PascalD

Conf' de l' IAP

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De la difficulté (insurmontable) de parler philo dans un forum, des malentendus et des dégats d'une lecture sommaire..

J'écris : "au-delà des catégories déjà constituées de la Raison, véritable système de vérités qui peut être "socialement" institué"

brizhell répond :"Comment peut on imaginer que la philosophie soit a ce point universelle si elle est liée au contexte sociale dans lequel elle est générée en tant que discipline de la pensée"


Au delà brizhell, au delà... J'insiste justement sur le fait que la philo s'en dissocie clairement !!..



brizhell > "comment ignorer l'approche d'Edgard Morin (je connaissait déjà ce texte)"


Alors tu devrais le relire, lui aussi, plus attentivement.. Car alors, si tu adhères à son discours, comment peux-tu souligner l'Universalité des maths, de la géométrie, de la science (ce qui est exact bien sûr), et contester celle de la philo ??.. c'est incompréhensible !.. et c'est bien à partir de celà que nous divergeons fondamentalement - je re-cite Morin :


"En fait, les grandes questions scientifiques sont devenues philosophiques et les grandes questions philosophiques sont devenues scientifiques...

Si le regard philosophique procure le recul nécessaire pour considérer la science, le regard scientifique procure le recul nécessaire pour considérer la philosophie. Aussi leur dialogue binoculaire pourrait procurer le nouveau recul qui nous est nécessaire pour considérer la connaissance. Dès lors, science et philosophie pourraient nous apparaître comme deux visages différents et complémentaires du même: la pensée."


[Ce message a été modifié par vaufrègesI3 (Édité le 23-12-2012).]

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Il était une fois,

Dans un lointain future, la communauté scientifique de la planète entière décide de se réunir pour mettre au point la machine la plus performante jamais inventée, fabriquer à partir des toutes dernières innovation de la nanobiotechnologie.
La totalité des cerveaux de la planète travail en parfait accord chacun de leur côté, et se donne rendez-vous quelques années plus tard a la fin de leur travail respectifs.
Lorsqu'il se retrouvent tous, devant cette magnifique invention capable de répondre à n'importe quelle question aussi complexe soit elle, capable d'analyser les plus profonds secrets de l'univers tout entier, un des représentant de toute cette communauté dit à l'assemblée

"Messieurs nous sommes aujourd'hui réunis devant ce que l'intelligence de l'homme à pu faire de mieux et de plus performant dans toute son existante.
Je vous propose aujourd'hui de nous concerter afin de lui poser la première question, à laquelle je suis sur la réponse bouleversera l'humanité toute entière ......"

Et la première question après concertation fut:
" Est ce que dieu existe?"

Que répond la machine?

[Ce message a été modifié par Descharles (Édité le 23-12-2012).]

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(brizhell : +1)

Il y aurait beaucoup à dire sur la prétendue universalité des maths .. le théorème d'incomplétude de Gödel devrait pourtant mettre la puce à l'oreille, il me semble ...

[Ce message a été modifié par PascalD (Édité le 24-12-2012).]

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PascalD > Si je puis me permettre, il existe peut-être dans ta remarque une confusion (notée aussi chez brizhell) quant à la définition correcte "d'Universel". Il me semble que cette notion est probablement quelque peu perçue ici comme une prétention à "l'idéalisation" ou à la "perfection", comme un possible accès à une forme de "vérité" absolue..


Hors, comme l'énonçait Montesquieu : "La perfection ne regarde pas l'universalité des hommes ni des choses".


En fait, l'Universalité est simplement ce qui s'étend à l'ensemble des hommes, de ce qui est commun à tous les hommes, ce qui embrasse tout. Ainsi, la science et la philosophie peuvent concerner tous les foyers de civilisation, tous les hommes disposant à égale valeur de la capacité de PENSER.. Même si ces disciplines reposent aussi sur des valeurs admises par la/les culture(s) dans lesquelles elles s’insèrent..

Sauf que la "pensée" qu'évoque Edgar Morin possède bien sûr des limites, elle ne fait le plus souvent que mouliner des concepts. Il existe une infinité de choses bien en deça de nos capacités de constructions mentales.


Si les mathématiques ont longtemps exercé, et exercent encore une fascination, ce n'est pas seulement en raison de la rigueur de la démonstration, mais aussi parce qu'elles semblaient être le seul domaine du savoir où la polémique était absente. Mais la faille, c'est que l'absolutisme que la science classique a cru trouver dans l'idéal de la "mathesis universalis" est tombé sous les coups très sévères des mathématiciens eux mêmes.

Au cours des années 20 et 30, Hilbert propose un programme de recherche visant à formaliser les mathématiques, en définissant les termes sans faire appel à l'évidence, à l'intuition. Les règles doivent être applicables mécaniquement, c'est à dire d'une certaine façon sans faire appel à l'intelligence. L'ambition de Hilbert était de montrer que la théorie formelle des maths était consistante. Mais (comme tu l'as mentionné), avec le théorème d'incomplétude (il existe une infinité de faits vrais qu'il est impossible de prouver) et le théorème d'inconsistance (dans certains cas on peut démontrer une chose et son contraire), Gödel montre que ceci est impossible..

En définitive, il nous faut admettre que le réel est plus riche que l'ensemble des connaissance possibles. On ne peut enfermer le vrai dans le démontrable et le démontrable dans la mécanique du calcul.. Les mathématiciens qui aimaient opposer aux discussions interminables entre philosophes la sécurité de leurs raisonnements, se trouvent à leur tour pris dans le tourbillon de désaccords profonds, irréductibles.

Il nous faut surtout comprendre comme Socrate que notre savoir est (et restera?) limité et que nous ignorons l'essentiel. Reconnaître nos limites, c'est bien tout le sens de la "docte ignorance". C'est justement quand la pensée fait aveu de ses limites, qu'elle s'en tient sur le seuil, qu'elle peut rendre possible l'avènement d'une intelligence nouvelle "de ce qui est", l'éveil de l'intuition.


Bonne fêtes à tous ..

[Ce message a été modifié par vaufrègesI3 (Édité le 24-12-2012).]

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Bonnes fêtes à tous, et aussi à toi Vaufrèges ...
En attendant que les effluves alcoolisées ou pas se dissipent, je voudrais développer un peu ce que je voulais dire :
Comme tu le fais remarquer, les travaux de Hilbert et Gödel ont contribué à convaincre tout le monde de l' impossibilité de construire un système de certitudes absolu en mathématique.

En démontrant, à l' intérieur de la théorie "arithmétique" , que la théorie permet de construire des énoncés indécidables (premier théoème de Gödel), et que la cohérence de la théorie est indécidable dans cette théorie (deuxième théorème), Gödel a ouvert une boite de Pandore :

Le mathématicien, l' individu, est libre de choisir, pour des raisons de préférences culturelles ou autre, n'importe quelle extension de la théorie des nombres, sans perdre sa cohérence si celle-ci l' est, en pouvant continuer de l' appeler arithmétique, et sans jamais pouvoir démontrer (trancher) que cette extension est meilleure que l' arithmétique de son collègue d' en face (ni d'être jamais sûr qu'il a construit une théorie cohérente).

Autrement dit, il existe autant de théories de l' arithmétique que de mathématiciens.

Je trouve que, vu sous cet angle, l' universalité des mathématiques, même selon ta définition restreinte, en prends un coup.

[Ce message a été modifié par PascalD (Édité le 26-12-2012).]

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Bon, il faudra que l'on revienne à la cosmologie (uni ou multivers) et à Aurélien Barrau, à l'occasion, mais en attendant, il est possible de déjà réagir à cela :

Pascald : "Autrement dit, il existe autant de théories de l' arithmétique que de mathématiciens.

Je trouve que, vu sous cet angle, l' universalité des mathématiques, même selon ta définition restreinte, en prends un coup"


C'est une interprétation toute personnelle (peut-être influencée par la croyance que les maths sont une construction des humains) des découvertes de Gödel, mais ce n'est certainement pas la sienne.

Je le cite, par exemple :

"Mon théorème montre seulement que la mécanisation des mathématiques, i.e. l'élimination de l'esprit et des entités abstraites, est impossible, si l'on veut obtenir une fondation satisfaisante des mathématiques." (cité par Cassou-Noguès dans Les démons de Gödel, récemment sorti en Poche Seuil. La partie III sur l'incomplétude, aux pages 151 à 250 est riche et passionnante. La citation est en page 183 du chapitre 5, Dilemmes).

Résumé sommairement, Gödel tire deux conclusions majeures de ses théorèmes : 1 Les objets mathématiques ont une existence autonome, ils nous échappent en quelques sorte (on ne peut les cerner avec notre formalisme), et 2, l'activité de l'esprit humain est irréductible au calcul (ce qui donnera ultérieurement l'argument de Lucas-Penrose, qui réfute le réductionnisme cérébral - ou le computationnisme, ou la thèse de l'IA forte, au choix).


Rien donc qui remette en cause l'universalité des mathématiques (à condition bien sûr de ne pas les réduire à un simple langage ).

[Ce message a été modifié par Gordon (Édité le 27-12-2012).]

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quote:
C'est une interprétation toute personnelle

Il ne me semble pas avoir prétendu le contraire. Ce qui ne veut pas dire que personne ne la partage

quote:
Résumé sommairement, Gödel tire deux conclusions majeures de ses théorèmes : 1 Les objets mathématiques ont une existence autonome, ils nous échappent en quelques sorte (on ne peut les cerner avec notre formalisme), et 2, l'activité de l'esprit humain est irréductible au calcul (ce qui donnera ultérieurement l'argument de Lucas-Penrose, qui réfute le réductionnisme cérébral - ou le computationnisme, ou la thèse de l'IA forte, au choix).


C'est une citation, ou ton interprétation personnelle, ou bien celle de l' auteur ? Si c'est une conclusion de Gödel, le logicien, je suis un peu étonné. Gödel, le "philosophe" par contre, aurait pu dire ça (il parait qu'il croyait avoir démontré l' existence de Dieu, et qu'il croyait voir les objets mathématiques grace à un organe, "l'oeil pinéal").

Assimiler "notre formalisme" à "nous", dans "ils nous échappent", déjà, ça pose question. Surtout à la lumière de la conclusion 2, qui affirme que justement, l'esprit humain n' est pas réductible au calcul formel. Peut-être sont-ce des conclusions influencées par la croyance que les mathématiques sont plus qu' un langage ?

Pour en revenir aux multivers, le même Gödel est l' auteur d'une solution de la RG dans laquelle un observateur peut voir son propre futur. Si on suit la logique de Barrau selon laquelle tout ce qui est possible en théorie existe nécéssairement, l' Univers en question existe et là pour le coup c'est la causalité qui en prends un coup http://fr.wikipedia.org/wiki/Univers_de_G%C3%B6del

[Ce message a été modifié par PascalD (Édité le 27-12-2012).]

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Je rebondis sur un post : Difficile d'interpréter 1931 a)de Gödel si on ne se remet pas dans le contexte de l'époque : il s'agit de montrer l'incomplétude d'un système suffisamment vaste : sans référence aux problèmes posés par l’intuitionnisme de Brouwer d'un côté (position néo kantienne) et la volonté initiale d'Hilbert pour rendre compte de l'intuition mathématique sans faire les sacrifices de l'intuitionnisme (renoncement au tiers exclu en particulier), il y a pas mal de risques de sur-interprétation du résultat (capital au demeurant) : le formalisme ne peut démontrer toutes les propositions d'un système suffisamment vaste donné, il y a donc des propositions reposant sur l'intuition sans pour autant devoir sombrer dans un pur intuitionnisme de type brouwerien ni s’engager sur une sorte de subjectivisme mathématique (les propositions indémontrables ne remettent nullement en question la certitude mathématique : Gödel se veut platonicien ne l'oublions pas) : cela semble être l'interprétation la moins ambitieuse (du moins en apparence) mais sans doute la plus conforme à l'esprit de la démonstration.

Pour les rapports science et philosophie, je peux recommander (même si vous connaissez sans doute pour la plupart j'imagine), la théorie physique de Pierre Duhem qui pose des pistes intéressantes pour essayer de bien faire le départ entre les deux domaines sans négliger l'un au profit de l'autre, tout en évitant la confusion des genres qui n'est utile ni à l'une ni à l'autre. On aura l'occasion d'en rediscuter si cela ne fait pas trop dériver le débat initial.

[Ce message a été modifié par Eratosthene (Édité le 28-12-2012).]

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Pascal : "C'est une citation, ou ton interprétation personnelle, ou bien celle de l' auteur ?"

Ce n'est pas une citation (lorsque je le fais, c'est explicite, et je cite mes sources), ni une interprétation (personnelle, ou de l'auteur). C'est le résumé sommaire de ce que dit Gödel de ses théorémes (abondamment cité et analysé dans le livre mentionné plus haut, de Pierre Cassou-Noguès).

Ensuite, pour ce qui est des éventuelles croyances personnelles de Gödel, ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est de ne pas faire dire à Gödel et à ses théorèmes le contraire de ce qu'ils disent, que l'universalité des mathématiques seraient là mises en question.


Pascald : "Assimiler "notre formalisme" à "nous", dans "ils nous échappent", déjà, ça pose question. Surtout à la lumière de la conclusion 2, qui affirme que justement, l'esprit humain n' est pas réductible au calcul formel."


Non, ça ne pose pas de question : Le formalisme mathématique (qui est une construction de l'esprit humain pour explorer et décrire l'univers mathématique) est "à nous", mais cela n'implique nullement que l'activité de notre esprit se réduise à ça...

C'est pour cela que nous sommes capables de "faire des maths" (savoir qu'une proposition est vraie ou pas, bien qu'elle soit indécidable dans un système formel, par exemple) au-delà de ce que le formalisme autorise (c'est le noeud central de l'argument de Penrose dans Les ombres de l'esprit ).

PascalD : "Si on suit la logique de Barrau selon laquelle tout ce qui est possible en théorie existe nécéssairement"


Il n'a jamais affirmé cela. Tu lis Barrau aussi mal que tu sembles lire Gödel (ou alors, tu caricatures...).


[Ce message a été modifié par Gordon (Édité le 28-12-2012).]

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Je te rejoins sur Gödel.

Par contre je relis tous les posts depuis la conférence progressivement (ce topic est extrêmement riche et je suis loin d'n avoir fait le tour) et j'ai l'impression que tout le monde ne parle pas tout à fait le même langage : parfois on parle de monde (notion philosophique dont la définition varie d'un auteur à l'autre : ainsi chez un Cassirer on y verra plutôt un ensemble de symboles, chez Kant une idée régulatrice de la raison permettant de concevoir une unité ultime qui échappe à la sensibilité, ou chez Leibniz un ensemble de monades, réelles ou logiques, cohérentes entre elles) et univers qui lui désigne plutôt quelque chose de physique qu'on aurait intérêt à mieux définir. Parfois certaines critiques portent sur ce qui ressort d'un modèle d'univers, sur des scénarios cosmologiques, ou encore sur la notion de théorie physique, et parfois il est question d'un saut brutal entre monde possible (schéma logique cohérent) et univers réel (dont on a un superbe exemple avec certains jumeaux qui plaquent la théorie de l'information mêlée à la thermodynamique de manière brutale et sans nuances sur l'origine de l'univers), sachant qu'une position logiciste à la Leibniz peut autoriser sans absurdité, mais avec certaines précautions (on est en métaphysique plus en physique ici) à penser que ce qui est cohérent et logique peut tout à fait exister (idée de monde "possible" qui n'anticipe pas sur l'existence effective de l'objet), voire que la nécessité logique amène à poser une existence réelle (à condition de poser que le monde a été organisé suivant une logique bien définie).
Peut-être qu'en essayant de préciser un peu les termes on arrivera à mieux analyser la position de départ?

[Ce message a été modifié par Eratosthene (Édité le 28-12-2012).]

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Gordon:
quote:
Le sujet, c'est de ne pas faire dire à Gödel et à ses théorèmes le contraire de ce qu'ils disent, que l'universalité des mathématiques seraient là mises en question.


Bon, visiblement ça ne sert à rien, vu la tournure (déplaisante) que prends l' échange je vais m' arrêter là, mais je vais quand même faire une dernière mise au point.

1) C'est toi qui fait dire quelque chose à Gödel (l' auteur des théorèmes), pas moi. Je me suis relu, nulle part je ne vois où il en serait autrement.

2) L' "universalité" des mathématiques, dans la définition qu' en donne Vaufrèges ("En fait, l'Universalité est simplement ce qui s'étend à l'ensemble des hommes, de ce qui est commun à tous les hommes, ce qui embrasse tout"), ne s'applique clairement pas à toutes les mathématiques, puisque justement le théoreme d'incomplétude garantit qu'on peut enrichir le système d'axiomes de toute théorie appartenant à la catégorie à laquelle s'applique le théorème, sur la base d'une "intuition", de son "libre arbitre", du "résultat esthétique" (en respectant évidemment certaines contraintes, comme ne pas introduire de contradiction). Il est parfaitement possible d'imaginer une théorie des ensembles construite sur ZFC dans laquelle l' hypothèse du continu est vraie, et une autre dans laquelle l' hypothèse est fausse, par exemple: On a alors deux théories mathématiques d'une cohérence équivalente (puisque l' hypothèse du continu est indémontrable dans ZFC), traitant des mêmes "objets" (les ensembles, éventuellement infinis). Et on peut imaginer deux "communautés" de mathématiciens, réalisant ainsi une "biversalité des mathématiques".

ça n' invalide évidemment pas qu'il puisse exister par ailleurs des théories complètes, et des "certitudes mathématiques".

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Eratosthène : "j'ai l'impression que tout le monde ne parle pas tout à fait le même langage : parfois on parle de monde (notion philosophique dont la définition varie d'un auteur à l'autre : ainsi chez un Cassirer on y verra plutôt un ensemble de symboles, chez Kant une idée régulatrice de la raison permettant de concevoir une unité ultime qui échappe à la sensibilité, ou chez Leibniz un ensemble de monades, réelles ou logiques, cohérentes entre elles) et univers qui lui désigne plutôt quelque chose de physique qu'on aurait intérêt à mieux définir. "

Voilà, justement, c'est ici discutable dans la conférence d'Aurélien Barrau, et donc, revenant sur le point 2 (des 5 points que j'avais relevés) des imprécisions philosophiques de Barrau, qui appellent à quelques tentatives de clarification, et aussi pour apporter des éléments de réponse aux mises en question de ChiCyg sur la cosmologie et son objet (à ce propos, il y a dans le numéro de Décembre de Sky and Telescope un article de Camille Carslile, Cosmic Collisions (pp 21 – 26) qui aborde la question de la possible preuve observationnelle des univers multiples. Avec, en passant, un encadré page 23 sur les termes univers/multivers qui confirme la nature de pseudo-question des réserves émises par ChiCyg sur cette terminologie qui porterait prétendument en elle la non accessibilité du multivers à la démarche scientifique), je cite (un peu longuement, mais cela se justifie, je pense. Et il vaut la peine d’être lu attentivement), un passage de Lachièze-Rey au début de son excellent « Initiation à la cosmologie » (Dunod).

Son propos est plus précis et plus rigoureux que ce qu’on peut entendre dans la conférence d’Aurélien Barrau, on peut supposer qu’il a soigné ce texte, qui mériterait donc une analyse un peu serrée, d’autant plus qu’il présente malgré tout quelques difficultés de cohérence (c'est moi qui numérote les paragraphes, pour en faciliter les références qui suivent le texte):


Page 2

Y-a-t-il une cosmologie scientifique ?

1 La question résulte de l’originalité de l’Univers en tant qu’objet de la cosmologie : il est unique, il nous englobe, il ne peut être observé que de l’intérieur. Ce n’est pas le cas de la plupart des systèmes auxquels s’intéresse la pratique scientifique. Aussi les préoccupations et les méthodes de la cosmologie se distinguent-elles du reste de celles de la physique.

2 La pratique « expérimentale », qui exige de reproduire des manipulations, des expériences dans des conditions définies, ne peut, bien entendu, s’appliquer en cosmologie. Si les cosmologues conçoivent un modèle d’univers, il est impossible de créer l’univers correspondant pour observer comment il évolue ! Y-a-t-il même un sens à parler de la possibilité d’un tel univers ? La cosmologie dérive ses lois à partir d’un seul échantillon.

3 Cette discipline peut néanmoins prétendre au titre de science, une science naturelle, d’observation. Les modèles cosmologiques, ceux de big bang par exemple, sont bien issus, en partie, de l’observation. Mais c’est surtout sur la base de principes fondamentaux que la cosmologie procède. Dans ce sens, il s’agit d’une science abstraite : l’histoire de l’univers est une reconstruction de l’esprit et c’est de manière relativement indirecte qu’elle est confrontée aux observations.

4 Fondée sur des principes, confrontable et confronté à l’observation, la cosmologie est bien une science. Une science particulière du fait de son objet, du fait de la position particulière de l’observateur. Ce dernier – l’astronome, le cosmologue, chacun de nous – se situe à l’intérieur de l’objet qu’il étudie. Il en résulte des préjugés – des « biais » comme disent les astronomes – qui affectent notre interprétation des observations.

5 Enfin, comme toutes les sciences, mais sans doute davantage, la cosmologie repose sur des principes, des présupposés d’ordre métaphysique. Elle n’est peut-être encore qu’une science imparfaite, dans la mesure où leurs influences sont difficilement reconnaissables et reconnues.

6 Etudiant des problèmes fondamentaux qui mettent en cause la nature de notre univers, la question de son origine et de son devenir, ainsi que la place qu’y occupe l’homme, la cosmologie partage ses centres d’intérêt avec des disciplines non scientifiques, métaphysique, théologie, philosophie…Il n’est pas toujours facile d’établir une barrière entre ce qui relève d’elles et ce qui relève de la science, ni de reconnaître les influences des différents mythes qui nous hantent, ou de notre héritage socioculturel. Il est en tout cas important de garder à l’esprit que la cosmologie scientifique repose sur des principes métaphysiques. »


Au premier paragraphe, l’affaire est claire, l’Univers est bien un « objet », et on l’observe « de l’intérieur », « il nous englobe » (c’est à dire que nous n’en faisons pas partie intégrante, il s’agit simplement de la position d’observation). Par contre, cela n’a rien de spécifique à la cosmologie (par exemple, la vie, étudiée par la biologie (fort mal, d’ailleurs, mais c’est un autre débat), le Terre, étudiée par la géologie, sont également uniques, du moins à ce jour). D’ailleurs, le propos se contredit ensuite avec « la plupart des systèmes auxquels s’intéresse la pratique scientifique», donc pas tous…et « se distinguent » pour les préoccupations et les méthodes de la cosmologie. Il y a ici un premier échec à vouloir faire de la cosmologie une science à part.

Le second paragraphe tombe dans la même erreur d’appréciation. La physique en général, et nombre de ses sous-domaines, ne peuvent pas plus que la cosmologie créer expérimentalement d’autres physiques que celle que nous connaissons, même si elles peuvent multiplier les expériences partielles, à l’intérieur de celle-ci. Ce que peut aussi parfaitement faire, et elle ne s’en prive pas d’ailleurs, la cosmologie. Je ne parlerai même pas de la biologie, qui ne peut étudier qu’une seule vie (nous tous, descendants de LUCA), de la géologie qui ne connait qu’une Terre dont elle ne peut refaire l’histoire, de la climatologie, de la météorologie, etc…

Au troisième paragraphe, on a : « l’histoire de l’univers est une reconstruction de l’esprit et c’est de manière relativement indirecte qu’elle est confrontée aux observations.» Que dire alors de la physique des « particules », ces représentations abstraites jamais observées autrement que de manière indirecte, et souvent dans des conditions très particulières produites par des machines inouïes ? Que dire de la paléontologie, qui reconstruit la vie des animaux anciens avec des bouts d’os et des théories complexes et subtiles ?

Le même Lachièze-Rey, dans l’émission de France Culture Science Publique du 14 Décembre, ( http://www.franceculture.fr/emission-science-p ublique-club-science-publique-quels-temps-forts-pour-la-science-en-2012-2012-12-14 ) qualifie d’ailleurs de « philosophique » l’avancée que représente la probable mise en évidence du boson de Higgs au LHC, boson qu’il désigne comme une abstraction mathématique.

Au quatrième paragraphe, qui reprend les questions sur l’objet de la cosmologie et notre position comme observateurs, il est question des « biais » et « préjugés », dont il est clair que la cosmologie n’a pas le monopole.

Le cinquième confirme cela, avec « comme toutes les sciences ». Et je pense que le « sans doute davantage » est infondé. Il suffit de penser à la biologie, dont la crédibilité et la solidité sont largement entamés par l’ampleur des biais et des préjugés dont elle est l’objet, au point que, à la différence de la physique, elle n’est pas encore parvenue, après quelques siècles, à construire le moindre début de base théorique pour la fonder. Mais on peut aussi penser aux biais ontologiques qui pèsent sur la physique des particules (dont la récente anecdote des prétendus neutrinos superluminiques avec la calamiteuse communication faite selon des termes de physique classique, avec des petites billes munies de vitesses, avec des distances, etc…,a fourni un exemple tristement spectaculaire).

Le sixième paragraphe de ce texte, qui semblait vouloir montrer la spécificité de la cosmologie, la replace en fait magistralement dans le cadre épistémologique de toutes les sciences, avec cette phrase « Il est en tout cas important de garder à l’esprit que la cosmologie scientifique repose sur des principes métaphysiques. ». En effet, on chercherait en vain un domaine scientifique pour laquelle cette phrase ne s’appliquerait pas.


En résumé donc, si ce texte de Lachièze-Rey a le mérite de poser clairement la question de l’objet de la cosmologie (à la différence de Barrau qui crée de la confusion par une insuffisance de réflexion philosophique, il me semble), il échoue à ce qui semble être le propos de son auteur, de conférer une spécificité à la cosmologie qui la distinguerait des autres « sciences de la nature ».

Eh non, la cosmologie est bien une science comme les autres, elle a un objet, clairement défini, l’univers physique et ses lois, qui se prête à l’observation et aux vérifications expérimentales (même si c’est ardu, voire très ardu). Et son objet ne se confond pas avec le monde que nous habitons.

[Ce message a été modifié par Gordon (Édité le 03-01-2013).]

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Pascal : "C'est toi qui fait dire quelque chose à Gödel (l' auteur des théorèmes), pas moi. Je me suis relu, nulle part je ne vois où il en serait autrement."

Je ne fais rien dire à Gödel, je le cite. Gödel n'a jamais caché ses positions platoniciennes, et cela inclut les conclusions qu'il tire de ses théorèmes.

Cela dit, il est possible que j'ai mal compris tes propos, mais tu semblais bien dire que ses théorèmes invalidaient le caractère universel des mathématiques (ce qui n'est pas dans ces théorèmes, à moins de considérer qu'ils réfutent la conception platonicienne, c'est à dire que les maths ne seraient qu'un langage...Auquel cas, on peut relever le paradoxe, à savoir que Gôdel n'aurait pas compris ce qu'il faisait, à savoir réfuter ce qu'il pensait de l'essence des maths...C'est bien entendu toujours possible, mais à mon sens peu probable).


Pascal : "Et on peut imaginer deux "communautés" de mathématiciens, réalisant ainsi une "biversalité des mathématiques"."

Ah mais attention, là, c'est différent.

La "biuniversalité" dont tu parles est une diversité, par opposition à un éventuel monolithisme. Ca ne contredit pas l'universalité (c'est comme le multivers, ça ne remet pas en cause le caractère universel de ce qui est l'objet d'étude de la cosmologie ). Il y a un problème de vocabulaire. (Et aussi, bien sûr, la possible confusion entre le langage mathématique, sur lequel le théorème de Gödel s'applique, et l'univers mathématiques, qui est en quelque sorte un transcendens par rapport aux formalismes).


[Ce message a été modifié par Gordon (Édité le 03-01-2013).]

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Résumé des épisodes précédents : La comparaison de l’hypothèse multivers en cosmologie avec l’interprétation dite d’Everett, dans sa version « univers multiples», est hors de propos (c’était mon point 5), et la cosmologie n’a pas le privilège d’être une science spéciale qui se distinguerait de ses consoeurs dures, au prétexte que son objet d’étude est l’univers (c’était mon point 2).

Si on reprend maintenant le fil de la conférence, et qu’on examine le point 1 ((vers la minute 23) « L’espace-temps est lui-même un phénomène, ou pour le dire de façon encore plus provocatrice, l’espace-temps n’existe plus. » Le phénomène, c’est précisément ce qui apparait, ce qui ex-iste, ce que précisément jamais ne fait le temps (qui n’est déjà même plus une observable en physique quantique non-relativiste, mais une simple variable). Le propos est donc pour le moins confus, et contribue à la confusion.) , on peut tenter une clarification en remarquant que :

(Je reprends les propos de Barrau quelques secondes en amont « …l’espace-temps n’est plus le cadre dans lequel se déploient les phénomènes »…). L’espace et le temps (et surtout ce dernier pour les Grecs) ont toujours fait l’objet d’un questionnement serré sur leur être ou non-être. Carlo Rovelli (dans son petit livre, « Qu’est-ce que le temps ? Qu’est-ce que l’espace ? » (*), au chapitre 6 intitulé « Le temps n’existe pas »), rappelle que Newton ne fait que supposer l’existence du temps, en reconnaissant que jamais on ne l’observe ni ne le mesure, pour « construire un schéma extrêmement efficace pour comprendre et décrire la nature » (p 82). Et pour Kant, l’espace et le temps ne sont pas un cadre existant hors de nous pour les phénomènes objectifs, mais des formes pures de notre intuition a priori, la condition de possibilité pour notre perception des phénomènes.

Donc exit le cadre objectif dont parle Barrau, qui n’est qu’un résidu des présupposés scientistes du XIXème siècle. Je ne reviens pas sur la qualification de l’espace-temps comme lui-même un phénomène (pure ânerie, pour le moins, ou contre-sens surprenant), et je me permets donc de noter que la formulation suivante, « l’espace-temps n’existe plus », n’a rien de provocatrice (ni de novatrice) pour qui a un peu suivi ce qu’ont pu penser les hommes à ce sujet depuis des siècles (les chinois n’ont même pas pensé un temps comme le nôtre, succession d’instants, ils n’ont pensé que des ères, des « saisons » (des moments) et des époques, des durées. Le mot temps (shijian) n’arrive dans leur langue qu’à la fin du XIXème siècle, à partir du Japonais qui nous l’avaient emprunté, si j’en crois ce que raconte François Jullien dans son essai « Du temps »).

Bref, la RG (mais c’est un beau résultat ) vient confirmer conceptuellement, en quelque sorte, les intuitions philosophiques des siècles passés (Pythagore qui saisit le temps comme « la sphère de l’Univers »). Et la gravitation quantique à boucles commence à procéder à la démolition mathématique de ce concept abstrait d’espace-temps qui n’était là que pour nous aider à formuler des théories physiques.

De ce point de vue, la lecture du début du chapitre 5.5 du cours d’Aurélien Barrau et Julien Grain (Relativité Générale , Dunod), Qu’est exactement la relativité générale ? , Paragraphe 5.5.1, Le cœur de la théorie, est très instructive, plus rigoureux et précis, moins flamboyant et moins philosophiquement approximatif que la version orale à l’IAP.

Je cite juste un court aliéna (c'est moi qui mets en gras) « Il s’agit de s’abstraire de l’espace « pur », de l’espace « en soi » (presque de l’espace « pour soi ») de la physique newtonienne et minkowskienne. Il faut renouer avec une vision ou une visée purement relationnelle. Renouer car l’idée n’est pas nouvelle : elle s’inscrit dans une longue lignée physique et philosophique, d’Anaximandre à Leibniz, d’Aristote à Berkeley ».

Rien de nouveau et de « provocateur » sous le Soleil, donc, mais on avance…

(*) Une version augmentée est récemment sortie sous le titre « Et si le temps n’existait pas ? »


[Ce message a été modifié par Gordon (Édité le 09-01-2013).]

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quote:
Le mot temps (shijian) n’arrive dans leur langue qu’à la fin du XIXème siècle, à partir du Japonais qui nous l’avaient emprunté

Si c'est vrai c'est très très étonnant, parce que jikan (le mot japonais) s' écrit, en Japonais, à l'aide des mêmes idéogrammes qu' en Chinois, et en Japonais les mots empruntés à des langues occidentales sont plutôt écrits en katakana. En plus "jikan" correspond à la lecture dite "chinoise" des caractères, ce qui indique généralement que le mot vient du Chinois.

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http://books.google.fr/books?id=THdSqekUb2oC&pg=PT61&lpg=PT61&dq=du+temps+jullien+shijian&source=bl&ots=UxZPw5c2_u&sig=Jr2lK8__f8At8p7IEfatZJFNLHk&hl=fr&sa=X&ei=EdPuUJ_9BJSq0AWh4oH 4Ag&ved=0CFIQ6AEwBg

Le mot existait déjà en chinois, mais pas dans le sens occidental (il signifiait "maintenant, à présent"). Il le prend à partir du Japonais jikan qui a traduit ainsi le "temps" occidental au XIXème siécle (et espace par kûkan).

Selon toujours ce bouquin de Jullien (Du temps, lien google ci-dessus).

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Voyons maintenant le point 3, avec l'étrange convocation de Wittgenstein.

3 (38 mn 50 sec) « Le monde est tout ce qui a lieu », cet aphorisme de Wittgenstein est en fait la première proposition logique du Tractacus…(lequel compte 7 propositions, la dernière étant la fameuse, « ce dont on ne peut rien dire, il faut le taire ») Il me semble que Barrau l’utilise à contre sens et fait ainsi de Wittgenstein un philosophe purement phénoménologiste, ce qui est un peu paradoxal pour celui qui est souvent considéré (en tout cas, en tant qu’auteur du Tractatus) comme à l’origine de la philosophie analytique (et aussi lié, bien qu’il s’en défende, aux débuts des positivistes du cercle de Vienne). Ce contresens apparent (je n’imagine pas qu’Aurélien Barrau n’ait pas les idées claires là-dessus, c’est plutôt l’effet d’une expression qui devient superficielle par excès de rapidité) trouve sans doute son origine dans la confusion précédemment relevée entre monde et univers.

Pour étayer ma thèse du contre-sens, je donne la parole à Wittgenstein, avec 3 paragraphes de son avant-propos au Tractacus :

"Le livre traite des problèmes philosophiques, et montre – à ce que je crois – que leur formulation repose sur une mauvaise compréhension de la logique de notre langue. On pourrait résumer en quelque sorte tout le sens du livre en ces termes : tout ce qui proprement peut être dit peut être dit clairement, et sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.

Le livre tracera dont une frontière à l’acte de penser, - ou plutôt non pas à l’acte de penser, mais à l’expression des pensées : car pour tracer une frontière à l’acte de penser, nous devrions pouvoir penser les deux côtés de cette frontière (nous devrions donc pouvoir penser ce qui ne se laisse pas penser).

La frontière ne pourra donc être tracée que dans la langue, et ce qui est au-delà de cette frontière sera simplement dépourvu de sens."

Et quelques aphorismes extraits, pour illustrer de quoi il s'agit (et en quoi l'usage que fait Barrau du 1. Le monde est tout ce qui a lieu, est à côté de la plaque cosmique...):

1.1 Le monde est la totalité des faits, non des choses.

1.13 Les faits dans l’espace logique sont le monde.

4 La pensée est la proposition pourvue de sens.

4.001 La totalité des propositions est la langue.

4.11 La totalité des propositions vraies est toute la science de la nature (ou la totalité des sciences de la nature).

4.111 La philosophie n’est pas une science de la nature (Le mot « philosophie » doit signifier quelque chose qui est au-dessus ou au-dessous des sciences de la nature, mais pas à leur côté.)


De quoi parle la cosmologie ? Du réel ? Des discours que l’on peut produire à son sujet ? Des possibles ? De ce qui est pensable ?
Sortir de la confusion, ce serait :

- Faire retour à la phénoménologie ! (« Retour aux choses mêmes ! » « Zu den Sachen selbst!“ », selon l’excellent programme de Husserl).
- Considérer l’objet de la science cosmologique, tel que défini par Lachièze-Rey, par exemple.

La question de fond , ici, dans la conférence, c’est le statut de l’hypothèse multivers (Note à l’attention de ChiCyg : Ce n’est pas un scénario, c’est une hypothèse produite par le modèle, sous contraintes).

Barrau fait montre (*), soit d'une très grande subtilité (une compréhension inédite de ce qu’a voulu dire Wittgenstein ? J’avoue avoir des doutes.), soit d'une colossale méprise : Wittgenstein avec son tractacus dénie à la philosophie toute prétention à parler de la réalité physique, de la nature.

Elle ne se prononce que sur les propositions, leur sens, ce qui « est le cas » (ce qui arrive, les faits, et non les choses). Il n’y a rien à « expliquer »…

Ludwig disjoint totalement philosophie et science. Il est par conséquent impossible de voir dans la phrase « Le monde est la totalité de ce qui est le cas» une quelconque définition d’un objet d’étude scientifique.

Il s’agit là du monde des énoncés que l’on peut produire à partir de la réalité, des possibles, et de la logique (la pensée = le langage), «… une des rares tentatives contemporaines de fonder axiomatiquement une doctrine de la substance et du monde « écrit Alain Badiou à propos du Tractacus (dans L’antiphilosophie de Wittgenstein).

Utiliser Ludwig W. pour expliciter l’hypothèse du multivers – observable et/ou réfutable – c’est se tirer une balle dans le pied en tant que scientifique. On ne saurait utiliser LW que pour parler de la cosmologie, en tant que théorie , et non du cosmos.


(*) Il insiste/persiste ici : http://www.laviedesidees.fr/Des-univers-multiples.html

Vers la fin : « Wittgenstein, substituant une dynamique des faits à une ontologie des choses, ouvrait le Tractatus avec le célèbre aphorisme « Le monde est tout ce qui a lieu ». C’est exactement ce que pourrait être le multivers : là où tout a lieu. Un monde diapré. Ailleurs, autres lois. Plus loin, autres dimensions. Structure gigogne du plurivers, infinis imbriqués, enchevêtrement de diversités. »

Quelle « dynamique des faits » (opposée à une « ontologie des choses ») dans un traité de logique ? Et en enchainant précisément sur une interprétation ontologique de la phrase pour soutenir le multivers… Je vais me répéter, mais c’est encore une fois très confus, cette formulation de Barrau. A se demander s’il a vraiment lu le fameux traité (seulement 80 pages, mais qui nécessitent un peu d’attention. Collection Tel, chez Gallimard ).

[Ce message a été modifié par Gordon (Édité le 16-01-2013).]

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quote:
Note à l’attention de ChiCyg : Ce n’est pas un scénario, c’est une hypothèse produite par le modèle, sous contraintes
On n'a pas les mêmes valeurs, nan, je rigole . Sérieux pour moi on construit un scénario sur la base de quelques hypothèses ce qui permet de faire "tourner" un modèle dont on compare les résultats à ce qu'on observe. Pour moi, un modèle ne produit pas d'hypothèse, en revanche il faut faire des hypothèses pour construire un modèle.

Ceci dit, j'ai lu le texte de Barrau, à part la fin qu'on peut aimer pour le style, ça fait joli , mais bon on l'a quand même déjà entendu dans la conférence :

quote:
Parce que la physique prédique ici sur des lieux invisibles, elle touche au mythe. Mais, de façon très singulière, c’est muthos qui, en l’occurrence et sans doute pour la première fois, semble issue de logos. Dans cette mytho-logie réenchantée et inversée, les lieux inaccessibles, les ineffables de notre physique, ne sont pas premiers : ils émergent, strictement et inéluctablement, de la trame mathématico-déductive. Nomos se déconstruit de l’intérieur avec l’apparition d’une porosité mythique de la physika.

... ça fait joli mais ça cache mal la pauvreté de l'argumentation, par exemple sur le cas probablement le plus simple :
quote:
Différentes théories prévoient donc l’existence d’univers multiples, à commencer par l’une des mieux établies, des mieux testées et des plus élégantes de toute la physique : la relativité générale. Le modèle d’Einstein, qui montre que la géométrie de l’espace-temps est façonnée par la matière qu’il contient, prédit effectivement un espace strictement infini dans deux des trois géométries utilisées en cosmologie.
Il confond déjà allègrement la relativité générale (l'espace-temps est façonné par la matière qu'il contient) qui est une théorie et non pas un modèle et les modèles d'univers qui peuvent être construits sur cette théorie en y ajoutant tout de même quelques hypothèses ... Suivant le choix de ces hypothèses on peut arriver à un modèle d'univers infini.

La perfidie du propos est d'écrire "le modèle d'Einstein [...] prédit un espace strictement infini dans deux des trois géométries" ce qui laisse entendre que la relativité générale prédit avec une probabilité des deux tiers un espace infini. Grave de produire de telles affirmations.

Il faut tout de même se poser la question du bien fondé des modèles obtenus, c'est fait pour ça : pour vérifier la cohérence des hypothèses et des théories. Or, à ma connaissance, les modèles d'univers en vogue ont un commencement, et ne sont donc pas compatibles avec un espace-temps infini on peut donc rejeter les deux modèles.

Mais il saute à pieds joints sur ce genre de considération (décidément il n'a pas lu Kant ) :

quote:
Ce n’est pas une possibilité mais une nécessité : parce que l’intégration est conduite sans borne, tout processus doté d’une probabilité d’occurrence non nulle doit être réalisé. Il existe ainsi, à une distance considérable mais finie, une copie à l’identique de notre monde dont le passé est similaire au nôtre mais dont le futur peut éventuellement différer.
Je n'insiste pas sur le "ce n’est pas une possibilité mais une nécessité" c'est le même procédé, faire croire que le mutivers "sort naturellement" des équations. Il procède aussi faussement avec les autres théories (boucles et cordes).

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"faire croire que le mutivers "sort naturellement" des équations"

J'ai du mal à suivre vos discussions hautement philosophiques, mais pour le coup, tu résumes sa pensée : c'est son mantra.

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Juste une petite question limite HS à Gordon : j'ai moi-même un master de philosophie,, et même si je suis plutôt spécialisé sur la pensée politique des 17e et 18e, j'en connais assez en épistémologie et en logique pour constater que tu maîtrise parfaitement la pensée de Witgenstein (que tu connais à la perfection) : as-tu fait des études de philo, ou es tu autodidacte en ce domaine? Si c'est le deuxième cas de figure, je te tire mon chapeau, bien des diplômés dans cette discipline ne comprennent pas aussi bien que toi ce penseur.

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ChiCyg :

"Sérieux pour moi on construit un scénario sur la base de quelques hypothèses ce qui permet de faire "tourner" un modèle dont on compare les résultats à ce qu'on observe. Pour moi, un modèle ne produit pas d'hypothèse, en revanche il faut faire des hypothèses pour construire un modèle."

Oui, c'est vrai, je me suis fort mal exprimé. Je pensais "modèle théorique", "cadre théorique", théorie en fait (et pas un modéle qu'on fait tourner), à partir de laquelle on peut formuler de nouvelles hypothèses (comme le multivers). En rejetant le terme de "scénario", je réagissais à un de tes posts antérieurs, où tu relevais le caractère spéculatif, voire gratuit, d'un scénario, par opposition à une théorie.

Pour donner un exemple, l'inflation est un scénario spéculatif, un récit sans assise théorique bien assurée, alors que le multivers est une hypothèse établie sur un socle théorique un peu plus solide. D'ailleurs, comme je l'avais signalé un peu plus haut, il y a des vérifications observationnelles envisageables (Sky and Telescope de Décembre) pour le multivers...alors que pour l'inflation, euh...


Eratosthène, de Wittgenstein je n'ai vraiment lu que le Tractacus (qui est un ouvrage assez fascinant, mais aussi fort discutable et criticable, notamment quant aux conclusions extrêmes. D'une certaine façon, c'est un échec, que Wittgenstein a fini lui-même par reconnaitre, mais c'était beau. Mais d'une ambition sans doute démesurée.)

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Gordon :
quote:
Pour donner un exemple, l'inflation est un scénario spéculatif, un récit sans assise théorique bien assurée, alors que le multivers est une hypothèse établie sur un socle théorique un peu plus solide.
Pas du tout d'accord, déjà simplement parce que dans la version 4 Barrau fait "émerger" le multivers d'une "conjugaison de la théorie des cordes et du scénario inflationnaire" (dans le lien que tu as cité : http://www.laviedesidees.fr/Des-univers-multiples.html ).
Dans ce dernier cas, tu m'accorderas que le multivers n'a pas un socle bien solide vu qu'il s'appuie à la fois sur le "scénario inflationnaire" et la théorie des cordes ...

Dans sa version 1 (un univers infini dans le cadre théorique de la relativité générale), j'ai cru montrer plus haut que ça ne tenait pas la route.

Restent la version 2 : en gros la superposition quantique serait une superposition d'univers "parallèles" et la version 3 où j'avoue ne pas avoir tout compris sur la gravitation quantique à boucles qui conduit à une "sélection naturelle des univers" par rebond au fond des trous noirs .

Pas très sûr que les équations accouchent spontanément de multivers , me semble plutôt que le physicien-philosophe-obstétricien Barrau manie le forceps sans beaucoup de ménagement

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