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L'univers des galaxies

Le couple de galaxies IC 1623 ou VV 114 situé dans la Baleine à ~275 millions d'années-lumière en train de fusionner photographié par le JWST. A comparer avec l'image prise par le HST en 2008 (qui couvre un champ quatre fois plus étendu). Document NASA/ESA. Selon Vivan U de l'UCI et ses collègues, ces deux galaxies ne contiendraient pas de trous noirs supermassifs, à moins qu'ils soient cachés ou inactifs.

Les interactions entre galaxies (IV)

En moyenne, il existe une galaxie par 100 Mpc3 d'espace. Toutefois, en vertu de l'expansion de l'Univers et des phénomènes gravitationnels locaux, on estime que 95% des galaxies sont regroupées en couples, groupes, amas et superamas de galaxies. Ainsi, dans ces dernières versions le catalogue SDSS comprend plus d'un million de paires de galaxies. C'est notamment en les étudiant dans le rayonnement X qu'on découvrit les fameux baryons "manquants" qui tissent une partie de l'immense toile cosmique. On y reviendra.

Cela signifie aussi que seuls 5% des galaxies sont isolées dans l'espace, c'est-à-dire qu'il n'existe pas d'autre galaxie à moins de 20 fois leur diamètre optique, ce qui représente en moyenne un rayon de 2 millions d'années-lumière. Ces galaxies du champ sont en fait situées dans des régions non perturbées de vides cosmiques, des "bulles vides" très peu denses probablement formées à l'époque de l'univers primitif. On y reviendra à propos de la formation des amas et superamas de galaxies.

La plupart des galaxies forment donc des systèmes binaires et multiples dont les membres sont soit dynamiquement liés s'ils interagissent gravitationnellement soit animés de mouvements propres. Seuls les groupes de galaxies forment un système en équilibre, c'est-à-dire que les galaxies peuvent être attirées par une zone de forte densité de matière, un puits gravitationnel, mais en vertu de leur vitesse propre, les galaxies vont le traverser pour rejoindre l'extrémité de la région perturbée. C'est par exemple le cas du Groupe Local qui regroupe la Voie Lactée, M31 et M33 et des dizaines de galaxies naines ainsi que du groupe de M81.

Si le système n'est pas en équilibre, les galaxies se déplacent en tout sens et présentent des vitesses de dispersion élevées avec des zones beaucoup plus denses et riches, notamment dans les puits gravitationnels. Dans ce cas, on considère qu'il s'agit d'un amas de galaxies (par ex. l'amas de Virgo ou de Coma). Les perturbations gravitationnelles y sont plus rares et d'intensités plus faibles car les galaxies se déplacent plus rapidement que dans les groupes. Par conséquent, les galaxies d'amas n'interagissent pas suffisamment longtemps pour être fortement perturbées et si elles le sont, il faut plusieurs rencontres rapprochées pour qu'elles fusionnent au terme d'un lent processus qui peut durer plusieurs milliards d'années. On y reviendra.

En revanche, dans un amas de galaxies la friction comme la pression dynamiques externes induites par le gaz chaud peuvent être très élevées avec des effets très violents sur la morphologie des galaxies et donc sur leur évolution à long terme.

Dans le cas où les galaxies sont gravitationnellement liées, elles peuvent entrer en collisions[12]. Mais il ne faut pas concevoir ces collisions comme de gigantesques catastrophes cosmiques. Les étoiles qui constituent une galaxie peuvent être rapprochées des molécules d'une masse gazeuse. Si deux masses de gaz se mêlent il n'en résulte aucune destruction des molécules, elles sont simplement perturbées par la gravitation.

Selon Richard Morris, mathématicien et astronome à l'Université de Durham, qui étudie l'évolution des galaxies depuis 1984, le risque de collisions stellaires est infime, " la probabilité qu'ont deux étoiles de se heurter est inférieure à la probabilité que deux balles tirées par deux soldats ennemis puissent se heurter en plein vol".

C'est un peu ce qui se produit lorsque les galaxies entrent en collision : il y a attraction mutuelle des étoiles et de leur environnement.

A gauche, l'une des premières simulations réalisées dans les années 1970 de la collision de M51 des Chiens de Chasse avec la galaxie NGC 5195 devenue depuis son satellite. Dans ce cas-ci, M51 étant assez massive (~160 milliards de masses solaires), la fusion classée de mineure ne l'a pas démantelée contrairement à la galaxie satellite. A droite du centre, l'aspect que pouvaient avoir M51 et NGC 5195 avant leur interaction. Il s'agit du couple de galaxies NGC 799 et NGC 800 situé dans la constellation de la Baleine, avant la tempête qui va probablement les disloquer toutes les deux. A droite, le couple NGC 5426/27 (Arp 271) situé dans la Vierge ont voici une image prise par le télescope Gemini de 8.1 m. Ces deux galaxies sont séparées de 60000 a.l. Voici un descriptif de leurs interactions. Documents Scientific American/Alar et Juri Tomre/Allen/NOAO, Tony et Daphne Hallas, ESO et Adam Block/Sky Center/U.Arizona.

Lorsque la collision est lente (50-200 km/s) et non frontale, dans la plupart des cas, les bras des galaxies spirales se déforment et certains se transforment en queue de marée. Les nuages de gaz s'enchevêtrent, se condensent et s'effondrent localement sous l'effet de la pression, donnant naissance à des bouffées de nouvelles étoiles. Dans ce cas, on parle de galaxies à sursauts d'étoiles ou Starbursts. Certaines sont à l'origine des galaxies ULIRG qui au terme de leurs interactions se transforment généralement en galaxies elliptiques.

Si les galaxies finissent par se séparer, elles peuvent ne pas trop subir d'influences réciproques et conserver leur physionomie habituelle : M51/NGC 5195, NGC 799/NGC 800 et NGC 5426/27 (Arp 271) présentées ci-dessus, ainsi que NGC 4666/4668, NGC 5394/5395 et NGC 5566/60/69 sont des exemples remarquables. Nous reviendrons sur certaines d'entre elles un peu plus loin.

 A l'inverse, certaines galaxies animées de vitesses propres élevées (200-1000 km/s) accusent un phénomène beaucoup plus violent en réponse aux forces de marée. Elles peuvent s'enchevêtrer par un bras d'étoiles ou entrer en collision par le noyau, devenant méconnaissables, disloquées et ne présentant plus la symétrie habituelle. A la fin du processus, les étoiles gravitant dans le plan du disque sont éjectées sur des orbites aléatoires et chaotiques; c'est la relaxation violente comme l'a bien décrite T. van Albada en 1982.

Parmi les exemples spectaculaires, citons la galaxie irrégulière M82 qui a subi l'attraction de M81 (le "couple" est en fait constitué de 6 galaxies en interactions), NGC 2536/37, NGC 4838/39 surnommée "les Antennes", NGC 5544/45, NGC 6621/2 (VV 247, Arp 81) ou encore NGC 520 alias Arp 157.

Selon la masse, la composition, la vitesses propre et l'orbite de chaque galaxie, elles finissent soit par se séparer au bout de quelques centaines de millions d'années soit elles fusionnent doucement ou violemment au terme de plusieurs milliards d'années d'interactions. On y reviendra.

Les simulations présentées ci-dessous permettent de mieux comprendre ce processus qu'on est parvenu à modéliser depuis quelques décennies avec plus ou moins de succès. Des logiciels de simulation et des vidéos sont présentés en fin de dernière page.

Simulations de galaxies en interactions

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Fusion des halos

et des noyaux

La Voie Lactée

et M31

NGC 4038/39

les Antennes

Documents Joshua Barnes/IfA et John Dubinski/U.Toronto

Dans certains cas, les galaxies s'interpénètrent par le noyau en formant des anneaux galactiques comme le fait de jeter un caillou dans l'eau crée des ondes concentriques. Dans l'espace, le milieu intergalactique présente un comportement similaire à celui d'un fluide.

C'est par exemple le cas de l'objet de Hoag présenté plus bas et situé dans le Serpent dont l'anneau stellaire très bien différencié est exclusivement constitué d'étoiles bleues et chaudes contrastant avec son bulbe central jaune. Citons également l'objet II Herzog 4 situé dans le Lynx formé de deux anneaux ainsi que MCG 6-2-22A ou ESO 350-40 alias la "Roue de la Charrette" (voir ci-dessous) située dans le Sculpteur qui est en interaction avec une petite galaxie et qui tente aujourd'hui de retrouver sa forme spirale.

En revanche, NGC 6166 située au sein de l'amas Abell 2199 présente toutes les caractéristiques d'une galaxie cannibale. Son noyau présente 3 ou 4 condensations très massives en voie de "digestion". C'est également une radiosource qui émet deux jets radios très puissants dans des directions opposées. Il ne s'agit pas d'une galaxie de Markarian, morphologie sur laquelle nous reviendrons à propos des quasars et des galaxies de Seyfert.

La plupart des galaxies en interactions ont été cataloguées par Halton Arp[14] (voir aussi l'Arp Atlas de C.Seligman) qui en fit son principal sujet d'étude mais dont les conclusions suscitèrent quelques controverses que nous prendrons le temps d'examiner.

Parmi les galaxies en interactions tirant de longues appendices dans l'espace, citons NGC 4038-39 "les Antennes", UGC 10214 et NGC 4676 "les souris" présentées ci-dessous.

A lire : Simulation des naissances d'étoiles lors de fusions entre galaxies, CNRS, 2010

Tides in colliding galaxies, P.-A.Duc/F.Renaud, Caltech, 2012

Ci-dessus à gauche, NGC 4650A. A droite, NGC 2207 et IC 2163. Ci-dessous à gauche, MCG 6-2-22A alias ESO 350-40 surnommée la "Roue de la charrette", NGC 5426/27 et NGC 3314A/B. Documents NASA/ESA/STScI et Gemini Obs.

Ci-dessous, NGC 2442, NGC 4038-39 "les Antennes", UGC 10214 et NGC 4676 "Les souris". Documents NASA/ESA/STScI.

Dans certains cas, même des galaxies séparées de 60000, 100000 ou même 160000 années-lumière comme c'est respectivement le cas de NGC 799/NGC 800 présentée un peu plus haut, NGC 4666/NGC 4668 ou NGC 474/NGC 470 présentée plus bas, subissent des effets gravitationnels mutuels ayant pour effet d'engendrer des bouffées de nouvelles étoiles et même des "supervents" stellaires.

Comme on le voit ci-dessous à gauche, le couple M81/M82 présente également une grande boucle de marée baptisée "Arp-Loop" suite à leurs interactions avec NGC 3077. Cette structure très diffuse qui est à peine discernable en lumière visible et en UV est surtout apparente dans le rayonnement radioélectrique de l'hydrogène neutre (HI). Ainsi qu'on le constate, une quantité importante de la masse gazeuse a été transférée d'une galaxie à l'autre.

On observe un phénomène similaire autour de la galaxie spirale NGC 5907 présentée ci-dessous à droite dont la structure en boucle résulte vraisemblablement de l'interaction avec une petite galaxie naine qui a perdu la plus grande partie de sa matière dans le halo galactique. Un phénomène de même nature se produit dans la Voie Lactée avec la galaxie naine elliptique du Sagittaire (SagDEG) qui est associée au courant du Sagittaire formant une immense boucle très peu dense autour de la Voie Lactée.

A gauche, la boucle de marée Arp-Loop bien visible dans le rayonnement de l'hydrogène neutre (HI) dans l'interaction qui unit les galaxies M81 (centre), M82 (au-dessus) et NGC 3077 (en dessous à gauche), comparée à l'image visible dont voici l'agrandissement du champ obtenue par Jordi Gallego avec une lunette Takahashi FSQ-106N f/5 équipée d'un caméra CCD SBIG STL-11000M. Temps d'intégration total de 12 heures. Notez que le gaz HI s'étend deux fois plus loin que la structure visible des galaxies. A droite, les boucles de marées photographiées en lumière blanche autour de la galaxie NGC 5907. Elles ont vraisemblablement été formées par l'accrétion d'une petite galaxie naine sphéroïde voici plusieurs milliards d'années (cf. Martinez-Delgado, ApJ, 2010). Documents NRAO/VLA, Jordi Gallego et Jay GaBany.

Cette influence à si longue distance n'est pas étonnante pour une galaxie de bonne taille. Si nous prenons le cas de la Voie Lactée, avec ses 200 à 400 milliards d'étoiles et sa masse estimée entre 700 et 850 milliards de masses solaires dans un rayon d'un million d'années-lumière, son champ gravitationnel est sensible dans un rayon d'au moins 2.5 millions d'années-lumière autour du noyau, au point d'influencer M33 et M31. Et c'est également l'effet de cette gravité qui va conduire à la funeste destinée de ces galaxies.

Nous verrons que dans le cas de la Voie Lactée, en pénérant trop profondément dans son champ gravitationnel, plusieurs galaxies naines sphéroïdales satellites ont subi une compression de leur gaz qui fut à l'origine d'un sursaut temporaire de formations stellaires mais qui les anémia totalement ensuite. C'est notamment le cas des galaxies naines Draco I et Leo I.

Fusion des Nuages de Magellan avec la Voie Lactée

Marius Cautun de l'Université de Durham et ses collègues dont le cosmologiste Carlos S. Frenk ont publié en 2018 dans les "MNRAS" les résultats d'une étude portant sur huit simulations de la fusion entre les deux Nuages de Magellan (LMC et SMC) et la Voie Lactée. La "collision" devrait se produire dans ~2.4 milliards d'années (probabilité de 68%).

Des simulations hydrodynamiques des fusions de galaxies dans un modèle ΛCDM ont été réalisées dans le cadre du projet EAGLE (Evolution and Assembly of GaLaxies and their Environments). Les galaxies sont représentées par des sphéroïdes, c'est-à-dire un disque dont les étoiles ne se déplacent pas et un petit bulbe. La Voie Lactée est représentée par 5x104 étoiles et ~105 particules de matière sombre tandis que le LMC comprend 20 fois moins de masse stellaire et contient 4 fois moins de matière sombre dans son halo. Si cela ne correspond pas aux observations, selon Cautun les résultats sont similaires.

Ces simulations montrent que suite à la fusion du LMC avec notre Galaxie, la masse du trou noir supermassif de la Voie Lactée sera multipliée entre 1.5 et 8. Le halo stellaire de la Voie Lactée subira une transformation toute aussi impressionnante, devenant 5 fois plus massif. Toutefois, un nombre non négligeable d'étoiles principalement originaires du LMC seront éjectées du halo. Selon Cautun, il y a une petite probabilité que le système solaire subisse les effets de cette collision et que nous soyons éjectés de la Voie Lactée.

A voir : EAGLE simulation

Évolution des galaxies et de leurs environnements

A gauche, résultat de 8 simulations ou analogues de l'évolution de la masse du trou noir supermassif de la Voie Lactée avant et après la fusion (à t=0.0) de notre Galaxie avec le Grand Nuage de Magellan (LMC). A droite, la relation entre la masse du trou noir supermassif de la Voie Lactée et la masse stellaire du sphéroïde. La relation pour un échantillon de galaxies externes (cf. Savorgnan et al. 2016) est indiquée par des cercles bleus; les valeurs actuelles pour la Voie Lactée et M31 sont indiquées respectivement par l'étoile noire et le carré noir. La ligne continue est la loi de puissance la mieux adaptée à la relation moyenne. Les erreurs de mesure ne sont pas affichées par clarté mais furent prises en compte. Les étoiles oranges montrent l'évolution les résultats des simulations (la distribution des analogues Voie Lactée-LMC). Documents M.Cautun et al. (2018).

Les simulations montrent également que le coeur de la Voie Lactée subira une forte activité typique des AGN peu avant et après la fusion du fait de la forte augmentation de la masse du trou noir supermassif central. Dans ces simulations, les AGN d'une luminosité bolométrique (niveau d'énergie intégrale à travers tout le spectre) d'au moins 1043 erg/s sont actifs pendant 15 à 40% du temps, la fraction la plus élevée (30-40%) correspondant aux trous noirs présentant le taux de croissance le plus élevé, c'est-à-dire les trous noirs dont la masse est multipliée entre au moins 2.5 et 8 fois la valeur initiale.

Selon les simulations, en moyenne, au cours des 3 prochains milliards d'années, la masse stellaire de la Voie Lactée augmentera de 7% mais le rapport bulbe/disque de la Voie Lactée restera constant pendant la fusion du LMC. Autrement dit, la croissance de la masse stellaire au cours de la fusion sera distribuée proportionnellement entre les deux composants. Ce type de fusion galactique entraîne une croissance significative de la masse du trou noir supermassif de la Voie Lactée mais sans augmenter la masse du sphéroïde.

Mais une autre fusion majeure attend la Voie Lactée, la fusion avec la galaxie d'Andromède, M31, qui promet d'être très spectaculaire !

La collision entre la Voie Lactée et M31

Dans l'interaction qui lie la Voie Lactée à M31 et M33, en 2019 le satellite Gaia de l'ESA permit de confirmer que M33 est bien attirée vers M31 mais M31 s'approchera plus tard que prévu de la Voie Lactée.

Première étape : le frôlement

Actuellement M31 et son cortège de galaxies naines satellites dont on dénombre 26 membres significatifs suivent une trajectoire non pas de collision mais de frôlement avec la Voie Lactée à une vitesse de 116 km/s soit 417600 km/h.

Déplacements de la Voie Lactée, M31 et M33 d'ici 2.5 et 4.5 milliards d'années. Document ESA/Gaia/STScI adapté par l'auteur.

Les simulations montrent que dans un premier temps le rapprochement des deux galaxies ne produira pas le chaos violent qu'on supposait initialement, du moins à grande échelle. Il ne s'agira pas d'une collision frontale mais les deux galaxies se frôleront au plus près dans 4.5 milliards d'années (et non dans ~3 milliards d'années comme l'estima John Dubinski en 2006 ni dans 3.9 milliards d'années comme on l'estima en 2012), ce qui provoquera malgré tout de sérieuses perturbations gravitationnelles.

Comme on le voit dans le schéma présenté à gauche, dans 2.5 milliards d'années, la Voie Lactée, M31 et M33 seront à peu près équistantes, séparées mutuellement de ~1.3 million d'années-lumière (cf. ce schéma) puis M33 s'écartera temporairement du groupe. Dans environ 4.5 milliards d'années soit 600000 ans plus tard que prévu, la Voie Lactée et M31 effectueront leur premier passage rapproché à une distance de ~400000 années-lumière. Les trois galaxies continueront ensuite à se rapprocher.

 Pendant la phase de frôlement de la Voie Lactée et de M31 qui aura lieu dans plus de 5 milliards d'années, les orbites de milliards d'étoiles seront perturbées, entraînant avec elles des milliards d'exoplanètes et de petits corps dans une course folle où certains astres seront éjectés violemment de leur orbite. Ailleurs les exoplanètes subiront l'assaut de milliers d'astéroïdes et de comètes pendant des millions d'années qui ne laisseront que des paysages dévastés derrière eux.

Les bras de la Voie Lactée et de M31 contenant encore beaucoup de gaz, ces nuages finiront par s'entremêler et entrer en collision, créant un peu partout des poches de haute densité qui en se refroidissant seront proprices à leur effondrement gravitationnel. Ces nuages vont se densifier, attirer de plus en plus de gaz et de poussière, devenir opaques et se transformer en proplydes avant de donner naissance à de nouveaux systèmes stellaires. Ainsi, progressivement et durant plus d'un milliard d'années des milliers de nébuleuses brillantes (régions HII), obscures et de réflexion se formeront dans le ciel qui s'embrasera de millions de nouvelles étoiles nées de ce chaos.

Notons qu'entre-temps, le Soleil sera passé discrètement par la phase de géante rouge puis d'étoile naine et se sera éteint, ajoutant sa masse à la matière sombre.

Simulation de la collision entre la Voie Lactée et M31. Le processus s'étend sur 7 milliards d'années. Document R.van der Marel et al.(2012)/STScI/NASA.

Dans un rayon de 1 million d'années-lumière, la Voie Lactée et six de ses galaxies naines proches représentent aujourd'hui environ 1400 milliards de masses solaires et autant pour M31 auxquels il faut ajouter plus de 50 galaxies naines satellites pour la Voie Lactée et 26 galaxies satellites pour M31. Dans un tel environnement, un frôlement un peu trop rasant risque potentiellement d'affecter environ 2500 milliards d'étoiles et autant de masses solaires, ce qui représente 2500 fois la masse de la galaxie "Sombrero" M104. Leurs interactions pourraient donc avoir des effets sévères dans un halo combiné qui pourrait s'étendre sur plusieurs centaines de milliers d'années-lumière, faisant de ce couple galactique en interactions un objet très respectable de l'Univers.

Selon l'endroit où les deux galaxies vont se frôler et l'ampleur des interactions gravitationnelles ainsi que des effets de marée, le combat contre les éléments risque localement d'être insignifiant ou très violent. Dans ces temps futurs, si le Soleil reste à bonne distance du bulbe de chaque galaxie, on peut supposer que le ciel nocturne ne sera pas nécessairement plus brillant qu'aujourd'hui et nous ne devons pas nous attendre à des effets particulièrement néfastes pour la survie de l'humanité si elle existe encore à cette époque. Le ciel nocturne sera toutefois beaucoup plus beau, scintillant de milliards d'étoiles supplémentaires et de centaines de nouvelles nébuleuses. Le Soleil restera également à l'écart de l'influence du trou noir supermassif de Sgr A* et de celui de M31.

En revanche, si un bras spiralé de la galaxie d'Andromède se rapproche tout près de l'Eperon d'Orion de la Voie Lactée, quelques milliards d'étoiles risquent de se rapprocher jusqu'à quelques années-lumière du système solaire. Dans ces conditions les nuits sur Terre pourraient être lumineuses (mais rappelons qu'à cette époque le Soleil se sera transformé en étoile naine et sera pratiquement mort). Mais dans ce cas, le Soleil sera également victime de l'effet gravitationnel généré par cet ensemble d'étoiles très compact et il risque d'y avoir des perturbations catastrophiques pouvant aller jusqu'à l'éjection du Soleil hors de son orbite autour de la Voie Lactée. Quant à la Terre, après un tel coup de fronde elle pourrait devenir une planète errante et finir par mourir de froid, sans atmosphère et stérile, irradiée par les rayons cosmiques. Mais relativisons cet évènement car si la Terre n'est pas grillée à l'époque où le Soleil se transformera en géante rouge, dans tous les cas en l'absence de la chaleur du Soleil, la Terre finira par devenir une planète inhabitable, froide et stérile, bien avant que survienne cette "collision" avec M31.

Que deviendront ces deux galaxies ? On peut craindre que ce frôlement d'ampleur astronomique épuise littéralement une des deux voire les deux galaxies ou les disloque. Dans un autre scénario, une proportion importante du gaz interstellaire pourrait être arrachée aux deux galaxies et soit contribuer à former des queues de marée soit augmenter la masse du halo et de la matière sombre de l'une ou l'autre galaxie.

Ensuite, la situation deviendra réellement chaotique.

A voir : Milky Way vs Andomeda As Seen from Earth

Galaxy Collision- The Milky Way vs Andromeda!

Simulations de la collision entre la Voie Lactée et M31 qui débutera dans ~3 milliards d'années. A gauche, en 1997 John Dubinski réalisa une simulation qu'il améliora en 2003 notamment grâce à un cluster Beowulf de 512 processeurs sur lequel il programma un algorithme de perturbations à N corps calculant les positions d'environ 300 millions de particules-tests. Les étapes sont séparées de 170 millions d'années. A droite, la même simulation reprogrammée en 2006 en couleurs. La galaxie elliptique résultante n'est totalement relaxée que 7 milliards d'années après le début de l'interaction. Cliquez ici pour charger une animation (.mpeg de 1 MB). Documents John Dubinski/U.Toronto. Lire aussi J.Dubinski (2008).

Deuxième étape : la collision-fusion

Dans une étude publiée dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2021 (en PDF sur arXiv), l'astrophysicien Riccardo Schiavi de l'Université de Rome et ses collègues ont prolongé la simulation de l'interaction entre la Voie Lactée et M31 pour voir ce qui arrivera au trou noir supermassif que chaque galaxie abrite en son coeur.

Selon les résultats de cette simulation à N corps, la Voie Lactée et M31 se frôleront dans environ 4.3 milliards d'années. Ensuite, au terme d'un mouvement de va-et-vient comme un danseur avec sa ballerine, environ 6 ou 7 milliards d'années plus tard la relaxe des deux galaxies les transformeront en galaxies lenticulaires poussiéreuses. Enfin, au terme de leur fusion, elles formeront une nouvelle galaxie elliptique géante d'environ 2.6x1024 M. C'est ce que les simulations de John Dubinski avaient déjà montré en 1997 puis en 2008 et qui furent notamment confirmées par les simulations du STScI en 2012 (voir ci-dessous) et par une étude d'Alister Graham de Swinburne Astronomy Online publiée en 2023. On y reviendra en dernière page.

En bonne anthropocentrique, en mars 2007 l'astronome et écrivaine Pamela L. Gay de l'Université du Texas à Austin surnomma cette galaxie géante "Milk-dromeda" (contraction de Milky Way et Andromeda) lors d'un podcast sur "Astronomy Cast" (séq. 6:06), néologisme qui se transforma rapidement en "Milkomeda" (cf. Cox et Loeb, 2008). Mais un observateur extérieur aurait pu la surnommer "Andromilka" vu la masse plus importante de la galaxie d'Andromède.

Troisième étape : la fusion des trous noirs supermassifs

Ensuite, les trous noirs supermassifs de chaque galaxie vont s'attirer mutuellement, commençant par graviter autour de leur centre de masse commune pour finir par fusionner 17 millions d'années plus tard. Juste avant leur fusion ou coalescence, les deux trous noirs émettront des ondes gravitationnelles dont l'intensité sera équivalente à 10 quintillions de soleils (1031) soit 108 fois plus puissante que l'évènement historique GW150914 détecté par LIGO en 2015. Toute civilisation située dans le Groupe Local dans un rayon de 3.25 millions d'années-lumière disposant d'un détecteur d'ondes gravitationnelles comparable à LIGO sera capable d'enregistrer cet évènement.

Bien que Schiavi et ses collègues proposent une simulation, elle est peu détaillée par rapport aux précédentes. La simulation ci-dessous fut réalisée en 2012 par l'équipe de Roeland van der Marel, astronome au STScI. Ce n'est peut-être pas la plus précise car on ignore les caractéristiques d'un grand nombre d'étoiles, notamment leur vitesse propre, et l'effet de la matière sombre, mais c'est probablement l'une des plus détaillées réalisées à ce jour. La simulation démarre à l'époque actuelle en présence de M33 jusqu'à la fusion complète de la Voie Lactée avec M31. On constate la formation de queues de marée autour de chaque galaxie ainsi que de coquilles multiples, des structures à grande échelle qu'on retrouve régulièrement dans les galaxies en interactions. On y reviendra.

A voir : Milky Way and Andromeda Galaxies Collision Simulated, STScI, 2012

Extraits d'une simulation de la collision entre la Voie Lactée et M31 réalisée en 2012 par des chercheurs du STScI à partir des données du Télescope Spatial Hubble. A gauche, M31 est à gauche, la Voie Lactée à droite et M33 est en dessous. A droite, le début de la fusion des deux galaxies dans 5.46 milliards d'années. Notez le changement de couleur de la galaxie elliptique qui témoigne qu'elle a perdu le gaz présent dans le disque des galaxies spirales originelles.

Selon van der Marel qui n'a pas participé à cette étude, l'estimation de Schiavi et ses collègues de la date de fusion de Milkomeda "est un peu plus longue que ce que d'autres équipes ont trouvé. Cependant, cela pourrait être dû en partie à l'incertitude dans la mesure de la vitesse d'Andromède dans l'espace."

A ce jour, étant donné que nous ne disposons pas des données individuelles (masse et vitesse) des centaines de milliards d'étoiles contenues dans chacune des galaxies, aucun ordinateur ne peut simuler ce phénomène en détails et certainement pas nous dire exactement quelle sera la densité stellaire dans la banlieue du Soleil ni quels seront les effets gravitationnels dans cette région. Pour le reste, tout indique qu'on ne pourra pas échapper à la fusion des deux galaxies.

Les galaxies à coquilles multiples

En 1977, David Malin de l'Observatoire Anglo-Australien (AAO) découvrit que la galaxie elliptique NGC 3923 était constituée de 25 coquilles concentriques dont la plus éloignée se trouve à 180 kpc du centre. Intrigué par cette structure, il se passionna pour le sujet.

En collaboration avec Dave Carter, David Malin trouva les mêmes structures autour d'autres galaxies elliptiques normales comme NGC 474 (Arp 227) mais également autour d'elliptiques anormales comme NGC 5128 alias Centaurus A, NGC 7070A et plus récemment autour de PGC 6240 alias AM 0139-655 et NGC 7252 (Arp 226)[13] présentées ci-dessous.

En 1983, Malin et Carter publièrent dans "The Astrophysical Journal' un catalogue de 137 galaxies elliptiques présentant ce type de coquilles. Il est par contre très difficile d'observer des coquilles dans des galaxies à disque (spirales). Mais grâce à Gaia, on en a finalement découvert en 2020 dans la Voie Lactée (cf. la Fusion Radiale de la Vierge).

Entre-temps, en 1980, suite à des simulations réalisées par François Schweizer et Peter Quinn, les astronomes découvrirent que les galaxies a priori elliptiques développaient non seulement de petits bras spiraux ténus et des filaments mais présentaient également des coquilles pouvant être le résultat de collisions entre galaxies.

Cette hypothèse fut confirmé à plusieurs reprises et notamment en 2013 suite à l'observation des coquilles multiples de la galaxie NGC 474 et leur simulation par Pierre-Alain Duc et les astronomes du département d'Astrophysique du CEA.

A lire : Etude des galaxies à coquilles (thèse), J.-L.Prieur, 1988

Ci-dessus à gauche, NGC 3923 (le champ s'étend sur 8'10", voici une photo de la partie centrale). Au centre, le couple NGC 474/NGC 470 alias Arp 227 photographié avec la mégacam du CFHT révélant la couleur bleue des coquilles. Voici une photo prise par Stephen Leshin avec un télescope RCOS 368 mm de f/9. A droite, NGC 3310. Ci-dessous à gauche, NGC 5128. Au centre, PGC 6240. A droite, NGC 7252 dont voici une photo du noyau. Documents CGS Survey, CFHT/Coelum, A.Block, M.Lorenzi et al. et NASA/ESA/STScI.

Ces coquilles sont en général plus bleues que le noyau de la galaxie parente et présentent une faible masse lumineuse. Ainsi pour NGC 1344, l'indice de couleur B-V = 1.2 et B-H = 3.07 contre B-R = 1.60 pour le corps principal et B-H=3.84 pour le noyau. Ces coquilles ont donc la couleur du disque d'une galaxie à disque.

D'autres études conduites par l'équipe de Fort en 1985 ont confirmé cette conclusion. Les études photométriques ont montré que les coquilles internes étaient plus bleues que le reste de la galaxie et présentaient un type spectral équivalent variant entre F9 et K0, typique du disque des galaxies à disque comme le montra F.Schweizer en 1976. On peut donc supposer que ces galaxies ont absorbé des galaxies spirales.

Cette hypothèse nous permet d'introduire le problème de fond reliant tous ces exemples : comment peut-on expliquer les fusions de galaxies, c'est-à-dire existe-t-il une théorie expliquant précisément ce qu'on observe et grâce à laquelle on pourrait simuler ces différents types d'interactions ? La réponse est positive.

Les fusions de galaxies : la théorie des mergeurs

Ainsi qu'on le constate à travers les différentes photographies, les fusions de galaxies peuvent prendre une infinité d'aspects et impliquer des structures aussi différentes que des galaxies spirales, des elliptiques, des radiogalaxies et autres quasars.

Dans certains cas, la matière est bien visible dans les queues de marée, les bras et le bulbe des galaxies en interactions, mais dans d'autres cas, une partie du gaz dispersé dans les queues de marée ou le halo n'est détectable qu'en infrarouge, en rayonnement X ou au radiotélescope et met en lumière pourrait-on dire toute la difficulté de comprendre les mécanismes sous-jacents et donc de prévoir leur évolution.

L'évolution des galaxies par fusions. Document T.Lombry inspiré de Pearson.

La classification des fusions de galaxies

Pour voir plus clair dans cette diversité et tenter d'y déceler une évolution cohérente, les fusions de galaxies ont été classées en différentes catégories, la première étant basée sur leur dimension :

- La fusion majeure se produit entre deux galaxies à disque (spirales) présentant à peu près la même taille et la même masse. Ce sont des collisions spectaculaires qui entraînent généralement la dislocation des galaxies en interactions. Cette fusion peut engendrer une phase quasar, AGN ou radiogalaxie comme l'illustre le schéma présenté à droite. Lorsque les deux structures ont fusionné et sont relaxées, la plupart du temps la nouvelle galaxie devient elliptique et abrite un trou noir supermassif (souvent préexistant dans l'une ou les deux galaxies ayant fusionné).

La taille des protagonistes ou "mergeurs", (de l'anglais "merger" signifiant "fusionneur") varie entre la galaxie naine et la galaxie géante, soit un rapport qui varie de 1 à 1000 et même supérieur si on considère les cas extrêmes. Enfin, il existe des fusions entre couple de galaxies (binaires) et des fusions multiples.

- La fusion mineure se produit entre deux galaxies de taille et de masse différentes. Ce sont les collisions les plus nombreuses. En raison de la forme de la fonction de luminosité d'une galaxie qui augmente pour les faibles luminosités, les interactions impliquent plus fréquemment une galaxie et une galaxie naine satellite. Toutefois, même ces petits mergeurs peuvent produire un impact spectaculaire sur l'évolution d'une galaxie.

Des fusions mineures se produisent fréquemment et on peut même en observer en analysant l'environnement de notre propre Galaxie. En effet, la Voie Lactée est entourée d'au moins 50 galaxies connues dont une majorité de galaxies naines, les plus grandes étant les deux Nuages de Magellan, deux galaxies irrégulières.

Les plus petits mergeurs (par exemple Eridanus 1, Horologium 1 et Reticulum 2) sont des milliards de fois plus pâles que la Voie Lactée et certains ne sont composés que de 5000 étoiles. Il va de soi que leur impact ressemble à une brise légère, ce qui explique leur découverte récente.

Statistiquement, toutes les grandes galaxies subissent au moins une fusion mineure en 9 milliards d'années. Si les plus anciens évènements ont été dilués au fil du temps, les collisions remontant entre 500 millions et 2 milliard d'années sont encore visibles dans les galaxies sous forme de régions plus denses, d'irrégularités dans la distribution ou la vitesse des étoiles, un disque galactique gauchi ou troué, des bras déformés ou formant un anneau, par la présence de noyaux multiples ou encore d'ondes de choc accompagnées d'une profusion de jeunes étoiles. Un bel exemple récent est la fusion d'une galaxie naine avec la galaxie d'Andromède, M31, survenue il y a 2 milliards d'années dont on peut encore observer la trace dans le déplacement de quelques milliers d'étoiles. On y reviendra à propos des découvertes récentes.

A gauche, la galaxie "Sombrero" M104 photographiée en LRGB par Utkarsh Mishra, Michael Petrasko et Muir Evenden au moyen d'un astrographe Dreamscope newtonien de 400 mm f/3.7 équipé d'une caméra CCD FLI Proline 16803. Le temps d'intégration total est de 10 heures. La photo fut primée en 2022 par les Musées Royaux de Greenwich (cf. RMG). C'est l'une des rares images révélant les courants stellaires très pâles créés au cours d'une fusion mineure lorsqu'une galaxie naine entra en collision avec M104. A droite, NGC 7174 (S) et NGC 7176 (E) du groupe compact Hickson 90 (HCG90). Il s'agit de la combinaison d'images prises par le Télescope Spatial Hubble en RGBI (cf. APOD) et traitées par Oliver Czernetz. Trois galaxies sont en interactions (dont deux visibles, comprenant une galaxie spirale poussiéreuse étirée et déformée au centre de l'image, et deux grandes galaxies elliptiques). A long terme, la rencontre rapprochée déclenchera une explosion de formations d'étoiles qui se terminera par la fusion du trio en une seule grande galaxie elliptique. Situé à ~100 millions d'années-lumière dans la constellation du poisson austral, HCG90 s'étend sur ~40000 années-lumière.

Les astrophysiciens ont également classé les fusions de galaxies sur base sur la composition des mergeurs, les structures galactiques en interactions comprenant plus ou moins de gaz et d'étoiles dont on peut modéliser les effets gravitationnels comme on le ferait avec un système régi par les lois de la mécanique des fluides ou de la thermodynamique :

- La fusion mouillée (wet merger) concerne les galaxies riches en gaz, également appelées les galaxies bleues. Ce type de mergeur apporte une grande quantité de gaz et d'étoiles à la galaxie résultante, transformant celle-ci en galaxies elliptiques ou en AGN (galaxie de Seyfert, etc).

- La fusion sèche (dry merger) concerne les galaxies pauvres en gaz, également appelées les galaxies rouges. La galaxie résultante est une elliptique ou une irrégulière.

- La fusion humide (damp merger) est un stade intermédiaire entre les fusions mouillée et sèche. Ce type de mergeur peut générer des bouffées de nouvelles étoiles mais très peu d'amas globulaires.

- La fusion mixte concerne la fusion d'une galaxie riche en gaz (bleue) avec une galaxie pauvre en gaz (rouge).

A voir : Galaxy Collisions - Simulation vs Observations, STScI

NASA supercomputer simulation of colliding galaxies

Galaxy Collision, ESO/NCSA

Quatre fusions majeures générant un anneau extérieur et des bouffées d'étoiles bleues. De gauche à droite, le couple de galaxies Arp 273 alias UGC 1810, Arp 147, Arp 148 et l'objet de Hoag. Documents NASA/ESA/STScI.

Dans tous les cas de fusions, qu'elle soit douce ou violente, l'impact du mergeur contribue à l'augmentation de la masse de la galaxie résultante. La plupart du temps, au terme du processus, cela se solde par une augmentation de la masse stellaire et le cas échéant de celle du trou noir central qui peut devenir supermassif (des millions de masses solaires) en moins d'un milliard d'années.

Validation de la théorie du "baby-boom" stellaire

Dans un article publié dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2019, l'équipe de Lingyu Wang du SRON des Pays-Bas a validé l'hypothèse du "baby-boom" des étoiles dans les galaxies en cours de fusion.

Les chercheurs ont analysé la nature de 200000 galaxies. Ils ont trouvé jusqu'à deux fois plus d'explosions stellaires dans les galaxies en cours de fusion ou fusionnées que dans les galaxies ordinaires. En raison de la taille de leur base de données, l'équipe a exploité l'intelligence artificielle (IA) en mettant au point un algorithme d'apprentissage automatique (machine learning) capable d'identifier les galaxies en cours de fusion. Selon William Pearson coauteur de cet article, l'avantage de l'IA est d'améliorer la reproductibilité de ce type d'étude car l'algorithme est cohérent dans ses définitions des fusions. Il pourra ainsi prochainement être appliqué à l'étude d'un milliard de galaxies.

Des galaxies en interactions à trois stades différents de leur fusion : avant, pendant et après. A gauche, IC 2184 surnommée le "V volant". Il s'agit de deux galaxies vues de profils situées dans la constellation de la Girafe (Camelopardalis). Elles sont entourées par les résidus de deux queues de marée composées de gaz et de poussière. On distingue également des bouffées d'étoiles bleues nées durant le processus de fusion majeure et mouillée. A gauche du centre, Arp-Madore 2026-424 située à 704 millions d'années-lumière en cours de fusion. Les disques de gaz, de poussière et les étoiles des deux galaxies sont rejetés vers l'extérieur, formant temporairement un anneau bleuté dans lequel on assiste à une intense formation d'étoiles. Il s'agit d'une fusion majeure mouillée. A droite du centre, la galaxie spirale NGC 922 ou ce qu'il en reste située à 150 millions d'années-lumière dans le Fourneau. Mesurant envion 75000 années-lumière de diamètre, elle présente un nombre impressionnant de régions H II résultant d'une fusion mineure mouillée survenue il y a environ 300 millions d'années. La galaxie est en train de reformer plusieurs bras spiralés ainsi qu'un anneau extérieur. A droite, NGC 7049. Cette galaxie anémiée, à la limite de la spirale et de l'elliptique, doit son aspect particulier à des collisions récentes avec plusieurs galaxies résultant d'une fusion majeure humide qui expulsa la plus grande partie de sa masse gazeuse. La structure est relaxée et la galaxie contient peu d'amas globulaires. Elle se situe à 150000 années-lumière dans la constellation australe de l'Indien (Indus) et fait partie du triplet de l'Indus (NGC 7029, NGC 7041 et NGC 7049). Documents NASA/ESA et NASA/ESA/STScI.

Aujourd'hui, l'intelligence artificielle est devenue un outil indispensable aux chercheurs. Même les projets de science citoyenne tels que le "Galaxy Zoo" ne peuvent pas traiter des ensembles aussi vastes de données. L'appel à l'IA est une étape importante dans la recherche en astrophysique.

M31 et M32p

La galaxie d'Andromède M31, alias NGC 224 est connue pour être escortée par deux galaxies satellites brillantes, M32 d'aspect compact et NGC 205 de forme elliptique située un peu à l'écart. Nous reviendrons sur la forme de M31 à propos des découvertes récentes.

Illustration de la galaxie d'Andromède démantelant la grande galaxie M32p, fusion majeure qui aboutit finalement à la formation de M32 et à un halo géant d'étoiles. Document Richard D'Souza.

Comme c'est le cas de la plupart des galaxies, les scientifiques savent depuis longtemps que le halo entourant M31 contient les restes de fusions galactiques. On estime qu'une galaxie aussi massive que M31 aurait absorbé des centaines de galaxies et pas uniquement des mergeurs de petite taille. A priori, il était donc difficile d'envisager remonter l'histoire de l'un d'entre eux. Mais c'était sans compter sur la puissance des superordinateurs.

Dans un article publié dans la revue "Nature Astronomy" en 2018, l"astronome postdoctorant Richard D'Souza et Eric F. Bell de l'Université du Michigan ont voulu comprendre quelle était l'origine des étoiles contenues dans le halo de M31. En effet, son halo presque invisible plus vaste que la galaxie d'Andromède elle-même contient un flux d'étoiles faibles riches en métaux et d'âges intermédiaires ainsi que l'énigmatique galaxie M32 de même composition, dont l'origine restait inconnue. Toutefois, ces traces chimiques réduisent la liste des interactions et des candidats possibles.

Les auteurs ont réalisé des simulations des interactions entre M31 et d'autres galaxies et découvert que la galaxie d'Andromède a cannibalisé une galaxie massive dénommée M32p il y a deux milliards d'années. M32p était au moins 20 fois plus massive (~2.5x1010 M) que n'importe quelle galaxie qui fusionna avec la Voie Lactée et aurait été la troisième galaxie plus massive du Groupe Local après M31 et notre Galaxie.

Cette découverte pourrait également résoudre une question ouverte de longue date. Selon les auteurs, parmi les restes de cette fusion majeure figure la galaxie M32 (doù le "p" de progéniteur de M32p). Sa composition chimique ainsi que son aspect compact et dense représenteraient le coeur survivant du frère perdu de la Voie Lactée, à l'image du noyau indestructible d'une prune comme l'ont qualifié les chercheurs.

Cette découverte aidera également les astronomes à comprendre comment les galaxies spirales comme la Voie Lactée évoluent et survivent à des fusions majeures.

NGC 6240 : interactions de trois galaxies et de trois trous noirs supermasssifs

Parmi les systèmes particuliers, l'astrophysicien Wolfram Kollatschny de l'Université de Göttingen et ses collègues ont étudié le système NGC 6240 alias SDSS J0849+1114 situé à environ 300 millions d'années-lumière dans la constellation d'Ophiuchus (le Serpentaire) et ont publié les résultats de leurs découvertes dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2019.

Grâce aux images des télescopes orbitaux WISE (IR), Chandra (X) et Hubble (optique) prises au cours des dernières années et des données spectrographiques de l'instrument 3D MUSE du télescope VLT de l'ESO, ils ont découvert qu'il ne s'agit pas d'une galaxie irrégulière ordinaire. Non seulement elle résulte de la fusion de trois galaxies (et non de deux), mais chacune abrite un trou noir supermassif, chacun représentant l'équivalent d'environ 90 millions de M. L'un d'eux est actuellement inactif et invisible sur les images comme on le voit ci-dessous (noté N à gauche).

A gauche, la galaxie NGC 6240 en cours de fusion et la localisation des trois trous noirs supermassifs (N, S1, S2). Voici l'image sans l'encart prise par le Télescope Spatial Hubble. La carte radioélectrique dressée par le NRAO indique la région ionisée proche des trous noirs. Au centre, détection en rayons X des deux trous noirs supermassifs actifs. A droite, même région observée par le spectrographe IR SINFONI du VLT en infrarouge (bande K à 2 microns). Documents AIP/P.Weilbacher, NASA/ESA/STScI et A.Evans/U.Virginie/NRAO adapté par l'auteur, Chandra/S.Komossa et al et ESO.

Ces trous noirs supermassifs sont rassemblés au centre de la galaxie dans un espace de moins de 3000 années-lumière, c'est-à-dire à peine un centième du diamètre de cette galaxie. Les chercheurs estiment que ces trous noir supermasssifs fusionneront dans quelques millions d'années, générant de très intenses ondes gravitationnelles.

La fonction de luminosité

Il est intéressant de noter que la théorie des mergeurs est supportée indirectement par un autre concept, la fonction de luminosité. Il s'agit d'un outil statistique qui permet d'étudier l'évolution des galaxies au cours du temps en comptabilisant le nombre de galaxies par intervalle de luminosité dans un volume donné d'univers.

Sur base du recensement des galaxies en fonction de leur magnitude absolue, leur distance et leur morphologie, les astronomes ont découvert qu'elles ont évolué au cours du temps et se sont progressivement regroupées en amas, etc.

L'étude de la fonction de luminosité montre que le nombre de galaxies augmente à mesure que leur luminosité diminue. Autrement dit, les galaxies pâles et petites sont plus nombreuses que les grandes galaxies brillantes.

Cette loi appelée fonction de Schechter qu'on peut appliquer à chaque morphologie de galaxie ainsi qu'aux amas de galaxies montre également que la morphologie des galaxies et leur distribution au sein des amas a évolué au cours du temps. Il y a plus de 12 milliards d'années, l'univers était dominé par les galaxies naines, les galaxies massives, très lumineuses et très structurées n'apparaissant en toute logique qu'après la formation des étoiles et des immenses nappes de gaz neutre ou ionisé qui les alimentent. De toute évidence les grandes galaxies massives se sont effectivement formées récemment, au cours d'un lent processus d'accrétion de matière et de fusion de mergeurs qui s'est parfois étendu sur plus de 10 milliards d'années.

Voyons à présent comment les astrophysiciens expliquent la morphologie de certaines galaxies à l'aspect chaotique spectaculaire, en particulier sous l'effet de la pression dynamique. Nous verrons ensuite l'effet des champs magnétiques avant d'aborder le cas particulier de la formation des galaxies elliptiques. Cette étude va nous conduire dans des univers très étonnants et parfois très violents.

Enfin, nous résumerons l'ensemble de nos connaissances en tentant de définir un modèle global.

Prochain chapitre

L'effet de la pression dynamique sur la production d'étoiles

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[12] F.Schweizer, Science, 231, 1986, p227 - J.Barnes et al., Scientific American, 265, 1991, p26.

[13] L.Hernquist et P.Quinn, Astrophysical Journal, 331, 1988, p682.

[14] H.Arp, "Atlas of peculiar galaxies", Caltech, 1966 - F.Schweizer, Science, 231, 1986, p227.


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