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En hommage à Newton

Sir Isaac Newton et ses découvertes. Peinture à la gouache sur papier de 16.5x24.1 cm réalisée par l'illustrateur belge Jean-Léon Huens sur commande de la National Geographic Society pour son édition de Mai 1974.

L'héritage de Newton (V)

Physicien et mathématicien de génie, dernier astrologue et alchimiste passionné d'astronomie, grand argentier de l'Etat et homme d'Eglise, Sir Isaac Newton fut bel et bien "un puits de Science". Inventeur des lois du mouvement, du principe d'action-réaction, de la gravitation universelle, des propriétés de la lumière, du télescope, du calcul différentiel... Newton est aujourd'hui considéré comme étant le premier scientifique de l'histoire dans son acceptation moderne.

Les questions restées ouvertes que nous légua Newton ont suscité la curiosité de bien des physiciens. Mais encore aujourd'hui personne ne peut y apporter de réponses complètes et définitives, notamment à propos des nombreux paradoxes que soulève la physique quantique pour ne citer que la dualité onde-particule de la lumière.

Nos microscopes, nos accélérateurs de particules et nos modèles mathématiques voient toujours la lumièrecomme un "parton", tantôt une particule quand on parvient à l'isoler, tantôt une onde quand elle crée des interférences et nous échappe. Il est en général plus simple de la décrire sous forme ondulatoire mais l'énigme de la nature réelle de la lumière demeure l'un des plus grands mystères de la création. Devant ce défi qui nous tient en haleine depuis plus de 2000 ans, celui qui le découvira (plutôt l'équipe) pourra bien afficher son nom en lettre de lumière au panthéon de la Science.

Assis sur la plage, le regard porté vers l'infini, Sir Isaac Newton, le modeste professeur qui posa mille questions et en résolut presque autant, savait combien la Nature était paradoxale et pleine d'incertitudes, qu'il lui restait beaucoup de travail à accomplir et autant de questions auxquelles il n'aurait jamais le temps de répondre.

Dans un manuscrit (les Porthmouth papers, 3968, 41, f.85) qu'il nous légua et aujourd'hui conservé à la Bibliothèque de l'Université de Cambridge, Newton écrivit au crépuscule de ses jours cette magnifique remarque très clairvoyante :

Les coquillage, par David Hagan.

"Je ne sais ce que j'ai pu paraître aux yeux du monde, mais à mes yeux il me semble que je n'ai été qu'un enfant jouant sur le rivage, heureux de trouver de temps à autre, un galet plus lisse ou un coquillage plus beau que les autres, alors que le grand océan de la vérité s'étendait devant moi, encore inexploré."

Conscient des limites de sa condition humaine, mais également narcissique et conscient de sa grandeur, Newton posera régulièrement pour la postérité chez les peintres et les sculpteurs les plus célèbres de la City. Nous leur devons quelques magnifiques portraits de sa personne toute auréolée de gloire et de prestige dont quelques toiles ont été présentées tout au long de cet article.

Newton consacra ses dernières années à entretenir sa réputation et à asseoir son mythe. En 1724, il devint actionnaire de l'East India Company, la Compagnie anglaise des Indes orientales. Elle deviendra la compagnie commerciale la plus puissante de l'époque.

En effet, celle qu'on surnommait à l'époque la "John Company", assura tout d'abord le commerce des épices entre les Indes et l'Europe, jouant de la concurrence avec la France, les Pays-Bas et l'Espagne, puis établira la domination de l'Angleterre sur toutes les eaux du monde ou presque, du Canada à La Havane et de Singapour à l'Australie en passant par le Bengale. Ces colonies seront incorporées à l'Empire britannique à la fin du XIXe siècle (la reine Victoria fut déclarée impératrice des Indes en 1876), remplacé vers 1920 par le Commonwealth.

Newton sembla bénéficier d'une santé assez robuste et ne dut jamais combattre de maladies graves. Malgré ses nuits blanches à observer les étoiles et à réinventer le monde, oubliant souvent ses repas, après avoir respiré des effluves toxiques et réalisé des expériences d'optique mettant sa vue en danger, Newton vécut jusqu'à l'âge vénérable de 84 ans, une longévité très supérieure à la moyenne de son époque.

Le mausolée de Newton.

Newton mourut le 31 mars 1727 (du calendrier actuel) à Londres, en refusant de recevoir les derniers sacrements. Il ne laissa aucune descendance. Il recevra tous les honneurs de la Nation, comme si soudainement le pays qui dominait le Monde perdait sa tête pensante.

Newton fut inhumé en l'abbaye de Westminster, aux côtés des rois d'Angleterre et repose dans un caveau en marbre finement sculpté.

On fit gravé sur son mausolée une épitaphe en latin que l'on peut traduire librement comme suit :

"Ici est enterré Isaac Newton, chevalier, qui par une force d'esprit presque divine, et des principes mathématiques à lui propre singuliers, a exploré le cours et les figures des planètes, les chemins des comètes, les marées de la mer, les dissimilitudes dans les rayons de la lumière, et, ce qu' aucun autre disciple n'a précédemment imaginé, les propriétés des couleurs ainsi produites. Diligent, sagace et fidèle, dans ses expositions de la nature, de l'antiquité et des Saintes Ecritures, il a défendu par sa philosophie la puissante et bonne majesté de Dieu, et a exprimé la simplicité de l'évangile à sa façon. Mortels, félicitez-vous qu'un si grand homme ait vécu pour l'honneur de la race humaine ! Il est né le 25 décembre 1642 et est mort le 20 mars 1726."

Précisons que le poète anglais Alexandre Pope avait écrit une épitaphe pour Newton mais on ne l'autorisa pas à l'inscrire sur le mausolée : "La nature et les lois de la Nature se cachaient dans la nuit: Dieu dit, Que Newton Soit ! et tout devint lumière." Elle n'en resta pas moins à la postérité.

La collection de Newton

En temps que directeur de la Monnaie Royale, Newton était tenu personnellement responsable de toutes les dettes de l'institution. N'ayant laissé aucun acte ni souhait à son décès, ses biens furent gelés jusqu'à que la Monnaie Royale ait été satisfaite et que la liquidation de sa succession ait payé ce qu'il "devait" à la Couronne britannique. La seule relation familiale ayant assez de liens pour accepter et payer la succession fut John Conduitt, qui avait épousé la nièce bien-aimée de Newton, Catherine Barton. Les ouvrages de la bibliothèque de Newton furent liquidés pour 300£ et vendus à John Huggins, directeur de la prison navale (Fleet Prison) et offert à son fils, Charles.

Portrait de Newton dessiné par A.Renshaw en 1960 et scannée par l'auteur. (c) Doubleday.

Croquis de Newton réalisé par A.Renshaw à partir des peintures de Kneller. Document publié avec l'aimable autorisation de Random House, Inc. Droits réservés.

A la mort de Charles Huggins, la maison Huggins ainsi que les ouvrages de Newton seront vendus au Révérend Dr. James Musgrave et à sa mort en 1778, ils resteront dans sa famille jusqu'en 1920, pratiquement en l'état. Ses descendants les vendront aux enchères et la majorité des ouvrages disparurent dans des collections privées.

Sur le millier de volumes ayant appartenu à la famille Huggins, en 1927 on retrouva 858 livres dans la maison de Wyckeham Musgrave qui seront mis aux enchères à 30000£. Ils ne seront jamais achetés et en 1943 Pilgrim Trust paya 5500£ pour l'ensemble de la collection, comprenant en sus une édition de 1655 des "Eléments" d'Euclide (l'ouvrage offert à Newton par Isaac Barrow) ainsi qu'un Ancien Testament écrit en Grec annoté par Newton. Cette collection fut offerte au Trinity College de Cambridge.

Quelques-uns des centaines d'ouvrages manquants sont réapparus par la suite sur le marché des livres Antiques. Grace K. Babson en acheta 13 contenant des photogravures pour compléter sa collection d'objets déjà très riche sur Newton et constituant la Bibliothèque Burndy (Collection Babson).

Sotheby fut chargé de vendre la Collection Portsmouth en 1936. Il s'agissait de la succession de Newton revendiquée par Conduitt et qui contenait tous les manuscrits et documents non publiés de Newton. Seuls les documents considérés comme bon à publier furent imprimés à son décès et les bénéfices divisés. Cette collection restera dans la famille jusqu'en 1872 où le cinquième Comte de Portsmouth (Earl of Portsmouth) décida d'offrir la collection à la Bibliothèque de l'Université de Cambridge.

C'est à cette époque que la collection s'enrichit de la propre copie manuscrite des "Principia" de Newton, d'environ mille pages de notes mathématiques et du "Waste Book", un carnet de notes contenant ses premières idées scientifiques et mathématiques. Ils sont aujourd'hui bien à l'abri des convoitises dans la bibliothèque de l'université.

La famille Portsmouth conserva les documents sur la chronologie, la théologie, l'histoire, l'alchimie et les matériaux biographiques compilés par Conduitt. Un catalogue en fut tiré en 1888 mais personne ne se rendit compte de la valeur de cette collection jusqu'à cette vente aux enchères chez Sotheby.

Portrait en relief de Newton. Coll. Babson.

En fait les documents vendus par la famille Portsmouth représentaient le coeur même de la bibliothèque de Newton, ses manuscrits les plus significatifs parmi tous les documents disponibles. C'est à cette occasion que le monde découvrit la fameuse "malle de Newton" qui contenait à côté de ses travaux scientifiques, des spéculations sur l'exégèse et l'alchimie, la face cachée du génie...

L'économiste John Maynard Keynes acheta la plupart des manuscrits traitant d'alchimie ainsi que l'essentiel des notes de Conduitt et après les avoir étudiés durant 6 ans, il les offrit à la bibliothèque du King's College de Londres.

En 1942, pour le 300e anniversaire de la naissance de Newton, J.Keynes publia un article intitulé "Newton, The Man", dans lequel pour la première fois, un écrivain mettait sur un même pied d'égalité les travaux scientifiques du savant et ses écrits sur l'alchimie et la religion. Il en fera un livre en 1946. Sa publication fit grand bruit tant on pensait jusqu'alors que l'homme de science était éloigné de ces considérations philosophiques et métaphysiques. Mais c'était mal connaître l'époque de Newton. Toutefois, avec le recul, il apparut que le portrait de Newton dressé par Keynes surestimait sa passion pour l'alchimie et la religion.

Dans les années soixantes, une nouvelle biographie plus objective et réaliste fut tirée à partir des nouveaux écrits de Newton, remettant l'homme à la place réelle qu'il occupa. Parmi les nombreux ouvrages écrits à partir de cette monumentale collection de documents citons deux biographies, "La malle de Newton" de Loup Verlet et "Newton" (Never at Rest) de Richard Westfall.

Lord Wakefield acheta les 329 lots de la Monnaie et les offrit à la Monnaie Royale de Londres. La majorité des manuscrits théologiques ont été achetés par Abraham Yahuda pour le compte de la Bibliothèque Universitaire Nationale Juive.

Génie et visionnaire

Devant les questions que Newton légua à la postérité, qui sont autant d'incursions dans le futur, je me plais à me demander s'il eut jamais le sentiment d'avoir des visions prophétiques et d'avoir parfois eu le sentiment d'être né trop tôt ?

Il écrivit notamment, "Peut-être l'attraction électrique s'exerce-t-elle sur des distances si petites sans être excitée par la friction." Plus de cent ans après sa mort, on comprit seulement qu'il existait un lien entre le comportement des atomes et l'électricité. Cette découverte conduira également au concept d'affinité chimique, une idée qui aurait beaucoup plu à Newton.

Agrandissement du portrait de Newton réalisé par Kneller en 1689. Une copie fut réalisée par Barrington Bramley. L'original est la propriété du 10e Comte de Portsmouth. La copie est conservée à l'Isaac Newton Institute.

Paradoxalement, alors qu'on se raillait de lui quand il prétendait que certains éléments pouvaient être changés en d'autres, croyant dur comme fer à la "transmutation", Newton avait une nouvelle fois montré la voie.

En effet, près de 150 ans après sa mort, on découvrit la radioactivité naturelle et le fait étonnant que l'uranium pouvait se transformer de lui-même en plomb. Newton n'aurait sans doute pas été surpris d'apprendre que de nos jours les éléments peuvent être changés en d'autres éléments au moyen d'accélérateurs de particules.

Il aurait en revanche été plus surpris d'apprendre que nous avons maîtrisé l'énergie de l'atome ou analysé grâce à son prisme la faible lumière émise par les galaxies lointaines.

Il aurait sans doute également été ravi d'apprendre que nous avons construit des télescopes selon ses principes mesurant jusqu'à 40 mètres de diamètre (ELT) !

Pour couronner le tout, grâce à ses Lois sur le mouvement des corps nous avons construit des fusées, visité la Lune et exploré le système solaire plus loin qu'il ne l'aurait jamais imaginé.

Mais comme il en advient un jour ou l'autre de toute théorie, aussi merveilleuse que soit sa Loi de la gravitation, elle n'est pas infaillible dans des conditions de champs extrêmement forts ou très variables, et pour le dire simplement, lorsque les objets acquièrent des vitesses proches de celles de la lumière (> ~ 0.01c).

En 1915, un jeune physicien allemand de 36 ans, Albert Einstein inventa la théorie de la relativité générale pour étendre le cadre de la physique et en particulier de la gravitation. Mais devinez quoi? Quelque 70 ans plus tard, des voix se sont élevées parmi lesquelles celle de Stephen Hawking qui se demanda s'il ne faudrait pas une nouvelle fois étendre son cadre, cette fois dans une version quantifiée, la gravitation quantique, faisant intervenir des supercordes et des dimensions excédentaires...

Le pressentiment de Newton était donc exact; avec notre curiosité bien naturelle, on ne cessera jamais de chercher ce galet plus lisse ou ce coquillage plus beau que les autres... Notre collection doit être la plus complète, la plus belle, la plus élégante. Mais la plage est vaste, l'univers du Savoir tellement immense. Cette recherche se transforme en une quête du Saint Graal dont on dit le potentiel infini... Notre quête ne fait que commencer.

Portraits au crayon d'Isaac Newton basés sur les peintures réalisés par Kneller. Documents T.Lombry.

Pour plus d'informations

Les oeuvres de Newton

Selected Works about Isaac Newton and his Thought, The Newton project, University of Sussex

Principa (Tome I, Livres I et II à télécharger), UQAC

Principia - Principes mathématiques de la philosophie naturelle, Isaac Newton, préface de Voltaire, Dunod, 2011

Principes mathématiques de la philosophie naturelle (2 vol.), Isaac Newton, Jacques Gabay, 1990/2000

Optique, Isaac Newton, Christian Bourgeois, 1989; Dunod, 2015

De la gravitation, du mouvement des corps, Isaac Newton, Gallimard, 1995

De la gravitation ou les fondements de la mécanique classique, Isaac Newton, Les Belles Lettres, 1985
Ecrits sur la religion, Isaac Newton, Gallimard, 1996

Abrégé de la chronologie des anciens royaumes, Isaac Newton, Ed. Henri-Albert Gosse, 1743

La méthode des fluxions et des suites infinies, Isaac Newton, Albert Blanchard, 1998

Biographies de Newton

Histoire de la physique, Jean Baudet, Vuibert, 2015

Les Bâtisseurs du Ciel. La perruque de Newton (roman, tome 4), Jean-Pierre Luminet, JC Lattès, 2010; Le Livre de Poche, 2011

Newton et les origines de l'analyse : 1664-1666, Marco Panza, Albert Blanchard, 2005

Isaac Newton. Un destin fabuleux, James Gleick, Dunod, 2005

Newton, Marco Panza, Les Belles lettres, 2003

Newton, Richard Westfall, Flammarion, 1994/1998

Les "Principia" de Newton, Michel Blay, PUF Philosophies, 1995

La malle de Newton, Loup Verlet, Gallimard-NRF, 1993

Newton: sa vie, ses écrits et ses découvertes, P. de Rémusat, La Revue des Deux Mondes, 6, 3, 1 déc 1856

The Cambridge Companion to Newton, R.Iliffe, s/dir. G.E. Smith, Cambridge University Press, 2002/2016

Newton's Views on Space, Time, and Motion, Stanford Encyclopedia of Philosophy, 2004/2011

The Iconography of Sir Isaac Newton to 1800, Milo Keynes, The Boydell Press, 2005

300 years of gravitation, Stephen Hawking et Werner Israel, Cambridge University Press, 1989

Newton, the Man (PDF), John M. Keynes, Cambridge University Press, 1947

Lecture (exposé sur "Newton, the Man" de John M. Keynes), Proceedings of the Royal Society Newton Tercentenary Celebrations, 15-19 July 1946

Institutions en relation avec Newton

King's College de Londres

Trinity College de Cambridge

Cambridge University

Cambridge University Library

The Royal Society

Whipple Museum

Abbaye de Westminster

The Newton Project

Bibliothèque Burndy (Collection Babson)

Rare Book and Manuscript Library (Collection David Eugene Smith/U.Columbia)

National Portrait Gallery, London

The National Trust (patrimoine de Woolsthorpe)

Monnaie Royale de Londres

Cambridge et son histoire

The Victorian Web (tout sur l'époque Victorienne, XIXe.s.)

Club nautique OUBC de l'Université d'Oxford (aviron)

Visit Cambridge

Cambridge City Council

Cambridge2000

La plage est vaste, l'univers du Savoir immense.

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