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La théorie de la gravité quantique à boucles

LQG : un espace-temps discontinu (II)

Bien que très remaniée, les physiciens constatèrent qu'en LQG les équations décrivant la dynamique de l'espace-temps dans le champ gravitationnel ressemblaient à celles de Maxwell décrivant le champ électromagnétique, les fameuses lignes de forces de Faraday.

Première nouveauté, ces lignes de forces continues et infinies tissent à présent une toile constituée d'un nombre fini de fils distincts, chacun définissant une solution.

Autre nouveauté, comme l'avait compris Einstein, le champ n'est pas immergé "dans" l'espace mais il représente la structure même de l'espace. Dans la gravité quantique à boucles, les lignes du champ gravitationnel sont les "fils" avec lesquels l'espace est tissé.

Au début les physiciens ont naturellement essayé de se représenter cet espace physique mais il ressemblait à un maillage tridimensionnel de boucles qu'il était difficile d'interpréter; il s'agissait d'une sorte de diagrammes de Feynman de la gravité quantique mais sans variable temps et sans particules, ou plutôt comprenant des quanta d'espace à l'échelle de Planck.

En 1994, Lee Smolin et Carlo Rovelli démontrèrent que dans la gravité quantique à boucles la gravité est indépendante de l’espace et les lignes de forces du champ gravitationnel sont représentées par des boucles de champ gravitationnel.

C'est alors qu'en 1996 le physicien argentin Jorge Pullin comprit que les solutions résidaient dans les points reliant ces lignes ou ces connexions, ce qu'on appelle des "noeuds". Noeuds et liens forment un graphe. S'il n'y a pas de noeud, il n'existe pas d'espace physique et donc pas de volume. Autrement dit, les intersections de ces boucles sont essentielles à la cohérence de la théorie. Cette formulation sera confirmée par le physicien polonais Jurek Lewandowski qui conseilla par ailleurs à tous les experts de lire l'ouvrage de Pullin sur la gravité quantique à boucles.

Essayons de formaliser ces concepts. Vers 1990, Rovelli et Smolin ont obtenu une base explicite (spatiale) des états de la géométrie quantique et montrèrent que cette géométrie était quantifiée, que les opérateurs quantiques (à la base des transformations de fonctions) associent aux volumes d'espace un spectre discret (comme le sont les marches d'un escalier, les niveaux d'énergie ou les raies d'un atome).

Graphe LQG constitué de noeuds reliés par des liens superposées aux grains d'espace qu'ils représentent. Deux régions d'espace sont séparées par une surface dont la dimension est définie par son aire à l'échelle de Planck. Document C.Rovelli.

En LQG, un volume ne peut pas prendre de valeurs arbitraires mais uniquement celles définies par le "spectre du volume", comme il existe un spectre de raies pour les atomes.

Comme le volume, la surface ou l'aire qui sépare deux régions d'espace est également décrite par une variable physique qui présente un spectre discret. Comme en mécanique quantique, volume et aire des grains d'espace peuvent se calculer au moyen des formules de Dirac.

Mais l'interprétation la plus surprenante de cette théorie concerne la notion d'espace-temps qui est remplacée par une interaction entre des noeuds et des boucles de champ gravitationnel; comme un diagramme de Feynman n'est pas plongé dans l'espace-temps mais inclut l'espace-temps, les noeuds et les liens de la théorie LQG créent leur propre espace et leur propre temps régis par des lois quantiques et probabilistes !

Les noeud du graphe représentent des paquets de volume comme il existe des paquets d'ondes et, comme les photons, ils ne peuvent présenter que certaines dimensions particulières, calculables.

En résumé, comme on le voit ci-dessus à gauche, ce réseau quantique de n noeud est caractérisé par deux variables : le volume νn de chaque grain d'espace et l'aire Lp2 associée à chaque ligne l. A l'image des états de l'atome d'hydrogène qui peuvent se définir par les états des nombres quantiques | n, l, m >, on peut représenter les états des grains d'espace par les états |jl, νn>, où l désigne les lignes et n les noeuds du graphe.

Chaque noeud du graphe est un grain quantique d'espace. Deux " régions" d'espace sont séparées par une surface dont la dimension est définie par son aire. Les valeurs possibles des aires correspondant à ce "spectre des aires" sont déteminées par l'équation de Dirac suivante :

Notons que la partie située avant la racine définit l'aire à l'échelle de Planck, Lp étant la longueur de Planck soit 10-33 cm, tandis que la partie sous la racine dépend de "j", le nombre quantique de spin de valeur demi-entière (0, 1/2, 3/2, 3, 5/2, ...). Il existe donc une taille minimale des quanta d'espace de l'ordre de Lp2 ~ G/c3.

Le réseau de spin

L'une des caractéristiques majeures de la gravité quantique à boucles est de parvenir à quantifier l'espace et le temps. Elle y parvient en utilisant le concept de "réseau de spin" inventé par le mathématicien Richard Melrose du MIT en 1960.

Ces graphes qui comme nous l'avons dit ressemblent aux diagrammes de Feynman furent créés à d'autres fins que ceux de la physique et furent notamment utilisés en 1971 par Roger Penrose pour représenter le spin des particules, son état de rotation, d’où son nom.

Les réseaux de spin apparaissent comme une généralisation des boucles de Wilson de la relativité générale nécessaire pour gérer les intersections des boucles, c'est-à-dire les noeuds du graphe, les quanta d'espace. Ce réseau de spin représente un état quantique possible de l'espace. On peut aussi le définir non pas comme une grille plongée dans l'espace mais au contraire comme l'effet de l'espace sur les choses. A l'image d'un électron qui n'est pas défini comme étant ici à cet instant mais plutôt comme un nuage probabiliste, l'espace se définit comme le résultat d'un calcul de probabilité sur tous les réseaux de spin possibles fluctuant à l'échelle quantique.

En 1995, Rovelli et Smolin adaptèrent le réseau de spin à géométrie polyédrique euclidienne pour tenir compte de l'espace courbé par la gravitation. Cette représentation associe à tout volume de Planck (10-99 cm3) une figure géométrique composée d’un noeud d’où partent autant de liens ou segments que le polyèdre d'origine. Ainsi un cube est représenté par un noeud entouré de 6 segments.

Si ces volumes sont voisins et donc juxtaposés, certaines faces seront communes et d'autres isolées. Si deux faces se touchent, il se forme une surface. Le lien ou segment entre ces deux noeuds représente deux grains d'espace en contact. C'est ce contact représenté par le lien qui construit la structure de l'espace physique.

Document Perimeter Institute.

A gauche, représentation d'un volume cubique élémentaire (à l'échelle de Planck) dans un réseau de spin. A droite, représentations de différentes figures d'un réseau de spin comprenant notamment des "étiquettes" et des liens entre les noeuds. Documents adaptés de Pour la Science et Perimeter Institute.

Bien que ces diagrammes soient tracés en deux dimensions, en réalité les noeuds et les liens ne sont pas localisables dans l'espace puisqu'ils créent leur propre espace probabiliste. Ce qui existe réellement c'est la frontière définie par les grains d'espace, c'est-à-dire les multiples liens reliant les noeuds. Ainsi, la localisation des quanta d'espace n'est définie qu'à travers les connexions et uniquement en relations mutuelles. Comme en mécanique quantique, l'état quantique d'un réseau de spin ne décrit pas l'évolution du système où ce qui s'y déroule mais plutôt la probabilité qui lie les états initiaux et finaux du processus, ce qui entre et ce qui sort du "nuage quantique" de probabilité. Mais comment calculer cette probabilité ?

Comme l'a écrit Feynman, la probabilité émerge du calcul des classes d'équivalences d'histoires, c'est-à-dire de la somme (l'intégrale) de toutes les trajectoires ou fonctions d'ondes possibles, celle émergeant correspondant à l'histoire la plus probable, l'évènement réel. Ainsi, l'espace devient une immense somme de minuscules chemins possibles ou cellules géométriquement définies par ce qui se déroule à travers leurs connexions.

Si les réseaux de spin représentent l’effet de l'espace physique sur les objets, ils ne représentent pas la matière ou l’énergie. Pour les représenter, il faut ajouter des "étiquettes" aux connexions donnant les caractéristiques des particules élémentaires, à savoir leur spin. Les champs sont représentés par ces étiquettes. Le mouvement des particules et des champs est représenté par un déplacement des étiquettes sur les connexions.

D'un point de vue formel, les objets fondamentaux s'articulent autour d'un réseau de spin, un cadre de coordonnées appelé un vierbein constitué de noeuds et d'une relation entre ces noeuds appelée une règle de transport parallèle. Cette théorie permet d'utiliser un opérateur conjugué à la géométrie granulaire appelé l'holonomie de connexion gravitationnelle, l'équivalent de la boucle de Wilson comme base de la quantification non perturbative de la gravitation. La valeur de la courbure de l'espace en chaque circuit fermé de points du graphe (en sautant d'un grain d'espace à l'autre jusqu'à revenir au point initial) permet d'évaluer la force du champ gravitationnel. Autrement dit, ces boucles représentent les excitations du champ gravitationnel quantique. Sans oublier que le résultat représente un calcul de probabilité et est donc entaché d'une incertitude quantique.

Le temps, conséquence des interactions entre quanta gravitationnels

Le temps étant une dimension (temporelle), on peut également le représenter en ajoutant une nouvelle dimension au réseau de spin : les noeuds deviennent des lignes et les lignes des surfaces. Mais une conséquence inattendue apparaît : le temps est également quantifié et discontinu. Comme l'espace n'existe plus au niveau quantique fondamental, en LQG le temps n'existe plus au niveau quantique fondamental. Par conséquent, les quanta d'espace ou du champ gravitationnel quantique n'évoluent pas dans le temps, le temps naît des interaction entre les quanta du champ gravitationnel.

En fait cela rejoint un peu l'idée de l'espace courbe d'Einstein où la notion de temps est relative et dépend des propriétés du champ gravitationnel. Mais cette fois, le temps n'est même plus lié à l'espace. Le temps se décrit en termes de granularité et de relations entre quanta et prend l'apparence d'une indétermination probabiliste.

Cette idée plairait probablement à Newton, lui qui avait imaginé la structure corpusculaire de la lumière et avait affirmé que nous ne mesurions pas le temps mais que si nous supposions qu'il existe, nous pourrions construire un modèle capable de décrire la nature.

Malheureusement le "temps de Newton" n'existe pas en LQG. C'est un bon modèle mais qui ne s'applique qu'aux phénomènes à grandes échelles, aux hommes et à l'univers. Comment peut-on alors matérialiser le temps en LQG ? En fait nous appliquons déjà le principe de la "physique sans temps" de la LQG quand nous regardons l'heure ou mesurons l'oscillation d'un pendule. Nous n'observons pas directement le temps mais les battements d'une aiguille entre des repères A, B et C, c'est-à-dire des relations entre variables A(B) et B(C) et non pas des fonctions du temps A(t), B(t), C(t), etc.

Amplitude de transition déterminée par une mousse de spin C (un "2-complex") représentant 2 noeuds en cours de fusion et comprenant un vertex interne. Après la fusion on constate que c'est la disparition d'un quantum d'espace qui définit le temps; nous sommes donc bien en présence de la plus petite unité de temps, le quantum de temps. Document T.Lombry adapté de C.Rovelli.

Au sens strict, le résultat de la mesure ne nous dit pas comment le phénomène évolue dans le temps mais plutôt comment les variables ou les équations évoluent les unes par rapport aux autres, bref on ne se réfère jamais au temps. Si vous avec l'impression que le temps existe ou s'écoule c'est parce qu'à notre échelle macroscopique, le monde est corrélé avec des moyennes; le monde quantique se dilue dans les approximations dues au changement d'échelle, comme les vagues semblent plates vues à grande distance.

On procède de la même manière en LQG où rappelez-vous les choses évoluent uniquement en relation les uns avec les autres puisque le temps en soi n'existe pas.

Imaginons comme on le voit à droite un réseau de spin simple constitué de 2 noeuds reliés entre eux en cours de fusion. A priori les deux noeuds devraient se rapprocher progressivement l'un de l'autre. Or en gravité quantique à boucles, si nous appliquons la théorie des réseaux de spin on ignore la taille des liens car on ne considère que les noeuds et les relations entre eux. Par conséquent, lors de la fusion, c'est la disparition d’un quantum d’espace qui définit le temps. On peut donc stricto sensus parler de quantum de temps. Il représente la plus petite unité de temps valant 10-43 seconde, c'est le fameux temps de Planck bien connu des supporters de la théorie du Big Bang.

On comprend maintenant pourquoi l'équation de Wheeler-DeWitt ne tient pas compte du temps : comme l'espace, le temps émerge du champ gravitationnel quantique. Il n'a donc plus rien à voir avec nos notions habituelles de temps, cette caractérisque humaine ou cette variable physique indépendante qui oriente la "flèche du temps", crée l'ordre et le chaos. On y reviendra en thermodynamique.

D'un point de vue formel, la probabilité de transition de l'état décrit par la géométrie du graphe bleu (en bas) vers le graphe rouge (en haut) est déterminée par un "2-complex" représenté par 2 noeuds connectés par des arêtes bordant des faces et comprenant un vertex interne. La valeur de l'amplitude du champ gravitationnel correspond à l'intégrale (la somme des chemins) sur le groupe de Lie SU(2) et le groupe de Lorentz SL(2,C).

L'espace-temps : une mousse de spin

Dans le cas particulier de l’espace-temps, sa structure quantique discontinue peut être définie de la même manière. Dans sa version covariante (où les champs sont capables de s'auto-engendrer), son état est complètement défini par la somme de l'ensemble des classes d'équivalences d'histoires de réseaux de spin appelés "mousse de spin", dont une coupe transversale représente l'état quantique du réseau de spin.

L'espace-temps est ainsi créé grâce à des noeuds de grains d'espace élémentaires et les connexions représentant leurs relations de voisinage qui se transforment. Ces processus sont exprimés par le parcours idéal d'une mousse de spin, c'est-à-dire la somme de l'ensemble de réseaux de spin caractérisant l'espace-temps granulaire et probabiliste.

En résumé, l'univers c'est-à-dire l'espace, les particules et le rayonnement (les photons) sont constitués de champs quantiques, l'espace et le temps formant le champ quantique gravitationnel, le temps naissant des interactions de ce même champ.

Vu sous cette forme, il n'y a plus de contradiction entre la mécanique quantique et la théorie de la relatvité générale, entre les quantas discrets et l'espace-temps courbe. Entre ces deux univers existe la même relation qu'entre les photons et la lumière : les ondes macroscopiques sont la vision approximative à grande échelle des photons qui sont la manifestation d'un champ quantique en interaction.

Une théorie cadre pleine de promesses ?

La LQG fut formalisée en 2008 et offre de multiples avantages sur les deux théories cadres dont elle fait la synthèse. D'abord, la LQG s'applique très bien au modèle Standard des particules élémentaires : à l'EDQ (l'électrodynamique quantique qui régit les lois de l'électromagnétisme) et à la CDQ (la chromodynamique quantique qui régit l'univers des quarks et leurs couleurs) sans devoir imaginer de nouvelles particules ou interactions. Elle va également plus loin que la relativité générale en décrivant la nature fondamentale de l'espace-temps, en supprimant la notion de réalité indépendante (remplacée par des interactions entre les choses) et en supprimant les singularités (remplacées par des quanta).

Ensuite, elle est plus simple que les deux théories cadres puisqu'elle en fait la synthèse et se réduit à des processus, des interactions entre champs quantiques dont on peut extraire l'information par le biais de la mécanique statistique des quanta d'espace. A leur niveau fondamental, ces processus ne laissent aucune place au temps ce qui permet aussi d'écrire plus facilement les équations de la gravité quantique.

De plus, elle supprime un concept agaçant et source d'erreurs, celui des infinis (l'infinité des points d'un espace continu, les singularités en relativité générale, les divergences en électrodynamique quantique, etc.) en fixant un quanta minimum d'espace et de temps. Elle remplace ainsi les infinis par des limites définies par des constantes fondamentales. Si on applique la théorie de l'information à cette théorie, on en déduit que toute chose présente un contenu maximum d'information (un nombre maximum d'alternatives) et inversement qu'on peut associer une quantité d'information manquante à toute chose (l'entropie). On y reviendra en thermodynamique.

Enfin, elle est prédictive car elle contraint certains évènements, en donnant par exemple une énergie maximale à l'Univers primordial et donc également une réalité à la création de l'Univers à partir d'une mousse tumultueuse de probabilités d'existences dont nous ne possédons malheureusement pas encore l'équation d'état complète. Elle prédit également quelques évènements en astrophysique, en relativité ou en cosmologie (voir plus bas) d'une manière plus précise que les théories actuelles qui ne tiennent pas compte des effets des quanta d'espace.

Smolin n'a aucun doute sur les fondements de la théorie LQG et sa représentation de l'univers réel quand il écrit :  "Si nous pouvions dessiner un diagramme détaillé de l’état quantique de notre univers - la géométrie de tout l’espace courbe et cisaillé par l'action gravitationnelle des galaxies, des trous noirs et de ses divers constituants nous obtiendrions un réseau de spin gigantesque, d'une complexité inouïe, comportant approximativement 10184 noeuds."

Cette affirmation lui valut beaucoup de critiques car quelles preuves avait-il de sa réalité ? En effet, bien que la théorie LQG ait donné quelques résultats significatifs, notamment dans les calculs de l'entropie d'un trou noir, elle ne résout pas toutes les difficultés. Comme sa concurrente, la théorie des cordes, elle n'a pas encore été vérifiée expérimentalement et n'explique pas les récentes découvertes en cosmologie telles que la matière et l'énergie sombres. Que peut-on faire d'une théorie si elle est incapable d'expliquer les deux princiales composantes de l'univers ?

Autre difficulté, dans le cadre de la théorie quantique des champs et en utilisant les techniques standards de calcul des perturbations, on découvre que la gravitation n'est pas renormalisable contrairement aux interactions électrofaibles et fortes du modèle Standard des particules élémentaires. Ceci signifie qu'il existe une infinité de paramètres libres dans la théorie et donc qu'elle n'est peut être pas aussi prédictive qu'on le prétend. Mais accordons-lui le bénéfice du doute car la théorie est jeune et toujours en développement.

Comment tester la gravité quantique à boucles ?

Si cette théorie n’a pas encore été validée par l’expérience et reste très spéculative, elle a le mérite de prédire les caractéristiques discontinues de l'espace et du temps sans qu'on ait à les introduire manuellement de manière ad hoc.

Plusieurs tests expérimentaux pourraient renforcer la LQG :

- preuves astrophysiques : violation de la vitesse de la lumière, énergie des noyaux lourds émis par les supernovae, densité maximale des trous noirs, température des trous noirs, matière noire, étoile de Planck (rayon minimum des trous noirs avant explosion)

- preuve relativiste : fluctuations quantiques dans les ondes gravitationnelles

- preuves cosmologiques : fluctuations à grande échelle du rayonnement cosmologique, expansion accélérée de l'univers.

Concernant les tests astrophysiques, le concept de quantum d’espace prédit par les boucles de champ gravitationnel doivent s'accompagner d'une violation de la vitesse de la lumière. En effet, à l’échelle subatomique si sa longueur d'onde des photons est de l'ordre de grandeur de la distance de Fermi ou plus petite, ils deviennent sensibles à l'influence du milieu dans lequel ils évoluent. La vitesse des photons dépend alors de sa longueur d'onde. Un photon proche de la longueur de Planck pourrait voir sa vitesse de propagation dans le vide affectée par la structure quantique de l'espace-temps.

Pour découvrir ce phénomène, les astrophysiciens comptent sur les sursauts gamma des galaxies lointaines qui pendant une fraction de seconde deviennent jusqu'à 10 fois plus lumineuses que toute une galaxie. Pour le savoir les astrophysiciens comptent beaucoup sur les satellites d'observation gamma tels Integral (2002), SWIFT (2004) et Fermi, ex-GLAST (2008).

En mesurant l'effet Doppler dans l'arrivée des photons de différentes longueurs d'ondes, les chercheurs pourraient mettre en évidence un indice en faveur des boucles.

Un autre test concerne les noyaux lourds (protons) émis par les supernovae qui semblent ne pas perdre d’énergie malgré la distance qu'ils parcourent, parfois supérieure à 1 milliard d'années-lumière. Les théories classiques ne peuvent expliquer ce phénomène alors que dans la gravité quantique à boucles, les réseaux de spin donneraient assez d’énergie aux particules pour traverser l'univers.

La LQG prédit également que les trous noirs primordiaux qui se sont évaporés seraient devenus des trous blancs et que la matière sombre (ou noire) serait la manifestation de leu rayonnement (cf. C.Rovelli et al., 2018; C.Rovelli et al., 2021).

A propos du test relativiste, il faut pouvoir démontrer que la gravité quantique à boucles s'applique à grandes échelles, c'est-à-dire à l’univers observable des galaxies (il peut être représenté par quelque 10104 noeuds).

En 2008, le physicien émérite Donald E. Neville alors à l'Université de Temple démontra que certaines ondes gravitationnelles pouvaient être décrites par des réseaux de spin.

En 2011, John Barrett et ses collègues de l'Université de Nottingham ont prouvé qu'à grandes échelles la gravité quantique à boucles se résume effectivement à la relativité générale, qui elle-même se résume à la loi de Newton dans des conditions de champs faibles.

Enfin, il y a au moins deux tests cosmologiques. Le premier est vérifiable a posteriori. En 2011, le théoricien Muxin Han de l'Université de Marseille démontra que dans les limites classiques de la théorie quantique (via des fonctions de troncature d'équations dérivées de la relativité générale), les équations de la gravité quantique à boucles introduisent également une constante cosmologique positive compatible avec l'expansion accélérée de l'univers que nous observons aujourd'hui.

Pour le second test, la théorie prédit que la structure quantique de l'espace-temps devrait laisser son empreinte dans le fond diffus cosmologique, la plus ancienne trace du Big Bang observable dans l'Univers. Ces effets pourraient être détectés par des observatoires spatiaux. Toutefois, son effet reste inconnu car la longueur d'onde de cette modulation dépend des paramètres de la théorie qui restent encore à définir. Si son amplitude est aussi grande que l'Univers, on risque de ne jamais pouvoir l'observer.

Quant à vérifier la densité maximale de l'Univers primordial (> 1019 GeV mais dont la valeur exacte reste inconnue), cela restera malheureusement pour longtemps hors des capacités des accélérateurs de particules et donc à classer avec les autres utopies de l'humanité.

Il y a également des approches purement mathématiques. L'une consiste à démontrer que les modèles de mousses de spin résolvent les équations de Wheeler-DeWitt (sachant que dans la théorie de la gravité quantique à boucles, deux des trois équations de Wheeler-DeWitt ont été résolues).

Enfin, il reste la question de la probabilité de créer un Univers tel que le nôtre à partir d'une mousse de champs quantiques. Cette question métaphysique n’intéresse que les philosophes car cet évènement unique par nature n'est pas vérifiable ni testable par les physiciens autrement que d'un point de vue probabiliste et donc théorique.

Bref, si Rovelli et ses collègues restent optimistes sur l'avenir de leur théorie, les autres chercheurs sont loin d'y voir une solution à leurs problèmes.

En guise de conclusion

Laissons le mot de la fin à Rovelli : "Finalement, les cordes et la gravitation à boucles, ne sont pas forcément incompatibles. Elles peuvent être d’une certaine manière complémentaires, ne serait ce qu’au niveau méthodologique. En particulier les problèmes en suspens dans la théorie des cordes sont au niveau d’une formulation indépendante d’un fond servant de cadre, et la gravitation quantique à boucles est précisément un ensemble de techniques qui permettent de définir une théorie de façon non perturbative indépendante d’un espace-temps de fond. Peut être que les deux théories peuvent converger, du moins jusqu’à un certain point. Il y a des similitudes manifestes entre les deux théories : d’abord le fait évident que les deux théories partent du principe que les excitations pertinentes à l’échelle de Planck sont des objets unidimensionnels qu’on les appelle cordes ou boucles."

Smolin compléta son point de vue en insistant sur les résultats théoriques et les prédictions de la gravité quantique à boucles.

Ceci dit beaucoup de travaux théoriques et de vérifications expérimentales restent à faire pour valider la théorie de la gravité quantique à boucles. La suite de cette aventure intellectuelle s'écrit actuellement dans les accélérateurs de particules et sur les écrans d'ordinateurs des physiciens.

A propos de la théorie des ensembles causaux (Causal set theory)

Une autre approche de la gravité quantique est la théorie des ensembles causaux qu'étudie notamment le mathématicien Bruno Valeixo Bento de l'Université de Liverpool et le physicien théoricien Sumati Surya de l'Institut de Recherche Raman. Cette théorie imposerait des limites strictes à la proximité des évènements dans l'espace et dans le temps.

Un ensemble causal. Les éléments sont représentés sous forme de nœuds et l'ordre est indiqué par les arêtes : un élément x précède un élément y si et seulement s'il existe un chemin ascendant de x à y. La partie ombrée de l'ensemble causal est bien un espace-temps continu (la physique dans cette région est décrite par le relativité générale). Le reste de l'ensemble causal forme l'ère de la gravité quantique précédant la singularité du Big Bang. Document B.Valeixo et S.Zalel (2021).

Selon Bento auteur d'un article sur le sujet avec le doctorant Stav Zalel du Laboratoire Blackett de l'Imperial College de Londres, "Une grande partie de la philosophie de l'ensemble causal est que le passage du temps est quelque chose de physique, qu'il ne devrait pas être attribué à une sorte d'illusion émergente ou à quelque chose qui se passe à l'intérieur de notre cerveau et qui nous fait penser que le temps passe ; ce qui passe est, en soi, une manifestation de la théorie physique. Ainsi, dans la théorie des ensembles causaux, un ensemble causal grandira d'un "atome" à la fois et deviendra de plus en plus grand."

L'approche de l'ensemble causal élimine le problème de la singularité du Big Bang car, dans cette nouvelle théorie, les singularités ne peuvent pas exister. Il est impossible pour la matière de se comprimer à l'infini - ils ne peuvent pas être plus petits que la taille d'un quantum d'espace-temps.

Sans la singularité du Big Bang, à quoi ressemble le début de l'Univers ? Selon Bento, "Dans la formulation et la dynamique originales de l'ensemble causal, classiquement parlant, un ensemble causal se développe à partir de rien dans l'univers que nous voyons aujourd'hui. Dans notre étude, à la place, il n'y aurait pas de Big Bang au début, car l'ensemble causal serait infini jusqu'au passé, et donc il y a toujours quelque chose avant."

Selon les travaux des deux chercheurs, l'univers n'a peut-être pas eu de commencement - il a simplement toujours existé. Ce que nous percevons comme le Big Bang n'a peut-être été qu'un moment particulier dans l'évolution de cet ensemble causal qui a toujours existé, et non un véritable début.

Il reste cependant beaucoup de travail à faire et cette approche est encore loin de pouvoir rivaliser avec la théorie LGQ qui acquit de la maturité puisqu'elle fêta ses 25 ans en 2022 (sans compter les travaux précuseurs de Rovelli et Smolin en 1994 et ceux d'Ashtekar remontant à 1986).

Bento et Zalel ne savent pas encore si l'approche causale sans commencement accepte des théories physiques permettant de décrire l'évolution complexe de l'univers depuis le Big Bang. Selon Bento, "On peut aussi se demander si cette [approche de l'ensemble causal] peut être interprétée de manière "raisonnable", ou ce que signifie physiquement une telle dynamique dans un sens plus large, mais nous avons montré qu'un cadre est en effet possible. Donc, au moins mathématiquement, cela peut fonctionner." Autrement dit, c'est un début...

Pour plus d'informations

Les ouvrages consacrés à la théorie de la gravité quantique à boucles ou à la théorie des ensembles causaux sont encore rares et souvent écrits en anglais et destinés aux thésars à quelques rares exceptions. De nombreux articles sont également publiés sur arXiv.org

Articles sur la gravité quantique

De la gravitation quantique à boucles (PDF), C.Rovelli, CNRS/U.Aix-Marseille, 2011

Mousses de spin en gravité quantique (thèse, stage M2 majeur Physique), M.Dupuis, U.Claude Bernard Lyon 1, 2007

Modèles de mousses de spin pour la gravité quantique en 3 dimensions (thèse), D.Louapre, ENS Lyon, 2004

Theorists apply loop quantum gravity theory to black hole, Phys.org, 2013

Loop and spin foam quantum gravity: a brief guide for beginners, Nicolai/K.Peeters, 2006

Loop quantum gravity: an outside view, H.Nicolai/K.Peeters/M.Zamaklar, 2005

The Dynamics of General Relativity. Gravitation: An introduction to current research, R.Arnowitt/S.Deser/C.W.Misner, 2004

Loop quantum gravity, Living Reviews in Relativity (PDF), C.Rovelli, 1997

Article sur la théorie des ensembles causaux (causal set theory)

If time had no beginning, Bruno Valeixo Bento/Stav Zalel, 2021

The causal set approcah to quantum gravity, Living Reviews in Relativity, Sumati Surya, 2019

Livres en français

Niveau vulgarisation

L'Écume de l'espace-temps, Jean-Pierre Luminet, Odile Jacob, 2020

Par-delà le visible. La réalité du monde physique et la gravité quantique, Carlo Rovelli, Odile Jacob, 2015

Et si le temps n'existait pas ?, Carlo Rovelli, Dunod, 2014

L'univers en rebond, Carlo Rovelli, Albin Michel Bibliothèque Sciences, 2011

Qu'est-ce que le temps ? Qu'est-ce que l'espace ?, Carlo Rovelli, Bernard Gilson Éditeur, 2006

Rien ne va plus en physique ! L'échec de la théorie des cordes, Lee Smolin, Dunod, 2007/2010

Livres en anglais

Niveau vulgarisation

Three roads to quantum gravity, Lee Smolin,Weidenfeld & Nicholson, Londres, 2000; Basic Books, 2002 (reprint)

Niveau universitaire

Covariant Loop Quantum Gravity, Carlo Rovelli et Francesca Vidotto, Cambridge University Press, 2014

A First Course in Loop Quantum Gravity, Rodolfo Gambini et Jorge Pullin, Oxford University Press, 2011

Spin network: Physics, Quantum Mechanics, Matrix Ggroup, Roger Penrose, Quantum Gravity, Gauge Theory, Spin Foam, String-Net, Penrose Graphical Notation, (compilation d'articles de vulgarisation), s/dir. M.Surhone et al., Betascript Publishing, 2010

Modern Canonical Quantum General Relativity, Thomas Thiemann, Cambridge University Press, 2007

Quantum Gravity, Carlo Rovelli, Cambridge University Press, 2004

Loops, knots, gauge theories and quantum gravity, Jorge Pullin et Rodolfo Gambini, Cambridge University Press, 1998

Spinors and Space (2 vol.), R.Penrose/W.Rindler, Cambridge University Press, 1986.

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