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La diversité des étoiles

Le système Gliese 581 vu depuis son exoplanète Gl581 c. Document T.Lombry.

Les étoiles naines rouges (II)

Il s'agit d'étoiles naines qui soit n'ont pas la masse suffisante pour rayonner comme les étoiles plus massives soit de naines blanches en train de se refroidir.

Comme les autres étoiles, les naines rouges produisent leur énergie par une réaction thermonucléaire de fusion de l'hydrogène en hélium (cf. le cycle proton-proton). Mais en raison de leur faible masse et d'une faible pression interne, leur taux de fusion est faible et leur production d'énergie se limite à la fusion de l'hydrogène. Par conséquent, leur température effective est assez basse, elles émettent relativement peu de lumière (1/10 à 1/10000 de celle du Soleil) et leur puissance rayonnée est de l'ordre de 1019 kW soit 10000 fois inférieur à la puissance du Soleil.

Les naines rouges sont des étoiles de classe spectrale M présentant une température effective variant entre ~4000 et 1700 K pour une masse variant entre 0.8 et 0.1 M. En fin de classe, les étoiles M se différencient difficillement des naines brunes (qui ne sont pas des étoiles).

On estime que les naines rouges représentent environ 75% des étoiles de la Voie Lactée (contre 8% seulement d'étoiles de type solaire). Paradoxalement, aucune n'est visible à l'oeil nu en raison de leur petite taille et de leur faible luminosité. En revanche, 50 des 60 étoiles les plus proches sont des naines rouges. Mais ne vous y précipitez pas car même si l'activité stellaire peut-être grandiose, vous risquez de trouver des planètes sèches et stériles. On y reviendra.

Sur le plan thermodynamique, les naines rouges de faible masse (< 0.35 M) sont ce qu'on appelle des étoiles convectives. Leur intérieur est opaque et présente une densité élevée par rapport à la température. Par conséquent, le transfert d'énergie du noyau vers la surface qui est normalement assuré par rayonnement dans les étoiles plus massives (cf. le Soleil), se produit par convection. Seules les naines d'au moins 0.35 M présentent une enveloppe autour du noyau où le transport de l'énergie est assuré par rayonnement.

En raison de leur faible masse, les étoiles naines peuvent brûler doucement leur hydrogène sans accumuler de cendres d'hélium dans leur noyau. Leur durée de vie sur la Séquence principale suit une loi en puissance comme (M /M)4. Ainsi, une naine rouge de 0.5 M peut brûler son combustible pendant 16 milliards d'années. En théorie, les naines rouges de moins de 0.8 M formées peu après le Big Bang n'ont pas encore quitté la Séquence principale. Ainsi TRAPPIST-1 peut survivre sans grands changements pendant 12000 milliards d'années (cf. F.Adams et al., 2004).

Lorsque l'hydrogène du noyau est épuisé, l'effet de la gravité provoque une contraction du noyau de l'étoile. L'énergie gravitationnelle libérée est convertie en chaleur, qui cette fois est transportée dans toute l'étoile par convection.

Représentation à l'échelle de quelques étoiles naines (le Soleil en est une) comparées à Jupiter. Document T.Lombry.

En fin de vie une naine rouge peut évoluer en géante rouge si sa masse sur la Séquence principale est d'au moins 0.2 M. Les naines rouges moins massives deviennent plus chaudes et plus brillantes, se transformant en naines bleues pour terminer leur vie comme les naines blanches. Une naine rouge de 0.2 M va passer 100 milliards d'années sur la Séquence principale et brillera 100 fois moins que le Soleil. Puis, elle va quitter la Séquence principale et monter verticalement dans le diagramme H-R et donc devenir plus lumineuse. En l'espace de 20 millions d'années, elle va se transformer en géante rouge, devenir 50 fois plus lumineuse que le Soleil mais en gagnant très peu de température (3800 à 4000 K) et en perdant moins de 0.02 M. Ensuite, elle va très rapidement changer de classe spectrale, de couleur, de luminosité et de taille. En quelques dizaines de milliers d'années, elle va monter en température, passant de 4000 à 120000 K. Lorsqu'elle aura dépassé 10000 K, sa taille sera comparable à celle du Soleil avant de rétrécir. Elle deviendra de plus en plus bleue, plus brillante atteignant 80 fois la luminosité du Soleil. Épuisée, elle finira comme une naine blanche et se refroidira lentement.

Chimiquement, toutes les naines rouges observées à ce jour contiennent des métaux, c'est-à-dire des éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium; elle présente une métallicité élevée. Or si elles appartenaient à la première génération d'étoiles dites de Population III nées juste après le Big Bang, elles ne devraient contenir que de l'hydrogène, de l'hélium et des traces de lithium, et donc afficher une très faible métallicité.

Si les naines rouges issues des étoiles de Population III devraient encore exister aujourd'hui, on constate que très peu de naines rouges présentent une faible métallicité. Ainsi, la naine rouge Gliese 581 (Wolf 562), de classe spectrale M3 et de 3480 K a une métallicité [Fe/H] = -0.3, soit un tiers de celle du Soleil (cf. F.Selsis et al., 2007). La majorité des naines rouges présente un rapport [Fe/H] entre 0.4 et -0.9. Par comparaison, il existe de très vielles étoiles ayant un rapport [Fe/H] < -6 soit un million de fois inférieur à celui du Soleil.

 En fait, les simulations de l'évolution chimique de l'univers expliquent cette pénurie d'étoiles naines pauvres en métaux. Seules des étoiles géantes ont pu se former dans l'environnement appauvri en métaux de l'univers primitif. Lorsque ces étoiles ont explosé en supernovae, elles ont libéré des métaux, y compris des éléments plus lourds que le fer qu'on retrouve aujourd'hui dans les étoiles de deuxième et troisième génération et dans les planètes rocheuses. Par conséquent, les étoiles naines sont devenues plus courantes à mesure que l'univers a vieilli et s'est enrichi en métaux.

La frontière entre les étoiles naines rouges de faible masse et les naines brunes les plus massives dépend fortement de la métallicité. Pour une métallicité solaire, la limite se situe vers 0.07 M, tandis que pour une métallicité nulle, la limite est d'environ 0.09 M. Pour une métallicité solaire, les naines rouges les moins massives ont une températures effective voisine de 1700 K tandis que les naines rouges les plus froides de métallicité nulle ont une température d'environ 3600 K.

Simulateur : Star in a Box

A gauche, inventaire de la métallicité [Fe/H] des étoiles naines rouges sans planètes (en rouge uni), avec des planètes joviennes (en bleu pointillé) et avec des neptuniennes ou des planètes plus petites (en pointillés noirs). Les lignes verticales rouges pleines, les tirets bleus et les pointillés noirs au-dessus des histogrammes représentent la moyenne de la distribution de la métallicité. Au centre, évolution d'une naine rouge de 0.1 masse solaire dans le diagramme H-R. L'évolution commence à droite avec le trajet de Hayashi sur la Pré-séquence principale et se termine à gauche avec le trajet de refroidissement de la naine blanche plusieurs milliards d'années plus tard. L'encart indique la composition chimique de l'étoile en fonction du temps. A droite, le diagramme H-R de naines rouges dont la masse varie entre 0.08 et 0.25 masse solaire. Les étoiles d'au moins 0.2 masse solaire peuvent devenir des géantes rouges. L'encart indique la durée de vie de la fusion de l''hydrogène en fonction de la masse de l'étoile. Notez que les étoiles les moins massives peuvent vivre des centaines et des milliers de milliards d'années. Documents V.Neves et al. (2013). et G.Laughlin et al. (1997) adaptés par l'auteur.

Si l'activité thermonucléaire des naines rouges est faible, elles restent astrophysiquement très actives jusqu'au stade de naine rouge ultra-froide où elles peuvent encore émettre des rayonnements létaux. Ainsi nous verrons que l'étoile double DG CVn composée de deux étoiles naines rouges est capable de produire des éruptions chromosphériques plus violentes que celles du Soleil.

Parmi les étoiles naines rouges citons l'étoile de Barnard (classe M4 V, 3134 K, 0.17 M), Proxima du Centaure (classe M5.5 Ve, 3042 K, 0.12 M), qui est également l'étoile la plus proche, Trappist-1 (classe M8 V, 2550 K, 0.08 M), Teegarden (classe M7.0 V, 2637 K, 0.09 M) et EV Lacertae (classe M3.2, 3400 K, 0.35 M), plusieurs d'entre elles abritant des exoplanètes.

Habitabilité autour des naines rouges

Les étoiles naines de classe M furent négligées des astronomes jusqu'aux années 1990 et la découverte des premières exoplanètes suggérant que la vie pourrait potentiellement se développer dans leur zone habitable. Potentiellement, car dans les faits, en raison de l'activité de leur étoile ces exoplanètes seraient inhospitalières (cf. TRAPPIST-1).

Pour mieux comprendre l'environnement de ces étoiles, en 2006 le programme "Living with a Red Dwarf" (Vivre avec une naine rouge) fut lancé afin de rassembler plus de données observationnelles et dresser le profil de leurs activités lumineuse et magnétique à mesure qu'elles vieillissent (cf. E.F. Guinan et S.G. Engle, 2009; E.F. Guinan et al., 2016).

L'exoplanète GJ 251 b, une super-Terre de 4 masse terrestres et 1.83 plus grande que la Terre. Elle boucle sa révolution orbitale en 14.2 jours à 0.08 UA d'une naine rouge de classe M. Document T.Lombry.

La combinaison de ces données et leur classement par âge, population et cinématique, a permis de déterminer des relations âge-rotation-activité. De telles relations permettent d'approfondir des études sur la théorie de la dynamo magnétique et sur la perte de moment angulaire des étoiles de faible masse convectives, mais également sur la probabilité que d'éventuelles exoplanètes en orbite autour de ces naines rouges abritent la vie (cf. S.G. Engle et E.F. Guinan, 2011).

En moyenne, les naines rouges présentent une luminosité d'à peine 2% de celle du Soleil et leur zone habitable est très proche de leur étoile (en moyenne entre 0.1 et 0.4 UA soit sous l'orbite de Mercure). Même si les naines rouges sont en moyenne 10 fois plus petites que le Soleil, leur plus petite surface rend leur rayonnement plus intense par unité de surface. Cette proximité augmente donc fortement le risque d'exposition aux effets létaux de leurs éruptions.

Malgré leur grand nombre et leur longue durée de vie, plusieurs facteurs peuvent rendre la vie pour le moins difficile sur les éventuelles exoplanètes gravitant autour d'une naine rouge.

Le premier facteur concerne la rotation des planètes. Les planètes situées dans la zone habitable d'une naine rouge seraient si proches de l'étoile hôte qu'elles seraient probablement en rotation synchrone avec celle-ci. Autrement dit, elles seraient gravitionnellement verrouillées avec une face perpétuellement exposée à l'étoile et l'autre face plongée dans une nuit éternelle. C'est notamment le cas de Proxima b et de plusieurs exoplanètes du système TRAPPIST-1. On y reviendra.

Ce verrouillage pourrait créer d'énormes variations de température d'un côté à l'autre de la planète. Dans de telles conditions, il semble difficile que des formes de vie se développent comme sur la Terre. De plus, la face nocturne sera probablement suffisamment froide pour geler les principaux gaz de leur atmosphère, laissant la face éclairée dénudée et sèche. En revanche, si une telle planète abrite une atmosphère épaisse ou un océan global, son effet pourrait potentiellement faire circuler la chaleur autour de la planète.

Le second facteur est l'activité de l'étoile. Les naines rouges sont souvent des étoiles éruptives dont les éruptions peuvent doubler leur luminosité en quelques minutes. Nous verrons que certaines naines rouges deviennent régulièrement aussi brillantes que des novae avec des émissions de rayonnements entre 100 et 10000 fois plus intenses que la normale et donc létales à courte distance. Elles émettent des éruptions XUV coronales, des éruptions X chromosphériques, des éjections de matière coronale (CME) et produisent des explosions de plasma qui sont transportés par les vents stellaires. Cette variabilité peut également compromettre le développement d'une forme de vie.

Seule alternative, si la vie du côté illuminé et du côté glacial de cette planète est vouée à l'échec, elle serait viable le long de la zone crépusculaire du terminateur.

Le système triple GL105 situé dans la constellation du Verseau comprend trois étoiles naines. Sur cette image infrarouge on voit la naine rouge GL105A escortée par la naine rouge froide GL105C de 0.082 masse solaire et dont la température est de 2600 K. Document NASA/HST/JHU.

Enfin, si une planète ne possède pas de champ magnétique, le vent stellaire peut arracher son atmosphère et littéralement brûler et stériliser sa surface en quelques milliards d'années. En revanche, si elle possède un champ magnétique, même lors d"une éruption majeure, elle pourrait conserver son atmosphère. Cependant, la répétition des éruptions X de haute énergie réduisent les chances de développement d'une vie complexe.

Mais tout espoir n'est pas perdu. Différentes études ont montré que les planètes gravitant autour des naines rouges pourraient être habitables si elles peuvent maintenir un champ magnétique pendant quelques milliards d'années.

Le rayonnement de haute énergie est principalement émis par les jeunes étoiles. En vieillissant, les naines rouges deviennent magnétiquement moins actives, tout en continuant à émettre de la lumière pendant au moins 100 milliards d'années. Par conséquent, si une planète est suffisamment massive pour conserver son atmosphère pendant les premiers milliards d'années au cours desquelles la naine rouge est la plus active, passé cette période elle pourrait devenir un endroit agréable à vivre. Si par exemple une planète a un champ magnétique important, comme la Terre, elle peut se protéger des vents stellaires et éviter d'être dépouillée de son atmosphère.

Mais ce scénario n'est pas totalement optimiste. Le fait que les planètes situées dans la zone habitable d'une naine rouge aient une rotation synchrone implique qu'elles tournent lentement sur leur axe. Or, une rotation lente signifie un champ magnétique faible qui pourrait s'éteindre complètement (c'est ce qui est arrivé à Mars il y a 3.5 milliards d'années qui a perdu l'essentiel de son atmosphère et son eau liquide).

Pour éviter ce sort tragique, les calculs de Guinan montrent qu'une planète en orbite autour d'une naine rouge devrait être plus massive que la Terre. La présence d'un grand noyau de fer liquide à l'intérieur d'une super-Terre (entre 2 et 10 M) pourrait peut-être maintenir un champ magnétique malgré la vitesse de rotation plus lente. Fait intéressant, plusieurs exoplanètes gravitant autour d'étoiles naines rouges de classe M sont des super-Terres (par exemple dans les systèmes GJ 251, GJ 581, GJ 1061, GJ 1214, HD 85512, etc).

Les superéruptions

Comme nous venons de l'évoquer, les étoiles naines de classe M sont capables de produire des superéruptions 100 à 10000 fois plus brillantes que celles émises par le Soleil. Ces superéruptions stellaires peuvent libérer jusqu'à 1033 à 1036 erg d'énergie bolométrique (cf. H.Maehara et al., 2012; M.Günther et al., 2020) contre un maximum d'environ 1032 à 1033 erg pour le Soleil. Pour rappel, 1032 erg correspondent à environ 1025 joules, l'équivalent de dix milliards de mégatonnes de TNT soit 2 millions de fois l'arsenal nucléaire mondial (~ 20 Gt de TNT en 1968)

Les éruptions et les superéruptions solaires ont certaines caractéristiques communes. Par exemple, elles résultent toutes deux de la libération brutale d'énergie magnétique. Cependant, les superéruptions affichent un comportement inhabituel, notamment une augmentation brutale et de courte durée de la luminosité, suivie d'une éruption secondaire de plus longue durée et moins intense.

Illustrations de superéruptions sur une étoile naine. A droite, comparaison avec la taille de la Terre (en haut à gauche). Documents T.Lombry.

Dans un article publié dans "The Astrophysical Journal" en 2023, Kai E. Yang de l'Université d'Hawaï et ses collègues ont voulu comprendre la physique sous-jacente à ce comportement inhabituel des superéruptions.

Selon les auteurs, des CME pourraient également être observées sur les étoiles subissant des superéruptions. Pour démontrer leur hypothèse, ils ont réalisé des simulations basées sur des modèles MHD des CME solaires. Ils ont découvert que l'apport massif d'énergie de l'éruption induit un afflux considérable de matière dans les boucles coronales, entraînant une émission de lumière visible dense et brillante, comme prévu.

Selon les auteurs, "Les résultats des simulations sont qualitativement en accord avec les observations de TESS : l'échelle de temps d'évolution plus longue des boucles coronales produit un pic d'émission secondaire distinct ; son intensité augmente avec l'énergie de l'éruption injectée. Nous soutenons que la condensation coronale du plasma est un mécanisme possible pour les éruptions de phase tardive observées par TESS."

A voir : Un peu de pluie sur le Soleil (éruption de classe M7.7), SDO, 19 juillet 2012, 12h30

A gauche, un exemple de courbe lumineuse de l'étoile TIC 272232401 enregistrée par le télescope spatial TESS présentant un profil de pic-bosse (peak-bump). L'axe des X représente une fraction de jour à partir de la date julienne TESS barycentrique (BTJD) 2238. La courbe lumineuse est ajustée à l'aide d'un modèle empirique. Documents K.E. Yang et al. (2023). A droite, l'extraordinaire boucle de plasma apparue lors de l'éruption modérée de classe M7.7 le 19 juillet 2012 photographiée par le satellite SDO à 304 Å. Très spectaculaire, elle dura plus de 9 heures (voir la vidéo ci-dessus). On pourrait placer plus de 7 fois la Terre sous la plus grande arche ! L'évènement qui se déroulait dans la région active AR 1520 fut associé à une CME. Voici la photo et l'animation en time-lapse réalisées par Jean-Pierre Brahic le même jour. D'autres vidéos de cette éruption sont présentées sur le site de la NASA.

Selon Yang, "En appliquant ce que nous avons appris sur le Soleil à d'autres étoiles plus froides, nous avons pu identifier la physique à l'origine de ces éruptions, même si nous n'avons jamais pu les voir directement. La luminosité variable de ces étoiles au fil du temps nous a permis de "voir" virtuellement ces éruptions qui sont vraiment bien trop petites pour être observées directement. [...] On ne voit ces superéruptions que lorsque le gaz très chaud se refroidit dans la partie la plus élevée de la boucle coronale. En raison de la gravité, ce matériau incandescent tombe ensuite, créant ce que nous appelons une "pluie coronale" comme celle qu'on voit parfois sur le Soleil. Cela donne à l'équipe l'assurance que le modèle doit être réaliste."

Décrivons à présent quelques systèmes exoplanétaires remarquables évoluant autour d'étoiles naines.

Proxima du Centaure

Proxima du Centaure, alias Gliese 551 fut découverte par l'astronome écossais Robert Innes en 1915. Il s'agit d'une naine rouge de classe spectrale M5.5 Ve qui appartient au système triple de Rigil Kentaurus (mieux connu sous son ancienne désignation "Alpha du Centaure" car l'UAI l'a modifié en 2016) situé à 4.3 années-lumière dont les deux principales étoiles d'une masse voisine de celle du Soleil sont respectivement de classe spectrale G2 V et K1 V. Proxima du Centaure est la troisième étoile de ce système. Elle présente une température effective de 3042 K et brille à la magnitude apparente de +11.05. Elle est donc invisible à l'oeil nu. Sa luminosité vaut seulement 17% de celle du Soleil et sa masse est d'environ 0.12 M pour un diamètre d'environ 200000 km (1.02 mas), soit seulement 1.5 fois celui de Jupiter. Sa densité moyenne est de 56.8 soit 40 fois supérieure à celle du Soleil.

Proxima du Centaure est devenue une "star" le 24 août 2016 lorsque les astronomes ont annoncé la découverte d'une exoplanète d'au moins 1.3 fois la masse de la Terre gravitant autour de cette étoile, dans la zone habitable. A ce jour ce système possède 3 exoplanètes.

A gauche, Proxima du Centaure située à 4.25 a.l. photographiée par le Télescope Spatial Hubble. A droite, illustration de l'exoplanète Proxima b du système stellaire triple Rigil Kentaurus (alias Alpha du Centaure) situé à 4.3 a.l. Proxima b gravite autour de Proxima du Centaure, une naine rouge de 0.12 masse solaire. Documents NASA/ESA/Hubble et T.Lombry.

Etant donné sa faible masse, à l'intérieur de l'étoile Proxima du Centaure, l'énergie n'est plus transportée par radiation mais presque totalement par convection grâce aux déplacements du plasma. Cette étoile est dite éruptive. Elle présente des variations de luminosité provoquées par des mécanismes de convections modifiant aléatoirement mais de façon importante sa brillance. Comme le Soleil, elle présente des éruptions et des protubérances mais dans ce cas-ci elles peuvent atteindre la taille de l'étoile et une température de 5 millions de degrés capable d'émettre des rayons X. Une étude des caractéristiques de cette étoile et notamment de ses éruptions chromosphériques et bien entendu de la détection de l'exoplanète fut publiée le 25 août 2016 dans le magazine Nature par l'équipe de Guillem Anglada-Escudé de l'Université Queen Mary de Londres.

Comme le Soleil, Proxima du Centaure présente une chromosphère mais qui est surtout active dans la raie UV du magnésium ionisé à 280 nm. Cette étoile émet également un vent stellaire dont le flux ne représente que 1/5e de celui émis par le Soleil. Mais remis à la petite taille de l'étoile, par unité de surface il est 8 fois plus puissant que celui du Soleil.

A gauche, localisation de quelques étoiles y compris quelques naines blanches et rouges dans le diagramme H-R et trajets évolutifs de quelques catégories d'étoiles en fonction de leur masse (entre 0.1 et 60 masses solaires). Le trajet des étoiles naines pour des progéniteurs d'au moins 1 masse solaire a également été tracé (trajet ondulé en-dessous de la Séquence principale). En théorie, les étoiles naines peuvent mettre plus de 100 milliards d'années pour devenir totalement froides en progressant de gauche à droite. A droite, illustration de la naine rouge TVLM 513-46546 du Bouvier entourée de son puissant champ magnétique à l'origine de violentes éruptions dans le visible et en ondes radios. Documents T.Lombry et NRAO/Dana Berry/SkyWorks.

Enfin, selon les astronomes cette étoile naine restera sur la Séquence principale durant quelque 4000 milliards d'années (environ 300 fois l'âge actuel de l'Univers) sans grand changement. Au fil du temps et à mesure qu'elle brûlera son hydrogène et le transformera en une quantité croissante de noyaux d'hélium, son coeur va se réchauffer. Finalement l'étoile va devenir 2.5 fois plus brillante que le Soleil et passer d'une couleur rouge à bleutée mais sans se transformer en étoile géante. Lorsqu'elle aura épuisé ses réserves d'hydrogène, ce sera la fin des réactions thermonucléaires et donc la fin de la production d'énergie. Proxima du Centaure se transformera alors progressivement en naine blanche présentant une température superficelle supérieure à 10000 K avant de se refroidir et terminer sa vie des milliards d'années plus tard comme un astre froid et inerte.

TRAPPIST-1

Grâce au télescope TRAPPIST (TRAnsiting Planets and PlanetesImals Small Telescope) de 60 cm de diamètre installé à l'observatoire de l'ESO à La Silla et au télescope spatial Spitzer, entre 2016 et 2017 les astrophysiciens ont découvert 7 exoplanètes a priori rocheuses autour de l'étoile naine ultra-froide TRAPPIST-1. Il s'agit d'une naine rouge de classe spectrale M8 V de magnitude 18.8 située à 39.5 années-lumière de la Terre dans la constellation du Verseau. Sa température effective est d'environ 2550 K soit 2280°C. Elle présente un rayon de seulement 0.114 R ou environ 79300 km, soit à peine 12 fois le rayon de la Terre et 12% de plus que Jupiter.

Tableau récapitulatif des exoplanètes du système TRAPPIST-1 situé à 39.5 a.l. dans le Verseau. Les 3 exoplanètes TRAPPIST-1 e, f et g sont situées dans la zone habitable et pourraient posséder chacune un océan sous certaines conditions atmosphériques à confirmer, d'où le parallèle avec le système solaire. Document NASA adapté par l'auteur.

La masse des exoplanètes varie entre environ 0.086 et 1.63 M (seule TRAPPIST-1 c est un peu plus grande que la Terre) et elles évoluent très près de leur étoile, entre 0.011 et 0.06 UA (contre 0.357 UA pour Mercure). De ce fait, en vertu des lois de Kepler, leur période de révolution est très rapide, variant entre 1.5 et 20 jours seulement contre 1 an pour la Terre et 88 jours pour Mercure.

On reviendra en détails sur ce système exceptionnel à propos des exoplanètes.

TVLM 513-46546

Grâce au réseau radioastronomique ALMA, les astronomes Peter Williams et Edo Berger du Centre Harvard-Smithsonian d'Astrophysique de Cambridge ont découvert une étoile naine rouge très particulière, TVLM 513-46546. Située à 35 années-lumière dans le Bouvier, cette naine rouge de classe M9 présente un rayon de 0.11 R, une luminosité de seulement 0.00042 L et une masse de seulement 0.1 M soit environ 80 fois la masse de Jupiter. Des analyses réalisées en 2006 grâce à l'installation Karl Jansky (VLA) puis en 2015 grâce au réseau ALMA ont montré que cette étoile est entourée d'un puissant champ magnétique et émet de violentes éruptions X, UV et des électrons de haute énergie à l'origine de puissantes ondes radios (plus le champ magnétique est intense, plus les ondes radio sont énergiques).

TVLM 513-46546 a été étudiée à la fréquence de 95 GHz (~3 mm de longueur d'onde) où les radioastronomes ont détecté de puissantes émissions émises par des particules spiralant autour des lignes de force de son champ magnétique. Les ondes radios émises par cette naine rouge sont 10000 fois plus intenses que celles du Soleil et donc transportent beaucoup plus d'énergie à de plus grandes vitesses.

À 95 GHz, l'intensité moyenne de son champ magnétique atteint des milliers de gauss. Par comparaison, le champ magnétique moyen du Soleil est de 1 gauss, et seules ses régions les plus actives atteignent des milliers de gauss. Autrement dit, toute la surface de TVLM 513 équivaut à une région active géante sur le Soleil ! A cette fréquence, sa densité de flux moyenne est de 56 μJy, ce qui en fait le premier spécimen de naine ultra-froide détecté dans la bande millimétrique (à l'exclusion des jeunes objets protoplanétaires).

L'intensité du champ magnétique de TVLM 513 s'expliquerait par sa rotation élevée dont la période est de seulement 2 heures (contre 25 jours pour le Soleil). Cela correspond aux observations indiquant que les jeunes étoiles, en particulier les naines rouges, peuvent être beaucoup plus actives que leurs soeurs plus âgées. En effet, en général la relation entre l'activité et l'âge dans les étoiles semblables au Soleil est fortement liée à la rotation. Dans le cas du Soleil qui est âgé de 4.6 milliards d'années, il dissipe son moment angulaire dans l'énergie de son vent solaire, ce qui ralentit sa rotation. Les naines rouges comme TVLM 513 n'ont pas cette possibilité car leurs vents stellaires sont moins puissants que ceux du Soleil. Elles ne perdent donc pas leur moment angulaire aussi rapidement et conservent leur rotation rapide très longtemps.

Enfin, la très faible masse de TVLM 513 la place juste au-dessus de la limite entre les véritables étoiles et les naines brunes. Toutefois, elle présente des similitudes avec certaines naines brunes, comme le fait de présenter un puissant champ magnétique (cf. la naine brune 2MASS 1047+21). En revanche, les éruptions de TVLM 513 n'ont jamais été observées sur une naine brune bien que nous verrons que ces dernières peuvent produire des superéruptions.

Selon Williams, "il est possible que les naines brunes ne présentent pas ce genre d'éruption. Mais les jeunes naines rouges de faible masse comme TVLM 513 semblent occuper une sorte de régime de transition avec des champs magnétiques largement stables mais également de violentes éruptions."

Bien que beaucoup d'étoiles naines soient entourées d'exoplanètes, à ce jour aucune exoplanète n'a été découverte autour de TVLM 513-46546. Mais dans tous les cas la vie y serait impossible en raison des rayonnements mortels qu'elle émet.

EV Lac

EV Lacertae alias EV Lac ou Gliese 873 est une étoile naine rouge située à 16.5 années-lumière de la constellation du Lézard (Lacerta), entre le Cygne et Andromède. Visuellement c'est une étoile de magnitude 10 formant une étoile double optique. EV Lac est de classe spectrale M3.5 et présente une température effective de 3400 K pour une masse de 0.35 M.

EV Lac présente la particularité d'émettre de puissantes éruptions X (cf. B.R. Pettersen, 1980; J.H. Schmitt et al., 1995; C.Ambruster et K.S. Wood, 2005) qui lui vaut d'être répertoriée depuis 1976 dans le "Catalog of Flare Star Data" de B.R. Pettersen.

Le 1 novembre 1991, EV Lac subit une éruption optique majeure au cours de laquelle son éclat augmenta de 7.2 magnitudes en seulement 72 secondes, atteignant 4.6 x 1031 erg/s soit 735 fois sa brillante habituelle. C'était le double de l'éruption survenue en 1982. 93% de l'énergie fut émise en UV (pic de 7.23 x 1033 erg en bande U). Sa luminosité chuta de moitié au bout de 39 secondes. Au total l'évènement dura environ 20 minutes (cf. B.R. Pettersen, 2016).

A voir : The biggest flare from a tiny star EV Lacertae

A gauche, localisation de l'étoile EV Lacertae de magnitude 10 entre le Cygne et Andromède. Le champ mesure 30'. Au centre, l'éuption de 7.2 magnitudes en bande U du 1 novembre 1991. A droite, illustration d'un superéruption coronale. Documents T.Lombry, B.R. Pettersen (2016) adapté par l'auteur et T.Lombry.

Cette naine rouge subit régulièrement des éruptions, y compris dans la bande X où elles peuvent dépasser 300 à 10000 fois sa luminosité normale pendant quelques heures (cf. F.Favata et al., 2000; NASA, 2008). Lors des plus fortes éruptions, l'étoile devient temporairement bleue.

Ces éruptions sont des milliers de fois plus puissantes que les plus grandes éruptions solaires. Cette activité s'explique par le jeune âge de cette étoile. EV Lac. Elle est âgée de 300 millions d'années et il tourne toujours rapidement elle-même. En raison de ce taux de rotation élevé et un intérieur convectif, elle produit un champ magnétique 100 fois plus intense que celui du Soleil qui serait à l'origine de ces éruptions.

Pour ne pas mélanger les sujets et puisque les naines brunes ne sont pas des étoiles, nous décrirons les naines brunes et les planètes errantes dans un article séparé.

Prochain chapitre

Les novae

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