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Astrophysique et Cosmologie
Les découvertes récentes (I) Avec l'avènement de l'astronomie spatiale et la construction de grands télescopes de plus de 8 mètres d'ouverture équipés d'instruments toujours plus sophistiqués (CCD de gigapixels, optique adaptative, spectrographe à champ intégral, etc), les astrophysiciens ont eu l'opportunité d'étudier l'univers à travers tout le spectre des rayonnements, des ondes radios aux rayons X et gamma en passant par les bandes UV, visible et l'infrarouge notamment. Si certaines observations ont renforcé les théories, d'autres ont forcé les astronomes à revoir leurs théories et parfois les modèles existants. Devant l'accumulation des découvertes parfois en désaccord avec les hypothèses de travail ou contredisant d'autres théories, les astrophysiciens ont bien dû constater que l'univers était loin d'être le lieu sombre et figé pour l'éternité qu'on imaginait encore au milieu du XXe siècle. Les astrophysiciens ont découvert que non seulement l'univers est peuplé d'une grande variété d'astres plus ou moins calmes ou turbulents dont on commence seulement à comprendre l'évolution mais également des substances a priori inconnues comme la matière sombre. Ce sont quelques-unes de ces découvertes récentes faites en astrophysique mais dont certaines ont des implications en cosmologie, que nous allons décrire. Certaines d'entre elles feront probablement l'objet de nouveaux articles dès que le sujet se sera étoffé, d'autres ayant déjà été incorporées dans différents articles. En complément, un article a été consacré aux découvertes de Gaia concernant la Voie Lactée et à la découverte des galaxies les plus lointaines. Précisons que toutes les distances mentionnées dans cet article déduites des décalages Doppler (z) sont calculées sur base d'un modèle d'univers plat comme le confirma les résultats du programme H0LiCOW et en tenant compte d'une constante de Hubble Ho = 69.6 km/s/Mpc. Par rapport à d'autres modèles, si la différence de distance est peu sensible pour les galaxies proches, elle dépasse 20% à partir de z ~ 2. ZTF SLRN-2020, l'étoile qui engloutit une planète Dans un article publié dans la revue "Nature" en 2023, l'astrophysicien Kishalay De de l'Institut Kavli d'Astrophysique et de Recherche Spatiale du MIT et ses collègues rapportent la découverte d'une étoile de type solaire qui absorba une planète en libérant une profusion d'énergie. C'est la première fois que des astronomes observent une étoile semblable au Soleil engloutir une planète, une opportunité qui permet d'en savoir plus sur le funeste destin qui s'abattra sur la Terre dans environ 5 milliards d'années lorsque le Soleil se transformera en géante rouge. On y reviendra en détails. Selon De, "Nous savons que cela doit arriver à toutes les planètes qui orbitent à des distances inférieures à celle de la Terre, mais on a considéré qu'il était extrêmement difficile de fournir des preuves expérimentales de ce phénomène [...] Honnêtement, l'une des plus grandes surprises pour moi est d'avoir trouvé la première. L'engloutissement planétaire est une prédiction fondamentale dans notre compréhension des étoiles et des planètes, mais leur fréquence est très incertaine. Donc, trouver un évènement potentiellement rare pour la première fois est toujours excitant." De et ses collègues ont analysé une éruption stellaire cataloguée ZTF SLRN-2020 qui s'est produite en 2020 dans le disque de la Voie Lactée à environ 12000 années-lumière du Soleil, près de la constellation d'Aquila. Les chercheurs ont découvert l'évènement dans les données enregistrées par le Zwicky Transient Facility (ZTF) installé à l'observatoire du Mont Palomar géré par le Caltech. Le ZTF scanne le ciel à la recherche d'éclats fugaces, en particulier d'étoiles dont la luminosité change rapidement, tels que des novae et des supernovae. Au cours de cet évènement, la luminosité de l'étoile a brusquement augmenté d'un facteur 100 en l'espace d'une semaine ! A priori il s'agissait d'une nova, c'est-à-dire d'une explosion stellaire qui se produit généralement lorsqu'une naine blanche accrète l'atmosphère d'hydrogène de sa compagne géante rouge jusqu'à ce que toute sa surface s'enflamme pour ainsi dire dans une gigantesque explosion thermonucléaire mais qui ne détruit pas le système binaire. A
voir : Planetary
Death Spiral, Caltech, 2023
L'analyse spectrale de ZTF SLRN-2020 révéla un phénomène inhabituel. Selon De, "C'est alors que j'ai été surpris de voir que contrairement à une nova, qui est entourée de gaz chaud, cette source était principalement entourée de gaz froid." La plupart du temps, le gaz froid visible dans une telle éruption résulte de la fusion de deux étoiles. En examinant les données recueillies par l'observatoire Keck d'Hawaï, les chercheurs ont découvert des molécules qui ne peuvent exister qu'à des températures très froides. Immédiatement De supposa que le gaz se serait condensé et aurait pu former de la poussière au fil du temps. Environ un an après la découverte initiale et 180 jours après le pic lumineux, de nouvelles analyses spectrales furent réalisées mais cette fois au moyen d'une caméra infrarouge installée à l'observatoire du Mont Palomar. Comme prévu, son spectre proche IR présenté ci-dessus au centre était extraordinairement brillant, affichant des caractéristiques d'absorption atomique et moléculaire similaires à celles de la géante rouge HV 2255 de type M4 III avec des raies moléculaires de H2O, TiO, VO et probablement CO, similaire à celles de la géante HD 108849 de type M7 III. Son spectre ressemblait également à celui de la nova rouge galactique V838 Mon et à celui de la nova rouge lumineuse extragalactique AT2018bwo, bien que tous étaient plus intenses. A l'intensité lumineuse près, cela confirma les soupçons de De selon lesquels "cette source avait en effet formé beaucoup de poussière." Ensuite la luminosité de l'étoile s'estompa lentement dans les six mois pour pratiquement revenir à son état initial. Mais si les raies ressemblaient à celles des novae rouges, la luminosité résultante de l'énergie rayonnée par les éjecta était 100 fois inférieure à celle de n'importe quelle nova rouge connue. Les vitesses caractéristiques d'éjection étaient également inférieures de près d'un ordre de grandeur aux valeurs d'une nova rouge. Les données recueillies par le télescope spatial infrarouge NEOWISE (unWISE) de la NASA suggèrent que la quantité totale d'énergie libérée par l'étoile depuis son explosion initiale était étonnamment petite : environ un millième de l'ampleur d'une fusion stellaire ordinaire. Dans un communiqué du Caltech, De déclara que "Cela signifie que tout ce qui a fusionné avec l'étoile doit être 1000 fois plus petit que toute autre étoile que nous avons vue. Et c'est une heureuse coïncidence que la masse de Jupiter soit d'environ un millième de la masse du Soleil. C'est alors que nous avons réalisé que c'était une planète qui s'était écrasée sur son étoile." Sur
base de la nature de l'explosion, les astronomes ont estimé que l'évènement avait
libéré une quantité d'hydrogène équivalente à environ 33 fois la masse de la Terre,
ainsi qu'environ un tiers de la masse de la Terre de poussière. A partir de ces chiffres,
les chercheurs estiment que l'étoile progénitrice avait entre ~0.8 et 1.5 M Dans quelque 5 milliards d'années, quand le Soleil engloutira la Terre (ce n'est pas certain mais possible), les éventuels observateurs extraterrestres verront un spectacle similaire. Selon Dé, "Si j'étais assis sur une planète à 10000 années-lumière, je verrais essentiellement un flash de lumière similaire provenant du système solaire - un peu atténué par rapport à celui-ci parce que la Terre est beaucoup moins massive qu'une planète comme Jupiter, a priori impliquée dans cet évènement - ce qui place l'importance de cette découverte dans une perspective humaine." Mais cette découverte soulève de nombreuses nouvelles questions. De en cite quelques unes lui venant à l'esprit : "la planète a-t-elle survécu pendant son plongeon ou a-t-elle été anéantie dans la matière stellaire pendant son plongeon ? La planète est-elle entrée en contact avec la surface stellaire à cause de l'expansion naturelle de l'étoile, ou quelque chose la poussa très légèrement vers l'étoile ? Toutes ces questions deviendront claires à mesure que nous obtiendrons plus de données à ce sujet. Nous devrons donc trouver plus d'évènements de ce type dans le futur." Ce sera un peu plus simple qu'auparavant puisque maintenant les astronomes savent à quoi ressemble probablement un engloutissement planétaire. Selon De, le suivi de ZTF SLRN-2020 est loin d'être terminé : "Nous pouvons également revenir dans ce système et voir à quoi ressemble l'étoile. A-t-elle été polluée par la planète ? A-t-elle été mise en rotation à cause de l'éruption énergétique ? Plus important encore, les données elles-mêmes fournissent un point de départ fondamental à la théorie pour essayer de comprendre comment les planètes elles-mêmes affectent leur étoile hôte." Notons que l'exoplanète TOI 2337 b va également se consummer dans son étoile hôte de type solaire dans moins d'un million d'années (cf. S.K. Grunblatt et al., 2022). De possibles galaxies massives à plus de 13 milliards d'années-lumière Des chercheurs ont annoncé dans la revue "Nature" en 2023 avoir découvert de possibles galaxies massives dans l'univers primitif dont les caractéristiques ne s'expliquent pas dans le cadre du modèle cosmologique actuel. Ivo Labbé du Centre d'Astrophysique et de Calcul Intensif (supercomputing) de l'Université de Technologie de Swinburne en Australie et ses collègues ont découvert grâce au JWST six galaxies situées entre 7.4 ≤ z ≤ 9.1 soit à plus de 13 milliards d'années-lumière. Elles se sont formées seulement 540 à 770 millions d'années après le Big Bang et leur masse dépasse 10 milliards de masses solaires, l'une d'entre elles atteignant probablement les 100 milliards de masses solaires. Cette dernière est presque aussi massive que la Voie Lactée mais est 30 fois plus compacte. Selon les chercheurs, c'est trop massif et donc impossible selon les modèles actuels.
Ces premières galaxies ne sont pas en elles-mêmes surprenantes. Les astronomes s'attendaient à ce que les premiers amas stellaires apparaissent peu de temps après les Âges Sombres (après les 400 premiers millions d'années qui suivirent le Big Bang, lorsque seuls les atomes d'hydrogène dominaient l'Univers). Mais les six galaxies découvertes semblent trop grandes et les étoiles trop vieilles selon les modèles actuels. En effet, les caractéristiques de ces objets sont en conflit avec les modèles décrivant l'aspect et l'évolution de l'univers primitif et ne correspondent pas aux observations antérieures faites avec le Télescope Spatial Hubble. Si ces observations sont confirmées, selon Labbé cette découverte "pourrait transformer notre compréhension de la formation des premières galaxies dans notre Univers." Mais avant de déclarer en toute certitude une découverte aussi sensationnelle qui défierait la cosmologie moderne, d'autres observations et analyses de données sont nécessaires. Les chercheurs vérifient donc actuellement leurs résultats pour exclure d'autres explications. Il est en effet possible que leurs hypothèses de travail concernant la structure des galaxies et les caractéristiques déduites des analyses spectrales soient incorrectes, et qu'en réalité ces galaxies sont beaucoup plus légères que ne le suggère l'étude préliminaire, ce qui rendra leurs masses conformes aux modèles. Une autre explication est que ces galaxies ne sont peut-être pas ce que les chercheurs pensent qu'elles sont, mais qu'il s'agit de nouveaux objets qui seraient toujours cohérents avec la théorie cosmologique moderne. Selon Labbé, "une [explication] alternative tout aussi fascinante est que certains de ces objets appartiennent à une nouvelle classe de trous noirs supermassifs émergents, jamais vus auparavant." Selon Erica Nelson, astrophysicienne à l'Université du Colorado et coautrice de cet article, "Une autre possibilité est que ces objets seraient un autre type de quasars faibles, ce qui serait tout aussi intéressant." Selon Joel Leja, astrophysicien et professeur assistant à l'Université de Penn State et coauteur de cet article, "nous nous attendions à ne trouver que de jeunes et petites galaxies mais nous avons découvert des galaxies aussi matures que la nôtre à l'aube de l'Univers. C'est notre première image d'un passé aussi reculé. Il est donc important que nous gardions l'esprit ouvert sur ce que nous voyons. Bien que les données indiquent qu'il s'agit probablement de galaxies, je pense qu'il existe une possibilité réelle que quelques-uns de ces objets soient des trous noirs supermassifs obscurcis. Quoi qu'il en soit, la quantité de masse que nous avons découverte signifie que la masse des étoiles à cette époque de l'Univers est jusqu'à 100 fois supérieure à ce que nous nous attendions. Même si nous réduisons l'échantillon de moitié, cela reste un changement étonnant." Quels que soient ces objets, les nouvelles études en cours auront probablement un impact très sérieux sur nos théories de l'évolution des étoiles, des galaxies et peut-être de l'Univers dans son ensemble, nécessitant un changement significatif dans la compréhension des processus qui se produisirent peu après le Big Bang. Selon Leja, "nous appelons officieusement ces objets des "briseurs d'univers"- et ils sont à la hauteur de leur nom jusqu'à présent." Sans présager de l'explication finale, Labbé confirme que "cette première découverte n'est peut-être que le début d'une transformation dans la façon dont nous donnons un sens au monde qui nous entoure." Mais restons prudents et gardons notre sens critique en éveil avant de conclure prématurement sans plus de données. SPT0418-47, une galaxie très riche en métaux dans l'univers primitif Le doctorant en astrophysique Bo Peng du Département d'Astronomie de l'Université de Cornell à Ithaca et ses collègues ont annoncé dans "The Astrophysical Journal Letters" en 2023, avoir découvert grâce au télescope spatial Jame Webb une galaxie très riche en métaux dans l'univers primitif.
Cette galaxie cataloguée SPT0418-47 se situe à z = 4.225 soit 12.16 milliards d'années-lumière. Elle s'est formée à peine 1.56 milliards d'années après le Big Bang, à une époque où l'Univers avait 10% de son âge actuel. Cette galaxie avait déjà été observée et appartient à la famille des galaxies poussiéreuses ou DOG (Dust-Obscured star-forming Galaxy) en abrégé. Elle compte parmi plus brillantes dans l'univers primitif et semble déjà héberger plusieurs générations d'étoiles. Elle offre également la particularité de former un anneau d'Einstein suite à la déformation de son image par une lentille gravitationnelle située au premier plan mais invisible. Selon Peng, "Cette galaxie est chimiquement super-abondante, ce à quoi on ne s'attendait pas. Le JWST change notre façon de voir ce système et ouvre de nouveaux horizons pour étudier comment les étoiles et les galaxies se sont formées dans l'univers primitif." L'image présentée à droite est celle de l'anneau d'Einstein SPT0418-47 enregistré en 2013 par le réseau ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) de l'ESO. A l'époque, les radioastronomes n'avaient pas réussi à résoudre l'anneau en ses composantes mais les données suggéraient l'existence d'une deuxième galaxie à l'intérieur de l'anneau. En étudiant les données spectrales prises par l'instrument NIRSpec (Near InfraRed Spectrograph) qui fonctionne entre 0.6 et 5 microns du JWST, Peng identifia une nouvelle source lumineuse juste sur le bord extérieur de l'anneau appelée SPT0418-SE-1 (ou composante B) et une deuxième source à l'intérieur de l'anneau appelée SPT0418-SE-2 (ou composante C). Une analyse spectrale plus approfondie confirme que les fortes raies d'émission des atomes d'hydrogène, d'azote et de soufre présentent des décalages vers le rouge similaires. Ensemble, ces deux sources représentent les images de deux galaxies dont la lumière est gravitationnellement amplifiée par celle située au premier plan, bien qu'elles soient 8 à 16 fois plus pâles, soulignant la puissance de la vision infrarouge du JWST. Pour vérifier leur découverte, les chercheurs ont réanalysé les observations antérieures d'ALMA et découvert une raie d'émission du carbone ionisé [C II] correspondant étroitement aux décalages vers le rouge enregistrés par le JWST. L'observation de plusieurs raies d'émission décalées exactement de la même quantité prouve sans équivoque que cette nouvelle galaxie est bien située à la distance calculée. Selon
les chercheurs, "l'abondance du [C II] et du continuum de
poussière indique un taux de formation stellaire - SFR - d'au moins 17 M La galaxie SPT0418-SE-2 se trouve à moins de 5 kpc ou 16300 années-lumière de l'anneau, l'équivalent d'un dizième de la distance qui sépare les Nuages de Magellan du centre de la Voie Lactée. Cette proximité suggère que les deux galaxies sont vouées à interagir et potentiellement même à fusionner, une observation qui ajoute à la compréhension de la façon dont les premières galaxies ont pu évoluer pour en former de plus grandes.
Les deux galaxies présentent une faible masse, SPT0418-SE-2 étant relativement plus petite et moins poussiéreuse, ce qui la rend plus bleue que l'anneau extrêmement obscurci par la poussière. Sur la base d'images de galaxies proches aux couleurs similaires, les chercheurs suggèrent qu'elles pourraient résider "dans un halo massif de matière noire avec des voisines encore à découvrir." Compte tenu de leur âge et de leur masse, le plus surprenant dans ces galaxies est leur métallicité déjà élevée avec des quantités de métaux (les éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium) tels que le carbone, l'oxygène et l'azote similaires à celles du Soleil. Pour rappel, dans le cas du Soleil, il hérita la plupart de ses métaux des générations précédentes d'étoiles qui avaient mis 8 milliards d'années pour les fabriquer. Or nous observons ces galaxies à une époque où l'univers avait à peine 1.56 milliard d'années. Selon Amit Vishwas de l'Université de Cornell et coauteur de cet article, "Nous voyons les restes d'au moins deux générations d'étoiles ayant vécu et mortes au cours du premier milliard d'années d'existence de l'univers, ce qui n'est pas ce que nous voyons généralement. Nous supposons que le processus de formation des étoiles dans ces galaxies a dû être très efficace et commença très tôt dans l'univers, en particulier pour expliquer l'abondance mesurée de l'azote par rapport à l'oxygène, car ce rapport est une mesure fiable du nombre de générations d'étoiles ayant vécu et qui sont mortes." Les chercheurs vont à présent poursuivre l'étude de l'anneau d'Einstein SPT0418-47 et des galaxies compagnes grâce au JWST. La galaxie d'Andromède a survécu à une fusion survenue il y a 2 milliards d'années Une équipe internationale de 48 astronomes a étudié les étoiles de la galaxie d'Andromède, M31, et est arrivée à la conclusion qu'il y a environ 2 milliards d'années, notre voisine galactique connut une fusion mineure. Leur découverte a fait l'objet d'un article publié dans "The Astrophysical Journal" en 2023. Les chercheurs ont utilisé les données spectroscopiques de l'instrument DESI (Dark Energy Spectroscopic Instrument) de NOIRLab installé sur le télescope Nicholas U. Mayall de 4 m de l'Observatoire National du Kitt Peak. DESI est le plus puissant instrument de ce type capable d'enregister plus de 100000 spectres de sources stellaires en une seule nuit. Grâce à cet instrument, les chercheurs ont déterminé avec précision le déplacement d'environ 7500 étoiles de la galaxie M31. Il s'avère que certaines d'entre elles ne sont pas originaires de cette galaxie. Les chercheurs ont conclu qu'il y a environ 2 milliards d'années, la galaxie d'Andromède fusionna avec une galaxie naine. Ce n'était peut-être pas le premier évènement de ce genre dans son histoire, mais on peut encore observer les traces de cette fusion comme illustré ci-dessous.
Cette découverte se fonde sur une théorie appliquée à la Voie Lactée qui connut également plusieurs fusions (mineures et majeures) avec d'autres galaxies (voir page 4 et les découvertes de Gaia). La dernière fusion majeure s'est produite il y a environ 8 à 10 milliards d'années avec la galaxie naine Gaia-Encélade. A cette époque la jeune Voie Lactée était seulement quatre fois plus massive que Gaia-Encélade. La plupart des amas globulaires du halo interne de notre Galaxie remontent à cet évènement. Plus récemment, il y a 4 à 5 milliards d'années, la galaxie naine du Sagittaire (SagDEG) est également entrée en collision avec la Voie Lactée et est en cours de dislocation. On y reviendra. Pour rappel, aujourd'hui la Voie Lactée possède au moins 50 galaxies naines satellites dont les deux Nuages de Magellan et M31 possède au moins 26 galaxies naines satellites dont M32 et NGC 205, sans oublier les nombreux courants galactiques. Certaines de ces galaxies naines finiront par être absorbées par leur galaxie hôte comme ce sera le cas des Nuages de Magellan qui fusionneront avec la Voie Lactée d'ici quelque 2.4 milliards d'années. Sachant cela, depuis quelques années des chercheurs ont proposé que les fusions pourraient être le principal mécanisme de croissance des galaxies. Pour appuyer leur théorie, ils ont présenté des schémas des mouvements des étoiles qui renforcent cette hypothèse. Mais jusqu'à présent, ces étoiles n'avaient pas été observées. La découverte de telles étoiles dans M31 est intéressante car c'est la première galaxie qui permet de valider cette théorie. De plus cela s'est produit beaucoup plus tard que dans la Voie Lactée. Autrement dit, nous observons les conséquences de ce qui s'est passé relativement récemment. L'examen de ces reliques dans la galaxie d'Andromède pourrait aider les astronomes à rechercher des artefacts similaires dans la Voie Lactée. Selon Sergey Koposov, astrophysicien à l'Université d'Edimbourg et coauteur de cet article, "Nous n'avons jamais vu cela aussi clairement dans les mouvements des étoiles, et nous n'avions pas non plus vu certaines des structures résultant de cette fusion. L'image qui en émerge montre que l'histoire de la galaxie d'Andromède est similaire à celle de notre propre Galaxie, la Voie Lactée. Les halos internes des deux galaxies sont dominés par un seul évènement d'immigration." Les chercheurs concluent que "les résultats annoncent une nouvelle ère dans notre capacité à étudier les étoiles à l'échelle galactique et les histoires d'immigration des galaxies." Traces de l'explosion des étoiles de première génération Dans un article publié dans "The Astrophysical Journal" en 2023, le doctorant Andrea Saccardi de l'Observatoire de Paris-PSL et ses collègues ont découvert pour la première fois les traces chimiques laissées par l'explosion d'étoiles de première génération dans des nuages de gaz lointains. Pour rappel, on pense que les premières étoiles qui se sont formées dans l'Univers étaient très différentes de celles que nous voyons aujourd'hui. Lorsqu'elles sont apparues il y a 13.5 milliards d'années, elles ne contenaient que de l'hydrogène et un peu d'hélium. Ces étoiles étaient probablement des centaines de fois plus massives que le Soleil et ont de ce fait rapidement consommé leur stock d'énergie et terminèrent leur vie en supernovae, enrichissant pour la première fois le gaz environnant avec des éléments lourds. Les générations ultérieures d'étoiles sont nées de ce gaz enrichi et ont à leur tour éjecté des éléments plus lourds lorsqu'elles sont parvenues en fin de vie.
Puisque toutes les étoiles de première génération ont disparu depuis des milliards d'années, comment peut-on étudier leur nature ? Selon Stefania Salvadori, professeure associée à l'Université de Florence et coautrice de cet article, "Les étoiles primordiales peuvent être étudiées indirectement en détectant les éléments chimiques qu'elles ont dispersés dans leur environnement après leur mort." En utilisant des données du VLT de l'ESO, les chercheurs ont identifié trois nuages de gaz très éloignés, observés vers z = 4 soit ~12 milliards d'années-lumière, lorsque l'Univers n'avait que 10 ou 15% de son âge actuel, et avec une empreinte chimique correspondant à ce qu'ils attendaient des explosions des premières étoiles. En fonction de la masse de ces premières étoiles et de l'énergie de leurs explosions, ces premières supernovae ont libéré différents éléments chimiques tels que le carbone, l'oxygène et le magnésium, présents dans les couches externes de leur atmopshère. Mais certaines de ces explosions n'étaient pas assez énergiques pour expulser des éléments plus lourds comme le fer, qui ne se forme que dans le cœur des étoiles. Pour trouver le signe révélateur de ces toutes premières étoiles ayant explosé en supernovae de basse énergie, les chercheurs ont donc recherché des nuages de gaz lointains pauvres en fer mais riches en autres éléments. Et ils ont trouvé exactement ce qu'ils espéraient : trois nuages lointains dans l'Univers primitif pauvres en fer mais riches en carbone et d'autres éléments, l'empreinte chimique des explosions des toutes premières étoiles. Cette composition chimique particulière fut également observée dans de nombreuses étoiles très âgées au sein même de la Voie Lactée, des étoiles de deuxième génération qui se sont formées directement à partir des "cendres" des premières. Cette nouvelle étude a donc trouvé de telles cendres dans l'Univers primordial, ajoutant ainsi une pièce manquante à ce puzzle. Selon Salvadori, "Notre découverte ouvre de nouvelles voies pour étudier indirectement la nature des premières étoiles, complétant pleinement les études des étoiles de notre Galaxie". Pour détecter et étudier ces nuages de gaz lointains, les chercheurs se sont servis des quasars comme balise lumineuse. Lorsque la lumière d'un quasar se propage à travers l'Univers, elle traverse des nuages de gaz dont les différents éléments chimiques laissent des raies spectrales dans le spectre de la source lumineuse. Pour trouver ces empreintes chimiques, les chercheurs ont analysé les données de plusieurs quasars observés avec l'instrument X-shooter du VLT. Cette étude ouvre de nouvelles perspectives pour les futurs télescopes géants, en particulier pour l'ELT de l'ESO et son spectrographe à haute résolution et à haute dispersion (ANDES). Grâce à l'ELT et ANDES les chercheurs pourront étudier en détails nombre de ces nuages de gaz avec l'espoir d'enfin découvrir la nature mystérieuse des premières étoiles. Les
premières étoiles atteignaient 100000 M Dans un article publié en préimpression sur "arXiv" (non validé) en 2023, l'équipe de Masaki Kiyuna de l'Université de Kyoto a réalisé des simulations SPH (Smoothed-particle hydrodynamics) à N corps portant sur un phénomène connu sous le nom d'accrétion froide. La SPH ou hydrodynamique des particules lissées permet d'étudier la mécanique des milieux continus, en particulier les écoulements de fluides. Elle est très utilisée en astrophysique. Notons que c'est la même méthode de calcul qui permet de changer l'apparence des objets dans des applications graphiques comme Blender. Les
chercheurs se sont intéressés à la formation des étoiles massives dans l'univers
primitif, quelques centaines de milliers d'années après le Big Bang. Ils ont étudié
la structure du flux d'accrétion et son évolution au sein petits halos gazeux de
106
à 1010
M Pour former de grandes étoiles massives, il faut disposer rapidement de beaucoup de matière dans un très petit volume. Et cela doit se faire sans augmenter la température du gaz car cela l'empêcherait de s'effondrer et former le coeur stellaire. Il faut donc trouver un mécanisme pour éliminer rapidement cette chaleur. Des simulations antérieures avaient montré que des poches denses apparaissaient dans les premières galaxies et se refroidissaient rapidement en raison de l'émission de rayonnement, mais elles n'avaient pas la durée ni la résolution nécessaires pour suivre leur évolution ultérieure. La nouvelle simulation va plus loin en examinant le comportement à long terme des poches denses de gaz froid qui se forment dans l'univers primitif. Ces simulations montrent que l'accrétion froide débute lorsque la masse du halo de gaz dépasse ~22 millions de masses solaires. Elles révèlent que de grands flux de matière froide et dense peuvent se former dans un disque d'accrétion au centre de halos géants de matière. Lorsque le flux d'accrétion frappe le disque compact, il crée des ondes de chocs denses dans une large zone du disque. Ces fronts d'ondes déstabilisent rapidement le gaz qui devient plus dense et plus chaud. Des simulations ont montré que le refroidissement gravitationnel du gaz peut s'accouplir par l'émission Lyman α et cela s'observe dans les AGN, les LAE, etc. (cf. la thèse de H.Atek, 2010). Les
simulations suggèrent que les étoiles de première génération dites de
Population III peuvent être des dizaines de milliers de fois plus massives que
le Soleil, et dans certains cas atteindre 100000 M Les astronomes ne savent pas encore si des étoiles supermassives se sont formées dans l'univers primitif. Ils espèrent que les futures observations du télescope spatial James Webb révéleront des indices sur la formation de ces étoiless et des galaxies et permettront de déterminer si ces astres ont réellement existé dans le jeune univers. Deuxième partie Découverte d'une nébuleuse [O III] près de M31
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