Eratosthene

Physique et métaphysique

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Comme je dois passer les oraux du capes de philo d'ici un mois, c'est le bon moment pour lancer une discussion qui peut m'être utile au plus haut point vu le niveau du forum. On trouve trace de ces préoccupations dans pas mal de topics mais c'est l'occasion d'essayer de synthétiser tout ça : quel lien la physique a entretenu tout au long de l'histoire avec des concepts métaphysiques? Se sont-ils invités tels des intrus au sein des théries physiques (critique faite par Duhem), ou ont-ils au contraire contribué au développement de la connaissance (exemple de l'atomisme cité par Popper, thèse de Clavelin sur la religion solaire de kepler), ou la démarcation a-t-elle toujours été nette entre une métaphysique faite pour des cinglés éthérée et une merveilleuse science (Comte en forçant à peine le trait)?
D'ailleurs sur quoi repose la démarcation? L'induction? L'expérimentation? la falsifiabilité d'une théorie déduite d'une intuition?
A vos claviers messieurs dames, j'ai hâte de vous lire sur ce sujet.
Évidemment comme ici ce n'est pas un concours de philo mais un forum astro, c'est surtout la manière d'envisager les modèles cosmologiques qui peut servir à nourrir et à enrichir la discussion.

[Ce message a été modifié par Eratosthene (Édité le 22-05-2013).]

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Personnellement je trouve la différence entre science et philosophie assez mince, en fait ce serait presque à mon sens deux faces d'une même pièce. Il semble d'abord que les deux aient le même but, à savoir expliquer ce qui nous entoure, mais y arrivent différemment : la philosophie par des mots, la science par le langage mathématique. Cela dit, on peut aussi décrire les phénomènes du monde par des mots sans pour autant faire de la philosophie : par exemple il y a les livres de vulgarisation scientifique. Donc une autre méthode de discrimination encore plus pertinente s'impose. Qui est à mon avis la suivante : le raisonnement scientifique, qu'il soit mathématique ou "littéraire", est soumis aux principes de démonstrabilité, et de vérifiabilité tel que défini par Popper Ce qui n'est pas le cas de la philosophie, ni de la religion d'ailleurs. Dans ces derniers domaines, on peut avancer tout ce que l'on veut sans qu'il soit possible de prouver le cas échéant que c'est faux par un raisonnement rationnel. Pour aller encore plus loin, on pourrait dire que la science tente de répondre à la question "comment" (les réponses restent vérifiables), et la philosophie à "pourquoi". Pour donner un exemple trivial, faire de la philosophie c'est se demander "pourquoi je vis ? Pourquoi je meurs ?" quand la science est tout à fait capable d'expliquer le cycle de la vie du développement de l'embryon jusqu'à l'extinction des dernières cellules. Pourtant ça n'empêche pas de philosopher, heureusement d'ailleurs

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Allez, poussons encore un peu plus loin la réflexion ! On peut analyser l'évolution des rapports entre "physique" et "métaphysique" au fil du temps. Les deux ont longtemps été totalement confondues, même si ce ne fut pas toujours le cas notamment durant l'Antiquité (le plus bel exemple en est qu'Aristote les a séparées dans ses écrits, si bien que les deux termes ont persisté jusqu'à nos jours pour définir deux choses différentes. De manière plus générales, les Grecs -et peut-être d'autres- savaient faire de la science moderne pour expliquer le monde sans avoir recours aux mythologies traditionnelles). Au fil des siècles, la science officielle a longtemps reposé sur des concepts non vérifiables : cosmologie, cosmogonie faisant obligatoirement intervenir une volonté divine, du domaine "méta", pour expliquer des phénomènes mesurables ou du moins observables du monde physique, alchimie mélant superstition à ce qu'on appellerait aujourd'hui sciences de la matière, idem pour les rapports entre l'astronomie et l'astrologie. La différence entre physique et métaphysique n'est vraiment réapparue qu'à la Renaissance disons. Mais tout cela restait quand même brouillon et a été vraiment théorisé par le cercle de Viennes, puis Popper. Mais on touche là à un sublime paradoxe : le raisonnement scientifique se définit par l'épistémologie, donc une discipline philosophique ! C'est bien la raison pour laquelle la science n'existe pas par elle-même, c'est en fait l'Homme qui l'a créée et définie de toute pièce. Pour comprendre des phénomènes du monde réel qui eux existent bel et bien par eux-mêmes. Trop drôle je trouve

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quote:
C'est bien la raison pour laquelle la science n'existe pas par elle-même, c'est en fait l'Homme qui l'a créée et définie de toute pièce. Pour comprendre des phénomènes du monde réel qui eux existent bel et bien par eux-mêmes. Trop drôle je trouve

Exactement!
Qu'est-ce qui est le plus sûr et qui prédomine? La démonstration scientifique des lois matérielles à l'aide de notre cerveau et de nos seuls capteurs sensoriels ou bien notre insignifiance face à la Nature qui préexistait et qui pourrait se passer de nous.
La Nature existe, nous, nous essayons de la comprendre: qui peut prétendre être et connaître la Vérité?

L'indémontrable (la vie, l'infini, le temps, etc) est pour moi la meilleure preuve intuitive d'une prépondérance majeure de la métaphysique, ce qui ne veut pas dire que le partiellement démontrable (la physique) doit être négligé.

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Erastosthene, que de grandes questions que tu poses ! De mon point de vue il n'y a pas lieu d'opposer philosophie et physique. Je soupçonne Auguste Comte d'avoir contribué à creuser le fossé : il me semble avoir compris que c'est lui qui a créé le mythe du géant Galilée esprit éclairé et progressiste se dressant contre les forces obscurantistes et réactionnaires de la religion. Quand on regarde d'un peu près, la situation est moins claire .

En tout état de cause, cette opposition a fait de sacrés ravages. J'avais beaucoup d'espoir dans le colloque organisé à Lyon en 2009 "Forme et origine de l'Univers : philosophie et cosmologie" http://irphil.univ-lyon3.fr/rec herche/institut-de-recherches/forme-et-origine-de-l-univers-philosophie-et-cosmologie-308479.kjsp?RH=INS-Centres qui a fait l'objet d'un bouquin "Forme et origine de l'Univers Regards philosophiques sur la cosmologie" chez Dunod.

Mais j'ai surtout été frappé par l'immense incompréhension entre philosophes et physiciens/cosmologistes. Aucun débat entre eux : les philosophes ont peur de leur incompétence en physique, les physiciens pensent que la philosophie est de la littérature et ne peut rien leur apporter (genre PascalD et jackbauer2 réunis, c'est peu dire ).

Rien que la différence de comportement était incroyable : les philosophes assis lisant leurs papiers, les physiciens/cosmologistes powerpointant de brillantes présentations léchées avec de belles images et peu de texte, juste deux trois équations pour impressionner les foules . Deux au moins d'entre eux se sont plaints du dispositif : ils ne pouvaient pas facilement se déplacer sur une estrade devant l'écran en laserpointant, parce que c'était une salle de cours avec une longue table pour les conférenciers face au public. Bref, deux mondes aux antipodes. J'ai pensé à Régis Debray qui oppose la graphosphère (le livre, l'écrit) et la vidéosphère. On était vraiment dans cette opposition. Pour le même Debray, le support conditionne le message, c'est tout dire ... Il y avait une exception remarquable, Etienne Klein, qui lisait son texte et qui, justement, faisait, à mon avis, vraiment le lien entre les deux univers.

[Ce message a été modifié par ChiCyg (Édité le 24-05-2013).]

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Rappelons que Comte était philosophe, pas scientifique.

(Je n'ai toujours pas digéré le cours de philo de terminale où on nous a dit, sous prétexte qu'on était en terminale scientifique : attention, la science n'est pas toute puissante, elle ne peut pas expliquer tout, etc. (ah bon, on croyait une fadaise pareille ?), ne tombez pas dans le piège d'A. Comte. En gros certains scientifiques du 19è siècle ont cru ce genre de fadaise, et c'était de "notre" faute. Il m'a fallu plus de dix ans avant que je comprenne l'arnaque : Comte était philosophes ! C'est pas des scientifiques qui ont cru ces fadaises, c'est des philosophes ! C'est pas aux élèves de terminale scientifique qu'il faut faire la morale mais plutôt aux élèves de terminale philo ! Escrocs !)

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Bonne chance Eratosthenes pour les oraux ! Si un jour tu enseignes la philo à des terminales S, j'espère que tu pourras (mais ça dépend des programmes) leur expliquer ce qu'est la science. J'ai lu récemment "Réflexions sur la science contemporaine", de Pierre Darriulat, et je trouve que c'est le genre de livre que devraient lire tous ceux qui vont faire de la science, notamment les étudiants (il existe peut-être d'autres livres de ce genre). Je regrette vraiment qu'à mon époque on n'ait pas profité du cours de philo pour nous dire ce qu'était la science...

[Ce message a été modifié par Bruno Salque (Édité le 24-05-2013).]

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attention, la science n'est pas toute puissante, elle ne peut pas expliquer tout

Il est des scientifiques qui fréquentent ce site qui feraient bien de s'en souvenir, n'est-ce pas, Tournesol ? Juste une taquinerie, ne le prends pas mal, mais c'est aux scientifiques eux-mêmes qu'il faut le rappeler, les philosophes le savent, eux, depuis longtemps !... Du coup, vraiment, mais alors vraiment pas d'accord avec toi, Bruno, désolé...

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Je ne pense pas que Bruno veuille dire que la science est toute puissante, mais c'est clair que la formule du prof est pour le moins... peu pédagogique Pas toute puissante en quel sens!? Se trompe-t-elle? Ne donne-t-elle pas accès au réel, mais à des conventions bien pratiques? Je vous remercie dans tous les cas pour réponses et encouragements (j'en ai bien besoin, l'année dernière c'est à l'agreg que j'étais admissible et je suis bien parti en déconfiture lors es oraux). "
Je vois que le préjugé positiviste n'a pas trop d'adeptes ici : une science toute puissante succédant à une métaphysique se contentant de mettre en forme des superstitions religieuses", n'est pas une vision qu'on rencontrera ici.
L'idée qu'en son fondement la science se définit grâce à l'épistémologie de Cédric est assez intéressante, même si la science n'emprunte pas ses méthodes à la philosophie, mais fait appel à celle-ci pour réfléchir sur celles-ci.
Pour répondre à Cychig, l'incompréhension entre philosophes et scientifiques est relativement récente, mais n'en est pas moins désastreuse, elle est surtout française je pense. Au début du XXe siècle, il était nécessaire de passer par une classe scientifique pour passer le "bac philo". Cela engendrait des profs de philo qui pouvaient partir faire leurs études de médecine en cours de route (Canguilhem), des Cavailles réfléchissant sur l'histoire des maths, et même si durée et simultanéité est un ensemble de contresens sur la relativité, Bergson possédait un très bon niveau scientifique. Mais bon de réformes en réformes, on a fait de la philo une discipline purement littéraire, et on voit ce que ça donne. Les "phénoménologues" modernes sont de purs littéraires, dommage alors que le fondateur de leur mouvement, Husserl était avant tout mathématicien. Et quand des apprentis scientifiques se retrouvent avec des profs de philo qui ne comprennent même pas leurs rudiments, ça n'aide pas à se faire écouter...
Pour ce qui est de la démarcation, je crois que nous sommes face au coeur du problème : avant de dire ce que l'un ou l'autre peuvent dire ou ne pas dire, il serait bon d'examiner en quoi elles différent ou se complètent dans leur mode de développement. Problème, le poids de Kant fait qu'on les distingue par leurs objets (le phénomène, simple sensible construit mais qu'on peut légitimement connaître pour la science, et le noumène, l'être tel qu'il est mais sans certitude), fait qu'on les distingue de façon radicale sans pont possible. J'avoue que j'apprécie plus la démarche de Popper qui s'attache vraiment à la méthode et à à un critère plutôt qu'à une définition trop restrictive des deux mondes, et rendant ainsi le dialogue possible.

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Ne donne-t-elle pas accès au réel

Non. Elle donne simplement accès à notre interaction avec le réel, à travers nos sens et nos instruments. Problème: nos instruments, nos sens, faits d'atomes et de rayonnement, observent et mesurent des... atomes et du rayonnement... Il y a là une imbrication, une intrication indémêlable, une limitation pour le coup absolue, consubstancielle, dont nous n'avons pris vraiment conscience qu'avec l'avènement de la mécanique quantique. Cette stricte limitation, ainsi que l'existence de phénomènes totalement chaotiques donc imprévisibles, font que la science ne peut être considérée et ne sera jamais toute puissante. Le vieux truc des ombres dansantes sur les murs de la caverne...
Sinon, il existe encore, et c'est heureux, des physiciens-philosophes (ou des philosophes physiciens, comme on veut). Michel Bitbol, mon maître, que dis-je, mon gourou , est de ceux-là.

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Dans mon texte, l'expression « science toute puissante » n'a strictement aucun intérêt. Peu importe l'expression exacte, remplacez-la par « science toute puissante ou ce genre de chose ». Manifestement vous n'avez pas compris mon message. J'en déduis que j'ai dû très mal expliquer. Je n'ai pas la force de recommencer.

(Allez, j'essaie quand même : on nous a mis en garde contre le piège du scientisme en nous faisant croire que c'était les scientifiques qui étaient susceptibles de tomber dans ce piège, alors qu'en fait ce sont des philosophes qui y sont tombés.)

[Ce message a été modifié par Bruno Salque (Édité le 25-05-2013).]

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Si, si j'avais bien compris, (et c'est donc moi, qui n'était pas clair donc je développe) : la formule science toute puissante est ambiguë, a mille interprétation possibles (déjà : toute puissante au niveau pratique ou théorique?) Elle n'apporte donc pas grand chose au niveau pédagogique, puisque déjà on fait une mise en garde contre un "ennemi mal défini". Tu as bien exposé que c'était Comte, philosophe fasciné par la science qui était coupable de ce ce fantasme, et non les scientifiques eux-mêmes (je modèrerai ceci par le déterminisme des savants du XVIIIe siècle qui avant le grand ménage humien sur la part subjective de la causalité, et la critique kantienne sur les limites de notre connaissance possible étaient quand même tombés dans ce travers), alors que surtout depuis Heisenberg et les quantas, les savants sont bien conscients des limites de leurs connaissances, même si bien avant les quantas, une réflexion poussée sur la part humaine en ce qui concerne la mesure et la nature de l'expérimentation avait déjà pas mal borné la connaissance possible. Bref une belle mise en garde de la part d'un non scientifique sur un fantasme de science, qui n'a pas lieu d'être puisque plus aucun physicien digne de ce nom n'est dans ce schéma depuis au moins deux siècles. Bref, à éviter absolument si j'ai la chance d'enseigner dans une classe scientifique: aborder des épistémologues et des physiciens ayant réfléchi sur les limites (à commencer par les très bons bouquins de vulgarisation d'Heisenberg lui-même) est bien plus pertinent et porteur sur le plan pédagogique.

[Ce message a été modifié par Eratosthene (Édité le 25-05-2013).]

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en fait ce sont des philosophes qui y sont tombés.

Ben moi je crois toujours pas: c'est bien Lord Kelvin, si je me souviens bien, qui annonçait la fin de la physique, n'ayant bientôt plus rien à découvrir...

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Ça c'est autre chose. C'est plutôt du pessimime que du scientisme.

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A propos de la "fin de la physique", j'ai entendu quelque chose de cet ordre sur les commentaires des gens de la mission Planck qui présentaient leurs premiers résultats cosmologiques. D'aucuns diront que je surjoue le troll velu mais quand on dit :
1) que les données de Planck sur le fond diffus cosmologique ne pourront probablement pas être dépassées en précision (au moins dans un futur pas trop lointain) ce qui est probablement vrai,
2) que ces données confirment à quasi 100% le modèle cosmologique dit de concordance,
3) que le rayonnement fossile, et donc les données de Planck, "racontent à elles seules toute l'histoire de l'univers" et sont donc "autonomes" par rapport à d'autres données astrophysiques : elles se suffisent à elles-mêmes,
4) que les zones sombres du modèle : matière et énergie de la même couleur sont renvoyées à la physique des particules,
on décrit la fin, si ce n'est de la physique, du moins de la "cosmologie".

Dans l'idée de Popper et du falsificationisme, une hypothèse doit être falsifiable et elle est d'autant meilleure qu'elle est plus falsifiable, tout en n'étant bien sûr pas falsifiée !

Le problème du modèle cosmologique standard est qu'il est présenté comme n'étant plus falsifiable d'autant moins qu'on exclut les hypothèses ad hoc de matière et d'énergie sombre de son champ.

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quote:
Il est des scientifiques qui fréquentent ce site qui feraient bien de s'en souvenir, n'est-ce pas, Tournesol

Paille, poutre...

Les scientifiques savent très bien que la science n'est pas toute puissante, contrairement à d'autres, qui justement lui reproche d'évoluer.

Parallèlement, lorsqu'on en est comme certains, à rejeter la relativité (par exemple) en balançant aux chercheurs leur soit-disant complexe de toute puissance, ben c'est peut-être aussi que l'on devrait faire preuve d’humilité.

quote:
Le problème du modèle cosmologique standard est qu'il est présenté comme n'étant plus falsifiable d'autant moins qu'on exclut les hypothèses ad hoc de matière et d'énergie sombre de son champ.

Non ChiCyg, tu n'as pas compris. On a depuis longtemps prouvé que les pommes tombent au sol. Je pense qu'il est difficile de faire de nouvelles expériences permettant de potentiellement invalider le fait que les objets massifs s'attirent. Doit-on en déduire que la chute des corps n'est plus falsifiable, et donc que la gravitation n'a rien de scientifique ? Bien entendu que non. Evidemment, on peut toujours refaire à l'infini les expériences dans l'espoir un jour de trouver un contre exemple ! Mais ça n'a pas d'intérêt.

Par ailleurs, la fin de la physique qui est redoutée par certains scientifiques, n'a rien à voir avec la fin de la physique de Kelvin et al.
Ce n'est pas une fin par achèvement, c'est une fin faute de moyens.
Feynman faisait remarquer que plus on avance, et plus l'analyse fine des choses permettant de découvrir de nouvelles lois nécessite des moyens imposants et coûteux.
Par exemple, si demain il s’avérait que le higgs découvert au CERN est LE higgs du modèle standard, cela pourrait signifier que le prochain accélérateur capable de sonder de la nouvelle physique sera hors de portée de plusieurs générations de physiciens, sinon définitivement hors de portée technologique et financière.
De même, par rapport à PLANCK, il y arrivera un moment où le raffinement que l'on peut apporter aux mesures se cassera le nez sur les limites techniques et budgétaires. A défaut de fin de la physique, on ira vers une forme de stagnation sur certains sujets.

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Retour à la falsification : elle ne veut pas dire que le fait doive être falsifié, mais signifie qu'il puisse l'être. La pomme qui tombe au sol est toujours aussi falsifiable qu'au temps du premier homme puisque nos sens peuvent nous montrer sa chute. Mais nous savons pertinemment qu'elle ne le sera pas vu le nombre de pomme que nous avons vu tomber (la probabilité de falsification est extrêmement faible, alors que de par sa simplicité, cette chute est parmi les choses les plus falsifiables qui soient). Dire qu'une chose ne sera pas invalidée ne veut pas dire qu'on la pose comme non falsifiable (A la différence par exemple de l'explication des névroses qui ne peut être invalidée par une expérience, est non falsifiable, et du coup tout le monde peut proposer des explications alternatives et cohérentes).

[Ce message a été modifié par Eratosthene (Édité le 28-05-2013).]

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Tournesol :
quote:
Non ChiCyg, tu n'as pas compris. On a depuis longtemps prouvé que les pommes tombent au sol. Je pense qu'il est difficile de faire de nouvelles expériences permettant de potentiellement invalider le fait que les objets massifs s'attirent.
Tu veux dire que, pour toi, le modèle cosmologique standard présente la même évidence triviale que la chute des corps ?

Il y a au moins une petite différence : si tu veux convaincre mon esprit borné de la chute des corps et que tu disposes de beaucoup de patience tu pourras recommencer devant moi l'expérience en espérant qu'une petite lumière s'éclaire dans mon cerveau. (D'ailleurs, ne te fatigue pas, aussi étonnant que cela puisse paraître je suis déjà convaincu ).

Pour le big bang l'expérience est un peu plus difficile à refaire , non ? Et toute la chaîne d'observations et de raisonnements qui aboutissent au modèle standard un tout petit plus complexe, non ?

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Erastothene, je ne sais pas si je me suis bien fait comprendre. Il me semble qu'à partir du moment où le modèle cosmologique standard ne repose que sur les données Planck qu'elles sont "autonomes" comme disait la chercheuse et qu'elles "racontent toute l'histoire de l'univers", il s'agit d'un système clos que rien ne peut plus significativement perturber. C'est en ce sens que, présenté comme cela, le modèle n'est plus falsifiable, et, en conséquence, dans la vision de Popper l'hypothèse du modèle standard n'est pas de bonne qualité.

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Pffff... ChiCo, t'es pénible avec ton rabachage anti cosmo.

Et je crains que ça n'aide guère Eratosthene pour son "Capes" ..

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Meunon, vaufrègesI3, c'est pas du rabachage anti-cosmo, c'est simplement qu'on oublie que dans la vision falsificationiste de Popper, une hypothèse a d'autant plus de valeur qu'elle est hautement falsifiable, ce qui n'est plus le cas du modèle cosmologique standard dans la présentation qu'en font les cosmologistes. D'une part ils reportent à la physique des particules la charge de trouver la particule qui explique la masse manquante et celle qui explique l'énergie sombre, et d'autre part ces deux hypothèses sont quasi infalsifiables : impossible de prouver que quelque chose n'existe pas.

quote:
Et je crains que ça n'aide guère Eratosthene pour son "Capes"
Je ne suis pas de cet avis, ceci dit on pourrait parler de la réflexion d'Etienne Klein autour de la question de l'origine qui fait bien le lien, me semble-t-il entre science et philosophie.

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ChiCyg : "impossible de prouver que quelque chose n'existe pas."

... Surtout si cette chose existe ...


Je cite Popper > "Je ne considère pas les observations et les expérimentations comme ayant d'une façon ou d'une autre une priorité logique sur les théories. Au contraire, je crois que les théories ont la priorité sur les observations aussi bien que sur les expérimentations, en ce sens que ces dernières n'ont de signification qu'en relation à des problèmes théoriques. Aussi nous est-il nécessaire de poser une question avant de pouvoir espérer que l'observation ou l'expérimentation puisse nous aider en quelque façon à fournir une réponse."

Autrement dit, un "modèle standard" quelconque, fut il de la cosmologie , sert avant tout à "poser des questions"..
Quant au fait qu'il faille recourir parfois aussi aussi à la physique des particules pour avancer, quel problème celà pose t'il ?


Je vais tenter de recentrer mon laïus sur la question initiale d'Eratosthene : "quel lien la physique a entretenu tout au long de l'histoire avec des concepts métaphysiques?".. la réponse amenant à généraliser le propos à la science et à la cosmologie.. qui demeure le domaine privilégié des questionnement scientifiques, philosophiques et métaphysiques : Quoi de plus fondamental que de tenter de décrypter les arcanes de l’Univers ?

Nos représentations de l'univers demeurent tributaires de notre expérience du monde mais aussi de nos présupposés inconscients. Peut il exister une harmonie préétablie entre les arcanes de la pensée humaine et les méandres de la structure complexe du monde et, en conséquence, au projet d'une science de l'univers ? Pouvons-nous élargir indéfiniment notre sphère de connaissances, ouvrir une perspective sur la réalité totale, atteindre un horizon ultime d'objets ou de phénomènes ? En toute rigueur, il importe d'abord de distinguer la recherche scientifique d'une image cohérente de l'univers, et la tendance commune à vulgariser une représentation métaphysique d'une "origine", voire d'une finalité du cosmos (ce que dénonce justement Etienne Klein).

Sachant que les questions de fond sont toujours métaphysiques, et qu'il est impossible de ne pas se les poser.. Il n'existe pas d'articles scientifiques, surtout en vulgarisation, qui puisse vraiment s'en abstenir. Si la littérature et les magazines scientifiques se vendent, c'est aussi que s'y posent aussi parfois, de façon sous jacente, pas mal de questions métaphysiques que la science tente parfois d'aborder, sans avoir véritablement les moyens, ni surtout la vocation, d'y répondre..

Mais c'est bien la métaphysique qui a fondé les sciences... sans jamais se confondre avec elles..

Selon Nietzsche : "C’est toujours sur une croyance métaphysique que repose la croyance à la science, que nous aussi, hommes de connaissance d’aujourd’hui, nous sans-dieu et antimétaphysiciens, nous continuons d’emprunter notre feu aussi à l’incendie qu’a allumé une croyance millénaire, cette croyance chrétienne, qui était aussi la croyance de Platon, que Dieu est la vérité, que la vérité est divine.. Mais si cette croyance précisément ne cesse de perdre toujours plus sa crédibilité, si rien ne s’avère plus divin, sinon l’erreur, la cécité, le mensonge, si Dieu lui-même s’avère être notre plus long mensonge ?"

Ce que Nietzsche entend montrer ici, c'est la propension du besoin pour l'Homme d’avoir quelque chose à "tenir pour Vrai". Et dans les sociétés modernes, cette propension s'investit beaucoup dans la science.

La science élabore une représentation de la connaissance par un savoir fondé sur l'approche objective. En ce sens, l'esprit scientifique prétend à nous défaire de la représentation subjective au sens le plus ordinaire : celle des partis pris, des prises de position idéologiques, des vues partiales, fantaisistes, des spéculations, des préjugés divers et variés.

Le problème, c'est qu'en tant qu'êtres humains notre conscience est d'abord soumise à subjectivité.

Pour Niels Bohr, toute affirmation est objective pour autant qu'elle peut être soutenue par tout observateur en possession de son bon sens, il suffit qu'elle soit invariante par rapport à un changement d'observateur. Ce qui signifie que l'invariance repose directement sur l'intersubjectivité.

De plus, la physique quantique accomplit le paradoxe de casser l'objectivité forte que toute la physique classique avait pu entretenir, en ne laissant subsister, selon les termes de Bernard d'Espagnat, qu'une "objectivité faible". En fait la physique a déconstruit le concept "chosique" de la matière. On raisonne plutôt maintenant en structures énergétiques, champs d'énergie, fonction d'onde... même le vide qui avait été relégué au rang de "néant" est devenu le berceau de la matière, sa texture..

Il est vrai qu'à la Renaissance l'Occident a investi dans la science des espoirs extraordinaires.. On entend encore aujourd'hui encore quelques "élans" sur son irrésistible pouvoir, la "théorie du tout" etc... Mais comme l'écrit Tournesol, les scientifiques ont admis depuis longtemps les limites de leur exercice. La science a le mérite d'accepter et de situer ses propres limites, de se vérifier en permanence, pour se valider davantage. Elle n'est pas au niveau du dogme. Car la science n'est pas en soi matérialiste et n'a pas véritablement pour ambition la connaissance ultime et globale des arcanes de la nature, de la vie et de son sens profond.. Ce qui ne l'empêche en rien d'ouvrir sans cesse des perspectives fascinantes et précieuses sur la connaissance de la nature et du vivant.. Sachant que chaque découverte pose bien plus de questions qu'elle n'en résout..

L'immensité de l'Univers est à l'image de l'immensité du mystère dans lequel nous vivons.. Et nous cotoyons l'infini dans les plus petites choses.. et en nous même ..


La philo quant à elle peut se définir comme une réflexion sur TOUTES les formes de l'expérience humaine, dans tous les sens du terme..

Dans l'antiquité, définissant la philosophie d'après son objet, on a dit qu'elle était "connaissance des choses divines et humaines". Sauf qu'avec la métaphysique le philosophe se doit de demeurer prudent. Il n'est pas un théologien au service d'une religion. La philo reste la philo tant qu'elle est dans l'universel, qu'elle ne tombe pas sous la dépendance d'un credo ou d'une église. Simplement, elle n'exclut dans sa réflexion le besoin d'une forme de pensée transcendante, le sens du sacré, le spirituel..

Quant au rapport entre la philo et la science, je cite une nouvelle fois Edgar Morin :

"On peut, on doit définir la philosophie et la science en fonction de deux pôles opposés de la pensée: la réflexion et la spéculation pour la philosophie, l'observation et l'expérience pour la science. Mais il serait fou de croire qu'il n'y a pas de réflexion ni de spéculation dans l'activité scientifique, ni que la philosophie dédaigne par principe l'observation et l'expérimentation. Les caractères dominants en l'une sont dominés en l'autre et vice versa. c'est pourquoi, il n'y a pas de "frontière naturelle" entre l'une et l'autre. du reste, le siècle d'or de l'épanouissement de l'une et de la naissance de l'autre fut le siècle des philosophes-savants (Galilée, Descartes, Pascal, Leibniz). En fait, comme l'a bien marqué Popper, si disjointes soient-elles aujourd'hui, science et philosophie relèvent de la même tradition critique, dont la perpétuation est indispensable à la vie de l'une comme de l'autre.

Même après la disjonction entre science et philosophie, la communication ne fut jamais totalement coupée, seulement rétrécie. il y eut toujours une réflexion philosophique sur la science, renouvelée à chaque génération de façon originale... Il y eut toujours quelque part chez les philosophes le souhait que la philosophie devienne "savoir du savoir scientifique, sa conscience de soi". Mieux encore, les sciences les plus dures ont suscité de l'intérieur une véritable efflorescence philosophique. Paul Scheurer parle d'un retour de la pensée spéculative dans les sciences exactes... En fait, les grandes questions scientifiques sont devenues philosophiques et les grandes questions philosophiques sont devenues scientifiques...

Si le regard philosophique procure le recul nécessaire pour considérer la science, le regard scientifique procure le recul nécessaire pour considérer la philosophie. Aussi leur dialogue binoculaire pourrait procurer le nouveau recul qui nous est nécessaire pour considérer la connaissance. Dès lors, science et philosophie pourraient nous apparaître comme deux visages différents et complémentaires du même: la pensée."


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Bah, Poincaré, Koyré, Duhem, Popper sont un peu ce qui m'est demandé, plus que l'aide pour le concours, ce que je cherche ici, c'est surtout à un peu ouvrir tout ça pour moi, à voir comment des scientifiques et des amoureux de science approchent les choses de manière un peu plus vivantes et actuelle que dans ces grands classiques : donc je me régale.
Les problèmes de cosmo sont un superbe exemple d'ailleurs, car du falsifiable il y en a (on peut "prédire" pas mal de choses, en remettre en question avec des prédictions qui peuvent tout chambouler si elles ne se vérifient pas), mais à quel moment les théories dépassent-elles ce qui est vraiment de l'ordre du sensible pour entrer dans des modèles purement théoriques sans trop d'expérience possible (donc métaphysiques)? J'ai l'impression que c'est sur ce genre de points que ça se déchire pas mal. Sachant que Popper est un bon modèle épistémologique ; mais on peut lui opposer des visions purement conventionalistes dans lesquelles les objections contre la non falsifiabilité de certains modèles cosmologiques ne tiennent pas. (Mais vision dans laquelle pour le coup on admet que rien dans nos modèles ne mérite vraiment le nom de vérité).
Mais même en supposant qu'on ait affaire à une vision close, on se retrouve quand même face à la possibilité d'une invalidation générale. Je m'explique : en se plaçant dans une vision holistique ; car on admet implicitement que si un pan de la cosmologie que nous qualifierons de "close" venait à être remis en question à l'occasion d'observations ne respectant pas les prédictions théoriques, tout pourrait être remis en question exactement de la même façon que dans un domaine plus directement "expérimentable" dans laquelle la remise en question serait certes moins globale car on pourrait isoler plus facilement le problème. Bref, je ne vois pas en quoi le big bang ou la cosmologie contemporaine serait moins scientifique dans la mesure où (à l'exception des Bogdanoff) personne n'irait décrire ce qu'est l'instant zéro, ou pire l'avant zéro (et là, on serait bien en pleine métaphysique). De même pour reprendre un sujet de débat de ce fofo, la matière noire collant à nos observations, il serait un peu absurde de vouloir s'en passer tant qu'on ne la pose pas comme une substance à l'ancienne, tant qu'aucune observation ne vient la contredire.
(entre temps Vaufrèges a répondu, donc normal que pour linstant je ne tienne pas compte de son message, puisque nous avons rédigé en même temps)

[Ce message a été modifié par Eratosthene (Édité le 30-05-2013).]

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vaufrègesI3, Eratosthene, dans ces discussions vos interventions sont décidemment trop riches, elles pourraient faire l'objet de vingt discussions différentes ! Je réagis sur deux trois points, ça ne veut pas dire que je n'ai pas lu ni que je suis d'accord avec tout ce qui est dit .

quote:
Autrement dit, un "modèle standard" quelconque, fut il de la cosmologie , sert avant tout à "poser des questions"..
Ben non, depuis sa création il sert à expliquer les observations, pas à poser des questions d'abord la "fuite des galaxies".
quote:
En fait la physique a déconstruit le concept "chosique" de la matière.
J'ai l'impression contraire ; la physique lui donne de la "densité" (si j'ose dire ) ou de l'épaisseur si tu préfères.
quote:
La science a le mérite d'accepter et de situer ses propres limites, de se vérifier en permanence, pour se valider davantage. Elle n'est pas au niveau du dogme. Car la science n'est pas en soi matérialiste et n'a pas véritablement pour ambition la connaissance ultime et globale des arcanes de la nature, de la vie et de son sens profond.
Faut être prudent, il y a science et science, mais pour moi, c'est tout le contraire. La science est un peu dans la situation du capitalisme : même s'il "accepte et situe ses propres limites", il occupe tout le terrain n'ayant plus aucun rival dans la représentation hégémonique qu'il donne du monde.

Quant à l'ambition d'une connaissance "ultime et globale des arcanes de la nature", c'est bien celle de la cosmologie et c'est mon principal reproche.

quote:
[...] car on admet implicitement que si un pan de la cosmologie que nous qualifierons de "close" venait à être remis en question à l'occasion d'observations ne respectant pas les prédictions théoriques, tout pourrait être remis en question exactement de la même façon que dans un domaine plus directement "expérimentable" dans laquelle la remise en question serait certes moins globale car on pourrait isoler plus facilement le problème.
Tu as l'exemple flagrant de l'énergie sombre : le modèle ne marche plus avec la mesure de distances de supernovae lointaines en 1998 - ça aurait dû remettre en question le modèle, car rien, dans ce modèle, ne permet de l'expliquer. Au contraire, par un tour de passe-passe, le modèle sort renforcé, il a permis la mise en évidence de l'énergie noire . Après ça dis moi ce qui pourrait falsfifier le modèle ?

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ChiCyg > "Ben non, depuis sa création il sert [le modèle standard cosmologique] à expliquer les observations, pas à poser des questions d'abord la "fuite des galaxies".

Ah !!.. ben super, t'as une vidéo du big bang ?.. de l'expansion de l'Univers ?.. de l'inflation ?.. de la formation des galaxies ?
En cosmo, rien n'a été conjecturé, théorisé, avant d'être validé ??..

Par ailleurs, c'est marrant, tu ne cesses de nous dire que les observations (indirectes) ne valent absolument rien !! ..

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