Vesper

Lumières des terres arides, épisode II : Sur des nuées de vapeurs

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II- Sur des nuées de vapeurs

 

Episode précédent : http://www.astrosurf.com/topic/124994-lumières-des-terres-arides-épisode-i-compagnons-des-bords-du-monde/

 

Le Dieu était au sommet du ciel et son oeil fixe m'interpellait : "Qu'as-tu fait de tes nuits ?" et le son de sa voix était de millions d'étoiles de cristal s'entrechoquant.

Tombant à genoux je m'écriai : "J'ai dormi ! Une nouvelle fois j'ai dormi !"

Quelques étoiles filantes se détachèrent du ciel comme des larmes de cristal et j'entendis un rugissement tectonique : "Alors cette fois tu seras condamné à ne rien trouver. Tu erreras sans but entre les constellations. C'est ta pénitence."

-"Nooon !' m'écriai-je en m’éveillant.

Car j'avais dormi et me réveillai en sueur.

 

Ainsi suis-je revenu une troisième fois jouer à la marelle dans les constellations australes, au rythme des braiments de l’âne et des jappements du renard.

 

Il y a la montée vespérale à la colline-observatoire, montée symbolique aux étoiles car il s’agit d’une ascension vers le ciel, mais aussi grimpette physiquement un peu raide après un abondant dîner souvent arrosé, il faut le dire, au Carménère qui est endémique dans le coin.

 

La nuit est établie et je marche dans mon souffle à la lueur d’une frontale rouge. Des cailloux peints en blanc bordent le chemin. Excellente idée pour le retour, car si à l’aller on trouve forcément le chemin du sommet, au retour il y a plusieurs moyens de se perdre un peu dans la descente, surtout quand on a le nez en l’air. Autrefois la chatte Grisette jouait à m’effrayer en bondissant de buisson en buisson dans la nuit d’encre. Désormais seule la voix du renard sera audible dans le silence minéral de la redescente, comme le jappement de quelque chien de Gabriel dans les lointains.

 

Je monte guidé par Rigil Kentaurus. Alpha et beta du Centaure sont des feux nets et qui ne scintillent pas.

A l’ouest le Scorpion plonge derrière la montagne, les pinces en avant, sa fausse comète comme un jet de diamants.

 

Il faut s’habiller chaudement car en toutes saisons les nuits sont au minimum fraîches : nous sommes à 1500 m d’altitude. Et cette fois ce n’est que le printemps. Après la relative chaleur des jours succède vite le froid des nuits. Le ciel de diamant ne les réchauffe pas.

 

On monte au théâtre des contemplations comme le pénitent va au pèlerinage. Il y a quelque chose de la cérémonie. Chacun a ses rituels. Xavier arrive toujours frais et dispo après l’un de ses désormais mythiques cycles de sommeil. Bruno règle ses écrans rougeâtres. Je trébuche sur un caillou pourtant peint en blanc. Tout est bien.

 

Il y a une belle heure, quand le ciel se pare de teintes sombres. Le bleu a viré au violet puis à la violine. La nuit arrive rapidement, elle prend le pas sur le jour avec force, avec puissance, implacablement. Le vent qui souffle ici régulièrement en journée tombe d’un coup, une histoire d’inversion des températures semble-t-il. Un silence absolu se fait alors, sans bruissements d’insectes, sans aucun des bruits résiduels auxquels on est habitué. C’est un silence où le son lui-même pourrait ralentir, s’engluer, se figer. On pourrait entendre battre son coeur.

 

Alors dans l’atmosphère ultra-stable, les étoiles s’allument vraiment. Sans aucun scintillement. Nettes, même au ras de l’horizon. Elles brillent fixement dans un silence spatial.

Une angoisse se fait. Sentiment d’être un primate égaré sur un grain de sable en orbite autour d’une étincelle perdue en bordure de cent milliards d’éclats de cristal. Ce n’est pas un environnement conçu pour l’humain, on le sent, on le ressent intimement par toutes les cellules du primate destiné à ramper.

 

Sur le terrain, le sentiment est d’être dans un cirque lunaire ou sur le piton central de quelque cratère, à la surface en tout cas d'un astre sans atmosphère. Encore une fois les étoiles brillent d’un éclat fixe. Les nuits ici ne sont pas romantiques, mais stupéfiantes, hypnotiques et implacables.

 

Le ciel n’est désormais plus sombre mais comme fait de matière noire, de cette qualité de noir connue uniquement des lieux oubliés. Ce n’est que plus tard, quand la voie lactée sera levée, que nous retrouverons même nos ombres dans une nuit toujours sans diffusion mais éclairée de millions de soleils.

 

Xavier est venu avec un programme millimétré, méthodique, une vraie machine. C’est “la máquina”.

Bruno semble venu avec un programme assez souple, mais un programme.

Quant à moi je n’ai absolument aucune idée de rien, comme souvent.

 

Je retrouve l’observatoire à toit roulant, qui abritait un C14 sur une Gemini 41, dans un triste état. Des indélicats ont saccagé les lieux alors qu’ils étaient cependant mandatés pour en être les gardiens. La monture a été pliée sur sa base par un choc avec le toit roulant. Le tube optique, qui était véritablement au-dessus du lot de la production industrielle et qui m’avait si souvent enchanté par ses images découpées au rasoir, gît démonté dans un coin. Rien d’irréparable probablement, mais une tentative idiote de démontage de la lame de fermeture et de recollimation dont il n’avait absolument pas besoin a parachevé le saccage. Il est inutilisable pour cette fois.

Je me souviens qu’il reflétait une voie lactée si brillante qu’on aurait dit que des gouttes de cristal ruisselaient sur son tube d’aluminium.

Plus tard dans le séjour nous tenterons de réparer une partie des dégâts mais sans y parvenir totalement : l’appairage de la lame de fermeture avec le miroir primaire est perdu. Il faudrait un banc optique. Grand dommage pour ce tube vraiment exceptionnel qui j’espère trouvera une deuxième vie, mais pas pour ce séjour.

Seul le lit est intact dans l’observatoire. Ce n’est pas l’accessoire d’astronomie le moins utile. Nous y pratiquons de temps à autre une sorte de régime de la couchette chaude, comme dans les bateaux, partageant les siestes non pas en fonction des coups de tabac mais des coups de millions de soleils.

 

AH, se perdre à nouveau dans les constellations éclatantes, surchargées ! Reprendre contact avec ce ciel sauvage qui danse une ronde de lumière autour du pôle Sud. En cette saison le navire Argo émergera de la montagne en deuxième partie de nuit, en marche arrière, la Poupe la première, rapidement suivie de la Carène puis des Voiles.

En 2011 j’avais écrit : “Ici le ciel est sauvage, dévorant et fou ; chaque soir il prend la terre et l’étreint dans un accès de beauté” (1).

C’est toujours vrai.

 

Le C14 étant aux fraises faute aux barbares, je m’empare du 406 (TN 406/1827). L’idée d’utiliser un escabeau pour accéder à l’oculaire me paraît incongrue, ah ces Newton sont étranges. Je fais ma révolution culturelle et me retrouve vite perché à des hauteurs vertigineuses, le bazar est branlant sur le sol inégal, le gros Dobson en revanche est dur sur ses axes, du coup il faut tirer et pousser avec force mais douceur tout en même temps, enfin je vous jure, mais où est l’axe de déclinaison, ah oui il n’y en a pas.

Pour couronner le tout Xavier me met en garde : “ne tombe pas dans le trou du Dobson”. Me prend-il pour un benêt, effectivement je manque plus d’une fois tomber la tête la première sur le primaire, manquerait plus que ça, sûrement sept ans de malheur en perspective ? Au moins sur les SC y’a-t-il une lame de fermeture, on ne risque pas de tomber dedans, mais qui a été m’inventer un truc pareil je vous le demande. Un Monsieur Dobson, moine de son état, ben voyons. Il aurait mieux fait d’inventer une marque de bière. Et où est l’axe de déclinaison ? Ah mais c’est qu’il n’y en a toujours pas, et justement le trou du Dobson ce n’est pas ça me dit-il, mais le croisement des deux axes au zénith, du coup plus rien ne bouge ou à peine. Mouais, me dis-je, ça bouge à peine ça je m’en étais rendu compte, sauf l’escabeau qui a la danse de saint-Guy.

Ca s’annonce folklorique. D’ailleurs le dieu accroché au sommet du ciel m’avait prévenu : tu accoucheras dans la douleur. Ce que je fis.

 

Rétrospectivement ces quatorze nuits se rassemblent en une nuit unique où je tâtonnai pour tenter de retrouver des chemins, bravant la malédiction.

 

Pour le fun je pointe Mercure dans le couchant. Au 406 avec les Naglers 16 puis 9, quoique très brillante elle ne révèle pas grand-chose et, à la réflexion (c’est le cas de le dire), rien du tout.

 

Saturne au Nagler 9 est en revanche très fine. C’est une très belle vision, avec la division de Cassini bien sûr mais également celle de Encke, l’anneau de crêpe, l’ombre des anneaux sur le disque, l’ombre du disque sur les anneaux, les pôles assombris donnant une sensation de relief à l’ensemble. Trois satellites sont visibles. Bref, c’est la quasi totale saturnienne.

 

Mars, au Nagler 9. Fine, des détails et formations sont perceptibles contrairement à juillet où le confetti orange était noyé sous une tempête de poussière globale. La calotte polaire, brillante, donne du relief à l’ensemble. On voit la sphère. Mars est une orange, si j’osais.

 

Xavier m’invite à observer NGC 6496 dans le Scorpion, avec son flying Strock (TN 254/1200). C’est un amas globulaire ovale. Etonnant. Non résolu, il est discret mais une poignée d’étoiles apparaît au centre.

 

Dans le Scorpion toujours et en revenant de M7 pour le plaisir, je tombe sur NGC 6441 ou “amas des pépites d’argent”. Le petit globulaire apparaît assez concentré, mais comme entouré d’un léger halo au Nagler 7.

Mais tout s’enfuit rapidement à l’ouest, la fausse comète sombrant derrière la montagne dans un ultime jaillissement de diamants.

 

Pour renouer avec le ciel austral je pointe Rigil Kentaurus : deux composantes dorées apparaissent. Il est toujours émouvant de contempler ce système, triple en fait, dont le troisième larron ici invisible est l’étoile la plus proche.

 

Plus à l’ouest les nuages de Magellan sont éclatants. Perchée au bord du grand nuage, la Tarentule attend. Il me semble que ses yeux luisent. Au gros Dobson j’appelle Bruno, qui me demande s’il y a un filtre… Mais non.

Avec le Nagler 9 elle explose. Le grand nuage déborde largement du champ. La Tarentule brille. Ses petits yeux sont perçants. Son corps est tourmenté de volutes, de nodules, de filaments verts et maléfiques.

Elle est complexe et tourmentée, filandreuse. Au Panoptic 41 elle tient cette fois intégralement dans le champ. Impressionnante, menaçante, elle rayonne d’un vert empoisonné.

 

Oméga du Centaure est absent en cette saison. Je me souviens que c’était un bouillonnement d’étoiles parfaitement résolues. Une flambée de soleils. Par un effet optique l’oeil le faisait s’animer, bouillonner. L’étalement de soleils sur une si grande surface était impressionnante. On aurait pu palper ou lécher ce miel stellaire.

Mais cette fois il est absent et restera perpétuellement juste sous l’horizon, au désespoir de Bruno.

 

Mais un autre amas globulaire perce le ciel. Dense, il est à la fois énorme et très brillant. C’est un phare. C’est 47 Toucan. Au gros Dobson avec le Nagler 16 c’est un puits de lumière granuleux. La perspective se renverse et je vois distinctement des billes, comme des bulles de lumière mousseuse qui en éclabousseraient les rives obscures.

 

La Croix du Sud se lèvera bien plus tard et je revisiterai d’ailleurs les classiques avec un plaisir toujours intact, même si je n’en ferai plus l’énumération détaillée ici.

 

D’ailleurs en cette saison la voie lactée se lève tout aussi tardivement, paresseusement. Mais elle émerge de la montagne dans une gloire de lumière. Très contrastée, tourmentée de nébuleuses obscures qui lui donnent relief, épaisseur et volume.

 

Une belle Capricornide raye le ciel d’un trait de diamant.

 

Puis Eta Carène apparaît au ras de la montagne. Je m’en empare avec avidité et le gros Dobson. L’hypergéante explosée montre clairement deux lobes avec un Ethos 13 : la nébuleuse de l’Homoncule. C’est un double champignon atomique, l’un au-dessus, l’autre en-dessous, l’étoile au centre. L’ensemble est vu de trois quarts, j’ai l’impression d’être positionné au-dessus. Le lobe supérieur est saillant, tandis que l’inférieur, plus petit et partiellement masqué, donne une profondeur et met l’ensemble en perspective. Le double champignon, atomique au sens littéral du terme, est stupéfiant de relief.

Dans les deux lobes sépia des détails sont visibles. Oui il y a des détails, quand bien même l’ensemble émerge au ras de la montagne et ne doit pas encore dépasser 10 degrés de hauteur.

Je remplace l’Ethos 13 par tous les Naglers à ma disposition, successivement les 16, 9, 7, 5. Mais c’est au 13 mm qu’elle reste définitivement la plus belle. Les deux lobes sont finement détaillés. Des structures complexes y sont visibles. Il y a des zones sombres et de densités différentes. L’ensemble reste petit à l’oculaire, mais les deux lobes donnent une impression de relief irrésistible qui restitue profondeur et perspective. J’assiste en direct à l’explosion d’une supernova.

Pour rire je tente un filtre OIII. L’étoile vire au rouge sombre, certaines nébulosités gagnent un tout petit peu en densité, mais globalement l’ensemble s’éteint : c’est définitivement nature qu’elle est la plus belle.

 

Je reprends mes esprits après une longue contemplation. Le silence est opaque. Ahh si, vers le fond du cratère, enfin du terrain, le bruissement très étouffé de quelque engrenage repositionne un instrument automatique. On pourrait presque s’attendre à capter, par un micro resté ouvert sur l’autre bout du monde, le grésillement nasillard d’un journal de 20h sur TF1 ou autre émission d’infotainment. Je n’ai jamais trop compris cette pratique en chambre, si j’ose dire, mais enfin c’est ainsi. Et puis d’ailleurs, on n’entend rien. Sinon le battement de son coeur.

 

Je m’étais fait la promesse de ne plus acheter de matériel : trop d’instruments dorment au placard, dont les miens. Trop peu d’occasions d’observer, entre les obligations typiques de l’agitation boréale, la météo rarement favorable et les grandes fatigues vespérales. Exit les achats de matériel, donc, mais s’offrir du ciel ça oui. Raison de ma présence ici.

J’ai néanmoins et pour une fois fait une entorse à cette règle (car toute règle n’existe que par ses exceptions, n’est-ce pas), en raison justement de ce voyage : je me suis offert une paire de jumelles Omegon 2,1*42. J’ai longuement hésité avec les nobles Vixen, mais ces dernières étaient notablement plus lourdes et surtout plus chères : normal, il doit y avoir plus de verroterie dedans.

Et je ne suis pas déçu, je gagne facilement une magnitude, avec un champ gigantissime style 20 degrés. J’ai des yeux de lémurien. Je suis un lémurien dans le désert. Ces petites jumelles droites n’ont de sens que sous un ciel d’exception, je reste donc quelque part cohérent avec mon propre raisonnement. Il n’y a pas de petites satisfactions.

 

J’alternerai ainsi les 2,1x42 et les plus classiques 15x70 pour revisiter les riches amas ouverts qui se bousculent une fois la voie lactée levée.  Car remonter la voie lactée, de la Croix du Sud à Sirius, c’est remonter des rivières de perles sur un fleuve de lumière !

 

Dans la Poupe, NGC 2451 est microscopique aux 2,1x42, petit aux 15x70. Quelques étoiles bleutées accompagnent un solitaire orangé. L’ensemble est discret mais a le charme des lointains.

 

Juste à côté NGC 2477 est étendu, peuplé, riche. Tout à la fois étendu et compact. On dirait un amas globulaire, mais complètement résolu. Ouvert, en somme. Un des plus beaux amas du ciel austral, à mon sens.

 

Dans la Carène NGC 2516, “The Diamond Cluster” le bien nommé, est plus spectaculaire. Plus clinquant aussi. Aux 2,1x42 c’est à peine un petit paquet d’étoiles serrées. Aux 15x70 les gemmes colorées se révèlent. Etendues sur du velours noir, c’est une explosion de couleurs, de lumières. Des étoiles oranges contrastent avec les bleus et les blancs purs, francs et frais, des étoiles alentours.

 

Dans la Carène toujours, NGC 3532, ou “football cluster”, est beaucoup plus dispersé. Il exhibe quelques dizaines d’étoiles blanches, mais une poignée d’étoiles jaunes contrastent comme des opales de feu sur un lit de diamants.

 

Dans les Voiles IC 2391 est une petite chose qui exhibe sept ou huit aigues-marines blanc-bleutées Bien regroupées, elles sont d’aspect semblable, et forment un petit trapèze éclatant et frisquet.


Plus loin mais toujours dans les Voiles, NGC 2547 montre une trentaine d’étoiles dispersées, comme une poignée de poussières de quartz bleu.

 

Aux 2,1x42 c’est un fleuve de perles. La voie lactée, nuit après nuit, montre des volutes tourmentées, les nébuleuses obscures plus noires que le noir du ciel. L’impression de relief, de densité et de profondeur est magnifiée par ces petites jumelles de théâtre. Mais le théâtre est cosmique, et je reviendrai au fil des nuits en longues contemplations sur le fleuve des perles.

En attendant je repasse au gros Dobson.

 

Vite, au sud-ouest je retrouve NGC 253 : la galaxie du Sculpteur. Evidente, vue de profil ou plutôt de trois quarts elle apparaît en diagonale et exhibe ses spires ostensiblement. Un reste de pudeur l’empêche de se montrer de face, mais ce profil vu de trois quarts restitue une sensation de profondeur. Fine et évidente au Panoptic 41, elle emplit le champ oculaire au Nagler 19. Je distingue facilement des différences de densité dans la matière et les gaz environnants.

 

Dans le Sculpteur toujours et infiniment plus discrètes, NGC 7507 et NGC 7513. Au gros Dobson elle sont dans le même champ avec le Panoptic 41. La première m’apparaît comme une galaxie elliptique vue de face. La seconde, plus loin, est une spirale vue de trois quarts. Au Nagler 19 j’en discerne la barre, en diagonale, mais même ici sous le ciel de diamant et avec un grand diamètre les spires sont difficiles. L’ensemble reste discret.

 

Dans la Dorade, NGC 1566. La galaxie se devine dès le Panoptic 41, mais elle est détaillée au Nagler 16.  J’essaye le 9 mm mais elle s’assombrit. Je repasse au 16, qui est définitivement le meilleur ici. La galaxie, vue de face, est brillante, bien structurée. Deux spires sont détaillées, avec des différences de densité perceptibles. L’ensemble baigne dans des volutes de gaz. J’ai l’impression d’observer un flocon de neige figé dans un voile de givre.

 

Un peu plus bas, NGC 1596 est bien perceptible au 16. Vue par la tranche et en diagonale, elle est nettement moins spectaculaire mais le fuseau est évident en vision directe. Par un effet de perspective et de reconstruction cérébrale sans doute, j’ai l’impression au bout d’un moment qu’elle s’enfuit. Une âme en fuite, me dis-je.

 

Non loin et toujours dans la Dorade, NGC 1553 et 1549 sont deux petites choses vue par la tranche, la première me semble horizontale et la seconde presque de face, comme de trois quarts. Deux tachouilles figées dans l’éternité.

 

Dans le Grand nuage de Magellan, NGC 2080 ou nébuleuse de la tête de fantôme, est brillante mais irrégulière. Un coeur baigne dans des voiles de gaze. On sent les énergies à l’oeuvre, on devine des processus physiques sûrement complexes. Il y a un côté vivant et dynamique. Mais hormis la curiosité, peu d’émotion pour moi au final.

Toujours dans le GNM, NGC 2077. Ouh voilà qui est bien complexe. On dirait des traces de pattes de chat, Grisette qui aurait marché dans de l’encre verte. Le PSA indique aussi 2078 et 2079. Je veux bien le croire. Il y a un entrelacs de nébulosités, l’encre verte a été projetée entre les traces de pattes. De très fins filaments sont perçus directement. Il y a comme des voiles de fumée, des fumées vertes bien entendu. Il y a à la fois du spectacle et de la finesse. Intéressant à détailler en prenant son temps. Mais je plains les dessinateurs.

Plus tard, en bordure de la Dorade, dans le Centaure, IC 2944 ou “Nébuleuse de la Poule qui court”. Je ne discerne aucune poule, et encore moins au galop. L’ensemble est plutôt diffus et, pour tout dire, tient plutôt du rond de fumée céleste. Il faut y passer du temps et utiliser la vision décalée, même ici sous le ciel andin et au gros Dobson. Alors apparaissent des zones de contrastes différents. Des brumes de vapeurs. Des souvenirs de fumées.

Dans les Voiles, je trouve NGC 3132. La nébuleuse planétaire exhibe ses pétales de fleur vus de face. Il y a en fait, autour du résidu d’étoile bien visible, un rond de fumée. Celui-ci semble se diffuser sur les bords, formant ainsi trois pétales. En prolongeant l’observation je vois des différences de luminosité dans ces pétales, qui apparaissent mouchetés. Il y a un effet pommelé. Bien que petit, l’ensemble est délicat, à la fois contrasté et doux. Intéressant et beau, à condition de s’y attarder un peu.

 

Bien plus à l’est, je m’échine à chercher le casque de Thor. Tout est difficile, ça freine, ça grippe, j’accouche dans la douleur, le dieu n’avait pas menti. Mais tout de même, s’acharner à ce point ! Xavier qui passe par là me le trouve en 5 secondes d’un air désinvolte. J’en suis comme deux ronds de flan.

Le Casque de Thor est ici magnifique. Bien que discret, même avec le gros, il se révèle au filtre OIII. Au Panoptic 41 je distingue 2 extensions, Xavier en voit directement 3. Evidemment.

Le centre forme une bulle bien structurée. La partie située à l’avant est plus brillante. Assez brillante, même. A la contemplation, il y a des différences de luminosité maintenant évidentes dans la bulle. J’y passe un moment. C’est tout de même la transfiguration de l’objet aperçu sous le ciel boréal des Vosges moyennes du nord.

 

“Sculptorides” et “Carénides” abondent. Elles laissent des sillages de fumée verte qui se mettent rapidement à onduler, en une sorte de danse au rythme des turbulences de la haute atmosphère. Il pleut des météores danseurs.

 

Mais dans la nuit résonnent des coups sourds, comme un martèlement rythmique, antique. Xavier s’est redressé et frappe lourdement le sol de ses pieds.

Il s’agit là de quelque danse ancienne, me dis-je, la vivante réincarnation de rituels indiens sous le ciel hypnotique. Et d’ailleurs il émet maintenant une sorte de psalmodie : “houlà houlà, làà, houlà houlà làà... !”, en rythme. Il est toujours déconcertant de constater les effets de l’indicible sur les gens. Un peu plus et, mais oui, il se roulerait au sol façon crise d’épilepsie. Les effets du ciel-qui-rend-fou, sûrement. Peut-être va-t-il même falloir se dire adieu, ah mourir ici sous des larmes de cristal !

Mais la litanie se mue très vite en quelque chose de bien plus prosaïque : “Merde, meeerdeeuh !” et je dois sortir de ma transe. Non cette fois c’est sûr : il a dû casser un crayon. Au moins.

...Et c’est tout de même moins pire en réalité, car il est victime d’une invasion de fourmis. Type sud-américain, piquantes quoi. Attirées par les victuailles qu’il trimballe dans son sac à dos, sans doute. Ah la gourmandise. Et puis aussi quelle idée, me dis-je, planter son Dobson sur une fourmilière. Je retourne à mes observations.

 

Vite dans le Paon avant qu’elle ne disparaisse, NGC 6744 : vue de face, faible et diffuse au 16, allongée dans le sens nord - sud au 9, à force d’observation j’y perçois des zones de densité différente et, mais oui, plusieurs spires ou au moins des départs de spires ! J’en ai noté 4, peut-être 5 mais sans certitude. Tout est dilué dans des voiles de brumes vertes sur des rivages phosphorescents.

A proximité il y a un petit globuleux brillant, NGC 6752. Résolu et bleuté il semble néanmoins s’étendre dans quatre directions. Une petite croix de diamants. A côté brille une étoile, comme un compagnon d’éternité.

 

Une éclatante Carénide griffe le ciel, Xavier marmonne qu’il a failli crier “lumière”, ça devait être une magnitude -3 ou -4. Elle laisse une longue traînée verte persistante.

 

D’ailleurs de retour dans la Carène, qui en a profité pour bien monter, et après bien des errements, je retrouve NGC 3324. La Nébuleuse Gabriela Mistral. Née justement ici, dans la vallée de l’Elqui, la poétesse chilienne révèle son profil aquilin dès 16 mm. Un peu plus bas brille un amas ouvert que j’identifierai plus tard comme NGC 3293. En son centre repose une gemme orange.

Mais c’est avec un filtre OIII que la poétesse se dévoile complètement. L’ensemble est curieusement assez compact et brillant, je peux passer au 9 mm. Mais je préfère toujours le 16 qui donne évidemment plus de champ et de lumière, et restitue au final mieux l’ensemble dans son jus, si j’ose dire. Le profil aquilin est tout à fait évident, et ce visage vu de profil se dilue dans une traînée de brumes. Un fantôme dans la nuit.

 

Mais la danse de Saint-Guy de mon escabeau s’amplifie et soudain un déséquilibre se fait dans l’équilibre précaire des forces qui composent d’ordinaire le trio échelle - Dobson - observateur. Des pensées s’enchaînent rapidement : ne pas perdre l’objet très laborieusement trouvé, mais je renonce vite et dois choisir entre tomber sur le Dobson et choir au sol. La première option est inenvisageable, je risquerais d’endommager le primaire, alias le Précieux. La seconde est moins enquiquinante, je risque juste de me casser la jambe. Mais le dixième de seconde de réflexion est passé et je chute en épargnant le Dobson, au péril de mes membres. Une dernière pensée stupide me traverse l’esprit : Xavier va crier “lumière !”, mais non c’est idiot puisque c’est de bruit qu’il va s’agir.

Donc el escabadem : patatras ! Le tout dans un fracas d’aluminium qui se replie.

“Ne vous inquiétez pas, je n’ai rien !”, m’empressai-je de dire. Mais personne ne répondit. Je n’entendais que le frottement du crayon sur le papier. Plus loin une exclamation étouffée du genre “meerdeuh j’ai pas le fmvh” provint du secteur des écrans rougeâtres. Heureusement je n’ai que quelques égratignures, bande de sans coeurs. L’univers lui-même s’en fout, qui continue sa ronde de diamant dans un silence opaque.

 

Je me remets de mes émotions lorsque plus tard, à l’est, M42 émerge de la montagne. Ce classique parmi les classiques du ciel boréal mérite la visite ici, sous le ciel parfait, avec un instrument de compétition.

M42 montre de grandes ailes de feu vert. Leur extrémité est d’une belle teinte saumonée rouge brique. Mais les ailes sont ici renversées, hémisphère austral oblige. Au centre, dans le trapèze, je distingue une poignée de minuscules points rouges qui deviennent, au Nagler 16, six petites étoiles pourpres.

 

Je reviens au 41 et les ailes de feu renversées forment une coiffe étendue, une sorte de chevelure faite de fibres et de volutes entrelacées. Alors sous la coiffe émerge une forme. Un contour se dessine. C’est le crâne d’un animal. J’y reviendrai souvent et j’aurai toujours la même vision. Ce n’est pas l’effet de mon imagination. Sous les bois étincelants, il y a un crâne, le crâne d’un cerf mort. Au fond de son orbite gauche brille une étoile du champ.

C’est une vision insensée mais qui se reproduira pourtant à chaque fois. Je regrette de ne pas avoir osé à ce moment-là mon premier dessin d’astronomie. J’ai même été tenté de le reconstituer a posteriori, mais ce serait erroné et vain.

Les ailes renversées sont en réalité des bois de cervidé resplendissants, brûlants. Dessous émerge le crâne, vu de face, comme sorti du néant. Son contour est net. La mâchoire est ouverte sur le vide. Au fond de son oeil gauche une étoile brille.

J’ai chevauché un cerf mort sur des nuées de vapeur.

En fin de nuit il flamboiera au zénith.

 

[à suivre]

 

 

(1) C’était ici : http://www.astrosurf.com/topic/6103-croa-fragments-de-vide-au-bord-du-monde-episode-i-vers-lhorizon/

 

 

 

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Un vrai roman céleste . . . mais très beau :)

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Magnifique récit. On s'y croirait !

 

Il me semble que , dans son CROA, Xavier à éludé l'épisode des fourmis mangeuses de Dob .... :D

 

Yves

 

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Yves, c'est surtout que je ne suis pas encore arrivé à cette nuit! J'y parle de l'agressivité des dites fourmis.

 

Argh Pierre tu me casses le suspense de certains de mes CROAs!

Sinon j'ai bien rigolé sur :

"Tombant à genoux je m'écriai : "J'ai dormi ! Une nouvelle fois j'ai dormi !""

...

"Alors cette fois tu seras condamné à ne rien trouver. Tu erreras sans but entre les constellations. C'est ta pénitence."

Je me disais bien que tu devais être maudit pour galérer autant sur tes pointages.

J'espère que depuis tu as fait acte de contrition et que tu as pris comme bonnes résolutions de t'entraîner plus souvent!

 

Tu as osé l'histoire du micro branché outremers sur le JT de TF1, c'est courageux!

 

Et bien sûr +1 pour la poésie du récit.

 

Sinon, c'est quoi un chien de Gabriel?

Modifié par xavierc

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Ça y est, j'ai enfin pris le temps de tout lire ;). Quelle épopée !

Merci pour ce voyage dépaysant, à l'autre bout du monde.

Très beau récit :).

 

Modifié par yves65

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C'est passionnant et si bien décrit. Vivement la suite

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Waou ! ça y est j'ai tout lu, merci pour ce récit littéraire extrêmement vivant et bien écrit !

Hélas pas mal d'objets que je ne connais pas étant dans l'hémisphère sud.

Mais un CROA très riche en sensations.

J'espère que tu t'es bien rétabli de ta chute !

 

J'avais loupé la partie I que je viens d'aller voir mais elle date de 2011 ! ...C'est la suite du même récit ?

Partie III en 2027 alors ? xD

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Désolé pour le "fourmis - suspense" Xavier : premier arrivé, premier servi ! ;)

Pour ce qui est du micro... je crois qu'ils sont sur le fil d'en face, chuut... :ph34r:

Enfin en ce qui concerne les chiens de Gabriel, ce n'est pas très gai : au Moyen-Age, lorsqu'on entendait des aboiements dans les lointains, portés par le vent, on disait qu'il s'agissait des chiens de Gabriel qui emportent les âmes des enfants morts avant d'avoir été baptisés...

 

Etoiledesecrins : le lien vers l'épisode précédent est en début de texte. En note de bas de page c'est un voyage précédent... Quoi que pour 2027, je serais partant ! B|

 

Merci à tous pour vos commentaires sympathiques et... élogieux ! :$

 

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    • Par lolodobs
      Allez j'envoie...
       
      NAT2024, récit d'aventure astronomique:
       
         Ça faisait des mois qu'il pleuvait, on a eu peur que les 5 jours à l'observatoire de Tauxigny se passe les pieds dans l'eau. Premier miracle, la météo nous a annoncé un séjour ensoleillé, chaud, avec des nuits claires quelques temps avant et c'est ce qui s'est passé ! Premièrement il a fallu tout charger, faire la route, installer le campement et monter les télescopes. Les deux jumeaux de 460 mm ce jouxtait et les télescopes de Fred, Paolo et Christophe furent disposés en T. Heureuse surprise nos voisins d'à côté n'était autre que les Astrams de magnitude 78: Yannick, Nicolas, Cyril et leur acolytes étaient donc de la partie. Un peu plus loin au suds Loïc avec son Stellarzac 560mm plus une lunette H alpha double stack était posé; ça tombait bien en se 25ème cycle solaire! Au nord de notre campement une joyeuse bande  s'affairaient gaîment dont Yves muni d'un Dobson de 600 mm . À l'ouest Xavier Camer Astro dessinateur frénétique était installé avec son Dobson 500 ainsi que Jonathan avec ses  bino à vision amplifiée OVNI B.
       
          La première nuit a été passé derrière nos télescopes respectifs pour reprendre en main le ciel que nous n'avions explorer que de rares fois depuis des mois. j'avais une liste étendue d'objets sur toutes les heures; Des classiques et des exotiques glanés au cours de l'année. Yannick m'interpellait régulièrement pour venir voir dans leur 600 mm. M51, superbe galaxie aux bras  spiraux cassés et régions de formation d'étoiles se dévoilait franchement. Ou la Galaxies  du cigare,  très lumineuse, arborant ses bandes sombres caractéristiques. Il m'a aussi fait observer les galaxies des antennes dont un bulbe m'apparut directement puis le second bien plus tenu à ses côtés; Leur danse cosmique ira jusqu'à fusion . Tout ce petit monde plein de détails, de réaux lumineux, avec une lumière incroyable. Leur gros télescope, voila une très belle réalisation associative! Les images sont incroyables. Du coup je comparais avec mon 460mm  qui ma foi ne déméritait pas. Le sombrero et l'aiguille y sont passés aussi. C'est alors que Sylvie du club d'Amboise et de la SAT est arrivée pour nous accompagner avec sa propre liste d'objets. Juste après j'ai pointé la comète du moment C/2023 A3 (Tsuchinshan-ATLAS). Très jolie noyau entouré d'une coma suivi d'une assez longue queue, perdue au milieu des multiples étoiles de la constellation de la Vierge. Nicolas Biver M'as dit qu'elle pouvait être un beau spectacle pour la fin de l'année... Tout cela nous a emmené jusqu'à l'aube, c'était la première nuit blanche, le télescope était bien repris en main, le ciel m'avait enchanté et le séjour était déjà gagné après cette longue disette d'hiver. 
       
      Voici ma liste :
      22h30 NGC 3067 + 3C232 (=Ton 469 5 Giga AL) Léo 
      .C/2022 E2 (ATLAS) (Gem)
      . 23h15 +HCG 57, le 'Septette de Copeland'  Lion n7
      . 23h20 Antennes NGC4038 (corbeau) S  22°
      . 23h30 hcg61 (com) the box nav7
      . 23h30 C/2023 A3 (Tsuchinshan-ATLAS) (vir)
      . 00h T CrB super Nova 
      .hcg68 (ccv) 5gal +étoile orange nav7
      . 00h30abell 39 (Her)astro surf mag 
      .2h30 hcg79 sextet syfert  n7
      . 3h X-nebula (cygne)SIMEIS57  nag20 +UHC /Hbeta exité par HD193793
      .3h30 C/2021 S3 (PANSTARRS) (cyg)
      . 04h M57Asurf maga F. Morat
      . 04h30 M27 N biver
      . 4h45 FENÊTRE DE BAADE NGC6522/6528 
      . 05h Little gem NGC6818 + Gal ngc 6822(SAG)
      . 05h M54 (sag)  AG accreté par voie lactée appartient Galaxie Sagittaire (coeur) (ngc4147[Com23h], 5634[Vir1h], 6284[Oph3h30] aussi Galaxie Sag).
       
      plus les listes des copains il y en avait largement assez !
       
         Le lendemain matin après le petit déjeuner que l'organisation offre je me suis arrêté voir Loïc avec Yannick. Dans sa lunette double stack la vision fut dantesque! Sur le soleil une protubérance énorme, d'une dimension d' au moins une dizaine de terre,  formée de plusieurs panaches mis côte à côte  m'a fait penser à quatre arbres plasmatiques s'élançant dans l'espace. Sur le disque l'énorme tache AR 6545 faisait à peu près une quinzaine de terre. Christophe me l'avait montré en lumière blanche quelques heures avant et là en H alpha des rivières de plasma  serpentaient, écartelaient la tache en une soixantaine de sous-unités. Loïc passait du simple au double stack, de la vision monoculaire à la vision binoculaire pour notre plus grand plaisir. Il est d' une grande gentillesse dans ses explications, un vrai régal de parler avec lui.
      Un moment assez fort fut l'échange avec Julien Crespin d' ''immersive adventure'' qui utilise un planétarium mobile pour faire des séances au public et dans les écoles. Il nous a montré les possibilités du système au planétarium de Tauxyni, par exemple conduire la jeep lunaire d' Apollo. Je me suis bien éclaté... Au-delà de l'astronomie Julien propose un authentique cinéma immersif avec des films sous-marins et autres.
       Nico du cercle de l'hyper rouge, un astram habitant près de Tours, est passer à notre campement, nous avons échangé sur les années passées. Il fait du visuel assisté, c'est très intéressant pour plus tard si mes yeux deviennent défaillant.
       La première journée s'est passée avec nos voisins autour de bonnes victuailles, réglage de nos téléscopes et observations solaires en lumière blanche et H alpha.
       Avec Christophe on est allé faire la conférence de Fabrice Mottez chercheur spécialiste des étoiles à neutron, ces étoiles  du bestiaire galactique sont très surprenantes avec leur caractéristiques hors norme.
      Avec Jonathan nous avons projeté qu'il vienne  à la nuit tombée avec sa bino à vision  nocturne scruter le duo NGC 3067 + 3C232. Après avoir mangé ensemble, sans prévenir, il m'a mis entre les mains le joystick de contrôle de son drone, c'était la première fois que je pilotait ce genre d'engin. Au début je n'étais pas très fier puis j'ai pris de l'assurance et me suis aperçu que c'était très maniable. J'ai quand même fait un tour des campements autour de l'observatoire puis une balade d'au moins un bon kilomètre! 
      Après quelques débats passionnés avec les copains et copines nous avons eu le plaisir de voir arriver Fred Géa . Maïcé  quand à elle était en balade sur les campements.
       À la nuit tombée, direction le 460mm, NGC 3067 tomba rapidement à 250X, son fuseau trapue d'un rapport 1/3 contenait des zones plus ou moins lumineuses. Juste à côté j'ai repéré le petit triangle d'étoiles, le quasar 3C 232 apparaissait par intermittence au milieu. Au gré de la turbulence je pouvais admirer des photons qui avaient mis 5 milliards d'années à me parvenir. Je me sens toujours petit devant ses objets vertigineux. Ce quasar est étudié par les astrophysiciens parce que c'est à cette époque que l'expansion de l'univers s'est remis à accélérer.  Jonathan est arrivé, il a fait le réglage de sa bino et tout le tableau était maintenant très clair. La galaxie très lumineuse et le quasar évident. Arrivé entre-temps Sylvie aussi a pu profiter de l'étonnant dispositif. Fred Géa avait envie de voir des galaxies en interaction donc nous sommes allés admiré les siamoises dans la Vierge, elle m'ont fait penser aux antennes vu la veille . Oh, une belle apparition de Maïcé... Elle  voulait voir sa danseuse de flamenco dans la grande Ourse, NGC 3718 plus 3729 et hickson 56 dans le même champ. Belle découverte que cette  grande galaxie déformée faisant pensé et une danseuse, accompagnée de son partenaire et  ses enfants. L'image était bonne, même le petit Hickson 56 s'est laissé détaillé. J'ai eu le plaisir de multiples passages, aussi bien des amis avec qui j'étais venu mais aussi des autres club et des inconnus, tous profitaient  des cibles du moment. J'ai pu observer M51 dans la nouvelle petite lunette grand angle de Fred Farrugia, puis nous sommes allés tous les trois avec sa compagne Marine sur le hibou et la planche de surf dans la grande Ourse. N'arrivant pas à voir le hibou je suis retourné a mon 460mm pour en avoir le cœur net. Là je l'ai observé, belle nébuleuse planétaire avec deux échancrures noirâtre formant les yeux de l'animal. Toute la nuit nous avons eu des échanges passionnés, enthousiasmés et riants sous les étoiles. Pierre Vesper  dans un de ces fameux compte-rendu, Carpe Noctem ll, m'avait mis l'eau à la bouche sur la fenêtre de Baade. C'est ainsi que peut avant l'aube nous nous sommes rendus dans une déchirure de la Voie lactée, un trou qui nous montre la région centrale non masquée par les poussières interstellaires. Ici dans le Nagler 16  deux amas globulaires se laissent observer. NGC6522 et NGC6528 un peu ovales sont assez lumineux dans le 460mm. Avec L'OVNI B de Jonathan ils deviennent bien sûr très évidents. Encore une nouveauté pour lui comme pour moi!  À l'aube naissante, nous sommes allés nous coucher, c'était la deuxième nuit blanche.
       
         Quelques heures après vers 9h30 je me suis réveillé, il commençait à faire chaud sous la tente et puis les gens autour commençaient à s'agiter. Même fatigué, les belles images de la nuit m'assaillaient et les pensées d'une nouvelle journée riche me levèrent. Le ciel bleu ne nous avait pas quitté...Après la douche et un solide petit déjeuné avec les copains du club on est retourné voir Loïc et sa double stack . Les protubérances hérissaient tout le pourtour du soleil, l'énorme  elle avait un peu baissé. Mais la grosse tache était toujours  bien là, avec ses chenaux de plasma modifiés par rapport à la veille. Cyril Blanchard nous a rejoint et après avoir observé je lui ai posé la question de la restauration de la grande lunette de Meudon. Il nous en a raconté les diverses étapes et j'ai pris son contact pour pouvoir faire cette belle visite. Un peu plus tard Nicolas Biver m'a montré des bandes dessinées de science-fiction auquel il avait participé, les dessins sont superbes, les planètes réalistes et à la fin de chaque ouvrage quelques pages plus scientifiques sont là pour camper les connaissances. Sûr que j'essaierai de nous les procurer pour l'association.
       En me reposant j'ai repensé qu'il y a deux ans  avec Fred Burgeot nous avions observé ''the box'' l'amas hickson au-dessus de la chevelure de Bérénice. Je l'ai rajouté à ma liste pour le soir. À la nuit venue je me suis campé à l'observation de ces quatre galaxies groupées. Je commençais à les détailler lorsqu'une envie pressante me fit aller le long du champ d'à côté. À peine fini que j'entendis une voix féminine derrière moi me criant ''les aurores boréales arrivent''. Un peu gêné, J'ai regardé au nord et une forme rosâtre grandit, je me suis précipité au campement pour prévenir tout le monde. Nicolas est sorti de sa tente et il m'a expliqué les prévisions que donnait Cyril d'après un site spécialisé de mesures. Un BZ négatif et un  KP à 9 signifiait que l'épisode serait plutôt intense. Sur l'appareil photo de Nicolas  le fond de ciel était rose. Effectivement je me suis aperçu que tout le nord devenait rose criard puis il s'est envahi de colonnades roses violettes brillantes. Jamais je n'avais vu un tel spectacle. J'ai téléphoné à ma femme pour qu'elle puisse voir ses lueurs fantasmagoriques avec ma fille mais elle n'a pas réussi depuis chez nous. Pourtant Jean-Pierre et Anne ont pu les observer et les photographier depuis les environs de Troyes. De notre côté Christophe photographiait sous tous les angles. Marine me montrait en temps réel les photos prise avec son iPhone, c'était vraiment beau. Beaucoup d'astrams photographiaient et d'autres comme moi admirait le spectacle à l'œil nu. Philippe à monté son APN sur son 460mm, il était sur M51 que je voyais au travers de la lumière rouge. En visuel, au travers des colonnades nous pouvions voir les constellations de Cassiopée, de la grande Ourse, du dragon... les piliers lumineux avaient maintenant envahi les trois cinquième du ciel montant plus haut que le zénith derrière nous, jusqu'à Arcturus du Bouvier. Fabrice Motez qui campait non loin de nous, le même qui nous avait fait la conférence sur les étoiles à neutrons est aussi spécialiste des aurores boréales . Il nous dit que nous étions devant un orage géomagnétique d'une ampleur extraordinaire. Et nous pouvions jugé de l'aspect hors du commun du phénomène. Quand même, être devant des aurores boréales en sweat-shirt avec un  punch coco à la main c'était pas banal... Des deux clairières contenant les campements d'astro-amateur des acclamations montaient à chaque fois que le phénomène se renforçait. Plusieurs vagues aurorales, quatre au total durant la nuit, formaient des rideaux de piliers roses, bleus, violets se déplaçant imperceptiblement devant les constellations. Deux blob lumineux de chaque côté Est et Ouest apparaissaient puis disparaissaient suivant les vagues. À un moment donné un bolide a fendu les piliers sur le côté gauche et a explosé dans une lueur verte électrique. Quelle chance de pouvoir voir un tel spectacle! Au  nord  il y avait une forêt, la lueur Aurorale  était tellement intense que les oiseaux se mettaient à piailler croyant que le jour était de retour. A chaque épisode aurorale nous les entendions. Dans cette ambiance magique nous avons observé jusqu'à l'aube. Tous les télescopes  étaient orphelins, leurs propriétaires étaient ébahi, subjuguer devant le spectacle. Puis vers 4h 30 il ne restait plus grand monde, les observateurs s'étaient couché petit à petit. Avec Régis nous avons vu une dernière fois les piliers au-dessus de l'aube naissante dans un dernier baroud d'honneur. Quelle nuit fantastique! C'était la troisième nuit blanche. 
       
         Le samedi matin en nous levant tout le monde ne parlait que de ça, tout le monde avait des anecdotes. La fatigue des trois nuits blanches était oubliée. En fin de matinée Fred et Marine nous ont quitté pour faire un vol en hélicoptère au-dessus de la Loire et ses châteaux. De mon côté j'ai installé mon matelas à l'ombre d'un camion, il faisait au moins 40 degrés sous ma tente. Je me suis reposé quelques heures et avec Philippe et Christophe nous sommes allés chercher quelques rillettes qui étaient à vendre chez les exposants producteur locaux. Il y avait aussi l'exposition d'une artiste qui se servait du verre et d'oxydes métalliques pour faire des sculptures. Dans son style on pouvait voir certaines analogies avec l'astronomie. J'ai discuté avec elle et lui ai suggéré le nom de quelques objets astronomiques ressemblant à ses créations. Ensuite nous sommes allés voir le collectionneur Gérard Odile qui exposait ses formidables météorites, nous avons longuement échangé avec lui notamment sur le rassemblement à Ensisheim. 
      Et vint l'heure de l'apéro collectif où Jean-Louis Dumont a fait ses remerciements. Puis il est revenu sur les aurores boréales de la nuit passée. C'était un peu les bougies pour fêter les 10 ans des NAT. Un autre membre de la SAT m'a dit que ça allait être difficile de faire mieux l'année prochaine.Mais qu'il projetait de nous mettre deux Lunes dans le ciel ou qu'ils essaieraient de prévoir un écrasement de météorite dans le champ d'à côté avec une battue à l'issue. Nous pourrions ramener chez nous les trouvailles météoritiques... 
      Plus tard dans l'après-midi Fabrice Mottez nous a changé le theme initiale de sa conférence pour en faire une sur les aurores boréales . Durant le souper Marine et Fred nous ont expliqué ce qu'ils avaient survolé en hélicoptère et nous ont montré quelques vidéos à couper le souffle. Puis après la soirée ce fut la dernière nuit du séjour. Le ciel était beaucoup moins clair que les trois nuits précédentes. J'étais sur M27 lorsque un grand colosse passa à côté de moi. Je l'ai interpellé pour qu'il jette un œil à l'oculaire. Puis il m'expliqua qu'il ne faisait pas partie du rassemblement mais que la veille avec ses deux copains il était dans un chemin à côté et qu'ils avaient observé eux aussi les aurores boréales toute la nuit en fêtant l'anniversaire de leur copain Sofiane. Justement celui-ci et un autre copain arrivaient. Là il me dirent qu'il ne connaissait personne et qu'ils aimeraient en savoir plus sur le ciel. Nous avons fait le tour de quelques étoiles intéressantes et le ciel c'est vite couvert. Je leur ai dit que l'association de Tauxigny les accueillerait certainement pour leur en montrer davantage. Il etait déjà deux heures du matin et avec Philippe nous avons démonté les deux 460mm puis nous sommes allez nous coucher. Le  lendemain matin tout le monde rangeait les campements, nous sommes allés déjeuner, avons fait le tour des divers amis pour leur dire au revoir et sommes repartis pour Troyes.
       
      Cette édition des NAT est la meilleure à laquelle nous avons participé depuis 2015, nous avons pu observer tous les soirs et les aurores en auront été l'événement magistral. Les 10 ans ont été extraordinaires et resteront gravés dans les mémoires. 
      Aux RAP à Craponne-sur-oson c'est 300 astrams qui ont profité du spectacle ! 
      À l'heure où je finis ce récit nous sommes le samedi d'après le séjour et hier je me suis rendu avec Anne au planétarium d' Épinal pour prendre des renseignements pour notre association. Là-bas Didier Mathieu nous a reçu et nous a expliqué pendant environ 4 h sa vision du monde des planétarium mobile. Il est plein de bonnes idées. À la fin il nous a fait une projection 12k dans le planétarium en dur de Dark side of The Moon réalisé pour les 50 ans de l'album par l'équipe artistique de Pink Floyd ! L'album sur système d'enceinte Focal et le montage vidéo sont parfaits, un voyage psychédélique dans notre galaxie. Ce cadeau je ne l'oublierai jamais aussi.
       
      Par moment l'univers se rappel fortement à nous quand même...
       
      Lolodobs le dévoreur de monde 👽 
       
    • Par Benjamin Poupard
      L’histoire dans laquelle vous allez entrer est certainement une histoire que l’on peut qualifier de fantastique ! Pour preuve, vous y traverserez le Mordor, y croiserez un Grand Ancien, et il arrive même qu’on y mange des madeleines ! Mais c’est pourtant bien une histoire d’étoiles. Et elle commence avec… une liste !
       
      Peut-être que vous aussi, vous tenez une liste de trucs à vivre au moins une fois dans votre vie ? Comme, vous savez, visiter le Machu Pichu … ou manger de la purée avec les doigts. L’astronome qui sommeille en moi tient également une telle liste, d’ailleurs assez longue. Dans cette longue liste, j’ai déjà pu cocher “observer une éclipse totale de Soleil”, “observer une pluie d’étoiles filantes”, “voir la lumière zodiacale”, et d’autres trucs plus exotique comme “voir Triton” ou “dessiner une supernova”... Mais la case “aurores boréales” restait encore à cocher !
       
      Pas la case la plus facile à remplir, soit dit en passant, puisque pour des raisons mêlant géographie et magnétisme terrestre, les aurores restent rares aux latitudes qui sont habituellement les miennes, obligeant alors à envisager de voyager plus vers le nord. Il arrive toutefois qu’en période d’intense activité solaire, on arrive à en photographier quelques bribes rougeoyantes jusque chez nous. Mais voilà, de mauvais concours de circonstances ont fait que je n’avais jamais réussi à photographier une aurore boréale … jusqu’à cette soirée du 10 mai. 
       
      Mais je me perds déjà, et commence mon histoire par la fin !
       
      Il faut donc remonter le fil de cette histoire, revenir quelques heures en arrière, au matin de ce 10 mai, et surtout jeter un oeil à 150 millions de kilomètres d’ici : c’est en effet à la surface du Soleil que tout commence.
       
      Et en ce moment, notre Soleil est sacrément vénère ! Suivant un cycle de 11 ans, il est actuellement en période de maximum d’activité. Installée sur mon téléphone, mon appli de monitoring solaire (oui oui, pour les non-astronomes, sachez que ça existe) me tient constamment au courant des sautes d’humeur de notre étoile. Et depuis le début de la semaine, je reçois des “X-ray alerts” à un rythme particulièrement soutenu. En cause, une tache solaire particulièrement active, baptisée AR3664, qui balance allègrement des grosses bouffées de plasma (autrement dit un joyeux mélange de protons et d’électrons baignés par des champs magnétiques  - je vous la fais courte) dans l’espace !
       
      Un peu plus tôt dans la semaine, pas moins de six bouffées de plasma ont quitté la surface du Soleil en une journée … Expulsées à une vitesse qui avoisine les 1000 km/s, elles doivent rencontrer la Terre quelques jours plus tard.
       
      Ce vendredi matin, les bouffées de plasma sont encore à quelques millions de kilomètres. Sur Terre, et plus particulièrement dans mon jardin, il fait beau. Et en dehors de quelques mauvaises herbes à arracher, je n’ai pas grand chose à faire … J’installe donc la lunette entre les rosiers et le séchoir, je sors le filtre de Herschel, une caméra et me prépare à faire connaissance avec AR3664.
       

      Le Soleil, photographié à la L100/900, équipée d'un Herschel Baader, avec une QHY 178MM
       
      Il faudrait avoir oublié de mettre le filtre de Herschel pour ne pas la voir (conseil : ne faites pas ça.). Car, oui, AR3664 est énorme !

       
      Petite parenthèse en passant : au-delà d’une certaine taille et un certain degré d’activité, il ne me semblerait pas irraisonnable que les taches solaires se voient attribuer un nom en lieu et place de leur numéro. Un peu comme on le fait sur Terre pour les cyclones et les tempêtes. D’ailleurs, je me lance ! Et c’est en fouillant dans le bestiaire des monstres de la littérature fantastique, en traversant l’imaginaire lovecraftien, que je tombe sur la créature qui incarne au mieux ce monstre solaire… Chtugha. 
       
      “Cthugha est décrit comme une entité liée au feu et à la chaleur, émergeant des abysses incandescents de l’univers. Ses origines sont enveloppées de mystère, mais il est souvent associé à des phénomènes cosmiques tels que les étoiles en fusion et les incendies célestes.” MAIS OUI !!!Dans l’oculaire, ce que je vois, c’est exactement ça : un véritable monstre aux ramifications multiples évoluant au milieu du feu solaire, qui pourrait engloutir plusieurs dizaines de planètes Terre ! Va pour Cthugha !
       

      AR3664, photographiée à la L100/900 + Barlow x3, équipée d'un Herschel Baader, avec une QHY 178MM
       
      Un peu plus tard dans l’après-midi, je pars pour une nouvelle séance d’observation, mais cette fois derrière le Coronado du planétarium. Cthugha est toujours aussi en colère : ses yeux me dardent de rayons incandescents ! Au même moment, mon appli me signale d’ailleurs qu’une nouvelle éruption vient d’avoir lieu, là, juste sous mes yeux ! A cet instant, la colère du Soleil se manifeste un peu partout, à sa surface sous la forme de taches brillantes, sur son pourtour sous la forme d’immenses protubérances. J'emmagasine les images, qui occuperont quelques soirées pluvieuses.
       

      Le Soleil au Coronado 70, photographié avec la QHY 178MM, et une turbu assez dingue ...
       
      Pendant ce temps, le plasma fumant de Cthugha touche bientôt au but. De retour à la maison, je constate d’ailleurs que la fièvre s’empare des groupes astro sur les réseaux sociaux : “la tempête solaire n’est prévue que pour la fin de la nuit, mais tenez vous prêts, chargez les batteries de vos appareils-photo, videz les cartes-mémoires et prévoyez une réserve confortable de madeleines, car on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise !”.
       
      Observation solaire le matin, observation solaire l’après-midi : la besace à images est déjà bien pleine. Mais y ajouter une photo d’aurore boréale, ce serait la cerise sur la madeleine.
       
      Je prépare mon matériel, et croise les prévisions météo terrestre avec les dernières infos concernant la progression de la tempête afin de caler un point de chute : ce sera près de Rocquigny, en pleine Thiérache.
       
      Pour ceux qui ne connaissent pas, la Thiérache, c’est la Terre-du-Milieu-de-Nulle-Part, c’est l’équivalent ardennais du Mordor ; il suffit juste de remplacer la tour de Sauron par des éoliennes.
       
      C’est d’ailleurs au nord de Rocquigny, au pied de l’une de ces éoliennes que j’installe mon pied-photo. Histoire de prendre la température, je lance une première pose mal cadrée, plein nord, et … l’écran est déjà tout rouge ! La soirée commence à peine, et j’ai déjà coché une case supplémentaire de ma liste des trucs à vivre au moins une fois ! J’ai photographié une aurore boréale !
       

       
      Alors que Jérémy, puis Geoffroy et Stéphanie arrivent, l’aurore s’impose comme une évidence. Pour être plus précis, comme une sorte de lueur crépusculaire intense, à ceci près qu’elle est au mauvais endroit et au mauvais moment.
       
      Puis sonnent les douze coups de minuit (bon, on n’a rien entendu, rapport au bruit des éoliennes), et c’est à ce moment que la soirée a brusquement basculé dans quelque chose qui n’était pas du tout prévu : soudainement, le faux halo crépusculaire s’élève et devient de plus en plus brillant, et en une poignée de minutes, se structure en colonnes de lumière qui atteignent presque le zénith ! Sur les écrans de nos appareils-photo, c’est un feu d’artifice coloré ! A l’oeil nu, les couleurs s’estompent (on devinera par moments quelques nuances rouge, vertes ou bleues), mais le spectacle se déploie en format panoramique.
       

       
      Et me revient cette impression, que j’avais ressenti lors de l’éclipse totale de Soleil en 2006 : les aurores boréales sont certes formidablement photogéniques, mais le cadre étriqué de la photo nous prive de la dimension immersive du phénomène : comment rendre la majesté de ces piliers de lumière qui se dressent devant nous comme les tours d’une cathédrale occupant la moitié du ciel ?
       
      En plus du téléphone, j’avais emmené avec moi mes jumelles “hiboux”, des 2X50 à très grand champ, qui permettent de détailler finement ces piliers, et d’observer leurs lentes translations. C’est beau, c’est grandiose, c’est … incroyable (adjectif utilisé plusieurs centaines de fois ce soir-là ; Jérémy lui préférant toutefois l’expression “mais qu’est-ce qui se passe !”).
       
      Par moments, les colonnes de lumière semblent converger au-delà du zénith, et se livrent à une danse curieuse : les traits de lumière apparaissent, convergent et disparaissent aussitôt, parfois en quelques secondes ! Ce phénomène, s’il porte un nom, reste le plus surprenant de cette soirée !
       

       
      Un peu avant 3h du matin, la tempête retombe, alors que Geoffroy et Steph nous quittent. Malgré la fatigue, Jérémy et moi profitons jusqu’au bout du spectacle … qui redémarre de plus belle ! Et qui se poursuivra jusqu’à se mélanger avec les lumières de l’aurore terrestre, marquant la fin de cette soirée … incroyable !
       

       
      Et alors que Cthugha continue de souffler sur nos têtes, je réalise que je vais pouvoir cocher une case supplémentaire dans ma liste : ce soir, j’ai … vu … une aurore boréale !
       
      --------------------------------------------------------------------------------------------------------------
       
      Les images d'aurores ont été réalisées avec un Google Pixel 7Pro, en mode "astrophotography"
       
      Vous pouvez également jeter un oeil sur le time-lapse de cette magnifique soirée (n'en jetez plus) :
       
       
    • Par tosi philippe
      Bonjour à tous, un séjour astro mémorable au centre de Suc en haute Ariège géré par notre fidèle Sébastien et son équipe !
      Les observation du soleil et du ciel profond ont ravi les participants !
      70 personnes ont assisté à diverses conférences sur les galaxies avec des astronomes professionnels comme Vincent Coudé, Dominique Proust etc...
      Nous avons vibré sous une très violente éruption solaire type X-4 responsable des fameuses aurores boréales qui ont illuminé le ciel du Sud de la France, ...une féérie pyrotechnique venue de l'espace !
      Images solaires réalisées avec une VAF 150mm F/7 APO Lichtenknecker + modif PST + BF-15 + barlow 3x
      Phil : photoastro.com

      Circumpolaire de 50 min avec Nikon D7500 à 2200 iso + 20mm F/5.6
       

       
      AR3664  offband + bombes d'Ellerman (petits points blancs)
       

       
      Le 9 Mai à 11H26 locales, le flare X-4 responsable des aurores :
       

       
      10 minutes avant...
       

       
      La gigantesque protubérance du 11 Mai
       

       
      Les piliers...
       

       
      La protubérance du 10 Mai 
       

       
      Phil : photoastro.com
       
    • Par BobSaintClar
      Chers ami(e)s complètement à l'Ouest,
       
      J'ouvre un Post, que j'alimenterai à mesure pour éviter l'indigestion, consacré à la dernière édition de la Deep Sky Star-Party d'Aichi (les japonais l'appellent la DSP, sans doute parce que la Deep SS party n'attire pas le même public ). Pour celles et ceux qui fréquentent les publications du groupe de tordus "Jumelles et Binoculaires, le ciel en vision 3D", j'ai déjà assisté à cet évènement en 2019.
       
      Ces dernières années, la Covid a rayé plusieurs rassemblements amateurs japonais des tablettes : RIP, les éditions 2020-2023 de la DSP ! Comme elle n'accueille que 60 participants et nécessite une invitation, vous n'êtes jamais sûr d'en être. Je fus donc aux anges lorsque mon nom (Djanne-Ruisse-San, ou parfois Jeong Grui) est sorti du chapeau ! Du Vendredi 10 au Dimanche 12 mai, j'ai eu la chance et le privilège de rejoindre 59 autres élu(e)s à l'observatoire municipal de la forêt de Soboe, que Google traduit par "Centre d'échange d'expériences forestières". Selon votre niveau de japonais, vous pouvez donc venir si vous aimez observer les étoiles, ou si vous sortez avec un ours.
       
      Contrairement à ce que vous supputez, je suis venu en tant qu'astronome amateur ! Pour remettre votre curiosité sur les bons rails et ne pas saturer les ondes, je me contenterai d'une première photographie : aussi incroyable que cela puisse paraître (encore qu'avec les derniers posts de la section Astrophotographie, vous devriez m'accorder plus de crédit), nous avons observé les signes lointains de l'immense aurore boréale qui embrase les ciels polaires... à 35,1° degrés de latitude Nord ! Il a fallu que je vienne au Japon pour voir ma première aurore, après un demi-siècle de vie en France ? C'est vraiment n'importe quoi 
       
      Cette image est un panorama horizontal à 360°. Le Nord est au centre :

       
      A très bientôt pour la suite (j'ai une bonne centaine de photos à revoir/classer/légender et adapter au site) !
    • Par joannyzbear
      A grande distance, la matière de l'univers est isotrope. Mais dans une minuscule sphère locale de 70 millions d'al de rayon, c'est tout l'inverse. Tous les printemps, je revisite le centre du monde. Quand c'est la gare de Perpignan pour Salvator Dali, moi, je prends mon billet pour Leo-Coma-Virgo.
      Hier 10 mai, c'était mon 2e soir de balade avec le C6. En m'attardant sur le triplet du Lion, puis l'Oeil de Chat (M64) et M85. Conditions presque idéales: pas un nuage à Hourtin, sur la côte atlantique. En terminant vers minuit, histoire de vérifier furtivement que M81 et M82 sont bien là, je remarque que l'aube commence à se lever sur l'horizon N, un halo uniforme bleu clair. Ah bon? Ce doit être les fêtards du Frenchman (triathlon couru ce week-end) qui illuminent les environs.
      Le temps de ranger, je ressors vers 0h10 (heure légale du 11/05), ayant en tête le conseil de Fabrice Mottez de surveiller l'apparition d'aurores boréales après 3h du matin. (J'ai peut-être mal compris...) Stupeur! Le spectacle est en avance, et a peu de choses en commun avec l'idée que je m'en faisais. (C'est mon baptême en matière d'aurores).
      Imaginez que je suis au pied d'un immense pot de fleurs posé au N. Tronc de cône materialisé le long de ses méridiens par 5 faisceaux rectilignes, convergeant vers un même point à l'intérieur de la Terre. L'angle du cône est celui d'un pot de fleurs standard. La structure est limitée à l'O au quart de la distance Castor->Capella, et à l'E, elle déborde le petit bras de la croix du Cygne. Donc 95° de largeur en azimut. Pendant 80 minutes, je vais observer. Et partager avec ma chère et tendre, comme ça, on aura economisé 2 AR en avion pour Reykjavik...
      Evolution:
      _ Pas de mouvement. Pas de draperie.
      _ Lentes apparitions des faisceaux (1mn), plateau (1mn), lente disparition (3mn). Ces faisceaux apparaissent par bouffées de 4 à 12, simultanément, jamais aux mêmes endroits. Les nouveaux faisceaux se juxtaposent aux rémanents des faisceaux du cycle précédent.
      Un faisceau est extraordinairement net pendant son plateau, il tranche avec une bande sombre adjacente. Sa largeur fait entre 2° et 5°. Il traverse le demi-ciel N en s'estompant depuis l'horizon N jusqu'au demi-cercle E-O. Même dégradé que les branches du Y de la couronne solaire pendant l'éclipse 2017, mais sur 90° d'angle. Il peut atteindre le zénith dans la Grande Ourse, mais ne le dépasse pas. Comme pour la couronne, la structure interne du faisceau est parfaitement radiale. Pas de torsion. Couleur: gris légèrement bleuté.
      _ Même cycle temporel pour des "nuages" circulaires semblables à un aérosol de jus de framboise. Dégradé du centre vers une périphérie mal définie. Ces nuages de diamètre 20° à 30°, situés de 20° à 60° au-dessus de l'horizon, apparaissent par bouffées simultanées de 3 à 4. Ils occultent les faisceaux situés en arrière-plan. Le plus lumineux d'entre eux masque totalement Céphée. Plus aucun n'apparaît après 0h45.
      _ Et près de l'horizon N, à une hauteur de moins de 20°, Cassiopée barbote dans une vinaigrette fluo. De plus en plus lumineuse au fil du temps, comme si survenait l'aube d'un jour vert.
      _ Plus tard, à 3h du mat, fini, tomber de rideau. Royan, 50km au N, a dû s'appeler Tchernobyl pendant 2h...
      _ Mes photos et mes vidéos sont toutes ratées.
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