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Vers une résolution du paradoxe de l'information

On sait en théorie comment sortir d'un trou noir (I)

Dans une série d'articles révolutionnaires que nous allons résumer ci-dessous, des physiciens théoriciens sont arrivés très près de la résolution du paradoxe de l'information des trous noirs qui les fascine et les tourmente depuis plusieurs décennies (cf. S.Hawking, 1974). L'information, disent-ils maintenant avec confiance, s'échappe d'un trou noir. Selon les chercheurs, si vous sautez dans un trou noir, vous ne disparaitrez pas pour de bon. En effet, particule par particule, les informations nécessaires à la reconstitution de votre corps réapparaîtront...

L'approche semi-classique

La plupart des physiciens l'ont longtemps supposé car c'était le résultat de la théorie des cordes, leur principal candidat pour une théorie unifiée de la nature. Mais les nouveaux calculs, bien qu'inspirés de la théorie des cordes, sont autonomes, sans aucune corde en vue. L'information s'échappe par le fait de la gravité elle-même, une gravité ordinaire combinée à des effets quantiques.

Il s'agit d'un renversement du rôle particulier de la gravité. En effet, selon la théorie générale de la relativité d'Einstein, la gravité d'un trou noir est si intense que rien ne peut s'en échapper.

La compréhension plus sophistiquée des trous noirs développée par Stephen Hawking et ses collègues dans les années 1970 n'a pas remis en question ce principe. Hawking et d'autres spécialistes ont cherché à décrire la matière dans et autour des trous noirs en utilisant le cadre de la physique quantique, mais tout en continuant à décrire la gravité en utilisant la théorie classique d'Einstein, une approche hybride que les physiciens appellent "semi-classique". Bien que l'approche prévoyait de nouveaux effets à la limite extérieure du trou noir, l'intérieur est resté strictement inacessible. Les physiciens ont imaginé que Hawking avait réussi à calculer la forme semi-classique. Par conséquent, tout progrès supplémentaire devrait également traiter la gravité sous forme quantique, ce que pense la majorité des physiciens.

C'est justement ce que contestent les auteurs des nouvelles études. Ils ont trouvé des effets semi-classiques supplémentaires - de nouvelles configurations gravitationnelles que la théorie d'Einstein permet, mais qui ne sont pas incluses dans celle de Hawking. Au début, ces effets dominent jusqu'à ce que le trou noir devienne extrêmement âgés. Le trou noir se transforme alors d'un système fermé en un système vigoureusement ouvert. Non seulement les informations s'en échappent, mais tout nouvel élément est régurgité presque immédiatement.

Représentation d'un trou noir stellaire sous la forme d'une sphère qui matérialise l'horizon des évènements et dont la lumière extérieure subit de fortes déformations suite à l'effet gravitionnel. Document T.Lombry.

La théorie semi-classique révisée n'a pas encore expliqué comment exactement l'information s'échappe mais le rythme des découverte a été tel depuis 2017 que les théoriciens ont déjà des idées concernant ce mécanisme d'échappatoire, ces "fuites" comme les qualifient certains. Selon Donald Marolf, expert des trous noirs et de la théorie des cordes à l'Université de Californie à Santa Barbara, "Je pense que c'est la chose la plus excitante qui se soit produite dans ce domaine depuis Hawking".

Mais pour les chercheurs, le succès n'est pas total. En effet, si le calcul avait impliqué des caractéristiques profondes de la gravité quantique plutôt qu'une légère amélioration - ce qui aurait sans doute été plus difficile à réaliser - cela aurait éclairé ces profondeurs mystérieuses. Les chercheurs craignent donc d'avoir résolu ce problème sans parvenir à résoudre la question fondamentale comme ils l'espéraient. Selon le mathématicien et physicien Geoff Penington de l'Université de Californie à Berkeley, expert de la physique des particules, "L'espoir était que si nous pouvions répondre à cette question - si nous pouvions voir les informations sortir - pour ce faire, nous aurions dû en apprendre davantage sur la théorie microscopique", faisant allusion à une théorie entièrement quantique de la gravité.

Mais ce travail reste hautement mathématique. Il combine des concepts qui finalement restent difficiles à interpréter comme les trous de ver, le principe holographique, l'espace-temps émergeant, l'intrication quantique, autant de concepts déconcertants de la physique fondamentale qui rendent le sujet à la fois captivant et déroutant.

Du fait de son abstraction et de sa complexité, tout le monde n'est pas convaincu par cette théorie. Certains pensent encore que Hawking avait raison et que la théorie des cordes ou toute autre nouvelle physique doit entrer en jeu si l'information doit s'échapper. Selon le mathématicien et physicien théoricien Nicholas Warner de l'Université de Californie du Sud (USC), "Je suis très réticent face aux gens qui viennent et disent : "J'ai une solution uniquement en mécanique quantique et en gravité. Parce que cela nous a déjà fait tourner en rond".

En revanche, presque tous les spécialistes semblent d'accord sur un point. D'une manière ou d'une autre, l'espace-temps lui-même semble s'effondrer dans un trou noir, ce qui implique que l'espace-temps n'est pas à la racine de la réalité, mais une structure émergente de quelque chose de plus profond. Bien qu'Einstein ait conçu la gravité comme la géométrie de l'espace-temps, sa théorie implique également la dissolution de l'espace-temps, raison pour laquelle l'information peut finalement échapper à sa prison gravitationnelle.

La courbe de Page devient la clé

En 1992, le physicien Don Page de l'Université d'Alberta au Canada passa une partie de ses vacances de Noël à réfléchir à la réalité des paradoxes associés aux trous noirs. Ses premières études sur les trous noirs dans les années '70, alors qu’il était jeune étudiant diplômé furent pour l'essentiel conduites sous la direction de Stephen Hawking et rendaient compte que les trous noirs émettent des rayonnements - le résultat de processus quantiques aléatoires en bordure de l'horizon des évènements. En termes simples et imagés, un trou noir s'effrite de l'extérieur vers l'intérieur.

Le Pr. Don N. Page, physicien à l'Université d'Alberta (Ca.) lors d'une visite académique à l'Université de Taiwan où il enseigne également, le 15 décembre 2015. Document Creative Commons.

Les particules qu'il émet semblent ne porter aucune information sur le contenu intérieur. Si un astronaute de 100 kg tombe dans un trou noir, celui-ci doit grossir de 100 kg. Pourtant, lorsque le trou noir émet l'équivalent de 100 kg de rayonnement, ce rayonnement est complètement déstructuré. Rien sur le rayonnement ne révèle s'il provenait d'un astronaute ou d'un morceau de plomb.

C’est un problème car, à un moment donné, le trou noir émet son dernier gramme et cesse d’exister. Il ne reste qu’un gros nuage amorphe de particules errantes ci et là au hasard des collisions. Il serait impossible de récupérer tout ce qui est tombé dans le trou noir. Cela fait de la formation des trous noirs et de leur évaporation quantique un processus irréversible, qui semble défier les lois de la mécanique quantique.

Hawking et la plupart des autres théoriciens de l'époque ont accepté cette conclusion - si l'irréversibilité faisait fi des lois de la physique telles qu'elles étaient alors comprises, tant pis pour ces lois.;

Mais Page était contrarié, car l'irréversibilité violerait la symétrie fondamentale du temps. En 1980, il rompt avec son ancien conseiller et soutient dans un article que les trous noirs doivent libérer ou au moins préserver les informations. Son hypothèse provoqua un schisme parmi les physiciens. Selon Page, "La plupart des relativistes généraux à qui j'ai parlé étaient d'accord avec Hawking. Mais les physiciens des particules avaient tendance à être d'accord avec moi".

Lors de ses vacances à Pasadena, Page s'est rendu compte que les deux groupes avaient raté un point important. L'énigme n’était pas seulement de savoir ce qui se passait à la fin de la vie du trou noir, mais aussi ce qui y menait. Il considérait un aspect du processus qui avait été relativement négligé : l'intrication quantique. Alors que les particules ne sont pas liées - il n'existe a priori pas d'interactions continuelles entre elles - le rayonnement émis maintient un lien mécanique quantique avec son lieu d'origine. Si vous mesurez uniquement le rayonnement ou le trou noir, cela semble aléatoire, mais si vous les considérez conjointement, ils présentent un modèle. C'est comme le fait de crypter vos données avec un mot de passe. Les données sans mot de passe ne veulent rien dire. Le mot de passe, si vous en avez choisi un bon, n'a pas non plus de sens. Mais ensemble, ils débloquent l'information. Selon Page, peut-être que de la même manière, des informations peuvent s'échapper du trou noir sous une forme "cryptée".

Page calcula ce que cela signifierait pour la quantité totale d'enchevêtrement entre le trou noir et le rayonnement, une quantité connue sous le nom d'entropie d'intrication (ou d'enchevêtrement). Au début de tout le processus, l'entropie d'intrication est nulle, car le trou noir n'a pas encore émis de rayonnement avec lequel il s'enchevêtre. A la fin du processus, si l'information est conservée, l'entropie d'intrication devrait être à nouveau nulle, car il n'y a plus de trou noir. Selon Page, "Je suis devenu curieux de savoir comment l'entropie de rayonnement changerait entre les deux".

Au départ, au fur et à mesure que le rayonnement s'écoulait, l'entropie d'intrication grandissait. Page a estimé que cette tendance devait s'inverser. L'entropie doit cesser d'augmenter et commencer à diminuer si elle doit atteindre finalement zéro. Au fil du temps, l'entropie d'intrication devrait suivre une courbe en forme de Λ comme illustré ci-dessous.

Page calcula que cette inversion devrait se produire à peu près à la moitié du processus, à un moment maintenant connu sous le nom de temps de Page. C'est bien plus tôt que ne le supposaient les physiciens. Le trou noir est encore énorme à ce stade - certainement loin de la taille subatomique à laquelle tout effet exotique putatif apparaîtrait. Les lois connues de la physique devraient donc toujours s'appliquer. Il n'y a donc rien dans ces lois pour faire pencher la courbe vers le bas.

A voir : Don Page - Aspects of Black Hole Evaporation, IHES, 2017

Lorsque un trou noir émet un rayonnement, celui-ci est quantiquement enchevêtré (lié par intrication) avec le trou noir. La quantité totale de connexions est appelée l'entropie d'intrication. Selon les calculs originaux de Stephen Hawking, cette quantité augmente jusqu'à la mort du trou noir par évaporation quantique. Mais si cette information s'échappe du trou noir, l'entropie d'intrication devrait suivre la courbe de Page.

Face à ce constat, le problème est devenu beaucoup plus aigu. Les physiciens avaient toujours pensé qu'une théorie quantique de la gravité n'entre en jeu que dans des situations tellement extrêmes qu'elles semblent ridicules, comme une étoile s'effondrant jusqu'à la taille d'un proton. Mais suite à ses calculs, Page pouvait leur dire que la gravité quantique s'imposait dans des conditions qui, dans certains cas, sont comparables à celles qu'on rencontre dans la vie ordinaire.

L'analyse de Page publiée dans les "Physical Review Letters" en 1993 justifia d'appeler le problème de l'information des trous noirs un paradoxe plutôt qu'un simple puzzle à assembler. Il révéla un conflit dans l'approximation semi-classique. Selon David Wallace, physicien passionné par la philosophe de la physique à l'Université de Pittsburgh, "Le paradoxe du temps de Page semble indiquer une rupture de la physique des basses énergies dans un endroit où elle n'a pas à s'effondrer, car les énergies sont encore faibles".

Du côté positif, la clarification du problème par Page a ouvert la voie à une solution. Il a établi que si l'entropie d'intrication suit la courbe de Page, alors l'information s'échappe du trou noir. Ce faisant, il a transformé un débat philosophique en calcul, une méthode dans laquelle se retrouvent les experts. Selon le pysicien Andrew Strominger de l'Université d'Harvard, "Les physiciens ne sont pas toujours aussi doués pour les mots. Nous faisons mieux avec des équations précises".

Grâce aux calculs de Page, désormais les physiciens n'avaient plus qu'à calculer l'entropie d'intrication. S'ils pouvaient réussir, ils obtiendraient une réponse claire, à savoir si l'entropie d'intrication suit la forme d'un Λ ou pas ? Si c'est le cas, le trou noir préserve les informations, ce qui signifie que les physiciens des particules avaient raison. Si ce n'est pas le cas, le trou noir détruit ou pulvérise l'information, et les relativistes généraux devront se débrouiller seuls devant leur auditoire.

Pourtant, même si Page a expliqué ce que les physiciens devaient faire, il a fallu aux théoriciens près de trois décennies pour comprendre comment s'y prendre car la méthode est loin d'être intuitive.

Le trou noir à l'envers

Depuis ~2018, les physiciens ont montré que l'entropie d'intrication des trous noirs suit vraiment la courbe de Page, indiquant que l'information s'échappe. Ils ont fait l'analyse par étapes. Tout d'abord, ils ont montré comment cela fonctionnerait en utilisant les connaissances de la théorie des cordes. Ensuite, dans des articles publiés à l'automne 2019, les chercheurs ont complètement coupé le lien avec la théorie des cordes.

Les travaux ont véritablement commencé en octobre 2018, lorsque Ahmed Almheiri de l'Institute for Advanced Study (IAS) présenta une procédure pour étudier la façon dont les trous noirs s'évaporent. Almheiri, bientôt rejoint par plusieurs collègues, appliqua un concept imaginé en 1997 par Juan Maldacena, aujourd'hui à l'IAS.

Illustrons ces travaux par une expérience de pensée. Considérons un univers enfermé sous une frontière représentée par une boule à neige. En plus d'avoir un grand mur autour de lui, l'intérieur est fondamentalement comme notre univers : il a de la gravité, de la matière, etc. La frontière est aussi une sorte d'univers. Il n'a pas de gravité et, n'étant qu'une surface, elle manque de profondeur. Mais cela est compensé par l'application d'une physique quantique vibrante qui, dans l'ensemble, rend cette surface aussi complexe que l'intérieur. Bien que ces deux univers soient différents, ils sont parfaitement assortis. Tout ce qui est à l'intérieur appelé "bulk" (qu'on peut traduire par ce qui est en vrac ou brut) a une contrepartie sur la surface-frontière. Et même si la géométrie du "bulk" est différente de la géométrie de notre propre univers, cette dualité jauge/gravité appelée la dualité AdS/CFT est le terrain de jeu préféré des théoriciens des cordes depuis que Maldacena l'a introduite.

A voir : Albert Einstein, Holograms and Quantum Gravity, Quanta Magazine, 2018

A lire : Strong-interaction theories based on gauge/gravity duality (PDF)

La correspondance AdF/CFT par S.Brodsky/F.de Téramond, 2010

Illustration

de la correspondance AdS/CFT

Evolution d'un proton à différentes échelles de longueur projetée sur l'espace-temps AdS5. Le trou noir (sphère rouge) dans l'espace-temps courbe anti de Sitter à 5 dimensions (les 5 autres étant compactifiées) est en correspondance avec un plasma de protons (symbolisé par les trois quarks) existant dans l'espace-temps plat à 4 dimensions situé sur le bord de ce volume d'espace-temps AdS5.

Les évènements se déroulant dans l'espace-temps AdS5 sont décrits par la théorie des cordes et sont équivalents à ce qui se déroule dans notre espace-temps 4D fondé sur la théorie des champs (théorie de jauge des champs de Yang-Mills) analogue à celle de la chromodynamique quantique (CDQ). Ainsi, il y a une correspondance exacte entre la coordonnée z de la 5e dimension de l'espace AdS et la variable spécifique d'impact ζ mesurant la séparation des quarks et des gluons dans les hadrons dans l'espace-temps ordinaire 4D. L'hologramme apparaît dans la relation entre l'objet physique en D dimensions décrit comme un objet à D-1 dimensions. Pour les détails lire S.Brodsky et G.de Téramond, 2008. Document adapté par l'auteur.

Par la logique de cette dualité, si vous avez un trou noir à l'intérieur (dans le bulk), il a un simulacre sur la surface-frontière. Du fait que la frontière est régie par la physique quantique sans les complications de la gravité, elle préserve sans équivoque l'information. Il en va de même pour le trou noir.

Lorsque les chercheurs ont entrepris d'analyser comment les trous noirs s'évaporent dans le concept AdS/CFT, ils ont d'abord dû surmonter un léger problème : dans la dualité AdS/CFT, en fait les trous noirs ne s'évaporent pas. En effet, le rayonnement remplit le volume confiné comme de la vapeur dans un autocuiseur, et quoi que le trou émette, ille résorbe finalement. Selon Jorge Varelas da Rocha, physicien théoricien à l'Institut universitaire de Lisbonne, "Le système atteindra un état stable".

Pour faire face à ce problème, Almheiri et ses collègues ont adopté une astuce proposée par Rocha qui place l'équivalent d'une vanne à vapeur sur la surface-frontière pour évacuer le rayonnement et l'empêcher de retomber. Selon Netta Engelhardt du MIT qui travaille avec Almheiri, "Il aspire le rayonnement". Les chercheurs ont creusé un trou noir au centre du "bulk", dans l'espace brut, puis ont commencé à évacuer le rayonnement et ont observé ce qui se produisait.

Pour suivre l'entropie d'intrication du trou noir, ils se sont appuyés sur la compréhension plus granulaire de AdS/CFT qu'Engelhardt et d'autres, y compris Aron Wall de l'Université de Cambridge, ont développé dans les années 2010. Les physiciens sont maintenant en mesure de déterminer quelle partie de la masse correspond à quelle partie de la frontière, et quelles propriétés de la masse correspondent à quelles propriétés de la frontière.

La clé pour relier les deux côtés de la dualité est ce que les physiciens appellent une surface quantique extrémale en 5D (ces surfaces sont des caractéristiques générales - nous n'avons pas besoin d'un trou noir pour en avoir une). En gros, imaginez que vous souffler une bulle de savon dans le "bulk". La bulle prend naturellement une forme qui minimise sa surface. La forme n’a pas besoin d’être sphérique car les règles de la géométrie peuvent différer de celles que nous connaissons; ainsi la bulle est une sonde de cette géométrie. Les effets quantiques peuvent également la distendre.

En calculant où se trouve la surface quantique extrémale, les chercheurs obtiennent deux informations importantes. Tout d'abord, la surface sculpte le "bulk" en deux morceaux qui correspondent chacun à une partie de la frontière. Ensuite, l'aire de la surface est proportionnelle à une partie de l'entropie d'intrication entre ces deux parties de la frontière. Ainsi, la surface quantique extrémale relie un concept géométrique (l'aire) à un concept quantique (l'intrication), donnant un aperçu de la façon dont la gravité et la théorie quantique pourraient ne faire qu'un.

Mais lorsque les chercheurs ont utilisé ces surfaces quantiques extrémales pour étudier un trou noir qui s'évaporait, une chose étrange s'est produite. Au début du processus d'évaporation, ils ont découvert, comme prévu, que l'entropie d'intrication de la frontière augmentait. Parce que le trou noir était la seule chose à l'intérieur de l'espace, les auteurs ont déduit que son entropie d'intrication augmentait. Pour ce qui est des calculs originaux de Hawking, tout va bien jusqu'ici.

Soudainement, cela changea. Une surface quantique extrémale s'est soudainement matérialisée juste à l'intérieur de l'horizon du trou noir. Initialement, cette surface n'avait aucun effet sur le reste du système. Mais finalement, elle est devenue le facteur décisif de l'entropie, conduisant à une baisse. Les chercheurs la comparent à une transition comme l'ébullition ou la congélation. Selon Engelhardt, "Nous voyons cela comme un changement de phase analogue aux phases thermodynamiques - entre le gaz et le liquide".

Cela signifiait trois choses. Premièrement, ce changement soudain signala l'apparition d'une nouvelle physique non couverte par le calcul de Hawking. Deuxièmement, la surface extrémale a divisé l'univers en deux. Une partie équivalait à la frontière. L'autre était un univers inconnu sur lequel la frontière n'avait aucune information, indiquant que les rayonnements émis par le système avaient un effet sur son contenu d'information. Troisièmement, la position de la surface quantique extrémale était très significative. Elle était situé juste à l'intérieur de l'horizon du trou noir. Au fur et à mesure que le trou rétrécissait, la surface quantique extrémale et, avec elle, l'entropie d'intrication diminuait. Cela correspondait à la pente descendante que Page avait prédite, la première confirmation de son calcul.

En montrant que l'entropie d'intrication suivait la courbe de Page, l'équipe a pu confirmer que les trous noirs diffusent des informations. Il y parvient comme s'il s'agissait d'une forme hautement cryptée rendue possible par l'intrication quantique. En fait, il est tellement "crypté" qu'il ne semble pas que le trou noir ait renoncé à quoi que ce soit. Mais finalement, le trou noir passe un point de basculement où les informations peuvent être déchiffrées. Dans l'article publié dans les "JHEP" (en PDF sur arXiv) en 2019, Almheiri et ses collègues démontrèrent tout cela à l'aide de nouveaux outils théoriques qui quantifient l'intrication de manière géométrique.

Même avec ces outils, le calcul devait être dépouillé de son essence pour être matérialisable. En effet, la majeure partie de cet univers AdS/CFT ne comportait par exemple, qu'une seule dimension d'espace. Le trou noir n'était pas une grosse boule noire mais un court segment de ligne. Pour défendre leur théorie, les chercheurs ont fait valoir que la gravité est la gravité, et ce qui vaut pour ce "Lineland" appauvri devrait s'appliquer à l'univers réel en 4D.

Notons que dans un article  publié dans les "JHEP" (en PDF sur arXiv) en 2020, Koji Hashimoto, Norihiro Iizuka et Yoshinori Matsuo de l'Université d'Osaka ont analysé les trous noirs dans une géométrie plate plus réaliste et ont confirmé que les résultats sont toujours valables.

Un an plus tôt, en août 2019, Almheiri et un autre groupe de collègues ont franchi l'étape suivante et se sont tournés vers les rayonnements. Ils ont constaté que le trou noir et les rayonnements qu'il émet suivent tous deux la même courbe de Page, de sorte que les informations doivent être transférées de l'un à l'autre. Le calcul ne dit pas comment il est transféré, mais uniquement qu'il se produit.

Dans le cadre de ce travail, les chercheurs ont découvert que l'univers subit un réarrangement déconcertant. Au départ, le trou noir est au centre de l'espace et le rayonnement s'échappe. Mais après un temps suffisant, selon les équations, les particules au plus profond du trou noir ne font plus partie du trou noir, mais font partie du rayonnement. Elles ne se sont pas échappées vers l'extérieur, mais ont simplement été réaffectées.

Ceci est fait important car ces particules intérieures contribueraient ordinairement à l'entropie d'intrication entre le trou noir et le rayonnement. Si ce rayonnement ne fait plus partie du trou noir, il ne contribue plus à l'entropie, ce qui explique pourquoi elle commence à diminuer.

Les auteurs ont surnommé le noyau interne du rayonnement "l'île" et ont qualifié son existence de "surprenante". Qu'est-ce que cela signifie pour les particules d'être dans le trou noir, plutôt que de provenir du trou noir ? En confirmant que l'information est conservée, les physiciens ont éliminé une pièce de notre puzzle pour en créer une plus grande encore. Malheureusement, Almheiri et ses collègues n'avaient pas la réponse. L'équipe et d'autres chercheurs ont donc poursuivi les recherches.

Deuxième partie

Les trous de ver

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