Mon coup de cœur de ce printemps − catégorie étoiles doubles !

[Bruno- 3 987]

J'aime bien m'installer quand il fait jour, notamment pour utiliser mon oculaire de collimation (le truc Takahashi, je crois que c'est un cheshire mais il s'appelle « oculaire de collimation »). Du coup, que faire en attendant que la nuit tombe ? Des étoiles doubles.

 

On pourrait se demander l'intérêt d'observer des étoiles doubles dans un Dobson 300 mm : ce sont des objets de débutants, pour petites lunettes. Eh bien pas du tout ! Une des choses les plus marquantes quand je suis passé de 200 mm à 300 mm, c'est la richesse des couleurs des étoiles. Le plus grand diamètre apporte aussi sur les étoiles : il apporte  notamment plus de nuances. Au 200 mm je voyais des étoiles jaunes et orange ; au 300 mm elles sont jaune pâle ou jaune-or, ou jaunes-oranges, ou encore orange clair, orange foncé, orange comme la peau d'une orange... Albiréo est jolie dans un petit diamètre ; c'est une merveille au 300 mm. Voilà pourquoi je continue à observer des étoiles doubles avant la nuit complète.

 

Et puis il y a les étoiles triples,  quadruples... Vous avez sûrement remarqué que les étoiles triples, c'est en fait une étoile double dont l'une des composante est elle même double. Mais normalement, ça ne fait pas de jolis triangles. Pareil pour les étoiles multiples. Je sais que les configurations de type « Trapèze » sont instables, c'est pourquoi le Trapèze est unique. C'est pourquoi Σ 1604 a été une très belle surprise.

 

Alors je n'ai pas de dessin à proposer, même si j'ai fait un croquis. Σ 1604 est une étoile triple située dans le Corbeau, au nord-ouest de la constellation, tout près de la frontière avec la Vierge. D'après le Washington Double Star Catalogue que je consulte à l'instant, ses composantes sont de magnitude 6.9 (A, de spectre G3), 10.0 (B, de spectre K5) et 8.1 (C). Je l'ai pointée le soir du samedi 21 mai en suivant la liste du Night Sky Observer's Guide, sans savoir ce qui m'attendait : c'est une étoile triple de type Trapèze (ou plutôt ι Cas), triangulaire, pas une double dont une des composantes est double. Elle a la forme d'un petit triangle presque rectangle. Mais ce qui m'a frappé, c'est que les angles entre les côtés ne sont pas ceux indiqués dans le Night Sky Observer's Guide : apparemment il y a une étoile qui a un peu tourné.

 

J'ai trouvé ce dessin sur Internet : http://perezmedia.net/beltofvenus/archives/images/2009/img2009012801_STF1604rev1lg.jpg

 

Voici le croquis réalisé à l'oculaire (attention, j'ai inversé les noms B et C) :

 

 

Sur le dessin de 2009, le triangle est isocèle, or je l'ai vu rectangle. J'ai même écrit que l'angle droit était un poil plus grand que 90° (entre 90° et 95°). C'est l'étoile du bas qui a bougé (celle du haut dans le dessin de 2009), elle se déplace vers l'ouest (vers la gauche). Est-ce une orbitale rapide ?

 

Non, c'est juste que l'étoile C est une étoile d'avant-plan qui a un mouvement propre relativement important (et ceci confirme que les étoiles multiples de type Trapèze sont bien rares). Les catalogues le montrent bien :

− Sky Catalogue vol. 2 : l'écart AC est passé de 58,0" (1831) à 19.1" (1959). C était alignée avec B en 1831, elle était à l'E de A. En 1951 elle était à l'ENE (par contre B a à peine bougé).

− Night Sky Observer's Guide : le PA de l'étoile C est de 25° (on ne sait pas à quelle date, le livre date des années 1990) : elle maintenant est au NNE de A.

− Washington Double Star Catalogue 2022 : en 2017 elle est presque pile au nord de A, et s'est rapprochée. D'après le WDS, l'angle entre AB et AC (que j'ai vu droit) faisait 85° en 2017.

 

C'est dingue : en quelques années on voit le mouvement de C ! La différence entre le dessin de 2009 et mon observation est très nette. C'est justement parce que l'angle est proche d'un angle droit qu'on peut l'estimer avec précision juste en le regardant. Le 21 mai, il ne valait plus 85° comme il y a cinq ans, il valait un poil plus de 90°, ça se voyait.

 

Bon, il faudra que je la suive dans les années à venir. Et pas besoin d'attendre vingt ans. Quel objet remarquable ! Et encore plus depuis que j'ai analysé les données des catalogues (à l'instant) : je me doutais qu'elle était rapide, mais pas à ce point.

 

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Une fois la nuit tombée je me suis rué sur les galaxies de l'amas Virgo avant qu'elles ne soient trop basses, découvrant notamment un très joli groupe serré de galaxies : NGC4268-70-73-81, avec une étoile double dans le champ en prime !

Modifié 24 juin 2022 par Bruno-

[Guillaume BERTRAND 1 649]

Super compte rendu Bruno ! Ça donne envie 😊 merci pour le partage. 

[Vivlepic 437]

Chouette ! Des multiples ! 

Bravo pour ce sympathique compte-rendu riche en émotions et pour l'excellente notation concernant l'observation de C. 

Pour ma part, j'ai un faible pour :

- STF 757 : Orion, étoile quintuple ! Quel " wahou ! " j'ai poussé aussi la première fois que j'ai observé le groupe avec le SV 400.

- Sigma Orion : une binaire que l'on ne peut résoudre car trop serrée, MAIS proche de trois jolies petites compagnes.  Et toute proche, STF 761.  Toutefois, à l'aide des 15x50, Sigma et STF 761 ne sont que doubles.  Donc, à vos diamètres !

 

Bravo, Bruno.

[polorider 798]

Joli croa et beau travail d'observation sur Σ 1604 merci pour le partage 

Il y a 22 heures, Bruno- a dit :

J'aime bien m'installer quand il fait jour. Du coup, que faire en attendant que la nuit tombe ? Des étoiles doubles.

Pareil pour moi  Je me régale sur les étoiles multiples avec le 14". En plus j'ai horreur d'installer de nuit... 

 

Il y a 3 heures, Vivlepic a dit :

Pour ma part, j'ai un faible pour :

- STF 757 : Orion, étoile quintuple !

Mon petit faible à moi c'est Iota Cassiopée qui a droit à ma visite à chaque sortie (quoique très basse actuellement...) et qui m'avait bien "scotché" quand j'ai commencé à observer des étoiles multiples, il y a de ça... longtemps 

[Goofy2 397]

Merci Bruno pour ce CROA. Il va au-delà d'une simple observation d'un système stellaire multiple.   

 

Comme toi j'aime bien observer les étoiles doubles, surtout quand elles sont faibles et serrées. Bien sûr il faut que ce soit adapté à l'instrument utilisé. Que ce soit avec la lunette TSA-120 ou bien le C11 Hedge HD et même avec des jumelles APM 100 SD 90° (à 110x ou 157x, mais là j'arrive aux limites instrumentales). Avec la TSA-120, merveilleuse lunette, j'aime bien résoudre les doubles serrées sur leur tache de diffraction en n'hésitant pas à grossir déraisonnablement pour une lunette de 120 afin d'obtenir de grosses taches de diffraction bien confortables.

Pour chaque soirée d'observation, j'inclus toujours quelques étoiles doubles à observer. En fait je construis mes soirées d'observation pour d'une seule constellation à chaque fois et je cherche tout ce qui est observable et à la portée de l'instrument qui sera utilisé. C'est une façon de procéder qui m'évite de refaire toujours les mêmes objets classiques et cela me pousse à observer des objets que je n'aurais jamais observés sans procéder ainsi: fouiller une petite zone pendant toute la soirée d'observation et ne rester que dans cette petite zone du ciel.

 

Σ 1604 reste une des plus belles étoiles triple que j'ai observées, sinon la plus belle. Je vais souvent lui rendre visite. Elle est belle, évidente . Elle a quelques chose d'attirant que je ne saurai définir  

J'aime bien aussi les étoiles carbonées dont l'éclat de la couleur varie tout au long de l'année au fil du cycle de ces étoiles variables.

Modifié 27 juin 2022 par Goofy2

[Bruno- 3 987]

Il y a 9 heures, Goofy2 a dit :

En fait je construis mes soirées d'observation pour d'une seule constellation à chaque fois et je cherche tout ce qui est observable et à la portée de l'instrument qui sera utilisé. C'est une façon de procéder qui m'évite de refaire toujours les mêmes objets classiques et cela me pousse à observer des objets que je n'aurais jamais observés sans procéder ainsi: fouiller une petite zone pendant toute la soirée d'observation et ne rester que dans cette petite zone du ciel.

 

Je trouve que c'est une très bonne façon de s'organiser. Je ne fais pas exactement la même chose (j'ai des listes d'objets que je coche au fur et à mesure) mais j'apprécie de rester une ou deux heures dans la même région du ciel. En mars dernier, j'avais exploré les amas ouverts du Grand Chien et de la Licorne page après page d'Uranometria : rester sur la même page toute la soirée est agréable, pas besoin de se lever de sa chaise...

 

Modifié 27 juin 2022 par Bruno-

[polorider 798]

Il y a 12 heures, Goofy2 a dit :

En fait je construis mes soirées d'observation pour d'une seule constellation à chaque fois et je cherche tout ce qui est observable et à la portée de l'instrument qui sera utilisé. C'est une façon de procéder qui m'évite de refaire toujours les mêmes objets classiques et cela me pousse à observer des objets que je n'aurais jamais observés sans procéder ainsi: fouiller une petite zone pendant toute la soirée d'observation et ne rester que dans cette petite zone du ciel.

"Et ben en voilà une idée qu'elle est bonne..." . Ça fait quelques (un bon paquet...) d'années que je fais du visuel et je n'avais jamais pensé à organiser mes séances d'observation de cette façon. Merci pour le tuyau . 

Perso je suis plutôt du style à @Bruno- avec une liste d'objets qui parfois me fait passer d'un bord à l'autre à du ciel, ce qui, il faut le reconnaitre n'est pas très confortable.

 

[etoilesdesecrins 1 726]

Quand la grosse lune est trop gênante pour le ciel profond, je sors la 100 mm : dessin lunaire + planétaire si c'est la cas + doubles.

Quand c'est l'été et que la lune est peu gênante : je sors le 300 pour du CP, mais effectivement pour me mettre 'en jambes' et attendre la nuit, je me fais quelques étoiles doubles au 300 (et planètes si elles sont là). Très intéressant comme dit Bruno, pour les couleurs, les perfs de résolution si la turbu est faible, parfois la présence d'aigrettes ...des vues souvent très esthétiques ...Et ensuite je compare avec les notes de la même double à la 100

[Goofy2 397]

Pour construire ma liste d'observation restreinte à une constellation, j'utilise les logiciels Skytools v4 pour constituer la liste à imprimer (toutes les infos utiles sont imprimées), Stellarium pour une vue d'ensemble rapide, Coelix Apex v2 (pour les étoiles doubles) et je complète avec le travail déjà effectué par nos camarades par constellations.

Deux excellents sites (avec commentaires sur les objets):

- le Top200! de notre camarade Bruno ici présent: http://www.astrosurf.com/bsalque/top.htm

- les listes d'observations d'Alain Gérard: http://www.astrosurf.com/agerard/observ.html

 

Il existe d'autres sites bien sûr et probablement aussi excellents. Mais avec les deux sites déjà cités et mes trois logiciels, j'ai largement de quoi préparer une liste d'observations en me limitant à une constellation.

 

Un autre avantage pour les adeptes du GoTo à se limiter à la même petite zone pendant toute la soirée, la précision du GoTo reste très bonne tout au long de la soirée: la cible pointée est toujours très près du centre du champ oculaire.

Modifié 27 juin 2022 par Goofy2

[Bruno- 3 987]

Il y a 2 heures, polorider a dit :

Perso je suis plutôt du style à @Bruno- avec une liste d'objets qui parfois me fait passer d'un bord à l'autre à du ciel, ce qui, il faut le reconnaitre n'est pas très confortable.

 

 

Je précise que dans mes listes, les objets sont quand même regroupés. (Je ne m'amuse pas à faire le catalogue NGC dans l'ordre de ses  numéros  )

[polorider 798]

 

il y a 1 minute, Bruno- a dit :

les objets sont quand même regroupés.

Oui bien sur . 

Je parlais du manque de confort d'observation "en général" pendant la séance quand il faut changer plusieurs fois de position. Alors qu'avec la méthode " @Goofy2 " on doit pouvoir passer plusieurs heures dans le même secteur sans trop changer de position mis à part peut-être la hauteur de la chaise d'observation.

[Bruno- 3 987]

Ce qui est bien pour ça, c'est l'amas de la Vierge. Il faut juste translater la chaise peu à peu à mesure que la Vierge dérive vers le couchant...

[etoilesdesecrins 1 726]

Effectivement, c'est bien de rester dans la même zone un bout de temps. Je crois que globalement le NSOG que je suis (suivre) maintenant respecte à peu près cela. Tout comme Bruno je me souviens aussi d'une séance l'an dernier au ras de l'horizon, sur Canis major ou Puppis, bien assis  confortablement, le 300 se faisant oublier mais dévoilant moult amas.

Sinon, y a aussi la possibilité de partir "en touriste" sans rien préparer sur une zone qui nous inspire et bien garnie dans l'IDSA.

Mais je n'ai pas encore procédé ainsi, après différentes premières listes je recherche à présent tous les objets du NSOG, et j'utilise selon les objets d'autres sources pour débriefer et comparer (dont les sites de Bruno et Alain G)

[serge vieillard 6 870]

Haaaaaa, ça c’est de l'observation à la façon "Bruno", et j'adore !!!! preuve que le dessin finalisé n'est que l'étape finale, mais pas forcément obligatoire. Comme souvent dit, un simple croquis joliment annoté montre et souligne tous les détails détectés. Formidable !!!!

Bon, les couples stellaires ne sont pas trop ma tasse de thé, juste l’occasion d'attendre la nuit profonde ou de profiter d'une observation quand le ciel est trop mou du genou. Mais il est vrai que ça montre de belles surprises.

 

Quant à la méthode d'observation détaillée dans ce post, par constellation, elle ne me convient pas du tout !!!!!! s'il est vrai qu'on peu ainsi écumer le ciel, portion par portion, il n’est pas certain d'en tirer toute la moelle. je m'espique :

- un vieux proverbe chinois dit clairement " chaque d'objet que tu contemplera ne s’exprimera  que sous le ciel qui lui sied - poil au nez"

- et bien c’est d'une infinie sagesse !!!! un exemple, je me mets sur Orion : sous un ciel pâteux et crépusculaire, rien ne vaut l'admiration des couples-triplé-quadruplé- carboné d'étoiles serrées comme Sig Ori ou BL Ori, etc... voilà que le seeing s'améliore et dans la même veine, allons dédoubler Rigel en appréciant la variation colorée des 2 composantes. Le ciel s'assombrit mais avec un seeing dégradée, la Grande Nébuleuse d'Orion grand champ s'impose à tous ! mais le seeing s'améliorant détaillons-la avec le célébrissime trapèze, voir les très discrets modules de Book qu'on pourrait chopper sur la grande aille de gauche si la transparence allait au mieux. La transparence gagne et le SQM grimpe, mais pas le seeing, l'Homme qui court  passe du fantôme à l'évidence, il grimpe encore d'avantage il est temps d'admirer la Tête de cheval, etc...... Tout ça pour dire qu'il était illusoire d'observer chacune de ces cibles à la queue-leu-leu - sauf à disposer chaque jour d'une ciel ultime.

- bref, on observe avec le ciel que l'on a, et on adapte ces cibles en circonstance.

- mais bien sûr, le passage au méridien est un atout, que dis-je, une condition sinéquanon d'une belle et bonne observation. Comme quoi même si l'on observe Orion, ben faut pas bouder le Lièvre juste sous ses pattes un jour - rare - d’excellent seeing pour contempler la NP du Spirographe et ses couleurs inouïes.... L'oublier et ne pas en profiter serait alors ballot !