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Les amas stellaires Les amas globulaires (II) A l'opposé des amas ouverts décrits précédemment, nous trouvons les amas globulaires, composés d'étoiles de Population II, c'est-à-dire très âgées et pauvres en métaux. Le plus connu dans l'hémisphère nord est M13 situé dans la constellation d'Hercule à 25000 années-lumière du Soleil et présenté ci-dessous à gauche. Sinon, Oméga du Centaure situé dans l'hémisphère sud est le plus brillant (voir plus bas). D'aspect
sphérique, sortes de globules flottant parmi les constellations, les
étoiles d'un amas globulaire sont en moyenne séparées les
unes des autres de 0.5 année-lumière soit moins de 5000 milliards de
kilomètres mais certains sont beaucoup plus compacts. Dans le coeur des
plus denses[7],
la masse peut atteindre environ 100000 M Cette très forte densité de population incita les radioastronomes à envoyer en 1974 leur premier message aux extraterrestres vers M13 dans le cadre du programme SETI. La prouesse technique fut renouvelée une génération plus tard. Logiciel à télécharger : GlobularClusters (simulateur)
Les amas globulaires contiennent entre 100000 et 10 millions d'étoiles généralement en fin d'évolution (géantes, naines, etc). On reviendra sur leur âge et leur composition. Ils ne contiennent virtuellement pas de poussière ni d'étoiles jeunes, à l'exception de NGC 6362 présenté ci-dessus et NGC 6101 qui contiendrait également de jeunes étoiles et surtout des centaines de trous noirs stellaires. Ils renferment également des étoiles variables. M15 (NGC 7078) présenté ci-dessous contient même une nébuleuse annulaire. En 1988, les radioastronomes ont confirmé que les amas globulaires contenaient également des étoiles binaires et des pulsars, principalement M15 et 47 Tucana. Des pulsars millisecondes ont été découverts dans M28[8] et certains amas globulaires contiennent même des pulsars X, issus vraisemblablement de systèmes binaires dont l'un des membres a perdu son atmosphère au profit du pulsar. Ce transfert de masse finit par provoquer l'émission d'un rayonnement X pulsé.
Emplacement des amas globulaires Ainsi qu'en témoignent les quelque 180 amas globulaires qui peuplent la Voie Lactée (contre 157 selon un inventaire établit en 2010), ces amas stellaires se trouvent en dehors du plan de la Galaxie, dans une zone sphérique centrée sur le noyau dénommée le halo stellaire. Son rayon, corrigé de l'absorption interstellaire peut atteindre 260000 années-lumière mais certains amas se trouvent à 320000 années-lumière du noyau. Les plus proches se situent à quelques années-lumière du noyau et ont été enrichis en métaux par les étoiles du bulbe. Ce halo fut mis en évidence dès 1918 par Harlow Shapley et nous retrouvons cette structure autour de la plupart des galaxies. Dans le cas de la Voie Lactée, la densité spatiale des étoiles du halo n'est pas régulière mais accuse une chute rapide en périphérie qui suit grosso-modo une loi en 1/r3. Les amas globulaires sont distribués dans le halo en fonction de la gravité et ont été classés en trois rayons en fonction de leur distance au bulbe galactique : - le rayon nucléaire (défini en fonction de leur vitesse et de leur densité) - le rayon de demi-masse - le rayon de marée.
Les amas globulaires sont également distribués en fonction de leur type spectral qui est directement lié à la masse et à l'âge des étoiles qu'ils abritent (bien que nous verrons plus bas que les étoile BSS peuvent nuancer cette affirmation), ce qui nous conduit à étudier leur composition. Composition des amas globulaires La majorité des amas globulaires contiennent au moins deux populations d'étoiles de compositions chimiques distinctes. Les étoiles les plus jeunes ont une composition chimique différente car elles ont intégré des éléments lourds formés par d'autres étoiles plus âgées et plus massives parvenues en fin de vie. Ainsi, plus de la moitié des amas globulaires sont dits bleus, des types F2-F6; ils comprennent des étoiles bleues relativement jeunes et pauvres en métaux accrétées lors de la fusion de galaxies naines par la Voie Lactée. Ils se situent en majorité en périphérie du plan galactique, dans le halo stellaire. Les autres amas globulaires sont dits rouges (en fait de couleur jaune-orangée) des types G0-G5 et se trouvent près du bulbe. Ils contiennent des étoiles riches en métaux et très âgées. Cette distribution en amas globulaires rouges et bleus se retrouve dans la plupart des galaxies mais nous verrons qu'il existe quelques exceptions parmi lesquelles la galaxie NGC 1277 qui ne contient pratiquement pas d'amas globulaires bleus. Le mystère des anomalies d'abondances Depuis les années 1960, les astrophysiciens ont constaté que la composition des étoiles des amas globulaires est différente de celle des autres étoiles de la Voie Lactée. En effet, les abondances du He, C, N, O, Na, Mg et Al sont anormales. Pour comprendre ce problème, ils se sont penchés sur l'origine de ce qu'on appelle les "anomalies d'abondances". Dans une étude publiée dans les "MNRAS" en 2018, l'équipe de Mark Gieles alors à l'Université de Surrey montra que ces éléments chimiques n'ont pas été produits par les étoiles elles-mêmes car ils nécessitent des températures environ 10 fois supérieures à celles régnant dans le coeur de ces étoiles soit 75 millions de degrés. Selon les chercheurs, des étoiles supermassives de 5000 à
10000 M
Cette condition
serait remplie si l'amas contient au moins 1 million d'étoiles et si le taux d'accrétion de gaz
est d'au moins 10000 M Gieles confirme que ce qui est vraiment nouveau dans leur modèle, est le fait que la formation des étoiles supermassives et des amas globulaires est intimement liée, et ce nouveau mécanisme est le premier modèle capable de prédire l'abondance des différents éléments des étoiles des amas globulaires, un défi enfin résolu sur le plan théorique après un demi-siècle de recherches. Reste à valider ce modèle. Les
chercheurs proposent différentes techniques pour tester ce nouveau modèle
grâce aux grands télescopes existants et à venir qui peuvent sonder les régions
les plus reculées de l'univers jusqu'à l'époque primordiale où les premiers amas
globulaires se formèrent. Si on découvre effectivement un jour des étoiles
de plus de 1000 M Dans la continuité de cette étude, dans un article publié dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2023, l'astrophysicienne Corinne Charbonnel de l'Université de Genève (UNIGE) et ses collègues ont apporté de nouveaux indices pour expliquer les anomalies d'abondances des amas globulaires. Selon Charbonnel, professeure d'astronomie à la Faculté des sciences de l'UNIGE et principale autrice de cet article, "Aujourd'hui, grâce aux données fournies par le télescope spatial James Webb, nous pensons avoir trouvé un premier indice de la présence de ces étoiles extraordinaires." Si ces étoiles SMS ont existé et distillèrent leurs différents éléments chimiques par réactions nucléaires, encore faut-il prouver leur existence. Selon Mark Gieles précité, professeur ICREA à l'Université de Barcelone, "Les amas globulaires ont entre 10 et 13 milliards d'années alors que la durée de vie de ces superétoiles est au maximum de deux millions d'années. Elles ont donc disparu très tôt des amas actuellement observables. Il n'en subsiste que des traces indirectes." Grâce au JWST, les chercheurs ont pu étayer leur hypothèse. Ils ont analysé le "Petit Point Rouge" (LRD) GN-z11 situé à z = 10.6 soit ~13.2 milliards d'années-lumière dans la Grance Ourse, un jeune AGN âgé de quelques dizaines de millions d'années. Selon Daniel Schaerer, chef de groupe au Département d'astronomie de la Faculté des sciences de l'UNIGE et coauteur de cet article, "Il a été établi que cette galaxie abrite de très fortes proportions d'azote et une très forte densité d'étoiles." Tout porte ainsi à croire que plusieurs amas globulaires sont en cours de formation dans cette galaxie et qu'ils abritent encore une étoile supermassive en activité. Selon Charbonnel, "La forte présence d'azote ne peut en effet s'expliquer que par la combustion d'hydrogène à des températures extrêmement élevées, que seul le cœur des étoiles supermassives peut atteindre, comme le montrent les modèles de la doctorante Laura Ramirez-Galeano membre de notre équipe." Ce nouveau modèle est le seul actuellement capable d'expliquer les anomalies d'abondances au sein des amas globulaires. La prochaine étape pour les scientifiques consistera à tester la validité de ce modèle sur d'autres amas globulaires en formation au sein de galaxies lointaines, en s'appuyant sur les données du JWST. Le rapport d'abondance [N/C] est important en astrophysique stellaire et dans l'étude des populations stellaires - notamment dans les amas globulaires de la Voie Lactée car c'est un traceur de l'évolution stellaire interne et un indicateur de populations multiples dans les amas globulaires. Il vient en complément d'autres rapports d'abondance et apporte des contraintes sur les modèles de formation des amas globulaires. Il représente donc un outil important pour comprendre à la fois l'évolution chimique de ces amas et les processus internes aux étoiles (cf. R.Gratton et al., 2012). Des sondages comme APOGEE, Gaia-ESO, ou encore ceux réalisées avec le HST et le JWST utilisent [C/N] et [N/C] pour identifier les populations stellaires, même photométriquement (via l'effet sur les bandes CN, NH, CH). Le rapport [N/C] est mesuré par spectroscopie, via les bandes CN (azote) et CH (carbone), les raies moléculaires dans les bandes optiques (notamment à 3883 Å pour CN). A défaut de bandes moléculaires mesurables, on mesure directement les raies C et N, bien que cela soit plus difficile car ces raies soient généralement plus faibles et parfois contaminées par des éléments telluriques. Le rapport [N/C] peut être exprimé de plusieurs façons selon le contexte : en logarithme base 10 (log10) ou logarithme décimal, ce qu'on appelle log [N/C] ou en dex par exemple log [N/C] = +1 dex. Par convention, 1 dex = une variation d'un facteur 10 sur une échelle logarithmique en base 10. Le suffixe "dex" évite de confondre le résultat logarithmique avec une variation linéaire. Par exemple, si N = 3.16 x C, alors log10 (N/C) = log10 (3.16) ≈ 0.5 dex. Pour le Soleil, par définition [N/C] = 0 dex ou, en valeur absolue log10 (N/C) ~ 0.25, c'est-à-dire que N/C = 100.25 ~ 1.78.
Les valeurs typiques de [N/C] varient. Dans un amas globulaire comme NGC 6752 ou M13, on trouve des étoiles avec [N/C] ~ +1 dex. Certaines étoiles de deuxième génération des amas globulaires de NGC 6752 ou 47 Tuc ont même des rapports [N/C] > +1.5 dex (soit (N/C)* ~7.9 ou N/C absolu > 8; elle possède en valeur absolue 32 fois plus d'azote par rapport au carbone que le Soleil (cf. E.Carretta et al., 2005). Les étoiles des amas globulaires montrent souvent des variations significatives de [N/C] (ainsi que d'autres éléments légers comme O, Na, Mg, Al), même à masse et métallicité comparables. Ces variations sont intrinsèques à l'amas, et non liées à l'évolution stellaire postérieure (dans le cas des étoiles de la Séquence principale ou du bas de la branche des géantes rouges). Ces variations en [N/C] sont une signature des populations stellaires multiples dans les amas globulaires (cf. B.Tang et al., 2016; A.P. Milone et al., 2016; R.P. Schiavon et al., 2017). La première génération d'étoiles a une composition chimique standard pour sa métallicité. La deuxième génération montre un excès d'azote (N) et une déplétion de carbone (C) et d'oxygène (O), ce qui reflète la contamination ou "pollution" par des étoiles massives ayant connu des processus de fusion du cycle CNO. Cela se traduit par un rapport [N/C] plus élevé chez les étoiles de seconde génération. C'est également vrai pour les galaxies lointaines telles que GN-z11 (cf. C.Charbonnel et al., 2023) et MoM-z14 (cf. R. Naidu et al., 2025). Plusieurs
scénarii ont été proposés pour expliquer l'origine des enrichissements en N (et autres anomalies de
composition) : des vents enrichis après la fusion CNO dans les étoiles AGB intermédiaires (4-8 M Pour les étoiles évoluées (branche des géantes rouges), on observe une augmentation de [N/C] avec la luminosité. Ce phénomène est dû au "deep mixing" qui amène à la surface les produits du cycle CNO (où C diminue et N augmente). Cependant, les anomalies de [N/C] chez les étoiles moins évoluées montrent que le mélange profond ne peut pas être la seule explication : une pollution chimique précoce est nécessaire et donc pas des étoiles de la génération antérieure. Enfin, le rapport [N/C] est corrélé avec Na et Al, et anti-corrélé avec C et O. Cela soutient l'idée que le cycle CNO et les cycles NeNa et MgAl ont été actifs dans la génération contaminante (cf. E.Pancino et al., 2010; E.Carretta et al., 2011). En résumé, ces relations sont à la base du concept de "chimie multiple" des amas globulaires. Le rapport [N/C] varie considérablement dans les amas globulaires galactiques, souvent entre -0.5 et +1.5 dex. Ces variations sont les signatures de populations stellaires multiples et de pollutions chimiques précoces, probablement par des étoiles massives ou AGB. Ce rapport constitue aujourd'hui un outil de diagnostique central pour comprendre la formation et l'histoire chimique des amas globulaires mais aussi des galaxies. Décrivons à présent quelques amas globulaires particuliers. Oméga du Centaure Le plus remarquable et le plus brillant des amas globulaires est Oméga du Centaure, NGC 5139, présenté ci-dessous. Il brille dans l'hémisphère sud comme une étoile un peu floue de magnitude 3.9, avec une coloration jaune-verdâtre (classe spectrale F7). Il est déjà mentionné dans l'"Almageste" de Ptolémée publié en 150 de notre ère comme "une étoile au début de l'omoplate" du cheval ("Quae est in principio scapulae"), autrement dit sur le dos du centaure. C'est Edmund Halley qui en l'observant depuis l'île de Saint-Hélène en 1677, découvrit que ce n'était pas une étoile mais un "patch lumineux". Il faudra attendre 1826 pour que James Dunlop le décrive comme un amas globulaire. Oméga du Centaure est situé à environ 17700 années-lumière du Soleil et mesure 86 années-lumière de rayon. Son diamètre apparent est de 36.3' soit un peu plus grand que celui de la pleine Lune, mais il existe encore des étoiles liées à l'amas dans un champ de 55' ! Dans son coeur, les étoiles sont 40 fois plus rapprochées que dans la banlieue du Soleil avec une distance moyenne de seulement 0.16 année-lumière soit 10118 UA ou 151 milliards de kilomètres entre les étoiles (cf. Kane et Deveny, 2018). Oméga du Centaure serait âgé de 11.52 milliards d'années et contiendrait environ 10 millions d'étoiles pour une masse totale comprise entre 1.5 et 4 millions de masses solaires. A l'inverse des autres amas globulaires, Oméga du Centaure continue à produire des étoiles extrêmement riches en hélium. Cette bizarrerie a conduit les astrophysiciens à l'étudier en détails.
Selon une étude publiée dans "The Astrophysical Journal" en 2008 par Eva Noyola de l'Université du Texas et ses collègues, Oméga du Centaure serait en réalité le résidu d'un noyau de galaxie dont les étoiles périphériques auraient été absorbées par la Voie Lactée. A l'appui de cette hypothèse, les étoiles composant Oméga du Centaure présentent une métallicité très variable, l'amas présente une vitesse orbitale élevée et une forme aplatie. En
2008, des astronomes ont découvert qu'il abrite également un trou
noir de masse intermédiaire ou IMBH d'une masse estimée à l'époque
à 40000 M M54 Un autre cas similaire est l'amas globulaire M54 présenté ci-dessous à gauche situé à environ 87400 années-lumière du Soleil dans la constellation du Sagittaire. Cet amas globulaire présente un diamètre apparent de 3.4' soit 10 fois plus petit qu'Oméga du Centaure. Bien que plus pâle (Mv 8.4) il présente un noyau très compact le rendant assez photogénique. M54 fut longtemps considéré comme faisant partie de la Voie Lactée. Mais de nouvelles études ont montré qu'il appartenait en réalité à la galaxie naine sphéroïdale du Sagittaire (Sagittarius ou SagDEG), une galaxie satellite de la Voie Lactée située à environ 70000 années-lumière. On y reviendra à propos des découvertes de Gaia. A
voir : Zooming
in on the globular star cluster Messier 54, ESO
Liller 1 L'amas globulaire Liller 1 présenté ci-dessus au centre est particulièrement intéressant, car contrairement à la plupart des amas globulaires, il contient au moins deux populations stellaires distinctes avec des âges remarquablement différents : la plus ancienne a 12 milliards d'années et la plus jeune n'a que 1 à 2 milliards d'années. Cela a conduit les astronomes à conclure que cet amas stellaire était capable de former des étoiles sur une période de temps extraordinairement longue. Liller 1 contient également un système binaire X catalogué MXB 1730-335 et surnommé Rapid Burster. Ruprecht 106 Ruprecht 106 présenté ci-dessus à droite fut découvert en 1961. Il est situé à 69100 années-lumière du Soleil dans la constellation du Centaure, à la périphérie de la Voie Lactée. Contrairement aux autres amas globulaires qui contiennent au moins deux populations d'étoiles, il contient une seule population d'étoiles dont les compositions chimiques sont très similaires, ce qui signifie qu'elles se sont formées à la même époque. Mais l'origine de cet amas reste un mystère. NGC 2005, la relique d'une fusion de galaxies Selon le scénario cosmologique standard, les grandes galaxies que nous observons aujourd'hui, y compris la Voie Lactée, sont le résultat de fusions avec d'autres galaxies (cf. la théorie des mergeurs). Ce processus hiérarchique devrait se dérouler à toutes les échelles, y compris pour former des galaxies naines satellites à partir de l'accrétion de plus petits corps. Des chercheurs ont tenté pendant des années de vérifier cette prédiction en étudiant le Grand Nuage de Magellan (LMC), la plus grande galaxie naine satellite de la Voie Lactée. Ils ont effectivement découvert des galaxies naines très pâles en orbite autour du LMC, mais jusqu'à présent, la seule preuve d'interactions mutuelles est liée à l'interaction orbitale avec le petit nuage de Magellan proche, qui est en fait le satellite du LMC plus massif. Dans
un article publié dans la revue "Nature
Astronomy" en 2021 (en PDF sur arXiv),
l'équipe d'Alessio Mucciarelli de l'Université de Bologne a analysé la
composition chimique des étoiles géantes rouges de 11 amas globulaires du LMC et
d'un échantillon de référence dans 15 amas globulaires de la Voie Lactée. Ils ont
découvert que l'amas globulaire NGC 2005
situé à seulement 750 années-lumière du centre du LMC et présentant une masse d'à peine
300000 M
Selon les chercheurs, cet enrichissement chimique particulier de NGC 2005 signifie qu'il n'a pas suivi la même évolution que les autres amas globulaires et ne s'est pas formé dans le même environnement mais serait né dans un système qui a converti son gaz en étoiles à un rythme plus lent. Si les dix autres amas globulaires se sont formés au coeur du LMC, NGC 2005 est probablement le résultat de la fusion du LMC avec une autre galaxie naine dans un lointain passé. A
partir d'une modélisation du taux de formation stellaire théorique pour les galaxies ultra pâles pauvres en
métaux (cf. Z.Yan
et al., 2020), Mucciarelli et ses collègues ont pu calculer le rapport [Zn/Fe]
observé dans NGC 2005. Puisque ce modèle fonctionne, ils ont donc pu dresser
le portrait de la galaxie progénitrice de NGC 2005. Leur modélisation suggère
qu'il s'agissait d'une petite galaxie naine sphéroïde pauvre en métaux et peu
lumineuse dont le taux de formation stellaire ne dépassait pas 40 M Cette découverte apporte la preuve que le processus d'assemblage hiérarchique des galaxies fonctionne également à petite échelle pour former des galaxies satellites. C'est aussi la première fois qu'on découvre un amas globulaire formé par la fusion de galaxies naines. Rappelons que les relevés spectrométriques, photométriques et cinématiques de la mission Gaia ont également montré que la plupart des amas globulaires du halo interne de la Voie Lactée se sont formés après la dernière fusion majeure survenue il y a environ 8 à 10 milliards d'années lorsque galaxie naine Gaia-Encélade fusionna avec la jeune Voie Lactée. La plupart des amas globulaires du halo interne de notre Galaxie remontent à cet évènement. Un phénomène similaire s'est produit dans la galaxie d'Andromède, M31, et vraisemblablement dans la plupart des autres grandes galaxies. HP 1, un amas globulaire relique Il y a quelques années encore, les astronomes pensaient que les plus anciens amas globulaires n'étaient situées que dans les parties extérieures de la Voie Lactée et en particulier dans le halo, tandis que les plus jeunes résidaient dans les régions galactiques les plus profondes. Toutefois, grâce au télescope Gemini Sud installé au Chili et au Télescope Spatial Hubble, en 2019 l'équipe de Leandro Kerber de l'Université de São Paulo annonça dans les "MNRAS" la découverte d'un amas globulaire très âgé dans le bulbe Galactique; il se nomme HP 1. Cet amas globulaire brille à la magnitude apparente de +11.6. Pour déterminer la distance de cet amas, les chercheurs ont utilisé des données archivées de 11 étoiles RR Lyrae identifiées au sein de HP 1, des étoiles variables périodiques connues pour être des "chandelles standards" pour mesurer les distances cosmiques. Les magnitudes de ces étoiles (module de distance (m-M) = 18.05) indiquent que l'amas globulaire se trouve à une distance héliocentrique d'environ 21500 années-lumière (coord. galactiques l = -2.58°, b = +2.12°) soit environ 6000 années-lumière du centre galactique, donc bien à l'intérieur du bulbe de la Voie Lactée. HP 1 est âgé d'environ 12.8 milliards d'années. Il présente une faible métallicité [Fe/H] = -1.06 ±0.10, conforme à son âge très ancien. Kerber confirme que HP 1 est un amas globulaire relique : "HP 1 est l'un des membres survivants des blocs de construction fondamentaux qui ont assemblé le bulbe de notre Galaxie."
Les chercheurs ont également déterminé l'orbite de HP 1 à partir de sa distance, des vitesses radiales obtenues par spectroscopie et des mouvements propres absolus mesurés par le satellite Gaia. Ils ont obtenu des distances périgalactiques et apogalactiques moyennes de 391 années-lumière et 9780 années-lumière respectivement, c'est-à-dire très excentrique. A partir des lois de la mécanique céleste, les astronomes ont découvert que la quantité de matière contenue dans ce halo est équivalente à la masse des étoiles de la Voie Lactée, mais plus des 4/5e de cette matière ne sont pas visibles et probablement constitués de matière et d'énergie sombres dont on ignore encore la nature. On reviendra sur la composition du halo galactique. Controverse à propos de l'âge des amas globulaires La plupart des amas globulaires sont presque aussi vieux que les galaxies qu'ils entourent. Dave Latham précité nous rappelle que cette hypothèse est soutenue par au moins trois arguments observationnels : - Les amas globulaires sont dispersés tant au-dessus qu'en dessous du plan de la Voie Lactée, et ont donc dû se former avant la condensation des gaz et des poussières qui formèrent le disque galactique; - Les éléments lourds que l'on a trouvé dans les atmosphères stellaires des amas globulaires sont déficients d'un facteur 10 à 100 comparés au Soleil, indiquant que les étoiles de ces amas ont appartenu à la première génération d'étoiles, formée avant même que les composés bruts n'aient été enrichis par la nucléosynthèse, précédent l'apparition des étoiles massives; - Enfin, les étoiles massives se trouvant sur la Séquence principale des amas globulaires se sont toutes consumées, donnant à ces amas un âge d'au moins 12 milliards d'années.
Dans un article publié dans les "MNRAS" en 2018, Elisabeth R. Stanway de l'Université de Warwick (GB) et son collègue John J. Eldridge de l'Université d'Auckland (NZ) ont déclaré que les amas globulaires seraient plus jeunes que prévu : "~5-8 Ga plutôt que 10-14 Ga". A priori, cette découverte remet en question les théories actuelles sur la formation des galaxies, y compris de la Voie Lactée. Mais la conclusion de ces chercheurs est-elle correcte et faut-il corriger tous les manuels d'astronomie ? Certainement pas ! Explication. Les chercheurs sont arrivés à cette conclusion après avoir développé un nouveau modèle de l'évolution des étoiles appelé BPASS (Binary Population And Spectral Synthesis) qui prend en compte les détails de l'évolution des systèmes stellaires binaires au sein des amas globulaires ainsi que leurs caractéristiques spectrales dont celles des éléments chimiques des vieilles étoiles binaires. Selon les chercheurs, les systèmes binaires se sont formés en même temps que les amas globulaires. Le modèle BPASS qu'ils ont développé permet d'étudier les propriétés des jeunes populations stellaires de la Voie Lactée comme des galaxies situées aux confins de l'Univers. En utilisant le modèle BPASS et en calculant l'âge de ces systèmes binaires, les chercheurs ont constaté que l'amas globulaire auquel ils appartiennent n'était pas aussi âgé que le prédit le modèle antérieur. Mais les chercheurs précisent bien qu'ils ont fondé leur étude sur une "synthèse spectrale" et non sur des spectres individuels car comme pour les galaxies, la méthode se base sur les résultats de l'analyse de la lumière intégrée des amas stellaires basée sur une méthode d'intégration des populations, d'où ils arrivent à la conclusion que certains amas globulaires sont ~5 milliards d'années plus jeunes que prévu. En réalité, les chercheurs ne le déclarent pas aussi radicalement contrairement à ce qu'ont publié la plupart des sites de vulgarisation. En effet, l'intégration de la lumière des populations stellaires ne remplace pas les études beaucoup plus précises des diagrammes H-R qui se basent sur la lumière des étoiles individuelles et comparent les résultats observés avec les isochrones théoriques. Conclusion : dire que les amas globulaires seraient 5 milliards d'années plus jeunes que prévu est une interprétation abusive et fausse de cette étude. De plus, les chercheurs reconnaissent eux-mêmes qu'il reste encore beaucoup de travail à faire, en particulier pour les amas globulaires proches où on peut résoudre les étoiles individuellement plutôt que de simplement considérer la lumière intégrée de l'amas, source d'approximations et donc d'erreurs potentielles. Reste donc à présent à améliorer cette modélisation afin qu'elle prédise des évènements observables et proposent une datation plus conforme à la réalité. La dynamique des amas globulaires Comme on le constate en étudiant la dynamique d'Oméga du Centaure, la vie des amas globulaires n'est probablement pas aussi sereine qu'on l'imaginait encore au milieu du siècle dernier. Des simulations informatiques basées sur l'évolution des modèles de King-Michie suggèrent que les étoiles évoluent autour du noyau sur des orbites fortement excentriques, les orbites stellaires pouvant interagir et évoluer au cours du temps[9]. Tantôt à l'écart de l'amas, les étoiles se retrouveront quelques millions d'années plus tard très près du noyau. On estime que sur une période d'un milliard d'années, les perturbations stellaires provoquent une modification de la trajectoire des étoiles voisines de l'ordre de 90°. Il est de même apparu que la plupart des amas originellement compacts ont été désintégrés par ce mécanisme, dispersant les étoiles dans le halo de la Voie Lactée.
L'Univers
existant depuis environ 13.8 milliards d'années, la plupart des étoiles
d'un amas globulaire sont parvenues à un état d'équilibre
gravitationnel. Certaines étoiles ont été éjectées en dehors de
l'amas tandis que les forces gravitationnelles qui se développent dans
son noyau ont provoqué sa contraction. En quelques milliards d'années,
il finit par s'effondrer provoquant ce que l'on appelle une
"catastrophe gravothermique". A ce jour, seuls 20% des amas
globulaires ont subi une telle contraction. Ce faible nombre pourrait
s'expliquer par le transfert de l'énergie nécessaire à cet effondrement
vers les systèmes binaires et les étoiles proches. Les couples se
rapprocheraient un peu plus, sans entraîner d'effets particuliers, mais
ils stopperaient la contraction des amas. À partir de mesures effectuées
sur M31, S.Tremaine et J.Ostriker[10]
de l'Université de Princeton ont suggéré que si les amas globulaires atteignaient une
densité de 1010
M L'étude des interactions stellaires dans un amas globulaire nous rappelle une nouvelle fois, le rôle important de la gravitation dans la stabilité des systèmes multiples. Enfin, suite à la controverse autour de l'existence d'un amas de trous noirs au coeur de l'amas globulaire NGC 6397, dans les "RNAAS" en 2021, Nicholas Rui du TAPIR du Caltech et ses collègues rappellent qu'un nombre important de trous noirs dans un amas globulaire fournit un fort chauffage dynamique et modifie le profil d'effondrement au coeur de l'amas. Sur base de modélisations, ils ont montré que des sous-amas centraux de naines blanches massives sont une caractéristique générique des amas à noyau effondré tandis que des sous-amas centraux de trous noirs sont présents dans tous les amas non effondrés (en italique par les auteurs). Sur le même sujet, dans une étude publiée dans la revue "Nature" en 2021, Mark Gieles de l'Université de Barcelone et ses collègues ont suggéré que l'amas globulaire Palomar 5 qui est très peu massif et libère une traînée d'étoiles sur plus de 20° dans le ciel de la constellation du Serpent, contiendrait en son coeur plus de 100 trous noirs. Il finira même par éjecter toutes les étoiles et ne contenir que des trous noirs. On y reviendra quand nous ferons l'inventaire des trous noirs. A
voir : N-body simulation of Palomar 5 and its stream,
M.Gieles, 2021 Formation et évolution des amas globulaires Les amas globulaires ont probablement été parmi les premiers systèmes à se former au début de l'Univers. Mais la manière dont ils sont apparus reste un mystère. Comprendre les processus physiques à l'origine de leur formation et de leur évolution primordiale est l'une des questions astrophysiques les plus passionnantes et les plus débattues depuis les années 2000.
D'un point de vue astrophysique, en raison de leur âge, les amas globulaires revêtent une énorme importance car ils permettent de tester les modèles cosmologiques de la formation de l'Univers et fournissent également des laboratoires naturels pour étudier la formation, l'évolution et l'enrichissement chimique des galaxies. Une équipe internationale d'astronomes dirigée par Emanuele Dalessandro de l'Institut National d'Astrophysique (INAF) de l'Université de Bologne en Italie a réalisé la première analyse 3D du déplacement des étoiles au sein de 16 amas globulaires présentés à droite. Leur étude fut publiée dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2024. Les chercheurs ont étudié la cinématique (le mouvement propre et la vitesse radiale) des étoiles dans ces amas globulaires. Pour cela, ils ont exploité les données astrométriques du sondage Gaia DR3 de l'ESA, les données de vitesses dans la ligne de visée mesurées grâce aux instruments MUSE (Multi Unit Spectroscopic Explorer), KMOS (K-band Multi Object Spectrograph) et FLAMES (Fibre Large Array Multi Element Spectrograph) ainsi que celles du sondage MIKiS (Multi Instrument Kinematic Survey) du VLT de l'ESO et les données de mouvements propres enregistrées par le Télescope Spatial Hubble, complétées par les résultats de dizaines d'études antérieures. Après avoir analysé en détail le mouvement de 13293 étoiles distribuées dans les 16 amas (soit entre 266 et 1514 étoiles dans chaque amas globulaire, cf. ce tableau), les chercheurs ont constaté que les étoiles appartenant à différentes populations ont des propriétés cinématiques distinctes : les étoiles ayant une composition chimique anormale ont tendance à tourner plus vite que les autres au sein de l'amas et se déplacent progressivement des régions centrales vers les régions extérieures. Selon Emanuele Dalessandro de l'INAF, auteur principal de cet article, "Les résultats de notre étude fournissent la première preuve solide que les amas globulaires se sont formés à travers de multiples événements de formation d'étoiles. Et cela impose des contraintes fondamentales sur le chemin dynamique suivi par les amas tout au long de leur évolution." Son collègue Mario Cadelano de l'INAF ajoute : "Les résultats obtenus au cours des deux dernières décennies ont montré de manière inattendue que les amas globulaires sont constitués de plus d'une population stellaire : une population primordiale, avec des propriétés chimiques similaires à celles des autres étoiles de la galaxie, et une autre avec des abondances chimiques anormales d'éléments légers tels que l'hélium, l'oxygène, le sodium et l'azote. Malgré le grand nombre d'observations et de modèles théoriques visant à caractériser ces populations, les mécanismes régulant leur formation ne sont toujours pas compris." Ces résultats correspondent aux modèles de l'évolution dynamique à long terme des systèmes stellaires, dans lesquels les étoiles ayant des abondances chimiques anormales se forment en plus grand nombre au centre et tournent plus rapidement que les étoiles normales. Cela suggère que les amas globulaires se sont formés à travers de multiples épisodes de formation d'étoiles. Ces découvertes vont aider les astronomes à mieux comprendre comment les amas globulaires s'intègrent dans l'histoire de notre Galaxie et de l'Univers. Le courant stellaire de Phénix Une équipe d'astronomes dirigée par Ting S. Li de l'Institut Carnegie a découvert un courant stellaire composé des restes d'un ancien amas globulaire dénommé Phénix qui fut disloqué par la gravité de la Voie Lactée il y a 2 milliards d'années. Cette découverte surprenante qui a fait l'objet d'un article publié dans la revue "Nature" en 2020, bouleverse l'idée conventionnelle sur la façon dont ces amas d'étoiles se forment.
L'amas globulaire Phénix qui engendra ce flux stellaire avait un cycle de vie très différent des amas globulaires que nous voyons aujourd'hui. Il s'agit des vestiges de quelque chose d'ancien entraîné dans un phénomène gravitationnel plus récent. À l'aide du télescope anglo-australien (AAT) de 3.90 m de l'Observatoire de Siding Spring, le flux stellaire fut découvert au cours du sondage spectroscopique S5 (Southern Stellar Stream Spectroscopic Survey). Dirigé par Li, ce projet vise à cartographier le mouvement et la chimie des courants stellaires dans l'hémisphère sud. La Collaboration S5 s'est concentrée sur un flux d'étoiles situé dans la constellation du Phénix. L'équipe a mesuré l'abondance des éléments lourds et découvrit que la métallicité des étoiles formant ce courant stellaire est très inhabituelle. Les nouvelles étoiles sont enrichies en éléments lourds produits par les étoiles des générations antérieures. Par conséquent, plus une étoile est âgée et primitive plus son abondance en éléments lourds est faible. Selon Zhen Wan de l'Université de Sydney et coauteur de cet article, "Nous avons été vraiment surpris de constater que le courant de Phénix est distinctement différent de tous les autres amas globulaires de la Voie Lactée. Même si l'amas a été détruit il y a des milliards d'années, nous pouvons toujours dire qu'il s'est formé dans l'Univers primitif." Du fait que la majorité des amas globulaires connus sont enrichis par la présence d'éléments lourds forgés par les précédentes générations d'étoiles, on a longtemps cru qu'il y avait une abondance minimale d'éléments plus lourds requise pour qu'un amas globulaire se forme. Ce seuil se situe entre 0.3-0.4% de la métallicité du Soleil. Mais avec un rapport [Fe/H] = -2.7 soit ~0.2% le progéniteur du courant de Phénix est bien en dessous de cette métallicité minimale empirique, ce qui pose un problème important concernant la formation des amas globulaires. A
voir : How
the Phoenix Stream Was Formed, U.Sydney, 2020 Selon Li, "Une explication possible est que le courant de Phénix représente le dernier du genre, le vestige d'une population d'amas globulaires qui est né dans des environnements radicalement différents de ceux que nous voyons aujourd'hui." Les chercheurs ont proposé que ces amas globulaires furent épuisés par les forces gravitationnelles de la Voie Lactée qui les déchiraient. Les vestiges d'autres anciens amas globulaires peuvent également survivre sous forme de pâles courants stellaires qui peuvent encore être découverts avant qu"ils se dissipent (cf. les découvertes de Gaia). Bref, il reste encore beaucoup de travail théorique à faire et de nombreuses nouvelles questions à résoudre pour comprendre comment naissent les amas globulaires et se forment les galaxies. A propos des "Blue Straggler Stars" (BSS) Certains amas globulaires comme NGC 5466 ayant fait l'objet d'une publication scientifique en 2013 et NGC 2173 étudié en 2018 contiennent ce qu'on appelle des "Blue Straggler Stars" (BSS) traduit tristement en français par "étoiles traînardes bleues" ou mieux par "bleues tardives". Les BSS furent découvertes par Allan Sandage en 1953 dans l'amas globulaire M3 mais leur origine est restée mystérieuse jusqu'aux années 2010 et les travaux de l'astronome Aron M. Geller de l'Université Northwestern qui simula sur ordinateur l'évolution des étoiles BSS de l'amas ouvert NGC 188 situé dans Céphée considéré comme l'un des plus âgés (6.8 milliards d'années selon Vandenberg et Stetson, 2004) et contenant quelques 120 étoiles.
Auparavant, on pensait que les BSS se formaient au cours d'une explosion (une collision). Mais en principe, les collisions et les fusions d'étoiles ne se produisent pas en même temps car dans un amas stellaire, les étoiles se déplacent aléatoirement et si elles résultaient de collisions, les BSS devraient présenter différents âges. Or l'étude des BSS montre qu'elles se sont formées à peu près toutes en même temps, notamment dans l'amas globulaire NGC 2173. En 2010, Geller montra que les BSS résultent d'un transfert de masse au sein d'un système binaire. En résumé, en vieillissant les deux étoiles augmentent de volume et par effet gravitationnel la plus massive va accréter une partie de l'hydrogène de son compagnon. Grâce à cet apport de combustible frais, l'étoile massive va pour ainsi dire rajeunir, se réchauffer et paraître plus bleue que son âge réel qui lui donnerait une couleur orangée, à l'image d'un lifting chez les humains. L'étude de NGC 2173 publiée dans "The Astrophysical Journal" en 2018 par Licai Deng de la NAOC et ses collègues a montré que lorsqu'on reporte les paramètres des étoiles de cet amas dans un diagramme H-R (température en fonction de la luminosité), comme on le voit à droite la plupart des étoiles (qui sont âgées) se rassemblent sur la droite du diagramme, dans la région froide, tandis que les BSS (les cercles bleus et rouges) se démarquent en s'alignant sur une courbe qui s'écarte vers le haut et la gauche du diagramme conformément aux prédictions des modèles (les courbes continues et discontinues). C'est cette caractéristique qui leur valut le surnom de "traînardes" (stragglers) car elles "traînent" derrière l'évolution normale de la plupart des étoiles d'amas. Bien que ce ne soit pas la première fois qu'on identifie des BSS dans les amas stellaires, jusqu'à l'étude de Deng, on n'en avait découvert que dans les amas globulaires âgés de plus de 10 milliards d'années. C'est la première fois que des astronomes identifient des BSS dans des amas beaucoup plus jeunes, âgés entre 1 et 2 milliards d'années. Notons qu'il existe également des BBS dans le bulbe galactique. Comme évoqué plus haut, la "catastrophe gravothermique" qui se produit dans les amas globulaires lorsque leur coeur s'effondre sous la gravité de toutes les étoiles réunies dans un aussi volume d'espace produit des dizaines voire des centaines de collisons stellaires aux effets spectaculaires. Selon Deng, ce mécanisme pourrait former de nombreuses BSS. Par conséquent, la double séquence (courbe) de "traînardes" bleues qu'on observe dans le diagramme ne peut apparaître que dans des amas stellaires très âgés, de plus de 10 milliards d'années. Cependant, dans le cas de NGC 2173, les chercheurs n'ont pas trouvé la preuve qu'un tel effondrement s'était produit, ce qui appuye l'idée qu'il s'agit encore d'un jeune amas. De plus, la faible dynamique de cet amas ne favorise pas les collisions stellaires. Cette découverte est importante car étant donné les conclusions paradoxales des observations, elles mettent au défi les auteurs qui voudraient généraliser les explications sur l'évolution des amas stellaires, mais elles montrent malgré tout qu'ils sont sur la bonne voie, ce qui est encourageant. Les amas globulaires dans les autres galaxies Grâce aux performances du Télescope Spatial Hubble, les astronomes ont la possibilité d'étudier en détails la stucture de grandes galaxies "proches" et sont parvenus à isoler des étoiles individuelles et des nébuleuses dans les régions denses ainsi que des amas globulaires dans leur halo. Ce ne sont donc pas des objets propres à la Voie Lactée. Outre le LMC, l'une des premières galaxies extérieures dans laquelle on découvrit des amas globulaires est M31, la galaxie d'Andromède. Selon un recensement réalisé grâce au CFHT, M31 contiendrait 509 amas globulaires dont certains sont visibles dans des télescopes amateurs. Leur magnitude oscille entre 13 et 15 et ils présentent presque tous un aspect stellaire. Les plus brillants ressemblent à une petite tache de quelques secondes d'arc (< 10"). Leur observation nécessite un télescope d'au moins 250 mm d'ouverture (ou 125 mm avec amplificateur d'image) et de très bonnes conditions atmosphériques. A consulter : The Brightest Globular Cluster in Eight Nearby Galaxies, Steve Gottlieb
Les deux Nuages de Magellan contiennent également des amas globulaires. La galaxie "Sombrero" M104 située dans la constellation de la Vierge contiendrait environ 2000 amas globulaires (cf. K.-I. Wakamatsu, 1977). La galaxies spirale barrée M109 de la Grande Ourse en contient au moins 270. Grâce aux images de l'amas de la Vierge prises par le Télescope Spatial Hubble (cf. HST), les astronomes ont identifié dans ces galaxies plusieurs milliers d'amas globulaires âgés d'au moins 5 milliards d'années. Cette découverte a d'ailleurs conduit les astronomes à mieux comprendre la vie et l'évolution des galaxies cannibales. Le seul halo de la radiogalaxie M87, Virgo A, l'une des principales galaxies de l'amas de la Vierge renferme 10000 amas globulaires. De même, 22426 amas globulaires furent identifiés dans l'amas de galaxies de Coma (cf. J.P. Madrid et al., 2018). La galaxie elliptique géante ESO 325-G004 située au coeur de l'amas Abell S0740 situé dans le Centaure abrite plusieurs milliers d'amas globulaires et nous verrons plus bas que la galaxie elliptique géante NGC 1275 contient au moins 12729 amas globulaires. On peut donc supposer que toutes les galaxies géantes situées au coeur des amas de galaxies en contiennent autant. Enfin, en analysant les photos de l'amas de galaxies SMACS 0723.3-7327 (SMACS 0723 en abrégé) prises par le JWST en 2022, Lamiya Mowla de l'Université de Toronto et ses collègues ont identifié trois images multiples et rougeâtres de la galaxie "Sparkler" (la scintillante) déformée par l'effet d'une lentille gravitationnelle comme illustré ci-dessous.
Dans l'une des images déformées, les chercheurs ont identifié de petits globules rouges compacts impossibles à résoudre avec le JWST comme illustré ci-dessus à droite. Cependant le spectre de la galaxie Sparkler présente une raie d'émission de l'O III alors qu'il n'y a aucune formation d'étoile visible dans ces globules. Les chercheurs en déduisent qu'il s'agirait d'amas globulaires évolués (âgés). En ajustant la distribution d'énergie spectrale à l'échantillon, les chercheurs estiment que les étoiles de ces amas globulaires se situent à z = 1.378 soit 9 milliards d'années-lumière. Ils se sont formés ~500 millions d'années après le Big Bang. A l'époque où nous les avons photographiés, ils étaient âgés entre ~3.9 et 4.1 milliards d'années (cf. L.Moyla et al., 2022). Origine des amas globulaires On ne comprend pas encore très bien pourquoi on retrouve les galaxies les plus brillantes au centre des amas de galaxies. Mais le fait qu'elles contiennent des milliers d'amas globulaires est un indice intéressant que les chercheurs ont voulu approfondir, aboutissant à des découvertes inattendues.
Dans
un article publié dans la revue "Nature
Astronomy" en 2019, l'astrophysicien Jeremy Lim de l'Université de Hong Kong et
ses collègues ont étudié avec le Télescope Spatial Hubble la galaxie elliptique géante NGC 1275 alias
Perseus A - une radiogalaxie et AGN de type Seyfert 2 - présentée à gauche, située
au centre de l'amas de galaxies de Persée et
ont identifié 12729 amas globulaires. Ils ont découvert que plusieurs milliers d'entre
eux dont la masse varie entre 5000 et 3 millions de M Lim et ses collègues ont classé les amas globulaires en deux grandes populations : les amas globulaires "classiques", rougeâtres et âgés et les amas globulaires "bleus" contenant de nombreuses étoiles jeunes. Ces amas bleus ont un âge compris entre 100 millions et 900 millions d'années. La distribution numérique des amas bleus en fonction de leur luminosité et de leur masse est similaire à celle des autres amas globulaires mais leur distribution spatiale ressemble à un réseau filamenteux de gaz. Les auteurs ont découvert que les jeunes amas globulaires se sont formés à partir de gaz froids qui s'étend jusqu'aux confins de la galaxie géante. Ce gaz froid se forme à partir du gaz chaud intra-amas dans lequel baigne la totalité de l'amas de galaxies de Persée. Du fait que le gaz se concentre au centre, des courants de gaz multiphase (dont une phase moléculaire froide) entraînent un refroidissement du gaz chaud, proprice à la formation d'étoiles et d'amas globulaires. Une fois formés, ces jeunes amas globulaires quittent le cocon de gaz froid et se précipitent vers le coeur de la galaxie géante. En conclusion, les amas globulaires des galaxies géantes situées au centre des amas de galaxies peuvent se former à partir du gaz froid intra-amas. Ces amas globulaires présentent des masses minimales bien inférieures aux masses maximales des amas globulaires galactiques, suggérant l'existence d'un mécanisme de formation commun sur toutes les échelles de masse, quelles que soient leurs voies de formation. Selon Tom Broadhurst, coauteur de cette étude, "on pourrait s'attendre à ce que les galaxies centrales de ces amas voient leur luminosité augmenter au cours des temps cosmique en raison de la précipitation de ces milliers d'amas globulaires." Soulignons que ce mécanisme est propre à ce type de galaxie géante. Dans d'autres galaxies comme NGC 7252 qui résulte d'une collision entre deux galaxies, les jeunes amas globulaires résultent de fusions galactiques majeures. A l'inverse, dans le cas de la Voie Lactée, notre Galaxie a capturé des galaxies naines avec leurs propres amas globulaires. Enfin, dans le cas d'Oméga du Centaure, on pense que cet amas globulaire serait l'ancien bulbe d'une galaxie naine qui fut dépouillée de son disque de gaz périphérique. Bref, l'origine des amas globulaires n'obéit pas à un mécanisme de formation unique. A propos des Petits Points Bleus (LBD) Du fait qu'ils rassemblent des étoiles très âgées et sont parvenus à l'état d'équilibre, jusqu'à présent les astrophysiciens ont toujours postulé que les amas globulaires s'étaient formés très tôt dans l'histoire des galaxies par l'agglomération d'étoiles mais étaient intimement liés aux galaxies puisqu'on n'en trouve jamais isolément dans l'univers mais uniquement dans les halos galactiques. Dans
une étude publiée en 2017 par Debra Meloy Elmegreen du Vassar College et
Bruce Elmegreen de la Division Recherche d'IBM dans "The
Astrophysical Journal Letters",
les chercheurs ont présenté les résultats de l'analyse des images
des amas de Pandore
(Abell 2744) et MACS
J0416.1-2403 contenant de très petites galaxies bleues
que les astronomes ont naturellement appelées les "Petits Points
Bleus" (Little Blue Dots) ou LBD en abrégé. On y reviendra.
Ils ont montré que ces LBD sont de très petites galaxies d'à peine
0.15" de diamètre et d'une masse équivalente à moins de 10
millions de masses solaires soit 1000 fois moins massive que le Grand Nuage
de Magellan. En revanche, ils atteignent un taux record de formation
stellaire 10000 fois plus élevé que les galaxies actuelles où le taux
est de ~1 M Les LBD mesurent entre environ 520 et 1175 années-lumière de diamètre et n'existent que dans l'univers lointain à z > 2 et jusque z ~ 5 soit entre 10 et 12.2 milliards d'années-lumière. Ils se sont donc formés environ 1.5 milliard d'années après le Big Bang, c'est-à-dire à la même époque que les proto-amas de galaxies.
Les chercheurs se sont demandés ce que sont devenus ces LBD. Etant donné l'époque à laquelle ils se sont formés et leur taux élevé de production d'étoiles, les LBD ont rapidement épuisé leurs réserves de gaz et n'ont jamais pu s'assembler et former de grandes galaxies. Selon les simulations, ils n'ont pas non plus former des galaxies naines en raison de leur taux élevé de formation stellaire. En revanche, selon les chercheurs les LBD ont pu rapidement produire des amas globulaires massifs en périphérie des galaxies naines, une hypothèse renforcée par l'observation des galaxies naines locales. Cette théorie n'est actuellement qu'une hypothèse mais elle suggère que les amas globulaires sont en fait les résidus de galaxies naines très anciennes qui ont été absorbées par des galaxies massives, une idée renforcée par leur âge très ancien. Pour plus d'informations Sur ce site Les nébuleuses dont les SNR Les cirrus et les nébuleuses du flux intégré (IFN) Catalogues en ligne Planetary Nebulae.net (PNST), en français Catalogue NGC/IC (fichier .xls d'environ 14600 objets) Catalogue NGC, John Dreyer,1888 Wolfgang's Steinicke's database (NGC/IC révision 2000) Steve Gottlieb (notes sur les objets NGC) Le catalogue NGC interactif en ligne, SEDS Catalogues de William Herschel (Royal Society) Catalogue de Mille Nouvelles Nébuleuses et Amas d'Etoiles, 1786 Catalogue de deux Milles Nouvelles Nébuleuses et Amas d'Etoiles, 1789 Catalogue de 500 Nouvelles Nébuleuses, Etoiles Nébuleuses, Nébuleuses Planétaires et Amas d'Etoiles, 1803 Catalogue de Nébuleuses et d'Amas d'Etoiles, 1863 Livres Etoiles et matière interstellaire, James Lequeux, Agnès Acker et al., Ellipses Marketing, 2009 A la découverte des galaxies, Alessandro Boselli, Ellipses Marketing, 2007 Le milieu interstellaire, James Lequeux et Edith Falgaron, EDP Sciences, 2002 Physics of the Interstellar and Intergalactic Medium, Bruce Draine, Princeton University Press, 2011 Interstellar Matters, Gerrit L. Verschuur, Springer-Verlag, 1988/2003.
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