|
La théorie de la Relativité
La relativité générale : des exemples concrets Les ondes gravitationnelles (V) Nous savons depuis les travaux de Maxwell et consorts qu'un champ électromagnétique variable est en réalité une onde qui se propage. Appliqué à un champ de gravitation, nous formulons le concept d'onde gravitationnelle dont le terme "onde gravifique"[34] apparut pour la première fois sous la plume de Poincaré en 1905 et qui sera qualifié explicitement par Einstein en 1916. Les ondes gravitationnelles se propagent dans l'espace-temps à la vitesse de la lumière en modifiant sa structure, tout comme une vague modifie la surface de l'eau. La valeur de l'amplitude de cette déformation à un instant donné se calcule par la différence entre les tenseurs métriques pendant son passage et en l'absence d'onde : c'est la loi de la propagation d'Einstein. Bien qu'insensible aux champs gravitationnels, cette onde influence la position des objets. Aussi contradictoire que cela puisse être, en accord avec la relativité restreinte, une onde gravitationnelle modifie la distance entre les corps proportionnellement à son intensité. Si l'onde oscille à une fréquence élevée, les déformations de l'espace oscilleront également à cette fréquence. C'est sur cette base que les physiciens ont entamé dès 1957 la construction d'instruments permettant de détecter les ondes gravitationnelles. Le premier détecteur de ce type fut la "barre de Weber" du nom de son inventeur, Joseph Weber[35], physicien de l'Université de Maryland. Installé dans un laboratoire de l'Université de Stanford, il s'agissait d’un cylindre métallique de 1.5 tonnes suspendu dans une chambre vide et refroidit à 4 K. Si une onde gravitationnelle venait à la percuter, cette barre entrait en oscillation. Après l'avoir isolée des interférences, les physiciens pouvaient vérifier si sa fréquence et son amplitude étaient conformes à leurs théories. Bien qu'un signal fut détecté en 1969 puis un second en 1970, ils n'ont jamais été validés. Malgré sa sophistication, le manque de résultats significatifs firent dire à certains physiciens que ce genre de détecteur n'était pas assez sensible et ne pourrait pas discriminer une perturbation dix fois plus petite que la diamètre d'un atome à 1 kHz (1 part dans 1016). Aussi, pour espérer découvrir ces ondes gravitationnelles d''autres expériences furent élaborées offrant une meilleure sensibilité dont LIGO (Laser Interferometer Gravitationnal-Wave Observatory). Ce détecteur comprenant deux installations aux Etats-Unis, l’un près de Livingston en Louisiane, l’autre à Hanford dans l’état de Washington. L'installation opérationnele depuis 2001 fut améliorée entre septembre 2015 et janvier 2016 afin d'augmenter sa sensibilité et son rayon d'action qui est aujourd'hui 10 fois supérieur à l'installation originale. C'est cette nouvelle installation nommée Advanced LIGO (aLIGO) qui permit de découvrir les ondes gravitationnelles en 2015.
Après les vérifications d'usage, la découverte fut officiellement annoncée le 11 février 2016 par le porte-parole de LIGO qui déclara à la presse que leurs détecteurs avaient enregistré un évènement GW150914 produit par des ondes gravitationnelles émises par l'interaction de deux trous noirs. L'information fut aussitôt publiée dans les magazines scientifiques puis relayée par les médias[36]. Le physicien B.P.Abbott responsable de la collaboration scientifique LIGO (LSC) a décrit la découverte en ces termes : "Les ondes gravitationnelles ont été détectées le 14 septembre 2015 à 9h50s45m TU par les deux lasers des détecteurs jumeaux de LIGO situés à Livingston, en Louisiane, et à Hanford dans l'état de Washington. Sur base des signaux observés, les scientifiques de LIGO estiment que les trous noirs à l'origine de cet évènement sont environ 29 et 36 fois plus massifs que le Soleil et l'émission s'est produite il y a 1.3 milliard d'années. Environ 3 fois la masse du Soleil fut convertie en ondes gravitationnelles en une fraction de seconde". Sur le plan technique, B.P.Abbott et son équipe apportèrent quelques renseignements complémentaires : "Le système de détection automatique de LIGO a détecté un signal à Livingston 7 millisecondes avant le détecteur de Hanford. En l'espace de 0.2 seconde le signal augmenta en fréquence et en amplitude sur quelque 8 cycles. L'oscillation émergea à la fréquence de 35 Hertz et s'amplifia jusqu'à 250 Hz avant de disparaître 0.25 seconde plus tard. L'explication la plus plausible de cette amplification ou chirp correspond à deux corps massifs spiralant l'un autour de l'autre émettant des ondes gravitationnelles et fusionnant ensuite. Le délai de 0.007 seconde entre les signaux [enregistrés en] Louisiane et à Washington correspond au temps qu'il fallut à l'onde se déplaçant à la vitesse de la lumière pour se propager entre les deux détecteurs." La
masse du trou noir résultant est de 62 M Notons que si les deux trous noirs possèdent un disque d'accrétion, lors de leur fusion, en plus des ondes gravitationnelles, ils devraient également émettre un signal lumineux (cf. B.McKernan et al., 2019). Parmi toutes les fusions de trous noirs détectées à ce jour, aucune signature optique n'a été observée. Le sujet méritant plus d'attention et de commentaires, une page spéciale a été rédigé sur la découverte des ondes gravitationnelles et décrit également en détails l'analyse du premier pulsar binaire découvert par Hulse et Taylor qui subit l'emprise d'un champ gravitationnel intense et que nous avons résumé ci-dessous. A lire : Les ondes gravitationnelles
100 ans exactement après la prédiction d'Einstein, la découverte des ondes gravitationnelles confirme une fois de plus la réalité de la théorie de la relativité générale et réconforte les physiciens comme les astronomes sur la validité de leurs modèles. Une autre manière de découvrir des ondes gravitationnelles est d'étudier les systèmes binaires très serrés comme par exemple une étoile compacte (naine, à neutrons ou pulsar) en orbite autour d'un trou noir, sur lequel elle finira inévitablement par tomber. Le pulsar binaire : l'emprise du champ gravitationnel En 1974, grâce au radiotélescope d'Arécibo, le radioastronome Joe Taylor expert des pulsars à l'Université de Princeton et son assistant Russell Hulse[37] découvrirent un pulsar nommé PSR B1913+16 (ou PSR J1915+1606) à la magnitude apparente +22.5 dans la constellation de l'Aigle à environ 23250 années-lumière. La période de son signal est d'environ 59 ms. Il appartient à la famille des pulsars millisecondes.
En
analysant les irrégularités dans le timing du passage de l'astre et périastre
et à l'apoastre, Taylor et Hulse découvrirent qu'il s'agissait d'un pulsar binaire
en orbite autour d'un autre astre, probablement une étoile
à neutrons. Le pulsar et son compagnon présentent respectivement une masse de 1.44 M De plus, l'orbite du pulsar se rétrécit chaque année d'environ 3.1 mm par révolution. On estime que les deux astres fusionneront dans quelque 300 millions d'années. Cette dégénérescence s'explique par le fait qu'une partie de l'énergie cinétique du pulsar est convertie en ondes gravitationnelles comme l'a prédit Einstein. Ce phénomène a pour effet de rapprocher inexorablement les deux astres l'un de l'autre jusqu'à leur coalescence et fusion qui risque de se solder par un immense flash de rayonnement et la libération soudaine d'une intense onde gravitationnelle. Enfin, près de la surface de ce pulsar, la lumière serait déviée jusqu'à 40°, 100000 fois plus fort que près du Soleil ! La "gravitodynamique" prend ici un sens réel : ce pulsar est sous l'emprise d'un champ gravitationnel intense rapidement variable. La "matière-espace-temps" trouve donc ici son interprétation du principe de Mach. L'accélération orbitale observée ne diffère que de 4% par rapport à la valeur théorique déterminée par la relativité générale. La théorie d'Einstein confirme son exactitude, y compris dans les conditions extrêmes de champs variables (de propagation). On détermina également que la vitesse de propagation de la gravité coïncidait avec la vitesse de la lumière avec une précision de 1%. En reconnaissance pour ses années de recherches et ses travaux sur les pulsars, Joe Taylor ainsi que Russell Hulse furent gratifiés du prix Nobel en 1993. Mais intrinsèquement PSR B1913+16 est trop peu massif pour être enregistré par le détecteur LIGO. Il offre toutefois une bonne occasion aux physiciens pour imaginer quels autres corps célestes seraient en mesure de produire juste ce qu'il faut d'ondes gravitationnelles pour être détectés sur Terre. Dans ce contexte, la découvre faite par LIGO constitue un évènement majeur. Prochain chapitre
|