A grande distance, la matière de l'univers est isotrope. Mais dans une minuscule sphère locale de 70 millions d'al de rayon, c'est tout l'inverse. Tous les printemps, je revisite le centre du monde. Quand c'est la gare de Perpignan pour Salvator Dali, moi, je prends mon billet pour Leo-Coma-Virgo.
Hier 10 mai, c'était mon 2e soir de balade avec le C6. En m'attardant sur le triplet du Lion, puis l'Oeil de Chat (M64) et M85. Conditions presque idéales: pas un nuage à Hourtin, sur la côte atlantique. En terminant vers minuit, histoire de vérifier furtivement que M81 et M82 sont bien là, je remarque que l'aube commence à se lever sur l'horizon N, un halo uniforme bleu clair. Ah bon? Ce doit être les fêtards du Frenchman (triathlon couru ce week-end) qui illuminent les environs.
Le temps de ranger, je ressors vers 0h10 (heure légale du 11/05), ayant en tête le conseil de Fabrice Mottez de surveiller l'apparition d'aurores boréales après 3h du matin. (J'ai peut-être mal compris...) Stupeur! Le spectacle est en avance, et a peu de choses en commun avec l'idée que je m'en faisais. (C'est mon baptême en matière d'aurores).
Imaginez que je suis au pied d'un immense pot de fleurs posé au N. Tronc de cône materialisé le long de ses méridiens par 5 faisceaux rectilignes, convergeant vers un même point à l'intérieur de la Terre. L'angle du cône est celui d'un pot de fleurs standard. La structure est limitée à l'O au quart de la distance Castor->Capella, et à l'E, elle déborde le petit bras de la croix du Cygne. Donc 95° de largeur en azimut. Pendant 80 minutes, je vais observer. Et partager avec ma chère et tendre, comme ça, on aura economisé 2 AR en avion pour Reykjavik...
Evolution:
_ Pas de mouvement. Pas de draperie.
_ Lentes apparitions des faisceaux (1mn), plateau (1mn), lente disparition (3mn). Ces faisceaux apparaissent par bouffées de 4 à 12, simultanément, jamais aux mêmes endroits. Les nouveaux faisceaux se juxtaposent aux rémanents des faisceaux du cycle précédent.
Un faisceau est extraordinairement net pendant son plateau, il tranche avec une bande sombre adjacente. Sa largeur fait entre 2° et 5°. Il traverse le demi-ciel N en s'estompant depuis l'horizon N jusqu'au demi-cercle E-O. Même dégradé que les branches du Y de la couronne solaire pendant l'éclipse 2017, mais sur 90° d'angle. Il peut atteindre le zénith dans la Grande Ourse, mais ne le dépasse pas. Comme pour la couronne, la structure interne du faisceau est parfaitement radiale. Pas de torsion. Couleur: gris légèrement bleuté.
_ Même cycle temporel pour des "nuages" circulaires semblables à un aérosol de jus de framboise. Dégradé du centre vers une périphérie mal définie. Ces nuages de diamètre 20° à 30°, situés de 20° à 60° au-dessus de l'horizon, apparaissent par bouffées simultanées de 3 à 4. Ils occultent les faisceaux situés en arrière-plan. Le plus lumineux d'entre eux masque totalement Céphée. Plus aucun n'apparaît après 0h45.
_ Et près de l'horizon N, à une hauteur de moins de 20°, Cassiopée barbote dans une vinaigrette fluo. De plus en plus lumineuse au fil du temps, comme si survenait l'aube d'un jour vert.
_ Plus tard, à 3h du mat, fini, tomber de rideau. Royan, 50km au N, a dû s'appeler Tchernobyl pendant 2h...
_ Mes photos et mes vidéos sont toutes ratées.
Hier soir j’observe le Sombrero quand subitement l’intensité lumineuse augmente drastiquement autour de moi. Je me retourne, pensant vaguement à crier « lumière ! » : il y a une grange derrière moi, plein nord, et je me dis qu’un inconscient a dû allumer un projecteur. Et là, stupeur et tremblements : l’horizon est bleuté, on dirait que l’aube se lève, mais une aube qui surgirait plein nord ! Puis apparaissent des piliers de lumières, qui vont en s’affirmant jusqu’au zénith. Et l’horizon s’élargit : c’est maintenant du nord-ouest où se couchent les Gémeaux, au nord-est où se lève le Cygne que surgissent ces colonnes de lumières. Le tout monte jusqu’au zénith, c’est toute la demi-sphère céleste nord qui est prise. Splendeur et magnificence !
Tout ça a duré de minuit et quart jusqu'à l’aube, avec une intensité variable : de pleins feux à presque éteint, au bout d’une heure (soit de 00h15 à 01h15 environ), avec ensuite des résurgences d’intensité variable.
Stupéfait j’étais. Il faut dire que c’est ma première aurore boréale (je n’ai encore jamais fait le voyage au nord) et voir toute une demi-sphère céleste animée de lueurs plus ou moins intenses est un spectacle fantastique. Je précise que je suis dans le Bas-Rhin, en proche campagne strasbourgeoise !
J’ai fait quelques photos au téléphone, dans l’urgence et à main levée, qui sont évidemment très bruitées et ne rendent absolument pas justice à la finesse, à l’intensité et à la surface couverte par le phénomène :
Le premier Mai, lorsque les conditions sont enfin réunies pour faire un peu d'imagerie, on ne chôme pas, on n'hésite pas non plus à travailler de nuit !
Le setup : C11 XLT + ASI178MM + filtre rouge Baader + AstrosurfaceV2 + photoshop
distance 373600 km, élévation 46° au dessus de l'horizon, seeing 6 à 7/10
J'ai peaufiné un peu le traitement et innové en réduisant le bruit
bonne ballade
Pitatus, Hésiodus et leurs rimae respectives
Hainzel et Schiller
Clavius :
Platon et son jeu d'ombres portées:
détails de la muraille externe d'Archimède, dont l'intérieur est plongé dans la nuit :
l'extrémité des Appenins, Eratostène, le cratère fantôme Wallace et Stadius
Copernic, Stadius et Eratostène :
Le mur droit ( ou le mur blanc ?), rima Birt et Thebit :