xavierc

Nuits cristallines estivales du Coquimbo : épisode 1

Messages recommandés

Prélude à une symphonie céleste.

Mercredi 26 janvier 2011, 19h, la valise est prête, juste à la fermer, avec dedans mon précieux Strock 254 rouge et en route pour Roissy.

Direction les étoiles australes, au Chili. Notre point de chute sera comme en 2008 chez Nadine et Raymond à la Canelilla, dans la province du Coquimbo, à la latitude de la Séréna (-30°).
Un emplacement idéal sous le tropique sud pour permettre à notre petite équipe (Jeff Hawke, Nevé, Pierre de Lune et moi) de contempler dans des conditions ultimes des constellations trop rares de beauté et d'exotisme.

Après 14h d'avion et 7h de car + 4x4, nous arrivons dans ce coin perdu des montagnes chiliennes.

Je ne suis pas mécontent de pouvoir poser mes bagages, et dormir un peu après le repas. Le voyage fut bien long.

Une constante de ce séjour sera le beau temps et la sécheresse, comme en atteste le faible taux d'hygrométrie ci-dessous :

Sur les 14 nuits d'observation possibles, juste 3 heures au total ont été ratées à cause des nuages.

J'ai pour ma part pu faire 162 dessins, dont quelques très gros morceaux du ciel austral avec lesquels j'étais resté sur ma faim lors des 2 précédentes éditions. Cette fois-ci, pour préparer ma liste de cibles d'observations, j'ai utilisé le volume austral de Splendeurs du Ciel profond de Laurent Ferrero, en plus de ma base de données astronomique, ce qui m'a fourni quelques cibles inhabituelles.

Ce troisième voyage austral nous permet, à Jeff et moi, en baroudeurs habitués, de continuer notre cycle des saisons australes, après l'hiver en Namibie en août 2006 et le printemps ici-même en novembre 2008. Pour nos 2 nouveaux, ce sera le séjour de la découverte du ciel austral.

En cette saison, l'été austral, nous voyons sous un nouvel angle nos habituelles constellations hivernales, les Gémeaux, tête bêche face à l'horizon nord, Orion et la Licorne dans le nord du ciel et à l'envers, le Grand Chien et la Poupe trônant au zénith, et les Voiles et la Carène dominant pesamment la Voie Lactée d'hiver. Sans oublier les désormais connues constellations circumpolaires et leurs 2 locataires extra-galactiques, les Nuages de Magellan.

D'ailleurs, je ne résiste pas à l'envie de vous montrer plus précisément la configuration du ciel en direction du Sud aux diverses heures de ces nuits estivales. Vous aurez ainsi une meilleure idée de ce qu'on peut y voir. Les heures sont locales (GMT-3)

A 22h (crépuscule bien avancé)

A minuit

A 2h (milieu de nuit)

A 4h

A 6h (arrivée de l'aube)

Maintenant que ce ciel ne vous est plus totalement étranger, en avant pour les étoiles!

Nuit 1 : matin du 28 janvier 2011. 8 dessins, observations 5706 à 5713
------------------------------------------------------------------------

Je dois bien avouer qu'après la fatigue d'un tel voyage, je ne me sentais pas d'attaque pour observer tout de suite après le dîner. Pour éviter l'erreur du dernier séjour, j'ai assemblé mon télescope avant d'aller dormir, cette tâche prenant pas loin de 25 minutes qui peuvent suffire à démotiver et dissuader un astronome fatigué de monter à la coupole.

Réveil programmé pour 2h du matin, ce qui me permettra d'observer une demi-nuit. J'apprendrai le midi suivant que mes 3 compagnons auront observé un peu en début de nuit derrière nos chalets avec la Télévue 76 de Jeff, puis auront succombé à la fatigue avant 1h du matin. Des nuages se seront aussi invités pendant leurs observations.

Je me réveille en pleine forme à 2h, le télescope et le sac à dos sont prêts, il n'y a qu'à monter ( 5 minutes de marche). Sur la photo ci-dessous, on voit mon chalet et la colline de l'observatoire :

Ah, l'avantage d'avoir un télescope léger (8 kgs) que je peux monter tout seul au milieu de la nuit! Il restera ensuite à demeure dans le bâtiment de l'observatoire tout le séjour avec ses copains :

Bref, après avoir repris mon souffle, me voilà sur place.

A 2h du matin, le ciel d'hiver commence à plonger vers l'ouest. Sirius a quitté les zones zénithales, laissant ces positions aux constellations de la Boussole, de la Poupe et des Voiles. La Carène, la Croix du Sud et le Centaure sont reines et roi du sud à ces heures.

Comme à mon habitude pour la première nuit de chaque séjour austral, je vise dans le Grand Nuage de Magellan, le temps de me refamiliariser avec les cheminements de pointage vers les constellations du sud.

Pointage aisé certes, mais identification des cibles délicate, car elles foisonnent même dans un champ de 1°! Heureusement que les cartes de Guide 7 viennent en renfort de mon Uranométria et des cartes de la Revue des Constellations!

Mon point de départ est thêta de la Dorade, à proximité de la Tarentule. NGC1787, un amas ouvert de magnitude 10.9 et d'un petit diamètre d'1', se trouve à 1,5° nord-ouest de là.
Je l'observe à 109x et 218x. Il est granuleux à 109x et montre un léger voile très faible à perceptible à ce grossissement.
Honnêtement, sans carte précise, je n'aurais pas su qu'il était là.
Le grossissement de 218x montre quelques étoiles très faibles à perceptibles résolues. Ce n'est pas un objet très remarquable, mais un amas ouvert dans une autre galaxie, néanmoins. Notion qui donne le vertige, d'autant que la turbulence est faible à 218x, et que le silence environnant est prenant.

Par contre, la Lune va bientôt émerger des montagnes à l'est, vers l'Argentine. C'est un dernier quartier un peu fondu qui devrait gêner un peu.

Je continue sur d'autres amas ouverts du Grand Nuage, d'abord NGC1866, à 1,5° plein nord de thêta Doradis. De magnitude 9.7 pour un diamètre de 4.5', il est intéressant, coloré de bleu, facile dès 75x. Granuleux à 150x, il se résout à 218x en étoiles très faibles à perceptibles de magnitude 15, très serrées. La partie la plus brillante évoque un C.

NGC1859, à un demi degré au nord, ne peut pas lutter malgré ses 2'! Il passe à 150x, assez faible, mais devient trop faible si je grossis davantage. Il est petit et inclut une étoile.

Pendant ce temps, la Lune en gros croissant est montée, et j'avoue qu'elle gêne et projette des ombres fortes sur le sol. Elle brille comme une gibbeuse de chez nous, c'est dire la qualité du ciel ici! Le bafflage du télescope constitue toutefois un rempart efficace à sa lumière parasite.

Ma sélection d'objets est en dents de scie cette nuit, un intéressant, un bof, de nouveau un intéressant, etc...

Je monte d'1° au nord sur NGC1831, autre amas ouvert, de magnitude 11.2 et 3,9' de diamètre. Ses étoiles de magnitude 14.3 se détachent peu à 150x et 218x, il est fortement concentré et faible. La Lune y serait pour quelque chose que ça ne m'étonnerait pas, tiens!
Je résous 2-3 étoiles en vision indirecte et quelques nodosités à 218x.

Ah, enfin autre chose qu'un amas ouvert avec l'objet suivant, le globuleux NGC1868 de magnitude 11.6, à 1° au nord-est. A 218x, il est faible et diffus. Un vrombissement m'attaque les oreilles, on dirait un moustique mais ils ne montent pas ici d'après Raymond. L'absence de piqûres le prouvera en fin de nuit. Il finit par aller vrombir plus loin.

Après avoir repoussé ces assauts volants, je pars à 2° sud de thêta de la Dorade sur le globulaire NGC1917 de magnitude 10.3. Il est très faible et diffus à 150x. Le champ grouille d'autres objets, et pourtant je n'ai qu'un demi degré de champ avec cet oculaire sur le Strock 254!

Je retrouve enfin mes repères dans le ciel austral, et je me risque sur des sentiers moins connus, du côté d'omicron de la Poupe, zone centrale de cette constellation, à hauteur du pied du Grand Chien. Je suis déjà au sud de M93, et je descend d'1,5° supplémentaires vers le sud-est pour trouver l'amas ouvert, intra-galactique cette fois, NGC2483, de magnitude 7.6 et de diamètre 10'. Ses étoiles de magnitude 9.3 et plus sont bien visibles ,assez brillantes, et d'autres s'étagent en magnitude jusqu'à la limite de perception. A 150x, sa forme de croix est évidente.

Le phare vénusien s'est levé pendant ce temps entre Sagittaire et Scorpion, elle étincelle et dégrade la vision nocturne dans un tel ciel. L'aube approche, à 5h30.

Je termine cette belle demi-nuit sur NGC2298, autre amas poupien, mais globulaire, lové sous le Grand Chien, à 3,5° sud de khi du canidé sud-céleste.
Ah, j'aime!
Pour une magnitude de 9.2 et un diamètre de 7', il montre ses étoiles de magnitude 13.4 et plus assez facilement. Elles sont très faibles à perceptibles à 218x. Il reste un fond granuleux et un peu bleuté. Une ligne d'étoiles se détache sur l'axe nord-sud.
L'aube arrive et je constate que cette zone du ciel est basse maintenant. Sirius va se coucher dans un quart d'heure et le ciel commence à bleuir lui aussi.

La fatigue n'a pas été de la partie pour cette demi-nuit, mais l'aube naissante la réveille, je vais donc descendre me coucher les yeux pleins d'étoiles et de poussières interstellaires!

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Les dessins sont magnifiques et avec les photos, on a l'ambiance du coin, c'est très sympa !!
(alors, c'était quoi ce vrombissement curieux ???)

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
merci, on va se régaler à voir tout ça, c' est génial
et ça fait rêver

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Aucune idée, à la lampe rouge ça ressemblait vraiment à un moustique qui pique.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Salut Xavier,

162 dessins ... à ce stade-là je sais pas si on peut encore appeler ça de la productivité
Ton post fait rêver, surtout ceux qui comme moi n'ont jamais vu le ciel austral.

Fred.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Salut Xavier,

Sacré Post ! A la mesure du voyage ! Veinard !

On attend la suite...

Cricri

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Superbe, bravo. Et bonjour à Jeff (Guy), si c'est bien lui.

Fabrice.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Bonjour Xavier et bravo pour ton récit !
Ah ça donne envie d'y retourner là-bas, revoir le ciel austral chez Raymond, et retrouver cette ambiance d'afficionados du ciel très profond.
Merci.

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Salut
encore une aventure palpitante de Xavier
et ses travaux monumentaux.
Toujours aussi incroyable
quelle ténacité !

serge

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Salut à toi, austral comparse et astro-entomologiste-artiste !
Amitiés austro-alsaciennes,
Pierre


Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Créer un compte ou se connecter pour commenter

Vous devez être membre afin de pouvoir déposer un commentaire

Créer un compte

Créez un compte sur notre communauté. C’est facile !

Créer un nouveau compte

Se connecter

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous ici.

Connectez-vous maintenant