Adlucem 1 138 Posté(e) 23 avril Il y a 3 heures, vaufrègesI3 a dit : Sachant que plus on avance dans le domaine et plus il semble que la physique "mécaniste" et la représentation "atomiste" laissent place au "murmure quantique" et aux fluctuations du vide comme probable fondement de notre Univers matériel.. et donc de NOUS même.. L'image que nous pouvons avoir de "l'essence" de la matière en est radicalement changée, et même si elle est particulièrement complexe à appréhender, c'est un nouveau paradigme.. Capra écrit : "La théorie quantique nous oblige à considérer l'Univers, non comme une collection d'objets physiques, mais comme un réseau complexe de relations entre les diverses parties d'un tout. Le monde dit "matériel" n'est rien d'autre en définitive qu'un tissu complexe d'évènements dans lesquels les relations se forment, se combinent, se superposent, déterminant par là la trame de l'ensemble". C'est ce que pensait bien avant lui un scientifique et philosophe comme Alfred North Whitehead, contemporain d'A. Einstein, qui avait également établi parallèlement sa propre théorie de la relativité. Cette révolution de la pensée scientifique l'a conduit sur des nouvelles théories de l'organisation de la nature et du cosmos qui renversent la condition de la connaissance telle que Kant pouvait la concevoir à partir d'objets inertes et d'un sujet pensant capable de concevoir des vérités à partir de l'expérience. Pour Whitehead, l’homme de science ne se contente jamais de décrire ce qui est observé, pas plus qu’il n’a la capacité de connaître a priori ce qu’il met lui-même dans les choses. Pour lui, les processus sont affaires de "vibrations et de potentialités". Ils ont un caractère événementiel qui excède toute forme d’objectivité préexistante ou construite, chaque processus possédant une rationalité propre et déterminable qui advient dans un "présent local". Il n'y a plus d'objet, il n'y a que des évènements qui se déroulent dans un temps et un espace non plus figés et déterminés comme à l'époque de Kant mais dans un espace temps relatif dans lequel la matière est une énergie. Pour Whitehead, le caractère imprévisible ou instable des processus témoigne de l’omniprésence de la possibilité du chaos dans le monde. "Il n’y a pas de raison de concevoir le monde réel, dit il, comme purement ordonné, ou purement chaotique. La confusion ou le désordre est un élément possible aussi déterminant pour l’univers que la possibilité qu’ont les choses de s’harmoniser ou de s’ordonner entre elles". Il y a 3 heures, vaufrègesI3 a dit : Dans tous les cas, Popper a apporté à la philosophie des sciences une originalité dans laquelle l’erreur a sa légitimité et son rôle à jouer. Le scientifique a le droit de se tromper car en se trompant, il s’intègre encore dans le processus de la découverte scientifique. Il y a toujours une perfectibilité possible de nos théories, il y a donc toujours une perfectibilité possible de l’être humain. Plus l’humanité avance dans les siècles et plus nos connaissances se perfectionnent et se rapprochent de la vérité. En cela, et à la différence de Popper qui pourrait être taxé ici de "positiviste" quand il témoigne de foi dans le progrès des sciences, Whitehead ne croit pas à la possibilité que des théories scientifiques successives puissent progresser vers une approximation de plus en plus fine du réel. Il n'est pas non plus "évolutionniste", en cela qu'il ne pense pas le chaos dans sa disparition progressive au profit de la formation du monde, il a un autre point de départ : "le cosmos ne se détache pas graduellement du chaos car il coexiste à la possibilité du désordre". 4 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
George Black 5 867 Posté(e) 23 avril Pour rebondir sur les derniers commentaires, on peut néanmoins s'interroger sur comment les physicien(e)s construisent leurs hypothèses et comment ils construisent des modèles de cela. On a montré que finalement, la science construisait des cartes, et que la validation de ces cartes se faisait par leur confrontation au réel. J'entends par là, confrontation en tant que méthode que l'on peut éprouver face à d'autres, ou confrontation à des mesures physiques. De la multiplicité des confrontations s'opérera une sélection. Il y a vraiment quelque chose de darwinien dans la science, dans le sens où ce qui marche le mieux sera sélectionné (ou non) de par son adaptation (ou non) à la pratique, au réel. Mais au-delà de ça, y a-t-il une méthode pour construire une carte ? En fait, cela dépend ! Mais si je m'appuie sur mon domaine, celui de la physique au-delà du modèle standard (de la physique des particules) et d'une manière générale celui de la physique théorique, le point de départ d'une idée a souvent une base philosophique, ou ludique, voir une croyance (plus ou moins convaincue) de ce que pourrait être le monde. Ce qui nourrit ces réflexions, c'est une certaine culture générale, qui dépasse celle de la physique ou des mathématiques seules. Tout ceci contribue à se forger une certaine représentation intuitive du monde. Ainsi, pour reprendre plus ou moins les propos de Henri Poincaré : c'est par l'intuition que nous découvrons, c'est par la logique que nous prouvons. A ce stade, la science devient un art créatif avec une part de subjectivité. Mais cette créativité n'est rien sans maîtrise technique (par exemple, des mathématiques). De mon point de vue, il ne peut y avoir de physique théorique sans philosophie. On ne peut pas avancer sans avoir une certaine vision de ce que pourrait être le monde. Et cette représentation passe par la maîtrise du langage. J'aime à dire que contrairement à l'idée reçue, la physique n'est pas qu'un truc de forts en maths ! Pour faire de la physique, il faut être bon en math et bon dans les matières littéraires. Le langage permet de s'approprier le monde, de l'intuiter, les mathématiques permettent de donner un squelette logique à l'ensemble. 4 5 2 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
vaufrègesI3 15 173 Posté(e) 23 avril (modifié) Il y a 1 heure, George Black a dit : Ainsi, pour reprendre plus ou moins les propos de Henri Poincaré : c'est par l'intuition que nous découvrons, c'est par la logique que nous prouvons. A ce stade, la science devient un art créatif avec une part de subjectivité. Mais cette créativité n'est rien sans maîtrise technique (par exemple, des mathématiques). Punaise... je t'aime d'amour George !!! Il faut souligner aussi qu'Einstein était parfaitement en ligne avec Poincaré sur ces aspects Henri Poincaré et Albert Einstein, malgré des différences significatives dans leurs philosophies respectives de la connaissance scientifique (le premier conciliait à sa manière des éléments d'empirisme et de conventionnalisme, tandis que le second professait un réalisme et un rationalisme critiques), avaient en commun cette conviction (parmi plusieurs autres), d'une importance centrale par rapport au sujet qui nous occupe ici, que les idées scientifiques, dans l'élaboration des théories physiques et mathématiques, sont des “libres constructions de la pensée”. Ils l'entendaient en ce sens qu'elles ne sont pas induites de manière logique et univoque, nécessaire et contraignante, des données de l'expérience, et qu'elles ne sont pas davantage inscrites dans une structure innée ou a priori de la pensée. C'est dans cet espace de liberté que l'idée de création, dans le travail scientifique qui mène à la découverte, fait son entrée. Poincaré et Einstein ont tous deux insisté de la manière la plus nette sur cet aspect qui était, à leurs yeux, le caractère le plus important de l'activité de connaissance, et qui fut effectivement au centre de leurs épistémologies. Puiser dans le dynamisme de l'imaginaire revient à utiliser le jeu libre de l'intelligence créatrice, et d'une certaine manière, son déploiement peut atteindre une profondeur que le réel perçu par les sens ne peut découvrir. Pour Einstein, la perspicacité ne vient pas de la logique ou des mathématiques. . Elle est venue, comme pour les artistes, de l'intuition et de l'inspiration. Comme il l'a dit à un ami: "Quand j’examine moi-même mes méthodes de pensée, j’en viens à conclure que le don de l'imagination a signifié plus pour moi que le talent pour absorber la connaissance absolue. Toutes les grandes réalisations de la science doivent commencer à partir de la connaissance intuitive. Je ne crois que dans l'intuition et l'inspiration". Ainsi, sa déclaration célèbre pour le travail créatif dans la science, "L'imagination est plus importante que la connaissance". Einstein a décrit d'abord ses processus de pensée intuitive lors d'une conférence de physique à Kyoto en 1922 quand il a indiqué qu'il a utilisé des images pour résoudre ses problèmes et trouvé des mots plus tard. Einstein explicitait cette idée audacieuse à un spécialiste de la créativité en 1959, disant à Max Wertheimer qu'il n'a jamais pensé dans les symboles logiques ou des équations mathématiques, mais dans les images, les sentiments, et même des architectures musicales. Dans d'autres interviews, il a attribué sa perspicacité scientifique et son intuition principalement à la musique. "Si je n'étais pas physicien je serais probablement un musicien. Je pense souvent à la musique. Je vis mes rêves dans la musique. Je vois ma vie en termes de musique .... Dans la vie je reçois plus de joie de la musique". Notre culture moderne déteste tout ce qui n’est pas réductible à une définition conceptuelle. Mais vouloir définir l’intuition c’est la réduire à une de ses multiples expressions qui appartiennent à un vaste spectre de phénomènes allant de l’inspiration visionnaire à l’instinct en passant par toutes les dimensions – corporelle, émotionnelle, intellectuelle, créatrice et spirituelle – de l’être humain. Ce qui fait justement la spécificité de l’intuition, c’est qu’elle est irréductible : impossible de réduire ce "regard intérieur" à une de ses manifestations puisque, se situant toujours au-delà, il les transcende tous. L’intuition apparaît comme la voix d’un mystère qui dépasse nos facultés de raisonnement. Pour se familiariser avec elle, il faut donc quitter le terrain objectif du phénomène ou celui abstrait du concept pour rejoindre le sien, celui d'une expérience subjective véhiculée à travers le langage poétique de l’analogie et de la métaphore. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de voir cette icône de la science qu'est Albert Einstein faire l’apologie de l’intuition et de l’imagination en mettant en question l’hégémonie d’une rationalité abstraite fondée sur le déni de la subjectivité. Une hégémonie qui réduit la conscience humaine à l’intellect en la coupant ainsi d’une participation intuitive au flux créateur de la vie/esprit. Intuitions et concepts constituent les éléments complémentaires de toutes nos connaissances, de sorte que ni les concepts sans intuitions correspondantes, ni l'intuition sans concepts ne peuvent donner de connaissances. Modifié 23 avril par vaufrègesI3 5 2 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Huitzilopochtli 6 621 Posté(e) 23 avril Salutations respectueuses. Il y a 2 heures, George Black a dit : On a montré que finalement, la science construisait des cartes, et que la validation de ces cartes se faisait par leur confrontation au réel Brève et légère parenthèse dans ces échanges vraiment passionnants. Alors que je me trouvais au Mali, découvrant la région des falaises de Bandiagara, accompagné par un jeune Touareg, je souhaitais atteindre un village Dogon traditionnel. Désireux d'expliquer à mon compagnon le moyen que j'avais de m'orienter, je déplie devant lui une carte. Je lui indique du doigt la ville de Mopti, ensuite l'endroit où nous nous trouvons et longe le tracé représentant routes et pistes jusqu' au point marquant le minuscule bourg de Kani Kombolé. Il opine de la tête, approbateur, mais un soupçon perplexe. Après un moment, il regarde à nouveau cette précise représentation du pays et me dit : _"D'accord, mais où est le Soleil ? " A chacun sa manière de ne pas se perdre. 8 1 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Pascal C03 4 081 Posté(e) mercredi à 09:33 Le 23/04/2024 à 11:24, Huitzilopochtli a dit : Alors que je me trouvais au Mali, découvrant la région des falaises de Bandiagara, accompagné par un jeune Touareg, je souhaitais atteindre un village Dogon traditionnel. Quelle chance tu as eu ! Je pense que cette époque de voyage facile est révolue. 1 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
PhilouB 1 109 Posté(e) mercredi à 10:24 Pascal, pourquoi ??? Perso, j' ai fait le tour du monde et le voyage, c'est de la volonté et pas de la facilité !!! 😕😟 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
jackbauer 2 13 778 Posté(e) mercredi à 10:43 C'est surtout que voyager au Mali aujourd'hui, pour un français, et quelque en soit le raison, est à déconseiller à 100 % !! Comme dans une bonne partie de l'Afrique... 1 1 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites
Huitzilopochtli 6 621 Posté(e) mercredi à 10:54 (modifié) Il y a 4 heures, PhilouB a dit : Pascal, pourquoi ??? Perso, j' ai fait le tour du monde et le voyage, c'est de la volonté et pas de la facilité !!! Dans la région dont je parlais, on peu actuellement encore voyager, si on ne craint pas d'être pris en otage ou de simplement être occis. A l'époque de mes tribulations africaines (1985 -1986), le pays était assez paisible, avec pour seul gros inconvénient les barrages de "police", toutes les cinquante bornes, qui rackettaient les voyageurs en taxi-brousse. Mais mon passeport et ma couleur de peau me préservaient en général de ces taxes exaspérantes. Pardon pour cette digression, mais quand on parle voyage je deviens trop bavard. PS : J' m'en va dans Bric à brac pour ouvrir une causerie " Voyages voyage " Modifié mercredi à 14:58 par Huitzilopochtli 3 1 Partager ce message Lien à poster Partager sur d’autres sites