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La loi de Hubble-Lemaître
Le paramètre de Hubble et l'âge de l'Univers (II) Au fil du temps, les astronomes ont découvert que le paramètre de Hubble H présentait un autre avantage, celui de pouvoir déterminer l'âge de l'Univers. En effet, l'intervalle de temps 1/H appelé le temps de Hubble est indépendant de la distance et représente l'âge de l'Univers. Autrement dit, il y eut une époque 1/H dans le passé où tous les objets étaient en contact, c'est le Big Bang. On peut donc en déduire que lorsque l'Univers était très jeune, H était très grand et qu'en fonction du facteur d'échelle R lié à l'expansion de l'Univers, H a diminué jusqu'à sa valeur actuelle Ho. C'est la raison pour laquelle, depuis la découverte de Hubble, la valeur actuelle du paramètrre de Hubble, ce qu'on appelle la constante de Hubble, Ho n'a cessé d’osciller entre 50 et 100 km/s/Mpc. Rappelons qu'une valeur de 50 km/s/Mpc signifie qu'une galaxie située à 1 Mpc soit 3.26 millions d'années-lumière s'éloigne de nous à la vitesse comobile de 50 km/s. On parle de vitesse comobile plutôt que de vitesse réelle ou de mouvemenrt propre car cet objet s'éloigne non pas suite à un effet gravitationnel local qui pourrait l'attirer mais en raison de l'expansion de l'Univers. Il s'agit donc d'une vitesse de "récession" apparente. Avec Ho=100 cela signifie dans le modèle Einstein-de Sitter (dit modèle FRW, le plus simple, dans lequel l'Univers est plat) que l’Univers n'aurait pas plus de 10 milliards d’années et les galaxies seraient d'autant plus rapprochées. Vers 1930, cette valeur haute gardait un sens car elle correspondait, ainsi que l’avait remarqué Eddington qui aimait jouer avec les nombres, à l"âge des éléments radioactifs. Mais les découvertes se succédant, il est aujourd’hui difficile d"imaginer que l'Univers soit si jeune car il existe certaines étoiles dans notre Galaxie âgées d'au moins 12 milliards d"années ainsi que des galaxies et des quasars lointains âgées de plus de 13 milliards d'années-lumière... Mais à l'époque on ne le savait pas encore. En prenant une constante de Hubble proche de 50 et une valeur adéquate de densité de matière, l'Univers pourrait avoir 20 milliards d’années. Mais Gérard de Vaucouleurs et les partisans d’une valeur haute s'insurgèrent, rappelant que les nouvelles échelles de distances ne s'accordaient pas avec une si faible valeur de Ho, pas plus que l'évolution stellaire. Deux générations plus tard, les mesures du Télescope Spatial Hubble leur donneront raison. Rappelons qu'en 1989, dans la revue "Astronomy & Astrophysics" Christian Vanderriest de l'Observatoire de Meudon et ses collègues avaient fixé une limite supérieure, Ho < 175 km/s/Mpc et plus proche de Ho ≈ 105 km/s/Mpc, voisine de la valeur obtenue par E.Falco en 1987. A consulter : Comment
calculer des distances extrêmes ? (activer la traduction)
En 1994, deux équipes indépendantes, l'une équipée d'une caméra à haute résolution montée sur le télescope CFH de Mauna Kea, la seconde utilisant la puissance du Télescope Spatiale Hubble[4] ont établi que la constante de Hubble semblait osciller entre 80 et 87 km/s/Mpc. Par la suite, sa valeur fut réduite à 65 km/s/Mpc (J.Huchra). Suite à la mission Planck, en 2015 on détermina que la constante de Hubble Ho = 67.74 ±0.46 km/s/Mpc. L'Univers serait âgé de 13.799 ±0.021 milliards d'années. Or certains associations d'étoiles seraient âgées de près de 15 milliards d'années... Reste donc à soit refaire les calculs en trouvant d'autres "chandelles standards" soit de modifier la valeur de la densité de matière pour retrouver un âge de l’Univers compatible à la fois avec l’âge des étoiles et la nucléosynthèse primordiale. De grosses difficultés planent donc sur le modèle cosmologique Standard que nous prendrons le temps d'étudier à la lumière des récents développements en astrophysique et en cosmologie.
En 2018, Adam Riess et ses collègues de l'équipe SH0ES publièrent dans "The Astrophysical Journal" une nouvelle valeur de Ho = 73.48 ±1.66 km/s/Mpc avec un niveau de confiance de 3.7σ, soit 8.9% supérieure à la valeur prédite par le modèle ΛCDM (66.93 ±0.62 km/s/Mpc). Puis toujours en 2018, grâce aux données du satellite Gaia DR2, Riess et ses collègues publièrent dans "The Astrophysical Journal" (en PDF sur arXiv) une nouvelle valeur de Ho = 73.24 km/s/Mpc avec une précision de 2.2% et un niveau de confiance de 2.9σ ou 99.6%, valeur plus incertaine mais qui s'écarte toujours de celle déterminée par l'analyse du rayonnement cosmologique de la mission Planck. Le prochain défi de Riess était de porter le niveau de confiance à 3.89σ ou 99.99%. Rappelons qu'un écart-type de plus de 4σ (ou vise souvent les 5σ) correspond à 100% de confiance ou une certitude (cf. cette brève explication du CERN).
Puis en 2019, après avoir étudié pendant plusieurs années l'image double du quasar SDSS J1206+4332 présenté ci-dessus à droite, Simon Birrer de l'UCLA à Los Angeles et ses collègues du programme H0LiCOW publièrent dans les "MNRAS" une nouvelle estimation de Ho = 72.5 km/s/Mpc avec une précision de 3%, mais elle ne lève toujours pas l'incertitude. Cette valeur est toujours compatible avec un modèle d'Univers ΛCDM plat en accélération. Rappelons qu'une valeur plus élevée implique aussi que l'Univers s'étend plus rapidement que le prévoit le modèle ΛCDM. On y reviendra à propos de l'accélération de l'expansion de l'Univers. En avril 2019, l'équipe d'Adam Riess publia dans "The Astrophysical Journal" une nouvelle mesure de la constante de Hubble obtenue grâce au Télescope Spatial Hubble basée sur l'observation de 70 Céphéides à longues périodes localisées dans le Grand Nuage de Magellan. Ils ont obtenu Ho = 74.03 ±1.42 km/s/Mpc avec cette fois une précision de 1.2%. Cela correspond à un taux d'expansion 9% plus rapide que celui calculé à partir des mesures de Planck. 2019, appel aux géantes rouges En juillet 2019, l'équipe de Wendy L. Freedman de l'Université de Chicago publia dans "The Astrophysical Journal" (en PDF sur arXiv) une nouvelle mesure indépendante de la constante de Hubble basée sur une méthode totalement différente, à savoir un étalonnage de la branche des géantes rouges (TRGB) appliquée aux supernovae de Type Ia. Les chercheurs ont obtenu une valeur de Ho = 69.8 ±0.8 km/s/Mpc avec une précision de 1.1%. La nouvelle valeur se situe dans la moyenne des observations faites par le Télescope Spatial Hubble tout en se rapprochant de la valeur calculée à partir des données de Planck. La méthode des TRGB est précise et parallèle à l'échelle des Céphéides, mais indépendante de celle-ci. Les distances des TRGB furent mesurées à l'aide de la caméra ACS (Advanced Camera for Surveys) du HST dans le halo des galaxies, moins sensible au rougissement et où les mesures photométriques sont moins sujettes à des facteurs de biais que dans le disque des galaxies. La calibration fut établie sur les étoiles du Grand Nuage de Magellan. Les distances des TRGB furent calculées à partir d'un échantillon d'étoiles extrait du sondage Carnegie Supernova Project I contenant environ 100 SNe Ia. La constante de Hubble fut calculée en comparant les valeurs de distance à la vitesse apparente de récession des galaxies cibles.
Dans une étude publiée dans "The Astrophysical Journal" en 2021 (en PDF sur arXiv), John P. Blakeslee de l'Observatoire Gemini et ses collègues ont utilisé deux méthodes différentes de calibration, les Céphéides et les TRGB, et obtenu une valeur de Ho = 73.3 ±1.4 km/s/Mpc avec une précision de 3.3%, assez proche de celle obtenue par Riess en 2019. L'erreur systématique devra toutefois être réduite à l'avenir. Fait intéressant, cette nouvelle valeur de Ho renforce à la fois les mesures effectuées sur les supernovae, les Céphéides, les TRGB et les mesures de fluctuation de luminosité. SH0ES 2022 Dans un article publié dans "The Astrophysical Journal" en 2022, grâce l'étude de Céphéides situées dans 37 galaxies hôtes de 42 SNe Ia observées avec le Télescope Spatial Hubble, l'équipe SH0ES d'Adam Riess a obtenu une nouvelle valeur Ho = 73.04 ±1.04 km/s/Mpc avec une précison de 1.35% et un niveau de confiance de 5σ. Bien qu'un peu plus élevée que les valeurs précédentes, cette nouvelle estimation converge toujours vers la moyenne établie par l'équipe, confirmant la cohérence de la méthode basée sur les données astrophysiques du Télescope Spatial Hubble et son écart significatif de la valeur calculée sur base des paramètres cosmologiques.
Une nouvelle fois, le nouveau résultat obtenu par l'équipe de SH0ES est presque 8% plus élevé que la valeur du modèle cosmologique Standard déduite des données de la mission Planck qui donne Ho = 67.74 ±0.46 km/s/Mpc. La SN Redfsal à images multiples dans MACS J1149 Enfin, dans deux articles publiés en 2023 dans les revues "Science" et "The Astrophysical Journal" l'équipe de Patrick Kelly, professeur adjoint au Collège of Sciences and Engineering calcula la constante de Hubble en utilisant les données d'une supernova à images multiples formée par une lentille gravitationnelle générée par l'amas de galaxies MACS J1149. L'équipe a obtenu une valeur Ho = 66.6 +4.1-3.3 km/s/Mpc, très proche de la valeur obtenue par la mission Planck. Comment expliquer cette différence surnommée la tension de Hubble qui donne à Ho une valeur comprise entre 66 et 74 km/s/Mpc ? En quête d'explications Plusieurs théories ont été proposées pour expliquer cette divergence autour de Ho. Une des explications serait l'apparition inattendue d'une énergie sombre dans l'Univers primordial qui représenterait désormais 70% du contenu de l'Univers. Proposée par les astronomes de l'Université Johns Hopkins, cette théorie est surnommée "l'énergie sombre primordiale" (early dark energy) et suggère que l'Univers a évolué en trois phases.
Une autre idée est que l'Univers contient une nouvelle particule subatomique qui se déplace à une vitesse proche de celle de la lumière. Ces particules rapides sont collectivement appelées "rayonnement sombre" (à ne pas confondre avec l'énergie sombre) et incluent des particules connues comme les neutrinos qui sont créés lors de réactions nucléaires et de désintégrations radioactives. Une autre possibilité intéressante est que la matière sombre (une forme invisible de matière mais non baryonique) interagirait plus fortement que prévu avec la matière ou les rayonnements ordinaires. On reviendra en détails sur la matière et l'énergie sombres. Suite à sa publication de 2022, Riess déclara : "Compte tenu de la grande taille de l'échantillon de Hubble, il n'y a qu'une chance sur un million que les astronomes se trompent en raison d'un tirage au sort malchanceux, [5σ est] un seuil commun pour prendre un problème au sérieux en physique. Cette découverte démêle ce qui devenait une belle et nette image de l'évolution dynamique de l'univers. Les astronomes sont à court d'explications sur la déconnexion entre le taux d'expansion de l'univers local et celui de l'univers primitif, mais la réponse pourrait impliquer une physique supplémentaire de l'univers." Bref, la véritable explication se fait attendre et le mystère demeure et s'épaissit. Riess n'a pas de réponse à ce problème épineux, mais son équipe continuera à utiliser le HST pour réduire les incertitudes de la constante de Hubble. Le prochain objectif des chercheurs est de réduire l'incertitude sous 1%, ce qui devrait aider les astronomes à identifier la cause de la divergence. Pour plus d'informations Articles Hubble’s Law and the expanding universe, Neta A. Bahcall, PNAS, 2015 The Hubble Law, in Tensors, Relativity, and Cosmology, M.Dalarsson, 2015 Relation between Distance and Radial Velocity among Extra-Galactic Nebulae, Edwin Hubble, 1929 Cepheids in Spiral Nebulae, Edwin Hubble, The Observatory, 1925 Calculettes CosmoCalc (ICRAR) CosmoCalc (UCLA)
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