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La théorie du Big Bang

Allégorie du Big Bang. Doc T.Lombry.

Les lois de la nature (I)

L'Univers est essentiellement régit par la gravitation et sous l’emprise du temps. Même si "l'expérience" du Big Bang n'est pas reproductible, nos lois et nos modèles permettent de confirmer les données observationnelles et réconfortent les astronomes qui voient leur logique scientifique validée jusqu'au plus profond de l'espace.

Cette mise à l'épreuve de la théorie du Big Bang consiste néanmoins en un test permanent. Au fil du temps, les mesures se sont affinées mais simultanément de nouveaux phénomènes, parfois inexpliqués, ont été découverts. Cela a conduit les chercheurs à faire de nouvelles hypothèses qui ont conduit à réaliser de nouvelles observations et ainsi de suite.

Depuis les années 1980, le modèle du Big Bang chaud a été amendé avec la théorie de l'inflation et celle de la matière sombre et froide, le modèle ΛCDM. Combinées dans un nouveau cadre conceptuel, bien que nous sachions qu'il est encore incomplet, ce nouveau paradigme représente l'une des avancées les plus importantes de la cosmologie depuis la découverte du rayonnement à 2.7 K par Penzias et Wilson en 1965.

Mais avant de décrire cette nouvelle théorie du Big Bang inflationnaire, nous allons décrire plusieurs lois qui ont façonné le creuset de la cosmologie. Elles n'ont pas de bornes, mais leur intensité peut osciller au cours de l'évolution de l'Univers. Ces lois ont une portée universelle et nous permettent de mieux comprendre les principes directeurs de l’expérience du Big Bang.

Les 3 tests du Big Bang

La cosmologie moderne repose sur la théorie du Big Bang qui représente aujourd'hui le modèle cosmologique Standard. Validé depuis plus d'un demi-siècle, ce modèle cosmologique repose sur trois tests fondamentaux :

- Le décalage vers le rouge des galaxies : le décalage Doppler est proportionnel à la distance (De Sitter 1919, Hubble, 1929)

- L'abondance de l'hélium : les 25% d'hélium contenus aujourd'hui dans l'Univers s'expliquent par l'apport d'une nucléosynthèse primordiale (Gamow, 1948) qui détermine également le nombre de familles de neutrinos et l'abondance des baryons

- Le rayonnement de corps noir : les hautes températures régnant dans l'Univers primordial (plus d'un milliard de degrés) ont laissé une "empreinte" dans l'Univers sous la forme d'un rayonnement cosmologique (Penzias et Wilson, 1965).

Les 3 tests de l’inflation

Depuis les années 1980 toutefois, le modèle Standard n'explique pas ce qui s'est produit avant la première seconde et quelques phénomènes annexes mais d'importance. Il a donc été amendé par Alan Guth et consorts qui inventèrent la théorie de l'inflation qui repose sur trois tests fondamentaux :

- La densité moyenne proche de la densité critique Ω = 1 à 0.01%

- Les amplitudes des fluctuations de densité obéissent au modèle Harrison-Zel’dovitch

- Il existe de la matière sombre d’origine non baryonique.

Le modèle inflationnaire explique la géométrie (plate) de l'univers, les fluctuations de matière à toutes les échelles et leurs propriétés statistiques. A ce jour, toutes ces prédictions ont été confirmées avec une très grande précision.

Facteur d'échelle et distance comobile

Depuis les 1980, nous savons que la théorie selon laquelle les galaxies sont uniformément distribuées doit être nuancée car les galaxies se regroupent en fait en amas, formant une sorte de maillage régulier, troué d'espaces vides à l'échelle de quelques dizaines de millions d'années-lumière.

Observé à l'échelle du milliard d'années-lumière, la répartition des galaxies est encore plus hétérogène, formant des superamas dont certains s'étendent comme des murs sur des milliards d'années-lumière; l'Univers n'est pas homogène. Toutefois, si on considère l'Univers visible dans son ensemble, cet aspect grumeleux est plus ou moins régulier, si bien que certains cosmologistes se réfèrent encore au principe cosmologique pour considérer que les distances entre les galaxies peuvent être déterminées uniquement en fonction du taux d'expansion de l'Univers.

Bien sûr, ce facteur change au cours du temps : c'est le facteur d'échelle R qui exprime l'expansion de l'Univers. Il représente la distance r séparant deux points quelconques de l'espace en tenant compte d'une unité de longueur dans un système de coordonnées dit comobile qui suit l'expansion de l'Univers. Ainsi, si nous obervons une galaxie à z = 10, son décalage Doppler nous permet de déduire qu'elle se situe à 13.3 milliards d'années-lumière, c'est sa distance propre ou temps de regard. Mais aujourd'hui compte tenu de l'expansion (accélérée) de l'Univers, elle s'est éloignée et se situe à 31.5 milliards d'années-lumière; il s'agit de sa distance comobile χo. Les calculettes ci-dessous permettent de réaliser ce calcul. On reviendra sur cette notion très importante à propos des galaxies les plus lointaines.

Calculettes : Cosmological Calculator (modèle ΛCDM)

CosmoCalc, Edward L.Wright, UCLA

Cosmology calculator, ICRAR

L’échelle des distances cosmiques et les grands redshifts

A gauche du tableau présenté à gauche, les valeurs du décalage Doppler brut (z') et corrigées de l'effet relativiste (z). A droite du tableau, l'âge relatif de l'Univers. Pour z' = 0.6, z = 1.0, le facteur d'échelle vaut 1/(z+1). L'Univers avait donc la moitié de sa taille et de son âge actuels. L'image de droite illustre la progression de z par rapport à l'âge de l'Univers. Documents T.Lombry.

Ce facteur d'échelle est de bon aloi. Cherchant toujours une explication à touche chose, nous avons du mal à imaginer ce que serait un Univers dont le rayon serait infini. Inversement s'il est fini, il est borné quelque part avec une distance maximale. Ces deux cas étant indéterminés à ce jour, le facteur d'échelle supprime le besoin de connaître les dimensions de l'Univers. Ainsi, en observant des raies spectrales d'une galaxie très éloignée, nous pouvons dire sans nous tromper, ni mathématiquement ni intellectuellement, qu'un décalage Doppler de 40% signifie que sa lumière l'a quittée à une époque où le facteur d'échelle valait 40% de sa valeur actuelle. Sans connaître les dimensions de l'Univers, l'expression liée au facteur d'échelle suffit aux chercheurs pour qu'ils poursuivent leurs recherches sans mettre leurs théories en difficultés.

Mais cela ne veut pas dire que l'Univers était 40% "plus petit" qu'aujourd'hui bien que de nombreux auteurs l'expriment ainsi quand ils vulgarisent les découvertes en astronomie par facilité de langage. En revanche, il était plus dense et plus chaud. En effet, si l'Univers était infini à l'origine, quel que soit le décalage Doppler observé de nos jours, l'Univers reste infini. Ici nous atteignons les limites de notre compréhension et de notre imagination.

Reste un concept à élucider : la dilatation de l'espace dans...rien ! Il faut bien (essayer de) comprendre que l'Univers a toujours contenu tout l'espace, qu'il engendre lui-même. G.Lemaître[1] écrivait en 1967 : "[L'expansion de l'Univers] ne doit pas être conçue comme une expansion dans quelque chose; il n'y a rien d'autre que l'espace, c'est une expansion interne, une séparation progressive uniforme de tous les objets qui s'y trouvent. C'est une variation de la grandeur de l'espace."

A ce propos, les astrophysiciens chinois Fang Lizhi et Li Shuxian[2] utilisent une très belle expression du Tao chinois : "Le Tao engendre l'Un, Un engendre Deux, Deux engendre trois, trois engendre toute chose." La théologie judéochrétienne professe le même processus. Ainsi, les Maccabées ont écrit : "Ce n'est pas à partir de choses existantes que Dieu a créé le ciel et la terre." Si rien mis à part Dieu ou le Tao ne peut exister en dehors de l'Univers, ces deux concepts pourraient traduire en langage moderne que les objets ne sont pas en train de combler un vide préexistant, c'est en fait la taille de l'Univers qui a changé, l’Univers créant son propre espace ex nihilo.

    

Document Science@NASA.

   

Dit simplement, il faut considérer que lors de la naissance de l'Univers, les distances entre les objets étaient proportionnelles à celles que nous mesurons aujourd'hui, mais l'Univers avait une autre échelle. Ce ne sont donc pas les objets qui s'éloignent dans l'espace, mais l'espace lui-même qui se dilate, entraînant son contenu. En quelque 13.8 milliards d'années, les lois de la physique nous disent que le facteur d'échelle fut multiplié par près de 1100. On y reviendra.

Dans un Univers primordial dont on ne connaît pas les dimensions, l'accélération initiale donna aux objets qui se sont formés très tôt, donc très distants aujourd'hui, une vitesse de propagation vertigineuse, proche de la vitesse de la lumière.

Dans cet Univers, quelles que soient ses dimensions, la notion même "d'extérieur" n'a pas de sens puisque tout l'espace accessible définit une entité née d'un Big Bang primordial, lequel n'a ni explosé ni eu lieu dans une enceinte. Cette image que tout le monde utilise est une analogie bien commode mais très éloignée de la réalité pour décrire l'un des évènements les plus énigmatiques sur lequel l'homme se soit penché.

Une autre manière d'expliquer l'expansion propre de l'Univers se base sur la loi de conservation de l'énergie, démontrée par Laplace et Pauli. Lorsque l'Univers n'était pas plus grand qu'un quark, lorsque la matière était en prise à l'antimatière et qu'ensuite les premiers nucléons se sont formés, ces associations durent être compensées par une libération d'énergie, une perte de masse qui se libéra dans l'Univers naissant. Il devait donc déjà exister 10-35 s après le Big Bang un environnement pour recevoir cette énergie, dont la taille se confond avec les dimensions des particules qui le composait.

Un tel phénomène impose déjà que l'Univers soit en expansion; s'il ne l'était pas, l'Univers serait en équilibre, dans un état stationnaire. Tout rayonnement émis serait réabsorbé avec le temps, condamnant à terme le développement de tout système organisé et de la vie. Le degré d'organisation, ou plutôt l'entropie de l'Univers reste pour nous garante de notre survie. Nous en reparlerons.

Nous développerons d'autres concepts lorsque nous décrirons à proprement dit la théorie du Big Bang dans les pages suivantes mais avant tout une introduction s'avère utile. Sans approfondir le formalisme des théories cosmologiques, plusieurs "postulats" ne deviendront clairs qu'une fois leur formulation mathématique établie. Sans cela, le texte risque de ressembler à un récit ex cadedra. Mais pour votre soulagement, sachez qu'il n'est pas nécessaire de démontrer ces formules pour comprendre leurs implications. Le texte illustré d'exemples concrets permettra d'éclaircir cette symbolique et la raison d'être de certains nombres.

Les fluctuations adiabatiques de densité

Pour expliquer la structure actuelle de l'univers sur laquelle nous reviendrons, à l'époque du Big Bang et jusqu'au découplage survenu 380000 ans plus tard, il faut tenir compte des fluctuations adiabatiques de densité, c'est-à-dire de perturbations de densité conservant l'énergie (donc sans transfert de chaleur) et dont la chaleur augmente lorsque la matière est comprimée, par opposition au mode isotherme à température constante qui n'est pas conforme à la réalité.

Ces fluctuations de densité se comportent à la manière des ondes sonores dans l'air; elle sont sensibles à la pression, générant des zones alternant des fronts de compression et des vides de matière et s'amortissent, se dissipant au cours du temps.

Les perturbations primordiales présentant les plus grandes longueurs d'ondes (basses fréquences) piègent plus facilement les photons que celles de courtes longueurs d'ondes qui ne parviennent pas à comprimer le rayonnement. Comme les ondes sonores aiguës, les perturbations de courtes longueurs d'ondes se dissipent donc plus vite et font rapidement disparaître les fluctuations à cette échelle, c'est-à-dire les petites fluctuations gravitationnelles peu massives. Dans le jargon des physiciens on dit que ces perturbations sont lissées ou amorties. Ainsi, seules les perturbations adiabatiques dont la longueur d'onde est supérieure à une valeur critique peuvent retenir les photons (et sans photons elles ne sont pas amorties).

Sous l'effet de l'expansion de l'univers, cette valeur critique augmente et donc des perturbations ayant des longueurs d'ondes de plus en plus grandes finissent également par s'amortir. Au moment du découplage, l'échelle à laquelle l'amortissement se produit englobe des régions de 1012 M. Cela signifie qu'à ce moment là, la longueur d'onde du rayonnement est capable de lisser et donc de détruire des perturbations gravitationnelles dont la masse est supérieure ou égale à celle d'une grande galaxie de mille milliards d'étoiles (c'est une image car elles n'existent pas encore) ! La taille angulaire de ces perturbations fait partie des 6 paramètres cosmologiques caractérisant l'univers primordial mesurés par le satellite Planck, il s'agit des oscillations baryoniques acoustiques (BAO). Etant donné qu'elles ont grandi en fonction du facteur d'échelle, leur dimension est de l'ordre de 100 à 150 Mpc soit près de 500 millions d'années-lumière. Concrètement, on retrouve l'empreinte de ces ondes acoustiques dans la distribution des amas de galaxies.

Puis soudainement, nous verrons qu'après le découplage, ce processus s'est effondré et l'amortissement des ondes de pression ne s'est plus produit. On expliquera plus loin pour quelles raisons.

Aussi, tant que la pression du rayonnement domine sur celle de la matière, les fluctuations de matière sont figées; la composition de l'Univers ressemble à une soupe visqueuse ou une glu opaque de particules élémentaires baignant dans un rayonnement très intense (dépassant l'énergie des rayons gamma). Il faut attendre le découplage entre rayonnement et matière pour que cette dernière puisse se déplacer librement à travers le rayonnement et inversement. Dès cet instant, les instabilités gravitationnelles pourront influencer la distribution de matière et déclencher l'effondrement des nappes de gaz dès que les conditions seront réunies.

La masse de Jeans

Dès l'instant où la matière domina sur le rayonnement, l'interaction électromagnétique puis la gravitation déclenchèrent la formation des nucléons puis des atomes et des molécules pour finalement les rassembler dans d'immenses nappes de gaz qui formèrent les protogalaxies et les protoétoiles.

Pour comprendre l'interaction gravitationnelle qui unit les astres depuis le Soleil jusqu'aux nébuleuses et aux galaxies, les astronomes ont dû quantifier la relation qui liait la pression interne d'une masse à la force de la gravitation. En 1902, William Jeans trouva une formule qui donnait la masse minimum nécessaire pour que la gravitation d'un corps puisse vaincre sa pression, la première tendant à le comprimer, la seconde à le disperser. Il s'agit de la masse de Jeans, Mj qui s'écrit :

avec p, la pression interne

G, la constante de la gravitation

ρ, la densité de la matière.

Mais cette équation est un modèle statique d'un univers purement baryonique qui ne tient pas compte du temps. Or le temps est une variable fondamentale qui, comme nous le verrons dans un instant influence de façon exponentielle l'effet de la gravitation[3].

En tenant compte du fait que la masse de Jeans augmente en fonction du temps et que les ondes de pressions de plus en plus grandes s'amortissent, la force de la gravitation dépassera la pression ρ à partir de l'instant où la longueur d'onde du son λs sera supérieure à la longueur de Jeans, Lj :

Lj = λs √(π/Gρ)

En effet, jusqu'à l'époque du découplage matière/rayonnement (voir plus loin), lorsque le rayonnement (y compris la matière animée d'une vitesse relativiste) dominait encore la matière, la pression provenait essentiellement des photons plutôt que du mouvement désordonné des protons encore peu nombreux. Dans ces conditions, la physique nous dit que la pression variait comme la quatrième puissance de la température tandis que la vitesse du son était de l'ordre de la vitesse de la lumière, environ √(c/3). Toute perturbation permettant l'émergence de la matière s'amplifiait en fonction directe du temps.

Au moment du découplage, le phénomène inverse se produisit et la matière domina le rayonnement : les forces de pression ont considérablement diminué et la masse de Jeans chuta en dessous d'une masse Mj voisine de 1012 M. Dès cet instant, la vitesse du son varia en fonction inverse du rayon de l'Univers, les perturbations évoluant comme le facteur d'échelle et proportionnellement à t2/3. Les perturbations eurent dès ce moment un comportement dit "acoustique". Comme évoqué plus haut, on y reviendra à propos des résultats de la mission Planck car le rayonnement cosmologique a conservé la trace de ce phénomène.

Plusieurs variations du modèle de Jeans sont possibles et Joseph Silk du Caltech à Berkeley proposa diverses hypothèses et leurs solutions plus ou moins compatibles avec la structure de l'univers (mode adiabatique, isotherme, matière sombre non baryonique, etc.). D'une manière ou d'une autre les différentes théories peuvent être corrélées moyennant certains ajustements avec les observations. Mais de façon générale le modèle de Jeans donne la quantité de matière nécessaire pour lier un système gravitationnellement, que ce soit une planète, un amas globulaire ou une galaxie de 100 milliards d'étoiles.

Deux solutions essentielles ont été proposées, dont nous retiendrons la plus intuitive. Elle appartient à l'école soviétique, soutenue par Zel’dovitch et Novikov[4] qui fut modifiée pour tenir compte de la matière sombre et froide. Le dénominateur de l'équation Mj étant infime, sous l'effet de fluctuations adiabatiques, comme nous venons de le voir, juste avant le découplage la masse de Jeans se chiffrait en milliers de milliards de masses solaires. Seules les entités cosmiques les plus massives ont pu s'agglomérer à cette époque. Il s'agissait des grands halos de matière diffuse mêlée d'énergie sombre - celle-là même qui captura les baryons - et qui encore aujourd'hui enveloppent les galaxies et les superamas.

Pour obtenir les grandes structures que nous observons dans l'univers, il fallut que la matière se refroidisse efficacement et soit suffisamment dense pour que ces immenses nuages de gaz de plus de 100000 années-lumière de diamètre se fragmentent pour former les protogalaxies. Lorsque les conditions de température et de densité permirent l'effondrement gravitationnel de structures plus petites, les zones plus denses de ces protogalaxies finirent par former les protoétoiles, celles de Population III. On y reviendra.

Les détails de ce processus dépendent de la nature de la matière sombre et notamment de l'interaction des particules lourdes. Dans sa version la plus simple proposée par Novikov[5], des neutrinos massifs permettraient de créer la succession des entités cosmiques. Mais cette simulation a été faite en deux dimensions et rien ne dit que des structures identiques peuvent apparaître dans l'espace, d’autant que d’après les expériences visant à détecter les neutrinos, leur masse serait relativement faible, bien que leur profusion contrebalance leur légereté.

L’univers thermodynamique : un système en équilibre

Avant de poursuivre nos investigations, il est également utile de se rappeler les rudiments de la physique qui ont permis aux physiciens, cosmologistes et astrophysiciens de déterminer les différents paramètres thermodynamiques de l’univers. Les chiffres qu’ils nous proposent n’ont rien de magique !

Pour rendre compte des différents phénomènes qui vont se produire au cours de l'expansion de l'Univers, quelques lois doivent être connues :

En bonne approximation, tant que la densité d'énergie du rayonnement est supérieure à la densité d'énergie de la matière, on peut considérer l'Univers comme un système gazeux en équilibre dans lequel la température T est une fonction du temps t :

T (K) = 1010 K / √t

Ainsi, 1 seconde après le Big Bang la température était de 10 milliards de Kelvins.

La densité de l'énergie du rayonnement ρe vaut :

ρe = 106 / t2

Ainsi, 1 seconde après le Big Bang, la densité de l'énergie était de l'ordre du MeV ou l'équivalent (selon la relation E=mc2) de 106 g/cm3, voisine de celle des rayons gamma.

Concernant la densité d'énergie de l'Univers, sachant que l'énergie des photons varie proportionnellement à la température T et que le nombre de photons est proportionnel à T3, de façon générale la densité d'énergie ρ du rayonnement (des photons, neutrinos et gravitons) est proportionnelle à T4 alors que la densité d'énergie de la matière est proportionnelle à la température :

ρ ≈ T4           (1)

La quantité d'énergie rayonnée par unité de volume s'exprime soit en erg/cm3 dans le système CGS soit en joule dans le Système International (1 erg = 10-7 J) ou encore en électron-volt (eV) : 1 erg = 100 nJ = 6.25 x 1011 eV.

Le rayonnement de l'Univers primordial étant assimilé à celui d'un corps noir, la densité d'énergie ρr du rayonnement de l'Univers porté à la température T vaut :

ρr = aT4, avec a = 7.56 x 10-15 erg/cm3K4

ce qui donne exprimé en électon-volt :

ρr = 47.25 x10-4 x T4  (eV/cm3)                

Ainsi, pour T=1010 K, ρr = 4.725 x 1037 eV/cm3 (~1028 GeV/cm3). Pour 1032 K comme il régnait probablement à l'époque du Big Bang, on obtient une valeur de l'ordre de 10128 eV/cm3 en se rappelant qu'aux premiers instants de l'Univers, sa taille était largement inférieure à celle d'un quark. Cela représente une quantité d'énergie littéralement astronomique et inconcevable qui explique à elle seule sa capacité à créer tout un Univers ! On y reviendra.

Rappelons à présent l’équation thermodynamique de l’Univers (métrique FRW) déjà évoquée à propos de la théorie inflationnaire :

dr/dt + 3(ρ + P)(dR/dt) / R = 0

avec ρ la densité (sous toute ses formes : celle de la matière et celle de l'énergie), P la pression et R le facteur d'échelle décrivant l'expansion de l'Univers.

La relation (dR/dt) / R = H(t), c'est-à-dire la dérivée du facteur d'échelle par rapport au temps, représente le paramètre de Hubble, H, dont la valeur à l'époque actuelle est notée Ho.

On peut alors calculer la densité radiative ρr. Si la pression P = 1/3 ρc2, g(T) est la contribution de toutes les particules élémentaires à l'époque donnée et si les constantes sont prises pour unité, h = c = k = 1,

On peut en déduire que lorsque l'Univers était en équilibre thermique, son rayon r, ou plus précisément son facteur d'échelle variait en fonction de la racine 4e de l'inverse de sa densité ρr :

ρr = 1/ r4        (2)

r  = (1/ρ)1/4    (3)

A partir des équations (1) et (2) on peut donc considérer que la température variait en fonction inverse du rayon de l’Univers :

r ≈ T4 ≈ R-4     (4)

T  ≈ 1/R          (5)

Gardons bien ces relations en mémoire. Elles nous permettront de mieux comprendre le rôle des seuils d'énergie et de température.

Nous allons à présent introduire le paramètre de Hubble et expliquer son rôle en cosmologie.

Prochain chapitre

L'expansion de l'Univers

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[1] G.Lemaître, Revue des Questions Scientifiques, 138, 1967, p153.

[2] Fang Lizhi et Li Shuxian, "La naissance de l'univers", InterEditions, 1990.

[3] Voir plus loin la définition du "temps caractéristique". Celui-ci est proportionnel à √(Gρ), ρ étant la densité.

[4] Y.Zel’dovitch, Astronomy and Astrophysics, 5, 1970, p84. Notons que la deuxième solution propose tout d'abord la formation des petites structures (amas globulaires et galaxies naines de 106 M) puis seulement leur fusion dans de vastes entités, c'est le modèle hiérarchique soutenu par l'école américaine (Peebles).

[5] I.Novikov, Proceedings of the International School and Workshop on Plasma Astrophysics, ESA SP-161, Varenna, 1981, p179.


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