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Le défi des OVNI

Document T.Lombry.

Rappel historique : de l'Antiquité à 1946

Les OVNI font partie du décor de l'humanité depuis la préhistoire et l'apparition de l'art pariétal. En effet, au sens large tout objet volant dont la nature est mal interprétée ou inconnue peut entrer dans cette catégorie. Mais suffit-il d'interpréter une peinture rupestre ou une statue en fonction de sa culture ou de ses émotions pour affirmer qu'il s'agit de la représentation d'objets ou d'êtres extraterrestres ? Bien sûr que non. Et pourtant... Les ufologues idéalistes voient par exemple dans les fameuses peintures rupestres des grottes du Sahara ou de Valcamonica dans le nord de l'Italie, des figures humaines portant des casques hermétiques hérissés d'antennes. Pour le paléoethnologue Jean-Loïc Lequellec[1] il s'agirait plutôt de la symbolisation d'un masque "calebasse". Ailleurs, dans les grottes d'Altamira ou en Ardèche (grotte Chauvet), les hommes préhistoriques auraient dessiné des objets possédant une sorte de "train d'atterrissage". Lequellec ou Anati y voit des symboles initiatiques.

Enfin, l'archéologue Robert Temple voit dans la cosmogonie Dogon une influence extraterrestre. La plupart des ethnographes et les astronomes n'y voient qu'une contamination culturelle déguisée. On y reviendra dans d'autres articles.

Cette différence d'interprétation et les conclusions erronées qui peuvent en découler soulignent l'importante de remettre les découvertes dans leur contexte et de procéder à une analyse détaillée du phénomène, ce qui exige normalement une analyse scientifique multidisciplinaire si les conditions de l'étude le permettent.

Scientifiquement parlant, de nombreux témoignages ont été recueillis depuis l'Antiquité mais ils ne reposent sur aucune donnée fiable. Les comptes-rendus sont allégoriques, fragmentaires et manquent souvent de crédibilité. Tous les auteurs citent toutefois l'observation d'objets brillants en vol ou sur le sol. Citons les "chars volants" et les "dragons de feu" de la Chine impériale, les "buissons ardents" du Proche-Orient ou le projectile "flamboyant, brûlant d'un feu sans fumée" dans le Drona Parva indien. Plus récemment, nous pouvons lire les descriptions de "chérubins s'élevant de terre, accompagnés de roues" chez le prophète Ezéchiel[2] (593 avant notre ère) ou la poursuite de l'armée d'Alexandre le Grand (329 avant notre ère) par deux objets volants. Tite-Live, Pline l'Ancien ou Cicéron, réputés pour leur intelligence et leur rigueur, rapportent des manifestations d'OVNI tout aussi énigmatiques.

D'autres soi-disant preuves sont reproduites sur des fresques médiévales ou de la Renaissance. On y voit des objets dans le ciel, renfermant quelquefois une silhouette. Enfin de nombreux "experts" ont reconnu des "extraterrestres" dans des statuettes japonaises, de l'île de Pâques, du Pérou, d'Egypte ou d'Australie. Tous ces indices n'ont encore une fois qu'une valeur anecdotique et chacun sait qu'une oeuvre d'art, comme un texte sacré, peuvent être interprétés par chacun de plusieurs façons. Nous reviendrons sur ces thèmes et leurs interprétations en temps utile, mais il est déjà aisé de comprendre que beaucoup de ces phénomènes s'expliquent aujourd'hui de façon naturelle.

Nous pouvons toutefois citer quelques évènements historiques qui ont marqué la mémoire des hommes, au point de figurer dans les comptes-rendus scientifiques.

L'observation de Nuremberg de 1561 décrite et illustrée par Hanns Glaser. Document  Swiss Covery.

En 1561 par exemple, les habitants de Nuremberg observèrent des objets cylindriques et des sphères en évolution au-dessus de leur ville tandis que le même évènement se reproduisit au-dessus de Bâle en 1566.

Le 20 mai 1646, au-dessus de Londres "d’étranges signes sont apparus dans le ciel et des sons indésirables". L’évènement fut remarqué par “divers civils honnêtes, sobres et de bon crédit" écrivit T. Forcet cette année là. Les témoins ont vu des hommes dans le ciel faisant des efforts, s’acharnant et tirant ensembles, l’un d’eux tenant un glaive. Plus tard "entre Newmarket et Thetford on vit un pilier de nuages descendre sur la terre, la garde d’épée dirigée vers le bas". Le phénomène dura environ une heure et demi.

De 1762 à 1870, de nombreuses observations ont été consignées. Quelques-unes décrivent des lumières mystérieuses dans le ciel ou des objets arrondis observés de jour. Il est important de relater ces observations car à cette époque il n’existait pas de télégraphe, ni de téléphone ou de radio pour rapidement propager ces nouvelles.

De 1870 au tournant du XXe siècle, une série de notifications font état de la présence d’objets en vol. En Angleterre, le "Times" rapporta l’observation d’une forme elliptique suivie d’une sorte de queue qui s’étendait sur quelque 30” d’arc et qui traversa le limbe de la Lune. La même année l'astronome français Trouvelot de l'Observatoire de Paris observa dans le ciel des objets qui ressemblaient à ceux de Bâle et de Nuremberg et qui "se déplaçaient comme un disque tombant dans l'eau".

Le 1er août 1871, un grand objet circulaire fut observé au-dessus de Marseille, en France. Il se déplaçait lentement dans le ciel, apparemment à haute altitude et fut visible environ 15 minutes (Comptes Rendus des séances de l'Académie des Sciences, 1871, volume 73, en particulier "Observation d'un bolide faite à l'Observatoire de Marseille le 1er août. Note de M. Coggia, présentée par M. Le Verrier").

C’est le 25 janvier 1878 que pour la première fois on compara un OVNI avec une soucoupe volante. John Martin, fermier habitant près de Denison, Texas, rapporta dans le "Daily News" avoir observé le mardi matin un objet sombre dans le ciel qui se rapprochait de lui : "Sa forme particulière et sa vitesse d’approche ont attiré mon attention. L’objet est passé presque au-dessus de moi à une altitude respectable et avait la dimension d’une grande soucoupe. Il ressemblait à un ballon. Il est ensuite parti si rapidement que je l’ai vite perdu de vue dans le ciel".

Le 22 mars 1880, plusieurs objets très lumineux furent observés à Kattenau en Allemagne. Observés juste avant le lever du Soleil, ils furent décrits comme venant de l’horizon et se déplaçant d’est en ouest. Cette observation fut publiée dans la revue "Nature"[3].

En 1885, la revue française "L’Astronomie" publia la première photographie d’un OVNI présentée à gauche. Elle avait été prise le 12 août 1883 à l’Observatoire de Zacatecas au Mexique par José Bonnila. Alors qu’il observait la surface solaire au télescope, il vit plus de 300 objets traverser le disque du Soleil. Equipé de plaques photographiques humides il prit plusieurs photographies du phénomène au 1/100e de seconde. Malgré les bruits les plus divers, il semblerait toutefois que Bonnila ait observé une formation d’oies sauvages.

La même année, M. Mavrogordato observa en Turquie de curieux objets évoluant à basse altitude. L'un d'eux ressemblait à un disque dont la taille apparente valait 4 à 5 fois celle de la Lune.

En 1893, des roues et des disques diurnes furent observés en mer du Japon. Le 26 août 1894, un amiral anglais rapporta l’observation d’un grand disque muni d’une sorte de queue.

L’année suivante, Anglais et Ecossais relatèrent l’observation d’objets de forme triangulaire, similaires à ceux observés dans les Indes Hollandaises. Etant donné qu’aucun avion ou dirigeable ne ressemblait à ces objets, plusieurs astronomes ont supposé que ces mystérieux objets pouvaient provenir de l’espace.

Les Etats-Unis connaîtront leur première vague d'OVNI en novembre 1896 lorsque plusieurs centaines d'habitants de la région de San Francisco aperçurent un grand objet sombre "en forme de cigare, avec des ailes tronquées". L'objet fut aperçu dans les heures qui suivirent par des milliers d'autres personnes au nord de la Californie. Quelques mois plus tard, en avril 1897, le "New York Herald Tribune"[4] rapporta cette observation : "Pendant plusieurs jours, des milliers de personnes ont signalé un mystérieux aéronef en forme de torpille, qui volait au-dessus des Etats-Unis : Kansas City, Chicago, Benton, etc. La nuit, des lumières rouges et vertes scintillaient sur ses côtés. De puissants faisceaux lumineux partaient de l'appareil, explorant le paysage en dessous de lui". Selon les astronomes qui l’observèrent au télescope, de petites ailes se projetaient sur les côtés de l’objet. L’OVNI fut observé dans le Midwest mais également au sud de St Louis et dans le Colorado.

Le 16 avril 1897, l’objet disparut du Midwest pour réapparaître - ou un objet similaire - le 19 avril à SisterVille en Virginie occidentale. Ce matin là, la ville fut réveillée par les sifflements d’une scierie. Les personnes qui sortirent de leur maison firent une étrange observation. Un objet en forme de torpille se trouvait au-dessus d’eux, projetant une lumière aveuglante vers le sol, en balayant la région. L’OVNI semblait mesurer 60 m de long et 10 m de diamètre. Il disposait de bouts d’ailes et de lumières rouge et verte sur les côtés. Durant près de 10 minutes l’objet survola la ville puis tourna vers l’est et disparut.

Ces deux étranges ballets aériens méritent d'être relatés parce qu'ils impliquèrent des milliers de personnes. Le raisonnement qu'on applique d'ordinaire à l'observation isolée, en la rejetant bien souvent par manque de données ou comme étant le produit de coïncidences ou d'une méprise, s'applique difficilement lorsqu'il se produit en présence d'une masse de témoins. La probabilité qu'il s'agisse d'une coïncidence est extrêmement... improbable, car le risque d'avoir mal interprété un phénomène connu n'existe pratiquement plus (on peut toujours quantifier une probabilité négative).

Du reste, il est possible que certains observateurs aient conservé en mémoire le vol expérimental du “vaisseau de Pennington” qui s’envola du Mont Carmel en Illinois en 1891, et relaté à l’époque dans la revue "Scientific American". Construit à l’image des vaisseaux de Jules Verne, ce dirigeable en forme de torpille disposait d’une immense hélice à l’avant, d’une grande crête dorsale et d’un empennage de belle taille. En dessous de la torpille, dans laquelle était disposée deux hélices verticales, se trouvait une longue nacelle équipée de 13 hublots. Illustrant l’un des nombreux projets de l’époque, ce vaisseau a pu servir de modèle à la vague de 1896.

Pour les détracteurs du phénomène OVNI, les objets observés durant la vague américaine sont également intéressants car ils décrivent des "airships" dont les performances et les caractéristiques ne pouvaient pas être égalées par les aéronefs de l'époque. Le Zeppelin ne sera inventé que trois ans plus tard, en Allemagne, et ne disposait pas de projecteurs. Quant au premier avion, il est français. En 1897, Clément Ader effectuera un vol de 300 m sur l'Eole III.

Document T.Lombry.

Il n’empêche qu’à cette époque là déjà, l’ufologie avait ses détracteurs et ses canulars[5]. Ainsi, en 1824 l’astronome allemand Franz von Paula Gruithuisen raconta comment il avait découvert les traces d’une forteresse sur la Lune. D’autres soi-disant découvertes furent publiées dans les années qui suivirent, tant en Europe qu’aux Etats-Unis.

En 1835 par exemple, le journaliste newyorkais Richard Adams Locke du nouveau journal "The Sun"[6] publia un article rapportant que l’éminent astronome John Herschel, alors en Afrique du Sud, avait découvert un humanoïde portant une toison de la plus belle teinte cuivrée et doté d’ailes de chauve-souris... Locke vendit la mèche l’année suivante lorsque l’astronome Camille Flammarion réfuta la découverte d’Herschel devant l’Académie des Sciences à Paris. De l'aveu même de Locke cela avait été "une façon de se moquer de certains astronomes avocats de l’existence d’une vie intelligente sur la Lune". Cette fois-ci le fondateur du "Sun", Benjamin Day, avait été complice de cette supercherie pour accroître les ventes de son journal !

Enfin, en 1896 le colonel H.G. Shaw[7] dit avoir rencontré des humanoïdes près à l’enlever à bord d’un “airship” à destination de Mars - le premier cas d'abduction avortée - et un journal de Virginie[8] relata le débarquement de sept géants martiens au crâne disproportionné en 1897. On peut donc considérer que le concept de l’enlèvement extraterrestre tel que nous le connaissons aujourd’hui remonte à cette époque là, bien qu’il existe des textes antérieurs à cette époque.

Parmi les récits a priori dignes de foi, l’observation la plus étonnante fut réalisée le 2 juillet 1907, près de Burlington, dans le Vermont, lorsque plusieurs témoins observèrent un objet en forme de cigare survoler la ville. Peu après l’avoir vu, un objet rond lumineux descendit du ciel en clignotant, puis explosa[9].

Le 8 avril 1914, des témoins observèrent à Fort Worth, Texas, une étrange ombre sous les nuages bas. Elle semblait provoquée par un énorme objet planant au-dessus des nuages. Malgré le fait que la couche nuageuse se déplaçait, l’ombre demeurait immobile. Elle diminua ensuite de taille et disparut rapidement, comme si elle s’élevait verticalement[10].

En 1934, Nicholas Roerich[11], chef d’une expédition au Tibet et ses équipiers observèrent très haut dans le ciel national un objet se déplaçant à grande vitesse du nord au sud. Muni de jumelles, Roerich nota que l’objet avait une forme ovale, visiblement de grande taille et reflétait les rayons du Soleil comme s’il s’agissait d’un matériau brillant poli. Alors qu’il le suivait du regard, l’objet a soudainement changé de direction pour se diriger vers le sud-ouest. Il disparut en quelques instants. A cette époque les dirigeables étaient bien connus de la plupart des gens. Certains pensaient qu’il s’agissait de vaisseaux américains. Mais une vérification ultérieure prouva qu’aucune nation ne possédait de tels vaisseaux. Ce fut la dernière observation faite avant la Seconde guerre mondiale

Les foo fighters

Ethymologie

Le terme "foo fighters" fut utilisé par les pilotes d'avions alliés pendant la Seconde guerre mondiale pour décrire divers OVNI lumineux ou de mystérieux phénomènes aériens observés dans le ciel des théâtres d'opérations d'Europe et du Pacifique.

Le mot anglais "foo" (signifiant absurde, idiot, stupide) est apparu dans la culture populaire anglo-saxone au début des années 1930. On s'accorde à dire que le terme "foo" fut emprunté à la bande dessinée "Smokey Stover"[14] de Bill Holman par Donald J. Meiers, un opérateur radar du 415th Night Fighter Squadron (NFS) américain[15] qui, selon la plupart des membres de son escadrille, donna son nom aux foo fighters. Meiers était originaire de Chicago et était un fervent lecteur de cette bande dessinée publiée quotidiennement dans le "Chicago Tribune". Le dessinateur Holman parsemait ses bandes dessinées du pompier Smokey Stover avec l'interjection "foo" pour représenter l'effet sonore de la fumée et de jeux de mot,[16],[17]. Le slogan de Smokey Stover était "where there's foo, there's fire" (là où il y a de la fumée il y a du feu).

Photos originales de foo fighters prises durant la Seconde guerre mondiale. A gauche, des B-29 Superfortress au-dessus de l'Italie en 1945 accompagnés par trois foo fighters. A droite, des Takikawa-Kawasaki 98 au-dessus des montagnes de Suzuka, dans le centre du Japon en 1945 accompagnés par deux foo fighters. Documents D.R. et Mary Evans Picture Library.

Lors d'interviews accordées à des journalistes, on apprit que lors d'un débriefing de mission le soir du 27 novembre 1944, Frédéric "Fritz" Ringwald, l'officier du renseignement S-2 de l'unité, déclara que Meiers et le lieutenant-pilote Ed Schleuter avaient aperçu une boule de feu rouge qui semblait les chasser à travers diverses manœuvres à grande vitesse. Ringwald déclara que Meiers était extrêmement agité et qu'il avait un exemplaire de la bande dessinée dans sa poche arrière. Il l'a sortie et l'a jetée sur le bureau de Ringwald en disant : "[I]t was another one of those fuckin' foo fighters!" ([C]'était un autre de ces putains de foo fighters !) et est sorti en trombe de la salle de débriefing[18],[19].

Selon Ringwald, faute d’un meilleur nom, il est resté. Et c'est ainsi que les hommes du 415e NFS ont commencé à appeler ces incidents : "fuckin's foo fighters" (putains de foo fighters). En décembre 1944, Bob Wilson, un correspondant de l'Associated Press à Paris, fut envoyé au 415e NFS dans leur base installée à l'extérieur de Dijon (F) pour enquêter sur cette histoire[20]. C’est à cette époque que le terme a été épuré pour devenir simplement "foo fighters". Le commandant de l'escadrille, le capitaine Harold Augsperger, décida également de ne conserver que le terme "foo fighters" dans les données historiques de l'escadrille[18].

Selon Ralph Blumenthal, auteur du livre "The Believer: Alien Encounters, Hard Science, and the Passion of John Mack" (2021), le terme est (et non serait) une corruption du mot français "feu" ou de l'acronyme argotique militaire FUBAR signifiant "Fucked Up Beyond All Repair" (foutu au-delà de toute reconnaissance)[21]. Mais ces deux propositions très tardives semblent posées a posteriori et de manière ad hoc sans aucune preuve. De plus, on ne voit pas pourquoi des Anglo-saxons utiliseraient un mot dérivé du français quand leur proppre langue regorge d'expressions pittoresques, notamment en slang et autre patois. Elles sont donc peu plausibles.

Les notifications

Sur le plan historique, les foo fighters furent formellement signalés à partir de novembre 1944 par le 415e NFS précité mais du personnel naviguant en avait déjà observé depuis quelques années[12].

Dans son livre "Let Us Not Forget: A Tribute to America's 20th Century Veterans" publié en 2002, l'auteur Vurlee Toomey précise que si les "foo fighters" désignaient initialement un type d'OVNI signalé en 1944, le terme était également couramment utilisé pour désigner toute observation d'OVNI datant de cette période.

Illustration d'un P-43 suivi par deux foo fighters par une journée ensoleillée durant la Seconde guerre mondiale. Document T.Lombry.

La première notification remonte à mars 1942[22],[23], lorsque le personnel de la Royal Air Force (RAF) signala que des lumières suivaient leur avion. Des observations similaires furent notifiées par des équipages de bombardiers de la RAF volant au-dessus des Balkans à partir d'avril 1944[24]. Des observations américaines furent enregistrées pour la première fois par des équipages du 422e NFS stationnés en Belgique occupée au cours de la première semaine d'octobre 1944.

À l'époque, on pensait à tort qu'il s'agissait d'intercepteurs Messerschmitt Me 163 propulsés par fusée. Mais ils ne volaient pas la nuit[25]. Or, la plupart des observations faites au cours de la dernière semaine de novembre 1944 concernait des pilotes survolant l'Europe occidentale de nuit qui déclarèrent avoir vu des objets ronds et lumineux se déplaçant rapidement en suivant leur avion.

Ces lumières étaient diversement décrites comme étant enflammées et brillantes d'une couleur rouge, blanche ou orange. Certains pilotes les ont décrites comme ressemblant à des lumières de sapin de Noël et ont rapporté qu'elles semblaient jouer avec l'avion, effectuant des virages serrés avant de simplement disparaître. Les pilotes et les équipages ont rapporté que les lumières volaient ensemble en formation avec leur avion et se comportaient comme si elles étaient sous contrôle intelligent, mais n'ont jamais affiché de comportement hostile. Cependant, elles ne pouvaient pas être semées ou abattues.

Le phénomène était si répandu que les lumières ont gagné un nom : sur le théâtre d'opérations européen, elles étaient souvent appelées des "boules de feu Kraut", mais la plupart des "foo fighters". L'armée prit ces observations au sérieux, soupçonnant qu'il pourrait s'agir d'armes secrètes allemandes, mais une enquête plus approfondie révéla que des pilotes allemands et japonais avaient rapporté des observations similaires[26].

Le 13 décembre 1944, le QG Suprême du Corps Expéditionnaire Allié (SHAEF) à Paris publia un communiqué de presse que publia le lendemain le "New York Times", décrivant officiellement le phénomène comme une "nouvelle arme allemande"[27]. Des articles ultérieurs, utilisant le terme "foo fighters", sont apparus dans le "New York Herald Tribune" et le "British Daily Telegraph"[28].

Dans son édition du 15 janvier 1945, le magazine "Time" publia un article intitulé "Foo-Fighter" dans lequel il rapportait que les "boules de feu" suivaient les chasseurs de l'Air Force américaine (USAAF) de nuit depuis plus d'un mois et que les pilotes les avaient surnommées "foo fighters". Selon le "Time", les descriptions des phénomènes variaient, mais les pilotes s'accordaient sur le fait que les mystérieuses lumières suivaient de près leur avion à grande vitesse.

Le phénomène des "boules de feu" signalé sur le théâtre d'opérations du Pacifique différait quelque peu des foo fighters signalés en Europe ; la "boule de feu" ressemblait à une grande sphère en feu qui "restait suspendue dans le ciel", même si elle suivait parfois les avions. Il y avait des spéculations selon lesquelles le phénomène pourrait être lié à la campagne japonaise de ballons incendiaires. Comme en Europe, aucun avion n'a été signalé comme ayant été attaqué par une "boule de feu"[29].

Le comité Robertson d'après-guerre cita les rapports des foo fighters, notant que leur comportement ne semblait pas menaçant, et mentionna des explications possibles, par exemple qu'il s'agissait de phénomènes électrostatiques similaires au feu de Saint-Elme (conclusion de Martin D. Altschuler dans le rapport Condon), de phénomènes électromagnétiques ou simplement de reflets de lumière provenant de cristaux de glace. Le rapport Durant publié en 1953 par le comité Robertson suggéra que "Si le terme "soucoupes volantes" avait été populaire entre 1943 et 1945, ces objets auraient été classés comme tels."[13] On reviendra sur le comité Robertson à propos de l'incompétence de l'US Air Force.

Les "foo fighters" furent également signalés à plusieurs reprises dans le monde entier. Citons quelques notifications :

- L'observation de septembre 1941 dans l'océan Indien était similaire à celle de certains rapports ultérieurs de foo fighters. Depuis le pont du S.S. Pułaski (un navire marchand polonais transportant des troupes britanniques), deux marins signalèrent un "étrange globe brillant d'une lumière verdâtre, environ la moitié de la taille apparente de la pleine Lune."[30]. Ils alertèrent un officier britannique qui observa avec eux les mouvements de l'objet pendant plus d'une heure.

- En décembre 1942, le sous-lieutenant d'aviation Bryan C. Lumsden, un Néo-Zélandais du 3e Squadron de la RAF volant sur un chasseur Hurricane (le premier monoplan qui s'illustra lors de la bataille d'Angleterre) décolla d'Angleterre à 19 heures pour un vol de nuit, une mission d'intrusion au-dessus des côtes du nord de la France qu'il rejoigna en suivant la Somme. 

A gauche, illustration du chasseur Hurricane de Bryan C. Lumsden suivi par deux lumières oranges lors d'un vol de nuit au-dessus de la Somme, en France, en décembre 1942. Il ne parvint à les semer qu'en arrivant au-dessus de la Manche. A droite, illustration du B-24 de Taylor du 178e Squadron de la RAF suivi de nuit par une lumière rouge le 13 octobre 1944. Documents T.Lombry.

Une heure plus tard, alors qu'il volait à 7000 pieds ou 2133 m au-dessus de l'embouchure de la Somme, Lumsden vit deux lumières oranges qui le suivaient en montant régulièrement. Une lumière était plus haute que l'autre, ce qui semblait exclure les feux de navigation au bout des ailes d'un avion. Il pensa qu'il s'agissait peut-être d'une balle traçante, mais il abandonna cette idée lorsqu'il vit la lenteur avec laquelle les lumières se déplaçaient. Il fit un tour complet et vit les lumières à l'arrière et à babord, mais elles étaient à présent plus grandes et plus lumineuses. A 7000 pieds, les lumières ont arrêté de grimper et sont restées au niveau de son avion. Lumsden était effrayé et exécuta à nouveau un tour complet, pour découvrir que les lumières étaient restées accrochées derrière lui pendant le virage.

Lumsden raconta qu'il n'avait aucune idée de ce que c'était. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il n'aimait pas ça. Il plongea jusqu'à 4000 pieds mais les lumières suivaient chacune de ses manœuvres, gardant leur même position relative. Finalement, elles sont descendues environ 1000 pieds ou 330 mètres plus bas que lui où elles se stabilisèrent avant de remonter et de reprendre leur poursuite. Les deux lumières semblaient maintenir une distance égale l'une par rapport à l'autre et ne variaient que légèrement de temps en temps en hauteur relative. L'une restait toujours un peu plus bas que l'autre. Finalement, alors que la vitesse de Lumsden atteignait 260 mph ou 418 km/h, il put progressivement distancer les lumières mais ne les sema qu'en arrivant au-dessus de la Manche.

Lumsden déclara : "J'ai eu du mal à faire croire les autres membres de l'escadron lorsque je racontais mon histoire, mais la nuit suivante, l'un des commandants d'escadron vola dans la même zone et vécut une expérience similaire avec une lumière verte." L'histoire fut publiée dans l'édition du 4 novembre 1955 du journal "Christchurch Star Sun"[31].

Illustration du B-25 de Duane Adams qui fut escorté par un foo fighter pendant une demi-heure peu après la Seconde guerre mondiale. Document T.Lombry.

- 13 octobre 1944, un équipage de la RAF du 178e Squadron basé en Italie rapporta avoir vu des lumières suivre son avion au-dessus de la Hongrie lors d'un raid nocturne sur Székesfehérvár. Le B-24 Liberator KH-103 piloté par le sous-officier d'aviation Taylor fut suivi par un lumière rouge intermittente pendant plusieurs minutes[32]. Le squadron avait commencé à signaler de nombreux cas similaires dès avril 1944 et continua à en signaler jusqu'en 1945[33].

- Charles R. Bastien de la 8e USAAF rapporta l'une des premières rencontres avec des foo fighters au-dessus de la zone Belgique/Pays-Bas ; il les décrivit comme "deux phares antibrouillard volant à grande vitesse et pouvant changer de direction rapidement". Lors du débriefing, son officier du renseignement lui dit que deux chasseurs de nuit de la RAF avaient rapporté la même chose, et cela fut ensuite rapporté dans les journaux britanniques[34].

- Le sénateur Ted Stevens fit une rencontre avec un foo fighter à l'époque où il était pilote de chasse de l'USAF en Chine durant la Seconde guerre mondiale. Cette histoire fut racontée par le sénateur démocrate Harry Reid (1939-2021) du Nevada qui s'intéressait aux OVNI (on le retouvera en 2019 à propos de la réforme du protocole du Pentagone) : "Je volais et il y avait un objet à côté de moi. Je ne pouvais pas m'en débarrasser, j'ai ralenti, c'était là. J'ai accéléré, c'était là. Je plongerais, ce serait là. J'ai appelé [le contrôleur]. Rien sur le radar."[35].

- L'officier de renseignement du 415e NFS précité, le capitaine Ringwald, envoya un rapport répertoriant 14 incidents distincts survenus en décembre 1944 et début janvier 1945 à la section de renseignement du XII Tactical Air Command, les supérieurs immédiats de l'unité au 64e Fighter Wing étant incapables d'offrir des réponses[36]. Sans réponse interne, le XII TAC demanda l'aide du SHAEF à Paris. Le SHAEF n'avait aucune connaissance du phénomène et demanda si le ministère britannique de l'Air à Londres avait des informations. L'explication du ministère de l'Air sur le phénomène foo fighter fut reçue le 13 mars 1945 : "Les équipages du Bomber Command signalent depuis un certain temps des phénomènes similaires. Quelques-uns des avions présumés pourraient être des Me 262 et pour le reste, les fusées antiaériennes sont suggérées comme explication la plus probable. Toute cette affaire reste encore quelque peu mystérieuse et les preuves sont très fragmentaires et variées, de sorte qu'aucune explication définitive et satisfaisante ne peut encore être donnée. Signé  Air Ministry DDI2 à A/C of S, A-2, SHAEF, 13 mars 1945"[37].

- Duane Adams, pilote de carrière de l'USAF raconta souvent qu'il avait été témoin à deux reprises de l'apparition d'une lumière vive qui illumina son avion pendant environ une demi-heure, puis monta rapidement dans le ciel. Les deux incidents se sont produits de nuit, tous deux au-dessus du Pacifique Sud, et tous deux furent observés par l'ensemble de l'équipage de l'avion. La première observation eut lieu peu après la fin de la Seconde guerre mondiale, alors qu'Adams pilotait un bombardier B-25. La deuxième observation eut lieu au début des années 1960, alors qu'Adams pilotait un stratotanker Boeing KC-135.

Illustrations de plusieurs foo fighters face à un B-17 du 384e Bomber Group qui tenta de les esquiver mais plusieurs disques lumineux traversèrent son aile droite. L'un des foo fighters percuta la partie arrière de l'avion sans l'endommager, mais laissa des débris noirs derrière lui regroupés en plusieurs petits amas. Cet étrange phénomène se produisit le 14 octobre 1943 au-dessus de Schweinfurt, en Allemagne. Documents T.Lombry.

Des journaux de bord des pilotes de guerre furent compilés par Jon Alrich et publiés dans l'ouvrage "The Foofighters Files" (donc voici une copie) de Dominique F. Weinstein en 2009. L'auteur cite 149 notifications de foo fighters observés sur les théâtres d'opérations d'Europe et d'Asie en 1943 et 1945. Il cite notamment les cinq observations suivantes qui donnent certaines caractéristiques et les dimensions des foo fighters :

- Le 14 octobre 1943 au-dessus de Schweinfurt, en Allemagne, de retour d'une mission de bombardement sur l'Allemagne, plusieurs équipages de B-l 7 du 384e Bomber Group observèrent un groupe de disques lumineux volant droit sur eux. Un des pilotes manœuvra pour éviter une collision. Son aile droite traversa le groupe de disques sans aucun effet. L'un des disques est entré en collision avec la partie arrière du B-17 sans dommage. À 20 pieds ou 6 mètres derrière le disque, il y avait "une masse de débris noirs de différentes tailles, regroupés en groupes de 3 pieds sur 4" ou 90 cm x 120 cm. (page 10).

- Le 26 novembre 1943 à Brême, Allemagne, un équipage observa des anneaux de flammes vertes en forme de tire-bouchon de 2 à 3 pieds ou 60 à 90 cm de diamètre, comme s'ils flottaient dans l'air (page 10).

- Le 8 février 1945 en France, un équipage du 415e NFS précité à bord de chasseurs Beaufighter revenait d'une mission d'intrusion lorsqu'il signala que pendant environ une minute, il observa une "lumière jaune à 9000 pieds" ou 2743 mètres d'altitude qui "était à 10 miles (ou 18.5 km) au nord-ouest de Strasbourg" (page 27).

Illustrations de B-29 du 21e Bomber Command en présence de différents foo fighters le soir du 24 mars 1945 lors d'un raid au-dessus du Japon. A gauche, présence d'une lumière rouge à l'avant et sous la ligne d'horizon du B-29. A droite, les B-29 face à six lumières blanches. Documents T.Lombry.

- Le 24 mars 1945 dans la soirée, le 21e Bomber Command commença ses opérations contre le Japon, envoyant ses B-29 effectuer un raid pour détruire les usines Mitsubishi Aircraft Engine à Nagoya. Les équipages des B-29 observèrent diverses activités pyrotechniques : "une boule de feu jaune d'environ six pouces diamètre" (15 cm) ; "des éclairs orange et rouge" ; "six boules de feu blanches"; des sortes de flammes de combustion de fusée ressemblant à des explosions de gaz, d'apparence rouge-orange, "beaucoup plus brillantes que les bombes anti-aériennes"; "une boule de feu grisâtre de la taille d'un ballon de soccer" (19 cm) et une "boule de feu rouge qui apparaît par le bas" (page 33).

- Le 26 mars 1945 vers 11h, en Allemagne, dans la vallée de la Ruhr, le pilote d'un Spitfire X immatriculé PL966 du 541e Squadron de la RAF aperçut une sphère rose d'environ 3 pieds ou 1 mètre de diamètre devant son avion, puis l'objet passa lentement à tribord. La vitesse de l'avion était de 360 mph ou 580 km/h et la vitesse de l'objet d'environ 340 mph ou 547 km/h (page 34).

Tentatives d'explications

Durant la guerre, les témoins des foo fighters pensaient que ces lumières étaient des armes secrètes construites par les Nazis. Après la guerre, au début de l'automne 1945, un groupe de scientifiques, d'ingénieurs et d'anciens officiers de haut rang de la Luftwaffe fut interrogé par le personnel de l'ISAF de la section européenne du renseignement sur les rapports de guerre concernant les "boules de feu". Les treize interrogés affirmèrent n'avoir aucune connaissance d'un programme d'armement secret allemand qui aurait pu expliquer ces observations[38].

A voir : Project Blue Book: Declassified – The True Story of the Foo Fighters, History

Illustrations du foo fighter d'un mètre de diamètre irradiant une lumière rose observé par un pilote de Spitfire X du 541e Squadron de la RAF à 1 mètre devant son avion avant de lentement passer à tribord le 26 mars 1945 vers 11h au-dessus de la vallée de la Ruhr, en Allemagne. Documents T.Lombry.

Dans son livre "Intercept UFO" publié en 1974 et réimprimé en 1994 dans une édition anglaise révisée sous le titre "Man-Made UFOs 1944-1994 - 50 Years of Suppression", l'auteur Renato Vesco relança la théorie de guerre selon laquelle les foo fighters étaient une arme secrète nazie. Selon Vesco, il s'agirait en fait d'une sorte de mine antiaérienne à réaction lancée du sol, à guidage automatique et propulsée par réaction, appelée en allemand Feuerball (boule de feu). Cette mine volante, censée être actionnée par des unités spéciales SS, ressemblait à une carapace de tortue et volait au moyen de jets de gaz qui tournaient comme une roue Catherine de feu d'artifice autour du fuselage. Les tubes klystron miniatures à l’intérieur de la mine, en combinaison avec les jets de gaz, auraient créé l’apparence sphéroïde brillante caractéristique des foo fighters. Une forme rudimentaire de radar anti-collision garantissait que l'engin ne s'écraserait pas sur un autre objet en vol, et un mécanisme de capteur embarqué donnerait même l'ordre à l'engin de décoller rapidement si on lui tirait dessus.

Vesco prétend que le but du Feuerball était double. L'apparition de cet étrange objet à l’intérieur même d'un groupe de bombardiers aurait (et eut effectivement) un effet distrayant et perturbateur sur les pilotes de bombardiers. En outre, Vesco allègue que les objets étaient également destinés à avoir une capacité "offensive". Il prétend que les décharges électrostatiques des tubes klystron interféreraient avec les systèmes d'allumage des bombardiers, provoquant le calage des moteurs et l'écrasement des avions. En réalité, s'il s'agissait d'une arme, elle n'avait aucun effet ni défensif ni offensif et aucune armée n'a tiré avantage de cette soi-disant invention.

Bien qu'il n'y ait aucune preuve tangible pour étayer la réalité du Feuerball, cette théorie fut reprise par d'autres auteurs passionnés d'aviation ou d'ufologie, et fut même citée par certains auteurs comme l'explication la plus probable du phénomène dans au moins un reportage télévisé sur les armes secrètes nazies[39],[40]. Cependant, d'autres auteurs plus critiques soulignent la nature unique de la source d'information, le côté spéculatif de cette théorie qui ne repose sur aucune preuve et les capacités invraisemblables du supposé dispositif pour finalement qualifier cette explication d'absurdité[41],[42].

Illustration d'un Beaufighter du 415e NFS dont l'équipage observa pendant environ une minute un foo fighter jaune à 9000 pieds ou 2743 m d'altitude à 18.5 km au nord-ouest de Strasbourg le 8 février 1945. Document T.Lombry.

Parmi les autres explications plus réalistes, dès 1953 on a évoqué un effet électromagnétique, par exemple tout type de décharge électrique produite sur les ailes des avions comme le feu de Saint-Elme précité, car on sait depuis longtemps qu'il apparaît sous forme de boules vaporeuses brillantes notamment au bout des ailes des avions ou sous forme d'éclairs bleutés et ne produit aucun dommage. Mais cette explication ne s'applique pas aux foo fighters observés à plusieurs mètres de l'avion par temps clair.

L'expert Mark Stenhoff, ancien directeur de la division Ball Lighting de l'organisation TORRO (Tornado and Storm Research Organisation) souligna en 1999 que certaines descriptions de foo fighters ressemblent également beaucoup à celles des éclairs en boule[43]. Mais ce n'est valable que pour certaines descriptions, car beaucoup de foo fighters furent observés en l'absence d'orage ou d'éclairs et même en atmosphère claire.

Toutefois, certains chercheurs ont prétendu que les foo fighters étaient des hallucinations. Mais dans ce cas, que deviennent les photos de foo fighters prises au-dessus de l'Europe et du Japon ? On ne sera donc pas étonné d'apprendre qu'en avril 1945 la Navy s'intéressa aux illusions visuelles vécues par les aviateurs de nuit dans le cadre du projet X-148 (Av-4-3) du Bureau of Medicine de la Navy (BUMED). Ce projet fut pionnier dans l'étude du vertige des aviateurs et fut lancé parce qu'une grande variété d'évènements anormaux étaient signalés par les aviateurs volant de nuit[44].

Dans un rapport de treize pages intitulé "The concept of Aviator 's vertigo" publié en 1946, Edgar Vinacke, qui était le principal psychologue de vol de ce projet, résuma la nécessité d'un aperçu cohérent et systémique de l'épidémiologie du vertige des aviateurs : "Les pilotes ne disposent pas d'informations suffisantes sur les phénomènes de désorientation et, en corollaire, reçoivent des informations très désorganisées, incomplètes et inexactes. Ils dépendent largement de leur propre expérience, qui doit compléter et interpréter les traditions sur le « Vertige » qui leur sont transmises. Lorsqu’un concept naît ainsi d’anecdotes cimentées par une nécessité pratique, il est voué à acquérir des éléments de mystère. En ce qui concerne le « vertige », personne ne connaît vraiment qu'une petite partie des faits, mais une grande partie du péril. Étant donné que les aviateurs ne sont pas des observateurs compétents du comportement humain, ils n’ont généralement qu’une vague compréhension de leurs propres sentiments. Par conséquent, comme d’autres personnes naïves, ils ont simplement adopté un terme pour désigner une multitude d’évènements autrement inexplicables."[45].

Enfin, durant l'été de 1946, après la prise de la base de missile Nazie de Pennemünde par les Russes, des "fusées fantômes" furent observées au-dessus de la Suède. Pratiquement toutes les observations furent faites de nuit et personne ne les décrivit comme des soucoupes volantes ou similaires aux objets diurnes "habituels". Les témoins dirent avoir observé des lumières mouvantes rouges, vertes, bleues ou oranges souvent floues ou vaporeuses en raison de leur grande vitesse de déplacement.

Les centaines de notifications de foo fighters révèlent un schéma commun : les témoins, pour la plupart des aviateurs et leur équipage, ont vu de petites lumières sphériques, vaporeuses et colorées suivre seules ou en formation des avions à grande vitesse sans jamais les attaquer ni les endommager. A posteriori, ce genre d'OVNI cessa d'être observé après la Seconde guerre mondiale. Mais en fait, ils furent toujours observés mais sous un nouveau nom : les "Lumières Nocturnes" comme les appellera le Dr Hynek. On retrouve également des notifications similaires dans certaines lumières volant en formation observées dans les années 1990-2000.

Si certaines notifications sont détaillées, dans beaucoup de cas, il nous manque l'heure de l'observation, parfois la date, les conditions météos et des informations sur l'OVNI (sa position par rapport au témoin, son altitude, sa taille, sa couleur, les détails éventuels, la durée de l'observation, ses mouvements, les effets éventuels sur l'environnement y compris les éventuels reflets et ombres portées, etc). On peut juste dire que dans la plupart des cas, ils furent observés par ciel clair ou peu nuageux en l'absence d'orage et d'éclairs et le plus souvent, la nuit. Mais en fait, on ne sait presque rien sur ces OVNI. Par conséquent face à un sujet aussi flou et intangible, depuis près d'un siècle la nature des foo fighters - ou des Lumières Nocturnes  - reste un mystère pour la Science.

Vers janvier 1947, la vague de "fusées fantômes" et autres "foo fighters" s’évanouit progressivement en Europe et en Asie. Au même moment, le phénomène OVNI resurgit aux Etats-Unis avec l'aventure de Kenneth Arnold. C'est l'objet du prochain chapitre.

Prochain chapitre

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[1] J.-L.Lequellec, "Les Martiens du Sahara. Naissance et postérité d'une légende", 1993 - J.-L.Lequellec, "Symbolisme et art rupestre au Sahara", L'Harmattan, 1993, p553 - J.-L.Lequellec, "Les Martiens du Sahara", OVNI Présence, 51, 1993, p4.

[2] La Bible, Ezéchiel, ch.10, Jn.19 - J.Blumrich, "The Spaceships of Ezekiel", Bantam, 1974 - J.Vallée, “UFO’s in space - Anatomy of a Phenomenon”, Ballantine Book, 1974 - D.Knight, "UFOs: A picturial History from Antiquity to the Present", McGraw-Hill, 1979 - C.Piens, "Les OVNI du passé", Marabout, 1977 - Pline l'Ancien, "Histoire naturelle" (livre II) - Cicéron, "De la Divination".

[3] Nature, 22, 1880, p64.

[4] "New York Herald Tribune", 10 april 1897.

[5] Michael J. Crowe, “Extraterrestrial Life Debate (1750-1900). The Idea of a Plurality of Worlds from Kant t Lowell”, Cambridge University Press, 1986/2003.

[6] "The Sun" (New-York), 25 August 1835.

[7] "The Evening Mail" (Stockton, Calif.), 26 november 1896.

[8] "Daily State Journal", 1897 (Parkersburg, Virginie).

[9] "Weather Review", 1907, p310.

[10] "Weather Review", No.4, 1913, p599.

[11] Nicholas Roerich (2017), "Altai Himalaya: A Travel Diary", Nicholas Roerich Museum, p361.

[12] L'auteur britannique Graeme Rendall est un spécialiste des OVNI (ou UAP). Il est également membre de l'UAP Media UK, un groupe défendant la transparence du gouvernement sur la question des OVNI. En 2021, Rendall publia un important ouvrage de 1041 pages sur les fameux "foo fighters" observés durant la Seconde guerre mondiale sous le titre "UFOs Before Roswell: European Foo Fighters 1940-1945". Il a également publié d'autres livres sur les OVNI observés entre 1946 et 1954. Son livre de 2021 qui fut acclamé par les connaisseurs nous servira de fil conducteur pour cette revue historique. Lire également sur Internet le rapport "The Foofighters Files - Catalogue of Unconventional Aerial Phenomena Reported by Allied pilots during WW II (1943-1945)" (dont voici une copie) de Dominique F. Weinstein publié en 2009 - L'article "The foo fighters of World War II" et l'ouvrage "Let Us Not Forget: A Tribute to America's 20th Century Veterans", p71 de Vurlee A. Toomey publié en 2002.

[13] "Report of Scientific Advisory Panel on Unidentified Flying Objects convened by Office of Scientific Intelligence", CIA 14-18 January 1953. Cf. CUFON.

[14] Cf. Holman, "Smokey Stover - A Dead Ringer", Daily News, 21 November 1938; Holman, "Smokey Stover – Movie Idle", Daily News, 23 November 1938.

[15] Le 415th Nigh Fighter Squadron fut originellement basé à Orlando AFB, en Floride, et fut opérationnel entre février 1943 et 1947 puis fut inactivé et réactivé à plusieurs reprises. Durant la Seconde guerre mondiale, il effectua des missions sur le théâtre d'opérations méditerranéen, puis dans le nord-ouest de l'Europe. Il comprenait plusieurs escadrilles, une réservée aux entraînements de nuit sur le chasseur P-70, un moyen bombardier Douglas A-20 Havoc converti, et des escadrilles de chasseurs nocturnes comprenant le Bristol Beaufighter (britannique), le Northrop P-61 Black Widow (américain) et le bombardier North American B-25 Mitchell (américain).

[16] Lire Moira Davison Reynolds, Comic Strip Artists in American Newspapers, 1945–1980, p94, Jefferson, N.C: McFarland & Co., 2003. - Coulton Waugh, "The Comics", p316, Univ. Press of Mississippi, 1991 (réimpression du livre publié en 1947).

[17] RFC3092 – Etymology of "Foo", Internet Society, 2001.

[18] Jeffery A. Lindell (1991), "Interviews with Harold Augspurger, Commander 415th Night Fighter Squadron; Frederic Ringwald, S-2 Intelligence Officer, 415th Night Fighter Squadron.

[19] Mark Bennis (2022), "Meet the 'FOO FIGHTERS' Amazing UFOs from World War Two", UFO Watch UK.

[20] "Balls of Fire Stalk U.S. Fighters in Night Assaults Over Germany", The New York Times, Associated Press, 1945, pp.1,4.

[21] Ralph Blumenthal, "The Believer: Alien Encounters, Hard Science, and the Passion of John Mack", University of New Mexico Press, 2021.

[22] Graeme Rendall (2021), "UFOs Before Roswell: European Foo Fighters 1940-1945", Reiver Country Books, pp.30-37.

[24] Graeme Rendall (2021), "UFOs Before Roswell", op.cit., pp.94-95.

[25] Graeme Rendall (2021), "UFOs Before Roswell", op.cit., p279.

[26] Patrick Lucanio et Gary Coville (2002), "Smokin' Rockets: The Romance of Technology in American Film, Radio and Television, 1945-1962", McFarland, pp.16-17.

[27] "Floating Mystery Ball Is New Nazi Air Weapon", The New York Times, 1944, p6.

[28] James Hayward (2003/2004), "Myths and Legends of the Second World War, Isis; Sutton Publishing Ltd, pp.343-344.

[29] Gordon Bennett Robertson Jr. (2006), "Bringing the Thunder: The Missions of a World War II B-29 Pilot in the Pacific", Stackpole Books, pp.183-185.

[30] Jerome Clark, "The Ufo Book: Encyclopedia of the Extraterrestrial", Visible Ink, 1998, p230.

[31] Graeme Rendall (2021), "UFOs Before Roswell", op.cit., p.50-53.

[32] Graeme Rendall (2021), "UFOs Before Roswell", op.cit., p125.

[33] Graeme Rendall (2021), "UFOs Before Roswell", op.cit., Chap.2.

[34] Charles R. Bastien (2004), 32 Copilots, Trafford Publishing, p205.

[36] Graeme Rendall (2021), "UFOs Before Roswell", op.cit., pp.327-329.

[37] Graeme Rendall (2021), "UFOs Before Roswell", op.cit., p340.

[38] Graeme Rendall (2021), "UFOs Before Roswell", op.cit., pp.530-532.

[39] Renato Vesco et David Hatcher Childress, "Man-made UFOs 1944–1994: 50 years of suppression", Adventures Unlimited Press, 1994.

[40] Renato Vesco, "Intercept UFO", Pinnacle Books, 1974 ou "Intercept But Don't Shoot: The True Story of Flying Saucers", CreateSpace Independent Publishing Platform, 2017.

[42] Graeme Rendall (2021), "UFOs Before Roswell", op.cit., pp.453-506.

[43] Mark Stenhoff (1999), "Ball Lightning: An Unsolved Problem in Atmospheric Physics", Springer, p112.

[44] Jeffery A. Lindell (2012), "The Real Foo Fighters: A Historical and Physiological Perspective on a World War II Aviation Mystery", Skeptic Magazine, Vol.17, Issue 2, pp.38–43.

[45] Edgar Vinacke, 8 May 1946, "The Concept of Aviator's 'Vertigo", Report No.#7, U.S. Naval School of Aviation Medicine, Project no. X-148 (Av-4-3). Republié dans le "Journal of Aviation Medicine", 1948, 19:158, p190.


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