un télescope ou utiliser les objectifs d'une marque concurrente. Une bague d'adaptation et d'autres accessoires venant souvent s'interposer entre le boîtier et le télescope, ces dispositifs mécaniques ainsi que la grandeur du registre peuvent empêcher certains APN de réaliser une mise au point lorsqu'ils sont fixés derrière un télescope.

Un APN comme un appareil argentique présente une certaine distance appelée registre (flange focal distance) entre l'anneau de métal formant la monture du boîtier (ou l'arrière de l'objectif) et le plan focal du capteur (ou du film). Cette distance fixe varie d'un constructeur à l'autre. Voici quelques mesures :

Monture Registre (mm) Monture Registre (mm)

Olympus E

Olympus OM

Canon FD

Canon ES, ES-F

Sony/Minolta

Minolta SR

:    38.67

:    46.00

:    42.00

:    44.00

:    44.50

:    43.50

Sigma SA

Pentax K

Nikon F

Leica R

M42 (vis)

Monture T (vis)

:    44.00

:    45.46

:    46.50

:    47.00

:    45.46

:    55.00

Ainsi qu'on le constate, les boîtiers reflex Canon à monture FD présentent un registre 2 mm plus court que les boîtiers Canon EOS, eux-mêmes étant 2.5 mm plus courts que les boîtiers Nikon. Cela peut avoir son importance dans le choix d'un APN ou d'un téléojectif concurrent dédié à l'astrophotographie. Notons que cette distance est deux fois plus courtes sur les APN hybrides.

Quand on sait que la position du point focal varie environ comme le carré du rapport focal du télescope, à laquelle s'ajoute un facteur lié au carré du facteur d'amplification du miroir secondaire du télescope, sans parler des (micro) déplacements possible du miroir primaire durant le suivi stellaire, on comprendra que toute erreur de mise au point sera amplifiée sur le capteur d'un APN.

 A gauche, comme tous les APN Canon récents, le dos du Canon EOS R5, un hybride FX de 45 Mpixels, nécessite un support en L avec une encoche sur le côté pour accueillir l'écran inclinable. Cet APN est adapté à l'astrophotographie comme le confirme la revue d'Alan Dyer en anglais. A droite, un Nikon Z6, un hybride FX de 24.5 Mpixels fixé au foyer d'une lunette astronomique dont la monture est connectée à une lunette guide équipée du caméra CCD. Cf. la vidéo sur YouTube.

2. Photographie en parallèle (piggyback)

Le même problème de registre se pose pour l'astrophotographie en parallèle sur un télescope (ou si l'APN est fixé sur une monture équatoriale portable). Si vous utilisez l'objectif d'une marque concurrente sur votre boîtier, en raison de la distance différente du registre et de l'usage d'un adaptateur, il est possible que vous soyez dans l'impossibilité d'effectuer une mise au point à l'infini.

Vous devez également tenir compte du facteur de grossissement ("crop factor") du capteur de l'APN. Variant entre 1.26x et 2x selon les constructeurs, ce facteur augmentera d'autant la distance focale de l'objectif et "ralentira" d'autant sa "vitesse" en allongeant le temps d'exposition.

A voir : Ciel et Espace (forum Pixelistes)

A gauche, M42 photographiée par Steven Noyes avec un Canon EOS 40D muni d'un téléobjectif de 400 mm f/2.8 IS USM fixé sur une monture Losmandy G11. Empilement de 30 images d'une minute chacune à 1600 ISO plus 30 images de 30 secondes à 200 ISO complétées par la soustraction de 99 images noires. Au centre, l'éclipse de Lune du 3 mars 2007 photographiée en Slovénie par R.Palčič, T.Špenko et B.Vasiljevič au foyer d'une lunette Pentax de 75 mm f/6.6 équipée d'un  APN Canon ESO 350D. A droite, M51 photographiée par Philippe Durville au foyer d'une lunette aprochromatique Takahashi FSQ-85 f/5.3 équipée d'un Nikon D3. Empilement de 25 images de 7 minutes chacune à 800 ISO.

3. Effet de flou et filtre passe-bas

Outre le filtre IR bloquant et le système de vibration anti-poussières, un filtre anti-aliasing est également placé sur le capteur des APN pour supprimer l'effet de crénelage.

Ce dispositif est généralement complété par un algorithme accentuant l'effet de flou sur les images, une manière de lisser les défauts lorsque l'image est vue à bonne distance.

Si cet effet peut effectivement améliorer l'esthétique des images, sur certains Nikon ce traitement est réalisé à l'insu du photographe juste après la prise de vue et la suppression de la "dark frame", avant même que l'image RAW soit enregistrée dans la carte-flash. L'image a donc subit un prétraitement comme l'ont révélé Christian Buil à propos du D3 et Emil Martinec en testant le D300.

La seule façon d'éviter ce traitement indésirable et d'obtenir de véritables images RAW consiste à éteindre l'APN durant la phase d'acquisition de la dark frame, le fameux "mode 3" comme l'a appelé ironiquement Christian Buil. Seule difficulté, cette méthode rend très difficile l'acquisition automatique de nombreuses images exposées peu de temps (quelques minutes) dans le cas où l'amateur souhaite additionner de nombreuses images d'un objet pâle en vue de les additionner ultérieurement. Il n'y a pas d'autre alternative que de vivre avec cet effet de léger flou (mais qui reste très léger sur les deux APN précités).

Accessoires

Les APN ne disposant plus de déclencheur souple, parmi les accessoires utiles, citons la commande à distance avec intervallomètre (35 €) pour déclencher l'obturateur. Selon les modèles d'APN, elle fonctionne par ondes radio, infrarouge ou liaison par câble USB.

Le cratère Gassendi (gauche) et Sinus Iridum (centre) photographiés par Matthias Rückemann le 5 mars 2001 avec une lunette Celestron CR150 HD de 150 mm d'ouverture munie d'un oculaire Plössl de 9 mm. Exposition de 1/2 s avec un boîtier reflex Nikon F3 équipé d'un dos digital Kodak DCS100 (1.3 Mpixels), sensibilité de 1600 ISO. A droite, Jupiter (Ø 43") et l'ombre de Ganymède ainsi que Callisto photographiés le 28 novembre 2010 par Jerry Lodriguss au foyer d'une lunette apochromatique Astro-Physics 130EDT f/34 (oc.18 mm) équipée d'un APN Canon 550D. Enregistrement en mode vidéo HD 640x480 à 60 fps, balance des blancs manuelle. Conversion du fichier en format AVI et traitement dans Registax de 1000 frames extraites de 3600 frames puis correction dans Photoshop.

Ceci dit, si la plupart des objets du ciel ne sont observables que dans un instrument d'astronomie, l'amateur qui ne possède pas ce genre d'installation mais qui possède un APN et souhaite photographier le ciel et notamment la Voie Lactée a tout avantage à acquérir un mini-équatorial, ce qui le dispensera d'investir des milliers d'euros dans une lunette ou un télescope et dans une monture équatoriale (bien que la photographie peut aussi coûter très cher si on veut s'équiper de matériel haut de gamme).

Les mini-équatoriaux (star tracker)

Une solution économique pour photographier le ciel dans les meilleures conditions est d'utiliser un mini-équatorial, que les Anglo-saxons appellent un "star tracker". Comme illustré ci-dessous, de nos jours il y a pléthore de modèles compacts à des prix variant du simple au triple (200-600 €) selon le fabricant et les options.

Si la plupart des mini-équariaux sont très simples (une monture équatoriale munie d'une rotule alimentée par deux batteries AA rechargeables, le trépied étant en option), certains fabricants font l'effort de proposer soit d'usine soit en option un viseur polaire, un suivi selon différents vitesses (stellaire, solaire, lunaire, etc), une batterie à grande autonomie et même un contre-poids. Selon votre système optique et le sujet à photographier, sur le terrain ce sont des détails qui ont leur importance.

A voir : Photographier la Voie Lactée, Tuto d'Arnaud Thiry

Mini-équatoriaux : Star Tracker MSM - Vixen Polarie

Mini Sky Adventurer Sky-Watcher (pour iOS/Android)

iOptron SkyTracker Pro Camera Mount Review

Choosing a Star Tracker for Astrophotography, AstroBackyard

A gauche, le tracker Gauda de MSM (199 à 366$ selon la configuration) qui monté en équatorial permet de photographier le ciel nocturne en compensant sa rotation apparente (voici une revue du tracker). A sa droite, un APN Canon EOS Ra équipé d'un zoom Canon RF 15-35 mm f/2.8 L IS USM fixé sur une monture Star Adventurer Tracker de Sky-Watcher. La nouvelle version est pilotable par Wi-Fi via un smartphone (439 €). A droite du centre, la monture iOptron SkyTracker Pro (362 €). A droite, le système de poursuite ultra-compact Polarie (399 €) de Vixen qui propose plusieurs vitesses de suivi (stellaire, solaire, lunaire, etc). Voici sa revue par AstroGear.

Un bon conseil, vérifiez avant achat que tous les accessoires, notamment la bague de fixation de la rotule pour l'APN, la base qui se pose sur le trépied, les piles et le chargeur sont compatibles avec votre région ou vos accessoires. Il existe bien des standards, mais par définition il y en a plus d'un. Il serait dommage que l'APN ne puisse pas se fixer sur la rotule ou que la base du mini-équatorial ne puisse pas se fixer sur votre support ou votre trépied. Un conseil, allez sur place ou demandez au revendeur qu'il vous confirme la comptabilité de toutes les options avec ce que vous possédez déjà ou demandez-lui de vous proposer une configuration complète, avec trépied robuste, viseur, rotule, bague de fixation, etc.

L'Astrotracer

Ricoh Imaging qui vend notamment les produits Pentax (APN, compacts, objectifs et jumelles) propose depuis 2011 un accessoire de géolocalisation O-GPS1 (250 €) qui comprend une fonction "Astrotracer" en plus d'un GPS simplifié et d'une boussole électronique. L'accessoire se fixe sur l'ergo du flash des APN Pentax K-30, K-1, K-3, K-5, K-r et autre série Mark II.

S'il peut être utile de disposer d'un GPS ou d'une boussole pour repérer l'endroit de la prise de vue, l'O-GPS1 est surtout conçu pour les amateurs qui ne disposent pas ou ne souhaitent pas s'encombrer de matériel d'astronomie mais souhaitent photographier le ciel en mode suivi (sans filé). En effet, l'accessoire évite de devoir transporter sur le lieu d'observation du matériel encombrant comme une monture équatoriale ou altzazimutale pour compenser la rotation de la Terre, sans parler des accessoires.

Le système O-GPS1 de Pentax.

Comme on le voit à droite, l'avantage du système est d'être très compact et autonome; il se résume à un petit boîtier de 61 g avec la pile AAA mesurant 49.0 x 33.0 x 59.5 mm qui se fixe sur l'ergo du flash des APN Pentax de dernière génération. Son autonomie varie en fonction du type de pile et de la température ambiante entre 4 heures (pile alcaline à 0°C) et 12 heures (pile au lithium à 23°C comme celle de Blackube ou Znter). Mais sur le terrain, il est prudent de prévoir une batterie de rechange.

Comme l'explique clairement la notice du fabricant, la fonction Astrotracer fonctionne en même temps que le système de stabilisation mécanique SR (Shake Reduction). Pour assurer le suivi sur les étoiles ou d'autres corps célestes, le dispositif électronique utilise les données de géolocalisation (la latitude du lieu) transmises par le GPS et les paramètres de positions de l'APN (inclinaison horizontale et verticale) transmis par les capteurs intégrés (magnétomètre et accéléromètre). De cette façon, le système connaît l'emplacement du nord géographique avec une précision de ~5° et l'algorithme peut prédire la trajectoire relative des astres. Lorsque le système est calibré, le capteur de l'APN peut se synchroniser avec le mouvement des astres et enregistrer une image nette au lieu d'un filé.

Etant donné le mode de fonctionnement de cet accessoire et ses limites, il est sensible aux champs magnétiques et toute perturbation géomagnétique importante peut entraîner une erreur de suivi qui vient s'ajouter aux erreurs de positionnement. C'est pourquoi le fabricant recommande de calibrer l'appareil avant chaque prise de vue. Toutefois, sachant que les amateurs qui utilisent ce système ne cherchent pas nécessairement la meilleure résolution - sinon ils utiliseraient une monture équatoriale avec une optique plus adaptée - plus d'un amateur réalisent la calibration une seule fois par séance photo, et tant pis pour l'éventuel flou de bougé dans les coins.

Quant au temps d'exposition (d'intégration) par photo, vu la haute sensibilité des capteurs, la luminosité du ciel, le risque de voir passer un avion ou un satellite, et les capacités des logiciels de combiner plusieurs photos, il est recommandé de réaliser des expositions relativement courtes (30 secondes à 1 minute) et de les combiner ensuite en une seule image pour augmenter le rapport signal/bruit et les détails du sujet. Pour les amateurs avertis, un prétraitement d'image est également recommandé.

La sensibilité dépend des APN mais elle peut atteindre 3200 ou 6400 ISO et encore donner d'excellents résultats pour peu que les conditions météos soient réunies. Certains APN et notamment le Pentax K-1 Mark II conservent un niveau de bruit constant jusqu'au High ISO de 102400 (mais plus à 204800 ISO). Autant en profiter.

A lire : Astrotracer, un suivi sans monture (PDF), A.Sallez, Astronomie Magazine, Nov 2011

Deux photos du ciel prises avec le système O-GPS1 en mode Astrotracer sans entraînement équatorial. A gauche, la Voie Lactée photographiée par Ian Norman en Alabama avec un APN Pentax K-1 Mark II équipé d'un zoom de 15-30 mm à 15 mm f/4.2. Empilement de 2 images exposées 30 s chacune à 3200 ISO. A droite, la Voie Lactée photographiée en Ethiopie en avril 2017 par Martin Critchley de Purple Peak Adventure avec un APN Pentax K-1 équipé d'un objectif grand-angle de 20 mm f/2.8 en mode manuel. Exposition unique de 3 minutes à 3200 ISO complétée par une image de 3 minutes pour l'avant-plan sans Astrotracer. Notons l'important astigmatisme dans les coins de l'image.

Si l'Astrotracer permet de suivre le mouvement des astres, aux effets du vent près, le paysage reste fixe et sera donc flou sur les photos. La photographie de la Voie Lactée derrière un avant-plan net doit donc se réaliser en deux étapes : réaliser une première photo de la Voie Lactée en activant le mode Astrotracer et la combiner à une deuxième photo de l'avant-plan en désactivant le mode Astrotracer, ce qui fut réalisé pour obtenir les deux photos présentées ci-dessus. La composition finale se réalise donc dans un logiciel de traitement d'image sur ordinateur. La superposition des deux images peut être un défi si l'avant-plan comprend des arbres dont la ramure empiette sur le ciel. On profitera donc au maximum des avantages de l'Astrotracer en utilisant une moyenne ou longue focale (au moins 50 mm) sans avant-plan.

On peut aller plus loin et par exemple utiliser l'O-GPS1 avec un APN équipé d'un téléobjectif fixé sur un trépied robuste afin par exemple de réaliser des photographies des constellations, des amas d'étoiles, des nébuleuses ou galaxies les plus brillantes (M45, M13, Oméga centaure, M42, M31, etc) ou des gros-plans de la Voie Lactée. Comme le montrent les deux photos ci-dessous, mis entre les mains d'amateurs avertis les résultats sont bluffants.

A lire : Pentax Astrotracer Review: Astrophotography Made Easier, DigitalCamera Review

Two simple questions about O-GPS1 with the K-3, Pentax Forums

Deux photos du ciel prises avec le système O-GPS1 en mode Astrotracer sans entraînement équatorial. A gauche, le centre de la Voie Lactée photographié par Ian Norman avec un APN Pentax K-1 Mark II équipé d'un objectif de 50 mm f/4. Empilement de 9 images exposées 40 s chacune à 6400 ISO. A droite, M45 photographié par Stéphane Poirier avec un APN Pentax K-3 équipé d'un téléobjectif Sigma APO DG de 300 mm f/2.8. Empilement de 32 images exposées 20 s chacune à 1600 ISO.

La qualité de l'image dépend non seulement des conditions d'observation et notamment de la qualité du ciel, mais aussi de la qualité du système optique, c'est-à-dire de l'ensemble formé par l'APN, l'objectif et le système O-GPS1 qui assure le suivi sur les astres.

Avec l'Astrotracer, quelle que soit l'optique utilisée, les photos présenteront toujours un certain degré de filé dans les coins de l'image. La première raison, comme nous l'avons expliqué, la fonction Astrotracer ne remplace pas un système d'entraînement équatorial et ne réalise que des déplacements rectilignes du capteur photosensible alors que les astres évoluent en projection sur une sphère. Même si une optique est anastigmate, ne présentant pas d'astigmatisme ni aucune autre aberration optique, en bordure de champ les points seront donc déformés. En effet, bien que les rayons lumineux soient rectilinéaires, au-delà de quelques dizaines de degrés de l'axe optique les proportions ne sont pas respectées et l'image est déformée.

De plus, la majorité des grands-angles grands publics souffrent d'astigmatisme et de coma en bordure de champ. Couplés aux mouvements linéaires de l'Astrotracer, les photos du ciel affichent donc des images déformées qui s'étendent parfois sur près de la moitié du champ autour de l'axe optique.

Pour l'éviter, il faut fermer le diaphragme de plusieurs crans (stops) mais on perd beaucoup de luminosité qu'on peut compenser par une sensibilité plus élevée mais avec le risque d'afficher plus de bruit électronique. L'alternative est d'utiliser des optiques standards ou des longues focales pour éviter cette déformation.

Soulignons aussi qu'il y a moins de risque d'enregistrer des étoiles allongées près du pôle céleste que près de l'équateur céleste où leur déplacement apparent est plus long et donc plus rapide dans le même intervalle de temps.

Notons qu'Olympus enregistra également un brevet pour un Astrotracer en 2015. Aux dernières nouvelles il fonctionne uniquement avec une application pour smartphone (qui doit être équipé d'une puce GPS) comme l'explique cette discussion sur le forum de DPReview.

Conclusion

Au vu des spécifications des APN reflex et hybrides et des résultats obtenus moyennant certaines adaptations et accessoires, on peut sereinement conclure que ces APN sont aujourd'hui adaptés à l'astrophotographie et peuvent rivaliser avec les caméras CCD.

Voyons à présent les performances des APN compacts en astrophotographie.

Deuxième partie

Les APN compacts

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