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Le champ magnétique du Soleil

L'inversion cyclique du champ magnétique (III)

Nous avons évoqué précédemment la loi des polarités de Hale qui suit un cycle de 22 ans, double de celui des taches sombres. Nous savons aussi que les courants électriques du Soleil génèrent un champ magnétique complexe qui s'étend dans l'espace interplanétaire, emporté par le vent solaire pendant que le Soleil continue de tourner sur lui-même.

Comme on le voit ci-dessous, cette rotation enroule le champ magnétique dans une immense spirale appelée "spirale de Parker" en l'honneur de l'astrophysicien solaire Eugène Parker (1928-2022) qui la décrivit le premier et auquel une sonde spatiale doit également son nom.

La spirale de Parker. A gauche, modélisation du champ magnétique solaire s'étendant dans l'espace interplanétaire. Notez le sens opposé de la spirale de Parker (indiquée par les flèches) dans chacune des hémisphères du Soleil. A droite, modèle numérique tenant compte du mouvement brownien (schémas de gauche) dans la photosphère comparé au modèle théorique. Ces fluctuations "Alfvéniques" expliqueraient la diffusion perpendiculaire des rayons cosmiques à travers le champ magnétique solaire. Documents J.Jokippi/U.Arizona et Steve Suess/NASA-MSFC.

Selon le Todd Hoeksema, directeur de l'Observatoire Solaire Wilcox de l'Université de Stanford, cette spirale géante de courants magnétiques est émise par la région équatoriale du Soleil. Ce champ magnétique est orienté. Il est dirigé vers l'extérieur du Soleil dans l'une des hémisphères et vers l'intérieur dans l'autre hémisphère comme le montre l'illustration ci-dessus. La spirale de Parker présente ainsi des champs magnétiques opposés.

L'étroite bande qui sépare les champs de différentes directions est dénommé le feuillet de courant neutre. Il mesure environ 10000 km d'épaisseur et s'étend sur des milliards de kilomètres dans toutes les directions. Etant donné que ce feuillet séparant les deux directions magnétiques ne se situe pas exactement sur l'équateur solaire, la rotation du Soleil provoque une ondulation du feuillet qui se propage dans l'espace interplanétaire avec le vent solaire, son amplitude devenant de plus en plus grande à mesure que l'onde s'éloigne du Soleil. On comprendra mieux ainsi pourquoi ce feuillet de courant neutre est souvent appelé "la robe de la ballerine".

 Lorsque le feuillet de courant neutre atteint l'orbite de la Terre, les conditions du temps spatial se modifient avec l'apparition d'un plus grand nombre de tempêtes géomagnétiques et d'aurores polaires. La page consacrée au statut de l'activité solaire, géomagnétique et des aurores décrit ces évènements et en particulier l'évolution du vent solaire et de la spirale de Parker.

En février 2001, les scientifiques ont observé un important changement à ce sujet : le champ magnétique du Soleil s'est inversé. C'est-à-dire que le pôle Nord magnétique du Soleil, qui se trouvait encore un mois auparavant dans l'hémisphère nord, pointa vers l'hémisphère sud. C'est une situation littéralement sans dessus-dessous mais pas inattendue.

L'astrophysicien solaire David Hathaway du centre Ames de la NASA nous rappelle que "cela se produit toujours à l'approche du maximum solaire. Les pôles magnétiques échangent leur place lors du pic d'activité du cycle des taches solaires; c'est une bonne indication sur le fait que le maximum solaire est bien d'actualité."

Les pôles magnétiques du Soleil restèrent tels qu'ils sont, avec le pôle magnétique nord pointant vers l'hémisphère sud jusqu'en 2012 époque où les pôles magnétiques s'inversèrent de nouveau. Pour autant que nous ayons assez de recul, cette transition se produit lors du pic du cycle de 11 ans des taches solaires, avec la régularité d'un mouvement d'horlogerie.

Les dipôles solaire et terrestre. Ce modèle très simple du champ magnétique du Soleil (à gauche) est à l'image du champ géomagnétique (à droite). Ils présentent tous deux de grandes boucles magnétiques près de l'équateur et des champs ouverts près des pôles. Un tel champ est appelé un dipôle. Dans les deux cas, il peut s'inverser avec une périodicité d'environ 11 ans dans le cas du Soleil. Documents NASA et Easy Science for Kids.

Rappelons que le champ magnétique terrestre s'inverse également, mais de façon moins régulière. Cette empreinte est par ailleurs incrustée de façon indélébile dans les flots de lave. Les inversions sont espacées de 5000 à 50 millions d'années. La dernière inversion est survenue il y a 740000 ans. Certains géologues pensent que notre planète est en retard sur ce cycle quasi-périodique mais personne ne sait exactement quand se produira la prochaine inversion géomagnétique.

Bien que les champs magnétiques solaires et terrestres se comportent différemment, ils ont quelque chose en commun : leur forme. Durant le minimum de l'activité solaire, le champ magnétique du Soleil, tout comme celui de la Terre ressemble à un aimant présentant de grandes boucles magnétiques près de l'équateur et des champs ouverts près des pôles. Un  tel champ est appelé un dipôle. En terme d'intensité, le champ bipolaire du Soleil est aussi fort que l'aimant d'un  réfrigérateur, soit environ 50 gauss. Celui de la Terre est 100 fois plus faible.

Formation d'un champ magnétique quadripolaire survenu lors de l'inversion du champ magnétique solaire en 2012. Document T.Lombry inspiré de NOAJ.

Lorsque l'activité du Soleil approche de son maximum et que les taches sombres parsèment son disque, le champ magnétique de notre étoile commence à changer et faiblit. Les taches sombres par exemple se placent aux endroits où les boucles magnétiques sont les plus intenses, des centaines de fois plus intenses qu'en période de Soleil calme, et percent la surface de la photosphère. Inversement, comme l'ont montré M.J.Käpyla de l'Université Aalto de Finlande et ses collègues en 2016, lorsque l'activité des taches solaires est au minimum comme ce fut le cas durant le minimum de Maunder (entre 1645 et 1715), l'intensité du champ magnétique solaire est au maximum.

Ainsi que nous le verrons page suivante, ce sont les courants méridionaux qui transportent les champs magnétiques à la surface du Soleil des latitudes moyennes vers les pôles. Ceux-ci finissent par s'inverser parce que ces courants transportent des flux magnétiques orientés vers le sud vers le pôle Nord magnétique et inversement dans l'autre hémisphère. Cela a pour conséquence d'affaiblir progressivement le champ bipolaire à mesure que le flux orienté en sens contraire s'accumule dans les régions polaires du Soleil jusqu'au moment où, au paroxysme du cycle solaire, les pôles magnétiques changent de polarité et commencent à s'étendre dans une nouvelle direction.

Pendant la période de transition, à grande échelle le champ magnétique solaire peut présenter une structure quadripolaire comme illustrée à droite qui s'étend à grande distance en formant quatre immenses lobes magnétiques présentant une structure hélicoïdale. Notons qu'un phénomène similaire c'est produit sur Terre il y a environ 650 millions d'années. On y reviendra.

A partir du diagramme magnétique en papillon (ci-dessous), on peut déduire à quelle époque est survenue la dernière inversion magnétique et quand surviendra la prochaine occurrence. Utilisant les données recueillies par les astronomes de l'U.S. National Solar Observatory du Kitt Peak (NSO), en pointant la valeur du champ magnétique solaire moyen en fonction de la latitude solaire jour après jour depuis 1975, on obtient la carte suivante qui révèle l'évolution du comportement du champ magnétique à la surface du Soleil.

Le champ magnétique solaire s'affaiblit en raison du transfert de champs contraires dans les régions polaires. Les régions jaunes sont occupées par des champs magnétiques orientés vers le sud; les régions bleues vers le nord. Aux latitudes moyennes le diagramme est dominé par d'intenses champs magnétiques associés aux taches solaires. Durant le cycle d'activité des taches sombres, celles-ci se déplacent vers l'équateur, formant les deux ailes du papillon. Les zones bleue et rouge près des pôles révèlent l'orientation sous-jacente du champ bipolaire solaire. Ce diagramme montre que le champ magnétique s'inversa en 1976, 1988, 2001 et suit pratiquement un cycle de 11 ans. Document D.Hataway/NASA-MSFC adapté par l'auteur.

Le changement de couleur (du bleu au jaune et vice-versa) signifie un changement de polarité des champs magnétiques polaires. Comme on le constate, l'inversion de polarité est périodique. Le dernier évènement est survenu en 2012-2013 comme l'explique l'article du "Sun Today".

Toutefois, si les astronomes peuvent prédire les inversions de polarité, celle apparue en 2012 s'est produite plus rapidement que prévu. En effet, selon une étude publiée en 2012 par une équipe d'environ 300 chercheurs de la NOAJ et du RIKEN, les données recueillies par le satellite Hinode montrèrent que champ magnétique du pôle Nord du Soleil était proche de zéro en janvier 2012, soit 1 an plus tôt que prévu. L'inversion de polarité est finalement survenue dans l'hémisphère nord du Soleil en juin 2012 et se produisit dans l'hémisphère sud en juillet 2013, aux alentours du maximum solaire du Cycle 24. L'évènement fut annoncé dès mai 2013 puis relayé par la NASA en août et décembre 2013.

A voir : Solar Flip-Flop, NASA

Evolution du champ magnétique solaire de 1997 à 2013

Evolution de la polarité (en vert positive, en pourpre négative) et de la direction du champ magnétique solaire respectivement le 1 janvier 1997, 1 juin 2003 et le 1 décembre 2013. Document NASA/GSFC.

Ce changement n'est pas confiné dans l'espace immédiat du Soleil. Grâce au vent solaire, cette transformation s'étend dans toute l'héliosphère jusqu'à 50 ou 100 UA, bien au-delà de l'orbite de Pluton. Il faut environ un an pour que cette perturbation se propage jusqu'aux confins de l'héliosphère.

Du fait que le Soleil tourne sur lui-même (en 27 jours), les champs magnétiques solaire s'enroulent comme un tire-bouchon en prenant la forme d'une spirale d'Archimède si bien que loin au-dessus des pôles, les champs magnétiques sont enroulés à l'image d'un ressort ainsi que l'illustre le schéma présenté ci-dessous.

La spirale magnétique

Ce schéma illustre l'aspect du champ magnétique du Soleil tel qu'on pourrait le décrire à 100 UA de distance. En raison de la rotation du Soleil sur lui-même, son champ magnétique s'enroule comme un tire-bouchon. Document S.Suess/NASA-MSFC adapté par l'auteur.

En raison de ces enroulement imbriqués, Hathaway reconnaît qu'il est difficile de décrire l'impact de l'inversion du champ magnétique sur l'héliosphère. Les taches solaires sont les principales sources des intenses noeuds magnétiques qui spiralent vers l'extérieur du Soleil, même lorsque le dipôle magnétique s'évanouit. L'héliosphère ne subit pas seulement un bref sursaut lorsque les pôles s'inversent; il y a de nombreuses structures magnétiques complexes qui demandent à être étudiées.

Jusqu'à ce jour les physiciens n'avaient pu observer le champ magnétique du Soleil de haut en bas. Grâce à la sonde spatiale Ulysses les scientifiques peuvent à présent l'examiner dans la réalité. La sonde Ulysses construire grâce à un joint venture entre l'ESA et la NASA fut lancée en 1990 pour observer les latitudes très élevées du Soleil. Tous les 6 ans la sonde s'envole à 2.2 UA au-dessus des pôles du Soleil, vers un point de vue situé en dehors du plan orbital où nul autre vaisseau n'a jamais été. Grâce à la mission Ulysses les astronomes ont réalisé d'importantes découvertes sur les rayons cosmiques, le vent solaire et plus encore. Grâce à Ulysses, pour la première fois les astronomes disposent des données couvrant un cycle solaire complet.

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La dynamo solaire

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